• La peinture templière du solstice à Montsaunès

     

     

     

     

     

    La peinture templière du solstice

     

    à Montsaunès

     

     

     par G. Denom et R. Bayou

     

     

     

     

    Considérez comment croissent les lis: ils ne travaillent ni ne filent; cependant je vous dis que Salomon même, dans toute sa gloire, n'a pas été vêtu comme l'un d'eux. Mathieu, VI, 28.

     

     

     

     

     

    0. LA SCENE PRINCIPALE : LA PORTE DES DIEUX

     

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

     Le Sagittaire fléchant le Capricorne

     

     

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

    Le carré du centaure

    Une composition en 4 parties qui se lit en sens "horaire", à partir du coin en haut à droite : 1. Lancer de flèche. 2. Le rectangle de Fibonacci. 3. La Jérusalem céleste. 4. Le chrisme.

     

     

     

    La scène principale représente le Sagittaire fléchant le Capricorne, symbole zodiacal qui désigne la période du solstice d'hiver, et du passage à la nouvelle année.

     

    Le symbolisme des portes solsticiales est l'un de ceux dont René Guénon a le mieux démontré le caractère universel. Pour reprendre son vocabulaire, ce thème se situe à la jonction de deux catégories de symbolisme, l'un temporel, celui de la manifestation cyclique, et l'autre spatial, celui de la forme cosmique ; les deux catégories se trouvant ici coordonnées l'une à l'autre, et reconduites à un principe qui les précède, ou les sous-tend, puisqu'à une certaine division de temps, un tour d'horloge, qui est celui de l'année, est associée une révolution du ciel, qui suppose un parcours complet de celui-ci en tant que forme.

     

    Dans de nombreuses traditions, les solstices d'été et d'hiver sont considérés comme des pôles de l'année, auxquels correspondent, à chaque extrémité de la voie lactée, les divisions du zodiaque dans lesquelles pénètre le soleil à ces époques de l'année, chacun de ces pôles constituant une porte du ciel par laquelle les âmes, respectivement, « descendent » dans la génération et la manifestation individuelle, ou « remontent », pour celles qui y sont appelées, hors du monde manifesté. Au solstice d'été, lorsque le soleil entre dans le signe du Cancer, est la porte des hommes, qui est celle de l'entrée dans la caverne cosmique, par laquelle les âmes descendent dans la manifestation ; tandis qu'au solstice d'hiver, lorsque le soleil entre dans le signe du Capricorne, est la porte des dieux, qui est celle de la « sortie » ou de la remontée des âmes vers l'éther supra-cosmique.

     

    Au symbolisme de la porte s'associe très naturellement, dans certains cas, celui de la clef et de l'ouverture ; et dans cet ordre d'idées, René Guénon a relevé les nombreuses concordances qui existent entre le symbolisme de Janus, dieu de l'année, détenteur des « clés du temps », et la doctrine védique du vêda-loka et du pitri-loka, relative aux portes solsticiales.

     

    Mais il constate aussi que ce symbolisme rencontre, en de nombreux endroits, un ensemble de traditions d'origine pythagoricienne, dont le témoin le plus éloquent est L'Antre des Nymphes de Porphyre.

     

    Dans cet écrit extraordinaire, témoin d'un âge bien plus ancien de la tradition pythagoricienne, pour lequel les œuvres d'Homère et d'Hésiode jouaient le rôle d'ancien testament, Porphyre analyse le mythe homérique de la « caverne d'Ithaque », ou Antre des Nymphes, sanctuaire ou caverne initiatique dans laquelle des naïades se livrent à d'énigmatiques travaux.

     

    « Les anciens, nous dit Porphyre, consacraient avec raison les antres et les cavernes au monde pris dans sa totalité ou dans ses parties. » Mais il remarque aussi que, chez les Perses comme ailleurs, les cavernes étaient souvent des lieux d'initiation ; le même sanctuaire pouvant avoir en même temps la fonction de symbole du monde sensible, et de lieu consacré aux rites initiatiques. A ces données persanes, explicites dans le culte de Mithra, Porphyre associe un ensemble important de traditions pythagoriciennes, dans lesquelles le zodiaque occupe une place centrale, pour lesquelles ses principaux témoins sont les écrits de Numénius et de Cronius.

     

    «  Ces deux auteurs disent qu'il y a dans le ciel deux points extrêmes... Le point estival est sur le signe du Cancer, le point hivernal sur le signe du Capricorne... On dit que le Cancer est la porte par laquelle descendent les âmes et le Capricorne celle par laquelle elles remontent... Mais c'est à juste titre que dans le récit d'Homère la région dans laquelle se situe la première porte est attribuée à la descente des hommes, tandis que celle où se situe la deuxième est attribuée non aux dieux, mais à ceux qui montent vers les dieux. Pour cette raison le poète ne dit pas : le chemin des dieux, mais des immortels, expression qui convient aussi aux âmes qui par elles-mêmes ou par essence sont immortelles. »

     

      

    La flèche du centaure

     

    Dans la riche tradition dont on a pris ici un aperçu, le solstice d'hiver constitue le pôle de l'année, en tant que point de suture, ou de nouage de l'ancienne ancienne année avec la nouvelle, d'une part, mais aussi, dans l'ordre spatial, en tant que période de retour du soleil dans un intervalle précis, entre deux divisions du zodiaque, après une révolution qui l'a vu accomplir un tour complet de la circonférence du ciel.

     

    Mais l'essentiel se situe encore dans une troisième chose, qui est la conjonction ou la coïncidence de ces deux événements, et qui n'est, de soi, ni temporel, ni spatial, ni un « instant » particulier de l'année, ni un « point » particulier de la bande du zodiaque, mais précisément la coïncidence de ces deux réalités, qui peut apparaître comme la signature de leur commune origine, du principe indivis dont procèdent ces deux dimensions de la réalité que sont pour nous l'espace et le temps.

     

    Et il faut convenir que la condition empirique de l'homme ne permet jamais de les séparer complètement l'une de l'autre. Au déploiement ou à la création d'un certain univers-espace, de dimension définie, correspondra, nécessairement, la « dépense » d'un certain quantum de temps, qui pourra, en dernière analyse, servir de référence pour l'un comme pour l'autre. Tout espace s'avérant ainsi lié, dès avant sa création, au stade de sa virtualité même, au temps minimum nécessaire à son déploiement.

     

    Le symbolisme de la manifestation cyclique associe ces deux dimensions, temporelle et spatiale, sous l'angle de la complétude. Le soleil ne parcourt l'espace, ou le tour complet de la bande du ciel, que lorsque le temps de l'année est lui même écoulé.

     

    C'est bien une telle opération de jonction, de réunion, qui est symbolisée par la sagittation du Capricorne par le Sagittaire. Le « sujet » de la peinture de Montsaunès est donc un nouage, un agrafage, dont la forme et la fonction sont parentes de celles du nœud labdaïque.

     

    Le Sagittaire a trois flèches dans son carquois et la quatrième bandée, à son arc. En considérant la flèche bandée comme la flèche du solstice d'hiver, inaugurant le premier trimestre de l'année, les trois autres peuvent correspondre aux trois trimestres suivants de l'année à venir, et donc aux trois autres fêtes que sont les équinoxes et le solstice d'été. En outre, ces quatre flèches entrent nettement en résonance avec la structure de la peinture elle-même, qui est celle d'un carré divisé en quatre parties, dont le Sagittaire flécheur occupe la première, en haut à droite.

     

    De l'autre côté du mur, une cinquième flèche est fichée dans le cou du Capricorne. Cette flèche peut être vue comme la même que celle qui est bandée par le centaure, ayant atteint sa cible quelques instants plus tard ; mais aussi, dans un autre sens, comme une « quinte » essence résultant de l'accomplissement du quaternaire qui l'a précédé, de son plein achèvement.

     

    Une ancienne photo en noir en blanc révèle que la chèvre qui symbolise ici le Capricorne, aujourd'hui très détériorée, arborait sur son dos un « 4 de chiffre », ce qui appelle plusieurs commentaires. D'une part, ce symbole peut être vu comme un équivalent du chrisme qui occupe la dernière case de l'ensemble carré auquel appartient le centaure ; il peut donc comme ce symbole lui-même exprimer la plénitude, l'accomplissement de l'année, associée à la sagittation du Capricorne.

      

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

     

    Mais d'autre part, cette chèvre n'est pas n'importe quelle chèvre, et l'on doit remarquer que la stylisation de ses cornes, dotées de 5 cors chacune, obéit à une convention particulière de la peinture médiévale, relative à la représentation de certains animaux « surnaturels » ou symboliques, tels que le cerf.

