• A. Abrassart sur la math. pyth.

     

    Auteur-compositeur-interprète ("The True" Scorpio Rising), Antoine Abrassart est aussi romancier, professeur de philosophie et diplômé en psychologie.

    La lettre ci-dessous a reçu une réponse au moins partielle dans l'article : La théorie générale du signe.

     

     

     

    07 / 09 / 2012

     

     

     Cher Guillaume,

     


    Ta réponse m'apparaît convaincante globalement, même si pour ma part je relierais quand même, sans l'y réduire, le libéralisme au calvinisme, comme le faisait Max Weber, éclairant ainsi l'énigme de l'accumulation primitive.
    Je ne vois pas pourquoi tu ne souhaites pas que les gens te répondent sur ton blog. Je trouve plutôt ces échanges enrichissants et encourageants. Je trouve d'ailleurs que tu donnes au passage des éléments biographiques qui éclairent de manière bien plus directe ton travail. Il me semble que l'unité que l'on peut voir dans ta démarche, linguistique puis mathématique, est le souci justement de substituer la "monstration" (je me réfère également à une conversation que nous avons eue cet été) à la démonstration, et d'installer le lecteur dans le double reflet du nombre et de la figure, en lui interdisant de privilégier l'un ou l'autre, et en évacuant ainsi la question de l'origine. La monstration permettrait de voir l'unité, sans la décomposer, et éviter de faire, à l'aide d'une démonstration de l'un avec du deux.  Avec ces indications, il me semble entrevoir les deux bouts de ta chaîne. Du côté du langage, je te prêterais ce propos : c'est parce que quelque chose remplit telle fonction que l'on est conduit, par manque d'attention à cette fonction, à décomposer le phénomène en rapport d'un signe et d'un sens, ou, si l'on veut, d'un signifiant et d'un signifié, à négliger la pragmatique au profit de la sémantique. Il me semble que ton intérêt pour la mathématique pythagoricienne, et ton souci de ramener nombres et figures à la tétractys, répondent aux mêmes ambitions.  Ce qui me manque est ceci : qu'est-ce qui te conduit à passer de l'étude du langage à l'étude des mathématiques et de la géométrie ? Je serai plus direct : y vois-tu une structure commune ? Encore plus direct : qu'as-tu contre la démarche consistant à décomposer un en deux ? Je pense que tu devrais saisir l'occasion que te fournissent ces demandes de tes interlocuteurs pour ressaisir l'unité de ta démarche, car le biographique ici n'a rien d'anecdotique mais montre l'ossature générale d'un projet dont on perd l'unité lorsqu'on s'égare dans ses développements plus pointus et techniques. L'idée d'un film me paraît excellente mais je crois que tu devrais viser un film où s'exprimerait l'unité linguistique, géométrique, mathématique et musicale que pointent tes écrits, et qui serait l'occasion de saisir, sous une forme sensible, cette unité. Une belle forme, décourageant tout projet de décomposition, rendrait même oiseuses les questions que je te posais ci-dessus. Je suis certain que le sensible relancerait ton goût pour l'expression verbale, comme peut le relancer l'association miraculeuse, parfois, d'images et de musique. Je suis de plus en plus persuadé du génie d'auteurs tels que Nietzsche ou Wittgenstein (Ponge aussi, en poésie, co-engendrement de phrases et de choses) chez lesquels sens et forme de la phrase demeurent indissociables, dont les phrases, par leurs formes mêmes, interdisent le projet de dissociation, de décomposition. 
    Bien à toi.

     

    (Antoine Abrassart - "The True" Scorpio Rising)

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