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Richard L. Crocker : Pythagorean Mathematics and Music
L'auteur. Richard L. Crocker. Musicologue américain né en 1927, auteur de nombreux ouvrages et articles sur les musiques médiévale et ancienne. Après avoir enseigné l'histoire de la musique pendant près de 40 ans aux universités de Yale, puis de Berkeley, il entreprit, à sa retraite, d'enregistrer l'intégralité du plus ancien répertoire de chants grégoriens, d'après une nouvelle interprétation de la notation. Ces enregistrements sont disponibles sur son site personnel, où un extraordinaire voyage musical est promis au visiteur.
Site personnel : Richard L. Crocker - A Gregorian Archive
Même si elle ne concerne qu'une partie de notre sujet, puisque les implications cosmologiques de la théorie musicale n'y sont pas développées, cet étude fournit une excellente introduction à celui-ci, du point de vue particulier qui est celui de notre blog. Par un parti pris de méthode, Crocker décide en effet de limiter l'enquête sur la mathématique pythagoricienne aux éléments qui pouvaient être connus aux environs de 400 av JC, soit à l'époque où étaient encore actifs les derniers représentants d'un courant pythagoricien antérieur à Platon, tels que Philolaos et Archytas. Même s'il n'ignore rien des débats sur l'origine mésopotamienne de la théorie musicale, il estime alors que celle-ci ne peut faire l'objet que de reconstitution spéculative, et ne peut s'appuyer sur une certitude historique suffisante. Depuis cet article, Crocker a toutefois abordé la question mésopotamienne. "Mesopotamian Tonal Systems." Iraq 59 (1997). Et une dernière mise au point est attendue dans un mémoire à paraître prochainement sur son site personnel : Tuning the Diatonic System, qui reprendra l'ensemble de ses idées sur la théorie musicale.
Crocker nous confie n'avoir pas d'intérêt personnel pour le thème de la musique des sphères, qu'il considère comme une fantaisie littéraire; son intérêt se limitant aux applications théoriques de l'arithmétique pythagoricienne à la musique. Son étude se propose de "décrire quelques unes des opérations de base de l'arithmétique pythagoricienne, et montrer le rapport qu'elles entretiennent avec la théorie musicale." Si elle nous intéresse de manière directe, c'est précisément par la hardiesse avec laquelle elle admet l'existence d'une mathématique pythagoricienne, c'est à dire d'un ensemble de concepts unis par des liens organiques, et constituant un outil intellectuel original; point de vue qui reste aujourd'hui loin d'être une évidence, et que son auteur a constamment maintenu depuis. Crocker reprend, dans l'état où il les trouve, les éléments classiques du dossier de l'arithmo-géométrie pythagoricienne; mais, du fait qu'il présuppose entre eux une continuité et une cohérence continue, ces éléments se présentent dans un ordre logique beaucoup plus serré qu'il n'est habituel. La discussion commence par un examen très pertinent du statut du point pythagoricien, symbolisant l'unité arithmétique. On enchaîne par la théorie des nombres figurés (triangles, rectangles et carré), le gnomon, la réduction des accords musicaux à des rapports d'entiers; tandis que la seconde partie évoque la grande tétractys, les proportions géométriques double et triple, le lambda de Platon, ou encore la démonstration par Archytas de la non-rationalité des rapports épimoriques de la forme (n+1)/n, signalée sur ce blog par P. Brémaud.
Cet article a paru pour la première fois, en deux parties, dans le Journal of Aesthetics and Art Criticism. n°22. 1963/64. 1ère partie - p. 189-198; 2ème partie - p. 325-335.