     

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

     Une flèche traverse le cou de la chèvre-capricorne

     

    Dans une légende commune à plusieurs vies de Saints (Hubert, Eustache), un jeune seigneur est tellement épris de chasse, qu'il ne peut s'abstenir de chasser le jour du Vendredi Saint. « Et comme il commençait à chasser, un cerf dix-cors, entièrement blanc, d'une taille extraordinaire, bondit et s'élança devant lui, l'entraînant dans les profondeurs de la forêt. Après plusieurs heures, le cerf ne montrait toujours aucune fatigue alors qu'Hubert était rompu. Soudain, le cerf s'arrêta net ! Dans une vision de lumière, Hubert vit le cerf blanc avec entre ses bois l'image d'une croix étincelante et il entendit une voix qui lui disait: "Hubert ! Hubert! Jusqu'à quand poursuivras-tu les bêtes dans les forêts ? Jusqu'à quand cette vaine passion te fera-t-elle oublier le salut de ton âme ?" ».

     

    On voit que ce cerf crucifère à 10 cors est avant tout un symbole du Christ sacrifié, et de la passion, à l'image de l'agneau mystique de l'Apocalypse.

     

    Le même cervidé apparaît dans la légende de Saint Eustache, à laquelle Dürer a consacré l'estampe ci-dessous.

     

     

     

     

    Le Capricorne et le 515

     

    Compte tenu de la nature nettement messianique de ce cervidé, Lima de Freitas n'hésite pas à le rapprocher de la tradition dantesque du 515, dans un symbolisme où les deux 5 correspondraient aux bois du cerf et le 1 au crucifix qui s'élève au milieu de son front : assimilation renforcée par le fait que la croix est considérée partout comme un symbole « axial ».

     

    On comprend dès lors qu'une assimilation très naturelle ait pu s'effectuer, d'un point de vue ésotérique, entre le « temps messianique » symbolisé par le cerf 10 cors et le 515, qui est un temps d'accomplissement, de « remplissement » de la prophétie, et le temps cosmologique de « la porte des dieux », associé lui aussi à des conditions de « plénitude » et d'accomplissement d'une période donnée qui est l'année. Et de fait, chrisme, 4 de chiffre et crucifix peuvent être considérés comme trois variantes d'un seul et même symbole archétypal, qui est celui de la croix.

     

    Sous ce regard, la chèvre-capricorne pourra donc être vue comme aspect particulier de la puissance du 515, s'exerçant non dans le temps historique de la messianité, mais dans le temps cyclique qui est celui du cosmos.

     

     

     

    Sagittation du Capricorne : la "flèche du Parthe" dans la tradition astrologique

     

    Le thème zodiacal du Sagittaire lançant sa flèche sur le Capricorne est illustré dans cette enluminure (extraite des Très riches heures du duc de Berry), où le Capricorne est représenté sortant d'un coquillage, à droite de la frise « vesicatoire ».

     

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    Dans son étude sur le symbolisme du cerf et du centaure (à lire ici) Jean Bayet remarque que  "le centaure sagittaire visait soit le Scorpion, soit le Capricorne... mais de règle, lorsqu'il se retourne pour tirer (cas de la miniature du duc de Berry) c'est le Capricorne qu'il vise..." Et plus loin il constate que "le Capricorne est souvent représenté par un bouc ou une chèvre.... ".

     

     

     

    Un symbolisme corroboré par la situation de la peinture

     

    La scène peinte sur le mur se déploie sur un axe horizontal qui, relativement à l'axe de la nef (est-ouest) est orthogonal, donc un axe sud-nord.

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

     

    On voit que l'intégration de la peinture dans l'espace de l'église ne doit rien au hasard. L'action de sagittation du Capricorne par le centaure se déploie bien sur l'axe Sud-Nord qui est celui des solstices ; et la situation de la peinture sur le mur d'Occident conduit à une assimilation naturelle entre le couchant du jour – l'Ouest – et le couchant de l'année qui est le solstice d'hiver.

     

    Les deux fêtes de St Jean, associées aux solstices d'hiver et d'été, étaient associées au feu et à la lumière. Et c'est ce qu'on doit avoir à l'esprit en remarquant, à Montsaunès, la dimension extraordinaire de la fenêtre d'Occident, chargée de recueillir le maximum de la lumière du soleil à l'instant même où il se couche et meurt, - fenêtre sous laquelle la peinture du solstice fait l'effet, par la modestie de ses dimensions, d'un commentaire en bas de page, ou d'une légende.

     



    Le chasseur chassé : la doctrine du sacrifice

      

    Il resterait à expliquer comment le 515, plutôt "chasseur" chez Dante (... qui occira la larronnesse et le géant qui fornique avec elle) se mue en chassé (chèvre) dans la présente circonstance.

     

    Paradoxe qu'il semble impossible d'expliquer, sans une compréhension des doctrines métaphysiques du sacrifice, en vertu desquelles toute création, (et donc, toute création d'univers, toute manifestation), est le fruit d'un rite sacrificiel primordial dans lequel le sacrifiant, le sacrifié, l'autel, et le couteau, ne sont qu'un seul même officiant. Sur ce sujet nous ne pouvons faire mieux que de renvoyer aux travaux de Coomaraswamy.

     

    D'une manière assez analogue, nous avions remarqué la ressemblance, l'étrange air de famille qui existait entre le « nombre de la bête » (666) et celui des élus rassemblés autour de l'Agneau du sacrifice (6 + 6) x (6 + 6). Parenté qu'on doit interpréter comme la marque du fait qu'ils ne sont fondamentalement qu'un.

     



     

    I. LANCER DE FLECHE – LE CENTAURE CHIRON, DISCIPLE D'APOLLON – ASPECTS DE LA RELIGION DE PYTHAGORE

     

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

     

     

    En préambule aux remarques de ce chapitre, nous devons avoir à l'esprit le fait qu'au sein du premier cercle des disciples de Pythagore, Pythagore n'était pas seulement considéré comme « un prêtre du soleil », mais bien réellement comme un avatar d'Apollon Hyperboréen, actif et présent dans la vie de tout homme, chaque fois qu'il sort de son lit.

     

    La religion d'Apollon et celle de Pythagore ne sont donc, véritablement, qu'une seule et même chose.

     

     

    « Apportez moi mon arc et ma lyre » 

     

    Le cri poussé par Apollon à sa naissance, après avoir rejeté les vêtements-limitations dont on l'avait affublé, annonce qu'il possédait de toute éternité ces instruments à corde, capables de délivrer :

    - pour l'un, la vérité (la lyre étant le support de sa prophétie, de sa parole oraculaire),

    - et pour l'autre, la mort (le déchaînement de la vengeance d'Ulysse sur les prétendants, entièrement orchestré par Apollon, dont on célèbre ce jour-là la fête, est inauguré par un examen rituel de son arc, explicitement semblable au rituel d'accordage d'un instrument, pratiqué par tout musicien).

     

    Or, nous savons que l'univers est né d'une tension. Et une tension ne présuppose que deux choses : d'une part, une corde, et d'autre part un support, un châssis, capable de supporter la tension de cette corde : l'arc ou la lyre.

     

    « Apportez-moi mon arc et ma lyre » (Hymne homérique à Apollon)  

     

    Il est essentiel de comprendre que l'arc et la lyre d'Apollon existaient, sinon, avant la naissance d'Apollon, du moins « en même temps » que lui comme une excroissance gémellaire. Et les victoires d'Apollon attesteront, d'une certaine manière, qu'il est impossible de jouer correctement de ces instrument, si vous n'en étiez pas doté au moment même de votre naissance.  

     

    Dans les instruments d'Apollon se remarque, toutefois, une tension de type bien particulier, qui est la tension du retour, ou du retournement, et que l'on retrouve dans divers mots formés à partir de la racine grecque « palin », « retourner ». L'arc et la lyre appartiennent à une même famille d'instruments, qui peuvent être palintones - par le jeu de tensions opposées entre main d'arc et main de corde - ou palintropes, pour l'arc composite, dont la forme bandée inverse la forme au repos.

     

    Et on se rappellera qu'il est courant, dans l'art médiéval, de voir le Sagittaire flécher le Capricorne en se retournant, même si ce n'est pas le cas sur notre peinture.

     

    En physique pythagoricienne, la « tension du retour » porte le nom de tension de conversion. Etant de nature « centripète », elle ne peut survenir qu'au sein d'une réalité parvenue à un instant critique de son développement, qui est l'aboutissement d'une certaine procession. Mais d'autre part, comme le rappelle justement Maël Mathieu : « seul peut procéder ce qui est capable de se convertir ». Autrement dit, la fin est la condition du commencement.

     

    Le thème du retournement, en tant qu'il découle de la science apollinienne de l'archer, établit un lien entre l'action du centaure et le thème du palindrome, retournement mathématique qui sera développé, dans toute sa richesse métaphysique, dans la troisième division du « carré du centaure », représentant la Jérusalem Céleste.

     

     

    Le centaure Chiron, jonction entre le pythagorisme et la médecine

     

    Les centaures sont, dans la mythologie grecque, des créatures plus remarquables par leur brutalité que par leur sagesse. A une exception près toutefois : le centaure Chiron, disciple ou fils adoptif d'Apollon.

     

    Apollon a tué (par le feu) la mère de Chiron, avant de sauver l'enfant des flammes. Il en a ensuite fait l'éducateur de son fils Asclépios, dieu fondateur de la médecine. La tradition précise assez souvent que "le savoir d'Asclépios" est le savoir de Chiron.

     

    Le centaure Chiron est donc le medium mythologique qui forme la jonction entre la science d'Apollon, et la tradition de la médecine grecque, (que d'aucuns, comme Jean-Luc Périllié, n'hésitent pas à qualifier de pythagoricienne), se revendiquant de son fondateur mythologique : Asclépios.

     

    Rappelons qu'Hippocrate, rédacteur du serment prononcé aujourd'hui encore par tous les médecins, était lui-même un asclépiade et conservait la généalogie de son ascendance jusqu'à Asclépios et Apollon.

     

    André Charpentier considère le serment d'Hippocrate comme un document chiffré pythagoricien régi par le nombre 666 (voir son étude ici). Le serment se fait par Apollon, Asclépios, Hygie et Panacée, qui constituent une famille divine pythagoricienne - le  serment serait équivalent aussi au serment par "la sainte tétractys". On remarquera que le dernier membre de la lignée : Panacée, contient la racine « pan », « tout », qui correspond à l'état de « complétude » de la tétractys.

     

    Chiron occupe donc une place de médiateur, ou d'intercesseur entre les deux premiers personnages de cette lignée divine pythagoricienne.

     

    La piste du centaure peut même être poursuivie au delà du seul champ hellénique et de la religion apollinienne, puisqu'on en trouve la trace, dans un plus large champ indo-européen, dans différents mythes relatifs à la fois au cheval et aux origines de la médecine. Une étude bien documentée nous apprend en particulier que, selon Dumézil, le mot "Kentauros" pourrait être un équivalent du sanscrit "Gandharva". (Valérie Gitton-Ripoll : Chiron, le cheval-médecin ou pourquoi Hippocrate s'appelle Hippocrate)

     

    Ces éléments mythologiques ne doivent en rien occulter la dimension zodiacale et calendaire qui reste fondamentale, dans le contexte pythagoricien.

     

    Ce n'est sans doute pas sans motif que le centaure a donné naissance, non à une constellation, mais à deux, le Sagittaire et le Centaure, qui font de cette créature mythologique un acteur familier de la machine du ciel.

     

    Quant à la fonction de flécheur qui est attribuée au centaure dans le symbolisme du solstice, elle s'accorde assez bien avec l'étymologie, qui fait dériver son nom (Kentauros) d'une fonction primitive de « piqueur » de bétail (kentôr).

     

     

    Chi-ron le cent-aure, la tentation du jeu de mot

     

    Une assonance entre Chiron et le chi-rô du chrisme, établit une connexion entre le début et le terme de la séquence du « carré du centaure », entre l'alpha et l'oméga. En ayant à l'esprit que cette connexion entre la fin (de l'année) et le début (de la suivante) est – bien qu'en sens inverse - le sujet même de la peinture du solstice.

     

    En second lieu, on peut s'arrêter à la connotation arithmétique du nom du CENTaure. En effet, en fixant à 66 « l'ouverture de la mandorle » - pour des raisons autant symboliques (démiurgisme), qu'architecturales (mesures du panthéon de Rome) - André Charpentier associe le nombre 99 au « rayon céleste » qui embrasse cette figure, et le nombre 100 à ce rayon complété par son « pôle ».

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

     

    Si l'on relève en passant que : 100 / 66 = 1,515151515... on voit que ce chemin ne nous éloigne pas du 515.

     

    Ce nombre cent que les peintres templiers, sans l'avoir recherché, entendaient vraisemblablement dans le nom du centaure, semble donc résonner de façon très heureuse avec la fonction du rayon dardé par le Sagittaire, ainsi qu'avec sa position de porte, ou de pôle, pour l'axe du monde.

     

    Nous allons voir que cette fonction du Sagittaire peut encore être illustrée sur un autre plan,  qui est celui de la tradition alchimique.

     

     

    Point de vue opératif

     

    D'un point de vue alchimique opératif, Aliboron explicite le symbolisme du Sagittaire selon deux perspectives complémentaires :

    - Comme une des « saisons » de l’Oeuvre, donc comme métaphore convenue sans rapport direct avec l’astrosophie, il se situe à la fin du Solve, volatilisation du Fixe. Phase dite de Jupiter (qui trône en Sagittaire et Poissons) succédant à la saturnienne. Entre Nigredo et Albedo (noire puis blanche) on lui attribue du... gris, virant au verdâtre car le Dauphin nouveau-né (Saturnie végétable) y vire au Vert léonin.

    - D’un autre coté, si l’on en croit l’astrobiologie selon Rabelais, il se trouve qu’entre Scorpion et Sagittaire, précisément, se présente une « fenêtre » cosmique propice à la « descente » du Spiritus Mundi...

     

     

    La chasse spirituelle : René Alleau, à propos des lévriers et autres chiens pythagoriciens

     

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

      

    Dans la première partie de cette étude sur la tradition du nombre 515, nous avons abordé la question des liens entre le veltro dantesque et le chien couché de la Melencolia de Dürer, en nous bornant, pour l'essentiel, à résumer les travaux de Louis Barmont et Lima de Freitas sur le sujet.

    Dans ses Enigmes et symboles du Mont Saint-Michel,  René Alleau offre des remarques sur le lévrier, se rapportant à une miniature de Jean Fouquet illustrant la fondation de l'ordre de Saint-Michel (XVs) - remarques que nous reproduisons en intégralité, en raison de leur intérêt pour notre étude.

    En plus de l'éclairage hermétique qu'elles apportent au thème médiéval de la chasse spirituelle, ces remarques peuvent nous questionner à un autre titre, du fait que l'on sait, aujourd'hui, que la légende de Saint Michel a eu pour fonction de "recouvrir", en le christianisant (aussi bien du point de vue mythologique que géographique), un ancien culte païen de type nettement apollinien, dont le Mont Saint-Michel constituait sans doute l'un des hauts lieux, comme le Monte Gargano en Italie. Ce rapport de continuité, ou plutôt de relève théologique assumée permet de voir dans la victoire de l'Archange Saint Michel sur le dragon, inspirée de l'Apocalypse, une quasi réplique de celle d'Apollon sur Python.

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

     Frontispice du manuscrit enluminé 

    « Statuts de l'ordre de Saint-Michel »

     

     

    « Aussi doit-on déchiffrer les moindres détails allégoriques de la miniature illustrant la fondation de l’Ordre car on ne laissait à l’artiste aucune liberté dans le choix d’emblèmes qui revêtaient alors une grande importance héraldique et politique.

    On trouve deux chiens analogues au château du Plessis-Bourré, dans la « demeure philosophale » du trésorier de l’Ordre de saint Michel. C’est à Eugène Canseliet que l’on doit d’avoir signalé, en effet, dans son ouvrage : Deux Logis alchimiques la signification hermétique des caissons peints de la salle de garde du château, dans le Maine-et-Loire. Deux interprétations du thème du « chien blanc » figurant sur les miniatures peuvent être proposées. Selon l’une, on aurait évoqué par ces « armes parlantes », le mot « Lévrier », attesté, au XIIe siècle, déjà dans Enéas, et qui signifie, proprement, « chien qui chasse le lièvre ». Au XIVe siècle, Nicolas Oresme le nomme « Levron » et, pour la femelle « Levronne ». Il est probable que l’on prononçait alors « Levrier » sans accent.

    Si l’on admet cette hypothèse, l’allégorie héraldique du Levrier joue sur l’homophone L’Oeuvre y est. On peut aussi « blasonner » sur Oeuvrons aile en chef, devise des travaux mystiques des chevaliers de l’Ordre sous la haute protection de l’Archange. Rappelons, en effet, avec Grasset d’Orcet, que l’on pouvait aussi « blasonner » en « assonnant sur la lettre L », selon des règles trop compliquées pour être examinées ici.

    Selon la seconde hypothèse, plus probable, à notre avis, il ne faudrait pas voir ici un lévrier mais plutôt un chien courant blanc que nos anciens auteurs nommaient "baud", chien-cerf, ou chien muet. Jean Nicot, dans son Thrésor de la langue françoyse, précise : "D'aucuns les nomment chiens muets, d'autant que, venant le cerf au change, ne disent mot jusqu'à ce qu'il soit hors". Et Nicot rajoute qu'à cause de leur silence, ces chiens étaient nommés pythagoriciens.

     


    Selon cette hypothèse, ce chien blanc ferait allusion au silence imposé expressément par les statuts de l’Ordre aux chevaliers de Saint-Michel sur tout ce qui concernait leurs délibérations. Mais on peut aussi y voir une image de la “quête initiatique” et de la “chasse spirituelle” dans laquelle l’intuition joue un rôle aussi déterminant que le flair dans la chasse matérielle. La comparaison entre le cerf “aux bois rayonnants” et Jésus qui mène l’âme altérée aux “sources de l’éternelle sapience” se retrouve dans la plupart des allégories mystiques du XVe siècle. 

     

    Afin de préciser qu’il s’agit en effet d’une quête des vérités supérieures ou “célestes”, Jean Fouquet a situé au même niveau que celui du tableau du combat de saint Michel, remarquable par le ciel étoilé qui sert de fond à la composition, une lucarne ouverte en haut du mur, laquelle, à première vue, ne présente aucun intérêt ornemental car ce détail étrange déséquilibre au contraire, la perspective rigoureusement ordonnée du tableau. En fait, il s’agit là d’un exemple de la cabale phonétique, chère aux disciples d’Hermès, et qu’il faut connaître si l’on désire entendre leur enseignement secret, tel que l’expriment, allégoriquement, de nombreuses oeuvres d’art médiéval. » Dont l’ “héraldique sacerdotale” est condensée dans la “Légende Dorée” de Voragine.... voir par ex, les étymologies “fantaisistes” qui la parsèment.

     

    « On doit savoir, d’abord, comme le rappelle A. Dauzat, dans son dictionnaire étymologique, que le mot “lucarne” dérive de la lucanne (XIVe siècle) emprunté au provençal lucana, “lucarne”. Ce mot jouait ainsi homophoniquement sur “lucarne”, nom d’un coléoptère vulgairement appelé “cerf-volant”, insecte caractérisé par les dimensions considérables de ses mandibules, dentées et saillantes, analogues aux bois des Cervidés. L’allusion héraldique au thème du “cerf-volant” ou du “cerf-ailé” confirme ainsi celle qui se rapporte au “chien-cerf”, au premier plan de la miniature. (...) Rappelons que le “Cerf-volant” était l’emblème de Charles VI et de Charles VII, “peut-être en raison de la prophétie fameuse à laquelle fait allusion Christine de Pisan dans le poème où elle célèbre les exploits de Jeanne d’Arc :



    « Car un roi de France doit être
    Charles, fils de Charles nommé
    Qui sur tous rois sera grand maître
    Prophéties l’ont surnommé Le cerf volant... »

     

    Bref, “la lucarne” ouverte du coté du ciel et de saint Michel, tel qu’il est figuré sur le tableau central, évoquerait ainsi la protection accordée au “Cerf-volant” de France par le Roi du Ciel. Ce serait là un rappel des victoires miraculeuses de Jeanne d’Arc et de la légitimité divine du pouvoir royal, depuis le sacre de Reims.”

      

    Le lucane et l'axe des nœuds lunaires

     

    Reprenons les précisions entomologiques de René Alleau. Dans le monde des insectes, le lucane est effectivement un cervidé.

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

     

     

    Dans ses Métamorphoses, le grammairien Antoninus Liberalis fournit à son propos des informations qui intéressent notre enquête : la tête du lucane « ressemble, avec ses cornes, à la lyre que l'on fait à la carapace de tortue ».

     

    En examinant l'Hymne homérique à Hermès, nous pouvons voir que le thème du retournement est au cœur de l'invention de la lyre. La tortue est en effet un animal bien singulier, qui « pourvue d'une peau de pierre » selon Plutarque, et même si elle est capable d'émettre un petit sifflement, est présentée comme muette (anaudos) par les grecs. Nous dirions aujourd'hui « muette comme une tombe », et précisément, la tortue trouvera une voix (phônê) après sa mort lorsqu'elle sera transformée en lyre. Cette transformation sera l'œuvre du jeune dieu Hermès, qui, trouvant une tortue devant la grotte du mont Cyllène où il vient de naître, l'amène à l'intérieur après l'avoir retournée sur le dos

     

    Mais les grecs avaient aussi observé l'affinité de la tortue avec le monde souterrain, le monde chamanique « des envers ». En s'enterrant dans le sol pour hiberner, elle en fait autant que ses petits, puisqu'elle se sert de la terre pour retourner dans le monde des vivants. L'étymologie latine tartaruca (bête du Tartare) renvoie-t-elle à cette représentation grecque de la tortue ?

     

    Un dernier aspect du retournement est offert par le concours musical opposant Apollon et Marsyas. Rappelons que le dieu ruse en imposant cette condition à son adversaire : « Je te défie de faire sur ton instrument ce que je fais: tourne-le à l'envers ». Nous avons déjà mentionné la qualité intrinsèquement palintonique de la lyre, mais Apollon en exploite ici une propriété extensive, celle de jouer en la retournant dans l'espace. Propriété que ne possède pas la flûte, et qui valut à Marsyas d'être écorché vif... John Scheid commente : « car si la lyre est l'instrument grâce auquel les âmes peuvent remonter à la lumière, une lyre inversée devient l'instrument grâce auquel elles sont renvoyées dans l'obscurité de la mort ».

     

    Cette topologie des lyres, à l'endroit et à l'envers, nous a frappé par sa ressemblance avec les emblèmes des nœuds lunaires qu'a conservé la tradition astrologique indienne. Rappelons que ce sont des points virtuels associés astronomiquement aux éclipses, et décrits mythologiquement comme la tête et la queue du dragon.

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

     

    Il nous semble possible de superposer (ici encore, en un sens convenu et non astrosophique) l'axe des nœuds, c'est-à-dire l'axe du dragon, à l'axe des solstices  : la tête du dragon - ou lyre à l'envers - représente la descente des âmes associée à la porte du Cancer, alors que la queue du dragon - ou lyre à l'endroit - représente leur remontée dans le Capricorne. Correspondance qui s'accorde avec les données de la tradition indienne, qui fait de Rahu (tête du dragon, dépourvu de corps) une puissance de matérialisation et de Ketu (queue du dragon, dépourvu de tête) une puissance mystique de renoncement. (note 1)

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

     

     

     

     

    II. LE RECTANGLE DE FIBONACCI.

     

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

     

     

    Il s'agit d'un rectangle quadrillé de côtés 5 et 8, dont toutes les cases sont hachurées par une diagonale, à l'exception d'une zone de 9 cases située en bas à gauche, où les cases sont hachurées par deux diagonales, formant une croix, et où les divisions horizontales sont absentes. Cette différenciation est suffisante pour identifier immédiatement un rectangle de Fibonacci de rang 5, mais aussi, pour reconstituer toutes les autres parties du rectangle, dans leur développement en spirale.

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

     

    Dans tout rectangle de Fibonacci, l'avant dernier carré joue le rôle de médiateur, (ou de « médian », au sens défini par les médiétés pythagoriciennes à trois termes), puisqu'il occupe une position intermédiaire entre "ce qui conclut", et "tout ce qui précède".

     

    Dans le rectangle de Fibonacci de rang 5, et de côtés 5 et 8, le médiateur est bien le carré 3, intermédiaire entre ce qui conclut (le carré 5), et "tout ce qui précède"  (l'addition des côtés des carrés 1 et 2 qui donne 3). Le hachurage de ce carré 3x3 au sein du rectangle revient donc à mettre en évidence, dans celui-ci, cet élément médiateur.

     

    Il existe plusieurs méthodes, également légitimes, pour paramétrer le départ de la série des nombres de Fibonacci dans le rectangle du même nom, dont l'une, la dernière que nous mentionnerons, peut être regardée comme plus « pythagoricienne » que les autres.

     

    • La première consiste à décomposer le carré long, ci-dessus distingué par un pavage « mosaïque » comme en regorge l'église de Montsaunès (pavages dédiés aux Muses, et non à Moïse...) en deux petit carrés « atomiques » de 1x1. Dans ce cas la suite de Fibonacci sera représentée par les « incréments » carrés successifs qui s'agglomèrent à cette matrice (1, 1, 2, 3, 5....)

     

    • Une autre manière consiste à paramétrer les états successifs du rectangle global. Dans ce cas les nombres de Fibonacci se développeront par paires « conjointes », correspondant aux côtés du rectangle, donc chacune mesure un nouvel « état » de ce rectangle ; et la série pourra même alors débuter au stade « zéro », stade où le rectangle n'est encore qu'un segment de largeur 0 et de longueur 1. La série prendra alors la forme (0,1), (1,1), (1,2), (2,3), (3,5)...

     

    • Enfin une troisième méthode consiste à écarter les deux premiers éléments de la série précédente, en considérant que ni le segment (0,1), ni le carré de 1x1, ne sont véritablement des rectangles, et que le premier « vrai » rectangle de Fibonacci est le « carré long » de 1x2.

     

    Cette dernière solution est, sur le plan logique, la plus conforme à l'esprit de la mathématique pythagoricienne.

     

    En effet, en mathématique pythagoricienne, la catégorie géométrique des « quadrilatères » n'est pas pertinente, du fait que le carré et le rectangle sont subordonnés à deux catégories logiques rigoureusement distinctes, dont le première est la catégorie du Même, et la seconde celle de l'Autre. Dans cette optique, le premier « vrai » rectangle de Fibonacci, qui joue pour la série des suivants le rôle de graine, ne peut être que le carré long de 1x2. C'est seulement dans cet objet qu'est « libérée » au sens logique la catégorie de l'Autre, par la duplication d'un objet (le carré atomique) qui relève lui-même de la catégorie « antérieure », et plus primitive du Même.

     

    On voit que, dans cette logique profonde, la catégorie de l'Autre n'est complètement libérée qu'au terme d'un processus de développement qui, à partir du point, compte 4 étapes : point, segment, carré, double carré, et qui n'est pas sans analogie avec celui de la tétractys.

     

    Mais une autre raison, plus profonde encore, rend cette façon de voir préférable, d'un point de vue pythagoricien. Le rectangle de Fibonacci est un rectangle se développant par incréments successifs de carrés, dont le rapport des côtés tend vers la valeur : φ.

     

    Or cette valeur φ, vers laquelle le rectangle tend dans sa croissance indéfinie sans jamais pouvoir l'atteindre, se trouve enfermée, sous forme rigoureusement exacte, dans les mesures du carré long qui est sa matrice, ou sa graine.

     

    On a vu qu'il était possible de l'extraire de deux manières différentes. Soit par le rapport des côtés du triangle rectangle qui forme le demi carré long.

     

    (√5 + 1 ) / 2 =  φ

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

    Le carré long

     

    Soit en considérant seulement l'hypoténuse de ce même triangle, qui est donc la diagonale du carré long, dont la valeur est égale à √5, en sachant que :

     

    √5  =  φ + 1/φ

     

    Le rapport doré exact se trouve en effet enfermé dans la diagonale du carré long, sous la forme d'un couple gémellaire, formé de l'addition du nombre d'or et de son inverse. Cette diagonale-hypoténuse apparaît donc comme la « corde » primitive, porteuse du rapport doré, dont la « résonance » ordonne la croissance et le développement de « l'univers manifesté » que figure, ici, le rectangle de Fibonacci.

     

    De ce point de vue, qui compte le carré long comme étape « un », le grand rectangle de valeur 40 se constitue en 4 pas.

     

    La production du nombre 40 semble donc correspondre, dans l'esprit des auteurs de la peinture, à un état de développement du rectangle faisant apparaître une forme de « complétude », ou du moins de « développement suffisant ».

     

    Et l'on peut remarquer au passage que, si on attribue la valeur "1" au carré long, en tant qu'originaire, ou élément supposé insécable (premier "vrai rectangle" de Fibonacci), alors la structure qui s'ordonne autour de lui peut évoquer (en vue certes un peu formelle, et « cursive ») le 515 :

     

    (2+3) (1) (5)

     

    Cette supposée complétude du rectangle de valeur 40 nous permet d'induire (au moins à titre d'hypothèse) que la relation que nos templiers percevaient entre le carré long, rectangle matriciel, et le rectangle 40, présentait une certaine analogie avec la relation graine – gnomon (plus précisément : graine / polygone gnomonique de rang immédiatement supérieur) à laquelle nos études nous ont familiarisés. Et de la même manière, on peut penser que le rectangle-source, le carré long, pouvait être perçu comme un élément détachable de la structure, comme un « patron » ou une pierre d'achoppement, ou encore comme un « vide » créateur... de la même manière qu'une graine peut être détachée de son gnomon.

     

    Le rapport doré enfermé dans le carré long matriciel étant aussi le conduit, le principe « attracteur » ou directeur, de la croissance du rectangle, nous sentons que la métaphore de la graine, de la croissance végétale ou biologique, est ici particulièrement pertinente.

     

    Nous sommes bel et bien ici au cœur de la doctrine pythagoricienne de la Nature, au sein de laquelle le rapport doré joue le rôle de « fil d'Ariane », permettant « la sortie du labyrinthe », permettant que ce qui, dans une supposée « graine d'univers », serait enfermé à titre de pure virtualité ou de germe, puisse, de proche en proche, par une suite de rapports immédiats et processionnels à « soi-même », advenir dans le monde de la « manifestation », sous la forme spatio-temporelle que nous connaissons, qui est celle d'un processus, d'un développement naturel.

     

     

    La pulsation alternante du 5

     

    Remarquons que le carré long, figure la plus simple contenant la dynamique du 5, est coextensif à la mandorle :

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

     

    Dans son étude sur L'œuf du monde, André Charpentier attribue à la puissance du 5 la propriété de mise en abîme alternée,  qui permet de construire une mandorle yin (horizontale) au sein d'une mandorle yang (verticale). Processus qui peut se poursuivre indéfiniment, et qui dévoile, selon sa belle expression, l'œil qui voit tout :

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

     

    Mais, continue l'auteur, la figure la plus évidente de cette loi universelle est le Pentagramme pythagoricien, qui fait alterner, et donc vibrer ou flamboyer, les deux formes du pentagone, convexe et étoilé :  « propriété unique dans toute la géométrie, qui fait de l'Etoile flamboyante le meilleur symbole de la vie universelle ».

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

     

     

    LUX et carrés magiques

     

    Avant même de nous demander quelles idées les templiers pouvaient associer au rectangle de Fibonacci, nous devons avoir à l'esprit qu'une figure se définissant comme un « système de carrés » possédait en elle-même, pour un initié de ce temps, un riche contenu herméneutique, associé aux valeurs possibles des carrés magiques que l'on pouvait former sur ces matrices.

     

    La somme des aires des petits carrés vaut 13, tandis que l’aire du grand carré vaut 25 : valeurs qui correspondent aux centres des carrés magiques de Mars et Vénus (dans la Talismanie de Cornelius Agrippa), qui ont curieusement un rapport de moitié (13 / 25).

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

          

    La symbolisme des amours de Mars et de Vénus, dont l'union adultère et clandestine, découverte par les olympiens, fut la cause du « rire inextinguible des dieux » pourrait sembler, - en raison de sa « trivialité » même, être un bon candidat à l'expression d'un « mystère » qui est celui de la Nature. Rappelons nous que, selon Empédocle, la nature universelle est bien conduite par cette force, autrement appelée Amour, qui, agissant entre eux comme un véritable tiers (bien qu'inapparent), « précipite » follement les sexes l'un contre l'autre.

     

    Le couple adultère, surpris, est emprisonné dans un filet par Vulcain. Or, les carrés gnomoniques, qui forment la trame du rectangle de Fibonacci, sont classiquement qualifiés de "filets", pièges à poissons.

     

    En ouvrant le carré de 5x5 (en vert dans le diagramme reproduit un peu plus bas) du côté où le rectangle est « sectionné », (en tant que structure susceptible de poursuivre sa croissance indéfinie), on peut reconnaître une forme qui évoque le symbole hermétique du LUX symbolisme d'une richesse telle que nous ne pouvons l'aborder ici (note 2)

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

    Le symbole hermétique du LUX

    éclaire la position de l'ange de la Melencolia de Dürer :

    le bras droit en L, le bras gauche en U et les jambes croisées en X

      

    Ces formes renvoient bien aux positions masculine et féminine : le L est anguleux et double (comme la raison masculine) et le U courbe et unaire (comme la jouissance féminine). Equerre et compas, qui résonnent avec les symboles hiérogamiques de la tradition hermétique chinoise, où le X est figuré par l'enlacement des "tentacules" serpentiformes. Ces remarques peuvent appuyer l'idée de différencier les 5 du 515 de Dante : en mâle et femelle, monade et dyade, intérieur et extérieur, ou autant de distinctions que l'on voudra (note 3).

     

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

     

    Ajoutons enfin cette contribution poétique moderne à la tradition secrète du 515 : dans son roman Ulysses, James Joyce écrit ce palindrome en 11 lettres (5+1+5) :

     

    Madam, I'm Adam

     

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

      Le X forme la copule entre les lettres L et U, 

    indiquée ici par le croisement du VAV et du palindrome.

    La réalisation de ce X sera le sujet des deux chapitres suivants.

     

     

     

      

    III. LA JERUSALEM CELESTE - MONDE DU PALINDROME, DU RETOURNEMENT ET DU MIROIR - LE JARDIN D'EDEN - LA RELIGION DU LYS - YAKINTOS, AUTRE DISCIPLE D'APOLLON - LA DEESSE IRIS ET L'ARC EN CIEL

     

     

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès



     

     

    La Jérusalem Céleste

     

    Plusieurs commentateurs ont identifié dans la troisième division du carré du Centaure, avec raison croyons-nous, le thème de la Jérusalem Céleste.

     

    Dans l'Apocalypse, la Jérusalem Céleste est une cité éternelle descendue du ciel pour accueillir la communauté des élus du christ, ces 144 000 que l'on voit rassemblés, selon une répartition quadrangulaire, autour de l'Agneau du sacrifice, trônant au sommet du mont Sion.

     

    En préambule, on pourra remarquer que le symbole ésotérique de la Jérusalem Céleste est, dans son essence même, placé sous le signe du miroir, et du retournement ; qui explique que, dans l'iconographie, sa représentation soit souvent caractérisée par une symétrie bilatérale, par la symétrie même du palindrome.

     

    En effet, la Jérusalem Céleste est le reflet ou le miroir de la cité terrestre. Avec cette précision toutefois que, selon le principe « de Borella », qui veut que dans un symbole, ce soit toujours l'inférieur qui symbolise le supérieur, nous devons penser que, dans l'esprit des Templiers aussi, la Jérusalem terrestre n'était que le reflet ou la manifestation temporelle d'une cité éternelle, gouvernée par le Christ, dont l'existence avait en réalité infiniment plus d'importance

     

    Ceci ne devant, en rien, occulter le fait que le sort de cette Jérusalem terrestre était, non seulement, la préoccupation majeure et quotidienne de l'ordre Templier, mais aussi sa raison d'être historique.

     

    Dans la logique de cet engagement, il semble vraisemblable que nos templiers, en tant que moines-soldats dévolus à la défense de la Jérusalem temporelle, se sentaient appelés, par leur vocation même, à prendre place, au ciel, dans cette autre armée, éternelle, qui était celle des élus du Christ.

     

    Le champ symbolique de la Jérusalem Céleste correspondait donc pour eux à ce qu'on entend par « le côté intérieur de la guerre ».

     
     

     

    Plan carré de la cité, nombres 12 et 144

     

    « La ville brillait d'un éclat semblable à celui d'une pierre précieuse, d'une pierre de jaspe transparente comme du cristal. Elle avait une très haute muraille, avec douze portes, et douze anges gardaient les portes. Sur les portes étaient inscrits les noms des douze tribus d'Israël. Il y avait trois portes de chaque côté : trois à l'est, trois au nord, trois au sud et trois à l'ouest. La muraille de la ville reposait sur douze pierres de fondation, sur lesquelles étaient inscrits les noms des douze apôtres de l'Agneau. »

     

    « L'ange qui me parlait tenait une mesure, un roseau d'or, pour mesurer la ville, ses portes et sa muraille. La ville était carrée, sa longueur était égale à sa largeur. L'ange mesura la ville avec son roseau : douze mille unités de distance, elle était aussi large et haute que longue. Il mesura aussi la muraille : cent quarante-quatre coudées de hauteur, selon la mesure ordinaire qu'il utilisait. La muraille était construite en jaspe, et la ville elle-même était d'or pur, aussi clair que du verre. Les fondations de la muraille de la ville étaient ornées de toutes sortes de pierres précieuses: la première fondation était de jaspe, la deuxième de saphir, la troisième de calcédoine, la quatrième d'émeraude, la cinquième de sardonyx (onyx), la sixième de sardoine (cornaline) la septième de chrysolithe (peridot), la huitième de béryl (aigue-marine), la neuvième de topaze, la dixième de chrysoprase, la onzième d'hyacinthe (zircon brun) et la douzième d'améthyste. Les douze portes étaient douze perles; chaque porte était faite d'une seule perle. La place de la ville était d'or pur, transparent comme du verre. »

     

    Dans ces lignes sont contenus les quelques éléments, rares, mais précis, qui gouvernent les représentations médiévales de la Jérusalem céleste. La ville est habituellement représentée suivant un plan carré et symétrique, avec 3 portes de chaque côté. Mais les portes peuvent être aussi des tours.

     

    A Montsaunès, nous rencontrons une interprétation un peu différente, où à première vue il peut même paraître difficile de reconnaître les canons du genre.

     

    Au lieu de 12 portes disposées le long de quatre murs, nous avons 4 fleurs de lys, disposées dans les quatre angles d'un carré, et porteuses de 12 pétales.

     

    Nous nous demanderons plus loin quelle est la signification précise de ce symbole floral, mais, en préambule, on peut observer que cette symbolisation « végétale » pourra, dès l'abord, apparaître conforme à une autre tradition relative à la Jérusalem Céleste (non plus seulement chrétienne, mais aussi hébraïque), qui identifie précisément la Jérusalem Céleste au jardin d'Eden ; et cela, en vertu d'un principe assez universel du symbolisme ésotérique, selon lequel la fin (la Jérusalem Céleste), coïncide avec le commencement (le jardin d'Eden) ; l'omega avec l'alpha ; mais aussi la Terre (le jardin) avec le Ciel (la cité). Notons que dans ces traditions, le jardin d'Eden est décrit selon un plan qui a lui aussi la forme d'un carré, arrosé par quatre fleuves, etc.

     

    La représentation de Montsaunès constitue donc une adaptation du genre, qui lui permet, dans le contexte, de porter des strates de signification supplémentaires. Ainsi, en situant les 12 « portes » (les 12 pétales) dans les angles du carré plutôt que sur les côtés, le plan de la cité adopte la structure du carré gnomonique, qui est non seulement celle du grand dessin le contenant (le carré du Centaure, dont il « réplique » ainsi endomorphiquement la séquence), mais qui est aussi le principe constructif du rectangle de Fibonacci, sujet de l'étape précédente.

     

    Enfin, cette réinterprétation vise, selon nous, à une autre fin, plus importante encore. En polarisant une structure carrée sur ses angles, plutôt que sur ses côtés (sans même nous attarder à la tradition ésotérique bien nourrie qui identifie les « angles » aux « anges »), on attire l'attention sur une « cinquième » essence, coïncidant avec son centre, et que diverses traditions (dont la maçonnique) désignent comme le « mystère », ou « le 5 au centre du 4 ».

     

    Dans l'Apocalypse, le plan carré de la cité céleste est bien polarisé autour d'un centre qui est le mont Sion, et l'Agneau du sacrifice ; tandis que, dans d'autres représentations de la cité, (comme à Montsaunès) ce centre peut être représenté par le Temple ou le tabernacle, sans incidence sur la signification profonde du symbole.

     


     

    La fonction du retournement

     

    Nous venons de voir que le dessin de la Jérusalem Céleste comportait de nombreux éléments de « reprise » ou de « récapitulation » des deux étapes qui le précèdent ; raison pour laquelle, pour nous aussi, une première récapitulation sera bienvenue.

     

    La première étape - le lancer de flèche – symbolise le Fiat Lux, l'acte créateur qui donne le branle à un monde, et qui peut équivaloir à la production d'un « germe » ou d'une « graine » d'univers, susceptible de développement.

     

    La deuxième étape, le rectangle de Fibonacci représente le développement indéfini d'un univers à partir de sa graine, et dans un rapport de rapprochement constant avec le principe pur (le nombre d'or) enfermé dans sa matrice.

     

    Autrement dit le principe simple de croissance ou de procession.

     

    La troisième étape représente « le retournement », ce rendez d'un univers avec lui même, qui fait que son expansion ne le conduit pas à se « dissiper » dans l'infini, mais comporte, dès le principe, une limite, au delà de laquelle il sera soumis à une contrainte inverse, une contrainte devant le reconduire à la simplicité, à l'unité de son principe.

     

    La Jérusalem céleste et le monde du palindrome représentent donc l'instance de la « conversion », ou la loi du retour, car pour revenir au lieu d'où l'on provient, il est nécessaire de se retourner.

     

    En n'oubliant pas là encore, le « principe de Mathieu » voulant que : « seul peut procéder ce qui est capable de se convertir ». Autrement dit « La Jérusalem Céleste » précède le rectangle de Fibonacci sur le plan de la conditionnalité.

     

    Aux 12 portes de la cité correspondent explicitement, dans le texte de l'apocalypse, le 12 tribus d'Israël et les 12 disciples du Christ, autrement dit la synthèse de l'Ancien et du Nouveau testaments, et l'accomplissement complet de la prophétie. Mais le contexte cosmologique et zodiacal de notre peinture permet aussi, bien évidemment, d'associer à ces symboles de complétude, celui de l'achèvement des 12 mois de l'année.

     

    Dans l'imaginaire templier, cette cité renvoie immanquablement à la mesure, par l'Ange, de sa muraille : « 144 coudées de hauteur ». Le nombre 144 étant le carré de 12, il amplifie, dans la dimension de la puissance, l'idée de plénitude déjà associée au nombre 12, en la réfléchissant en elle même, (opération qui peut être vue comme analogue à celle du miroir, du palindrome).

     

    Mais il y a mieux. Le nombre 144 n'est pas seulement le 12ème nombre carré, pour parler en langue pythagoricienne, mais aussi le 12ème nombre de Fibonacci. Autrement dit, il correspond à une phase du développement du rectangle de Fibonacci, ultérieure à celle du rectangle vu précédemment (5x8), dans laquelle le plus grand côté est formé de deux carrés de, respectivement, 55 et 89 de coté. 

     

    On peut donc penser que ce rectangle correspond à une seconde phase de plénitude, ou de complétude. Sur le plan symbolique, cette assimilation a pour effet d'énoncer clairement que « le rectangle de Fibonacci » et « la Jérusalem Céleste » ne sont fondamentalement qu'une même réalité, envisagée à deux moments différents de son développement, comme l'illustre leur quadrature de phase.

     

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

     

     

    Les nombres 8 et 144, qui correspondent aux longueurs de ces deux rectangles, sont respectivement les 6ème et 12ème nombres de Fibonacci, ce qui les place ordinalement dans un rapport d'octave.

     

     

     

    Le 5 alternant et le 9 conservant

     

    A présent, observons que cette Jérusalem Céleste est bordée, à droite et à gauche, par une frise de pavés mosaïques dont la hauteur totale est de 14 pavés, répartis en 9 + 5 (note 4).

    14 évoque naturellement une mi-temps du mois lunaire, pleine ou nouvelle lune (le cycle par excellence en raison de la netteté de ses phases) ; de la même manière que les solstices délimitent les mi-temps de l'année.
    C'est aussi un nombre que la tradition chrétienne associe aux souffrances du Christ, puisqu'il définit la lune pascale, et les quatorze stations du chemin de croix.

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

     

    Si l'on décompose la « hauteur » totale en deux parties, haute et basse, correspondant aux cellules abritant les lys, on obtient pour ces pavés mosaïques le décompte suivant :

     

        5                5

    (9 & 9)     (9 & 9)

     

    Dans le registre supérieur, on peut lire une référence à la sacralité du nombre 5, dont on a décrit précédemment la qualité « alternante » fondamentale (principe de l'Autre).

    Dans le registre inférieur, l'accent est mis sur la sacralité du nombre 9, qui représente le principe féminin de « conservation » (principe du Même), qui est sur le plan métaphysique la conservation de l'origine.

    Eu égard aux neuf symboles primitifs par lesquels se manifeste la Décade, ces deux nombres reflètent l'adage hermétique qui veut que « tout s'oppose par les milieux (5) et se rejoigne par les extrêmes (9) ».

    Y a-t-il un rapport avec le carré de la Jérusalem ?

    Si l'on fait la somme de chaque ligne, on obtient :

            5   +   5           =   10

    (9 + 9)   +  (9 + 9)  =   36

    D'un point de vue pythagoricien, ces nombres entretiennent des rapports étroits, puisque :

    • 10 et 36 sont respectivement les 4ème et 8ème nombres triangulaires.
    • le premier est appelé tétractys : 1+2+3+4 ; et le second double tétractys : (1+3+5+7) + (2+4+6+8)
    • 4 est le premier carré (2²) et 8 est le premier cube (2³). Ces deux nombres étant en outre dans le rapport d'octave, homologue au rapport Mars/Vénus.

    On pourrait alors, assez naturellement, représenter les registres inférieur et supérieur par deux triangles, dont les polarités seraient inverses l'une de l'autre.

     

    10

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

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    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

    36

     

    Idée dont on trouve une illustration dans Les Dialogues avec l'Ange :

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

    « Deux triangles s’approchant l’un de l’autre dans une attraction mutuelle irrésistible.

    Ils étaient reliés par un jaillissement d’éclairs jusqu’à ce que leur union soit totale. »

     

    Ces pavages latéraux indiqueraient ainsi une « formation »  de la Jérusalem, par union des triangles (point qui sera repris plus loin), en accord avec l'enseignement des loges compagnonniques, qui tiennent le triangle pour un intermédiaire obligé dans la résolution graphique de la quadrature du cercle.

     

    Si l'on interprète le triangle supérieur dans sa fonction de tétrade, on remarque que 4 x 36 = 144 (opération qui reproduit la partition quadrangulaire de "l'armée des élus"); si on l'interprète comme décade, on note que 10 x 36 = 360 (nombre qui peut renvoyer à la plénitude du cercle, comme à celle de l'année).

    Un autre aspect de la qualité théophanique du nombre 144 peut être illustré à partir de la séquence harmonique 6-8-9-12 à laquelle Nicomaque de Gérase prête les qualificatifs de médiété parfaite et d'harmonie, du fait qu'elle renferme les rapports des 3 médiétés, puisqu'en effet 144 = 6x12 + 8x9.

     

    Souvenons-nous enfin que la mesure des 144 coudées avait mis en évidence la séquence de Fibonacci 55-89-144. Or, de même que le 144 croise la série de Fibonacci avec celle des nombres carrés, le nombre 55 croise cette série avec celle des nombres triangles... faisant écho à cette alliance entre le triangle et le carré. (note 5). 

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

     

    On peut d'abord voir une illustration très générale du principe qui nous occupe ici dans la relation mathématique liant les deux branches latérales de cette structure, en vertu de laquelle : "Tout nombre carré supérieur à 1 est la somme de deux nombres triangulaires successifs".

     

    Le nombre 55, palindrome lisible à même la peinture, souligne quant à lui la présence du nombre 11 et de ses multiples, au premier rang desquels le 99 en vertu des remarques précédentes ("le dernier est encore le premier") (note 6)

     

    Les nombres 11 et 99 représentent l'instance du centre qui est précisément celle qui « retourne en conservant », ou « conserve en retournant »... et dont la nécessité logique est au fond analogue à celle contenue dans le principe de Mathieu : « Seul peut procéder ce qui est capable de se convertir ».

     

     

     

    La religion du lys : Cantique des cantiques

     

    Au terme de ces considérations sur la composition de la Jérusalem Céleste et son symbolisme arithmétique, il est temps de nous interroger sur la signification du lys, qui en est d'une certaine manière l'élément principal, dans la symbolique templière.

     

    Que représentent ces fleurs de lys? Que savons-nous au juste de ce symbole?

     

    Le Cantique des cantiques est considéré comme un chant spirituel qui exploite, jusqu'aux limites de l'indécision et du vertige, l'analogie entre l'union charnelle de l'homme et de la femme, et l'union spirituelle de l'âme avec Dieu. Toutefois, une attention superficielle à la composante romanesque de ce chant fait apparaître un autre sujet principal, omniprésent, envahissant, qui est la ville de Jérusalem, qui fournit le cadre à la fois « anecdotique » (l'errance alternée des amants en quête l'un de l'autre dans la ville, leurs points de « rendez vous » en différents lieux de la cité), et en quelque sorte « métaphysique », dans la mesure où le personnage de « la bien-aimée » est constamment présenté comme la quintessenciation d'une entité plus large, et qui l'accompagne partout, et qui est celle des « filles de Jérusalem ». La bien-aimée est une fleur au milieu du « champ de fleurs » que forment les filles de Jérusalem.

     

    Je suis noire, mais belle,

    filles de Jérusalem,

    comme les tentes de Cédar,

    comme les pavillons de Salomon

     

    et plus loin :

     

    Je suis le narcisse de Saron,

    le lis des vallées -

    Tel un lis parmi les épines,

    telle ma compagne parmi les filles

     

    Et dans cette errance, dans ce tâtonnement aveugle des amants en quête l'un de l'autre dans le labyrinthe de la Ville, on remarque ceci :

     

    Sur ma couche, durant les nuits,

     j'ai cherché l'aimé de mon âme,

     je l'ai cherché et ne l'ai point trouvé !

     

    Les amants du Cantique se poursuivent, ou se cherchent, sur deux champs différents et parallèles, mais qui coïncident d'une certaine manière, qui sont le champ de la ville et le champ du Lit, sanctuaire de l'union amoureuse.

     

    Et la bien aimée, qui est le lis, l'ornement de la ville, est aussi l'ornement du lit.

     

    Mon bien aimé est descendu à son jardin

    vers les parterres des baumiers,

    pour mener paître parmi les jardins

    et pour cueillir des lis.

    Moi, je suis à mon bien-aimé

    et mon bien aimé est à moi,

    lui qui mène paître parmi les lis.

     

    Sans occulter en aucune façon la crudité sexuelle de la formule : « Mon bien-aimé est descendu dans son jardin », nous voyons ainsi coïncider, par transitivité, « la Jérusalem » et « le lit » qui forment le double cadre symbolique du cantique des cantiques, avec un « jardin » qui rappelle, là encore, l'éternité de la condition édénique et du paradis terrestre.

     

    Plus loin encore, la nature nettement « territoriale » de cette quête tâtonnante, de cette exploration par l'amant des mystères du jardin, en quête de lis, se précise encore un peu plus :

     

    Les contours de tes hanches

    sont comme des colliers

    œuvre des mains d'un artiste ;

    ton nombril est un calice arrondi

    où ne manque pas le vin épicé,

    ton ventre est un tas de froment entouré de lis

     

    Alors qu'un peu plus tôt, la bien-aimée elle-même disait de son bien aimé :

     

    Ses lèvres sont des lis.

     

    Nous constatons ainsi que, dans l'Ancien testament, la religion du lis est avant tout une religion du lit, de l'union amoureuse, qui a pour cadre la ville de Jérusalem, et célèbre un mystère qui, pour le contenu, ne diffère pas grandement de celui des noces de Mars et de Vénus, que l'on a vu se développer dans le symbolisme arithmétique du rectangle de Fibonacci.

     

    Ce contexte identifie clairement la force d'Amour comme étant, essentiellement, identique à la puissance du « retournement », ou de la « conversion » que symbolisent, dans le contexte de notre peinture : la Jérusalem céleste et son principe « palindrome » (note 7)

     

      

    La religion du lys : Saint Bernard

     

    On sait que Bernard, qui prêcha à Vézelay la deuxième croisade, assuma aussi, une bonne partie de sa vie, le rôle de pasteur et de guide spirituel de l'église templière.

     

    Bernard est aussi l'auteur d'un cycle de 86 sermons sur le Cantique des cantiques, dont la rédaction s'étend sur la majeure partie de sa vie pastorale, et qui forment quantitativement aussi la partie la plus importante de son œuvre spirituelle.

     

    Dans la conduite de son commentaire, Bernard privilégie l'interprétation traditionnelle qui voit, dans l'union de l'amant et de l'aimée, la transposition du lien entre le Christ et l'église, ou entre l'âme et Dieu.

     

    Le thème et l'action du Cantique des cantiques sont donc repris chez lui dans une perspective résolument chrétienne, (qui sera reprise par Dante dans son exégèse prophétique de l'Apocalypse), dans laquelle la « fiancée », la femme, représente l'Eglise, épouse du Christ ; perspective dans laquelle, par voie de conséquence, le contexte symbolique de « La Jérusalem » se confond, eschatologiquement, avec celui de l'église chrétienne.

     

    Précisons que, d'un point de vue chrétien, cette transposition semble parfaitement légitime et fondée, puisqu'elle s'appuie continuellement, chez l'un comme l'autre de ces auteurs, sur le texte de l'Apocalypse.

     

    Une surprise nous attend néanmoins au début de son sermon 47ème, où Bernard attribue, - au rebours de ce que semble être la lecture habituelle - à l'Epoux, et non à l'Epouse la parole :  Je suis la fleur des champs et le lis des vallées. Il y voit une réplique de l'Epoux à la prétention formulée plus tôt par l'Epouse, selon laquelle : « Ma couche est semée de fleurs » Là où déjà, on pouvait se contenter de lire « ma couche est un tapis de verdure ». « Pour qu'elle ne s'attribue pas, écrit Bernard, les fleurs qui paraient son lit et sa chambre, l'Epoux dit qu'il est lui-même la fleur des champs. »

     

    Bernard semble par ce forçage vouloir imposer un ultime « retournement » à « la force de retournement » elle-même ; en vertu duquel « même les fleurs des champs ne naissent que par la vertu de Dieu ». Et dans ces conditions, le fidèle auquel s'adresse son sermon, n'est pas invité à s'identifier au bien-aimé, à l'Epoux, mais à la bien-aimée qui est sa fiancée, l'âme, ou encore, l'Eglise, dont il est un membre et une partie, à la manière de l'une d'entre les « filles de Jérusalem ».

     

    *

     

    Un auteur très estimé considère l'art (folklorique) des allemands de Pennsylvanie comme la survivance d'une tradition mystique remontant à Saint Bernard et Dante (John Joseph Stoudt, Consider the lilies how they grow)

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès   V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès   V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

     

    L'élément frappant dans ces œuvres, outre l'omniprésence de symboles comme le lis, la colombe, le cœur, ou l'arbre de vie, est bien-sûr la symétrie bilatérale, symétrie en « palindrome » qui gouverne la composition de la plupart.

     

    Le terme « lis » a une extension assez large qui ne saurait prétendre à la précision botanique. Ainsi, si les lis de Montsaunès ressemblent bien à des lis ou des iris « ordinaires », le lis des vallées de Saint Bernard désignerait plutôt en principe le muguet (autrefois classé dans les liliacées), tandis que les lis de Pennsylvanie seraient plutôt des tulipes (qui elles appartiennent bien aux liliacées).

     

     

     

    Hyacinthe, un autre disciple d'Apollon

      

    Hyacinthe était le fils d'un roi de Sparte, aimé en même temps d'Apollon, et d'un vent, Zéphyr ou Borée. Apollon lui apprend à lancer le disque, mais le vent jaloux lui fait revenir dans la tempe, et de son sang naissent des fleurs qu'on appelle, d'après le nom du jeune homme, des huákinthoi, dont les pétales portent l'initiale du jeune homme, Y, ou selon une autre version, le mot ΑΙ, cri de lamentation d'Apollon.

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

    La mort d'Hyacinthe

    Jean Broc (1801)

     

    On apprend sur Wikipédia que ces fleurs « ne sont probablement pas des jacinthes, mais plutôt des iris (...) Déjà considéré comme sacré par les Égyptiens, l'iris est devenu, sous le nom héraldique de fleur de lys, le symbole de la royauté en France ».

     

    Et l'on peut s'informer plus loin que le nom fleur de lys « apparaît sous le règne de Louis VII, dans Érec et Énide, peu après 1160, et que ce terme est phonétiquement identique, en tout cas très proche de 'Flor de Loys' (fleur du roi Louis) ». Louis VII avait en fait adopté l'iris des marais pour blason, mais l'assonance entre 'Flor de Loys' (l'iris) et 'Flor de Lys' a perpétué une équivoque historique.

     

    Une vingtaine d'années séparent la construction de l'église de Montsaunès, de la rédaction d'Erec et Enide. On surprend donc ici l'émergence historique, dans l'iconographie, puis dans la littérature, d'un symbole appelé à désigner, plus qu'aucun autre, la sacralité de la royauté française.

     

    Si nous reprenons maintenant la séquence du centaure sous l'angle de la religion de Pythagore, nous remarquons une relation d'opposition diagonale entre le centaure Chiron, piqueur ou flécheur d'Apollon, et Yakintos, l'homme lys, jeune homme aimé d'Apollon qui sera la victime sacrificielle de cet amour. Les figures de Chiron et de Yakintos se disposent autour d'Apollon dans ces rôles antagonistes, qui sont ceux du sacrificateur et du sacrifié, et qui, transposés sur le plan de la philosophie de la nature, pourraient aussi être compris comme ceux de « l'agent » et du « patient », de « l'actionneur » et de « l'actionné » 

     

      

     

    La déesse Iris et l'arc en ciel

     

    Une tradition fait du vent Zéphyr, possible meurtrier de Yakintos, l'époux de la déesse Iris (note 8) messagère des dieux, qui est une sorte de pendant féminin d'Hermès, attachée à Héra comme Hermès l'est à Zeus.

     

    On la représente sous la figure d'une gracieuse jeune fille, avec des ailes brillantes de toutes les couleurs réunies. Les poètes prétendaient que l'arc-en-ciel était la trace du pied d'Iris descendant rapidement de l'Olympe vers la terre pour porter un message ; c'est pourquoi on la représente le plus souvent avec un arc-en-ciel. C'est la déesse de l'arc-en-ciel.

     

    Dans le dessin de la Jérusalem Céleste, le centre de la composition est occupé par une arche, qui semble former la "copule", le lien qui scelle son caractère palindromique. La voûte est divisée en plusieurs tronçons, qui peuvent évoquer la division des couleurs de l'arc en ciel (note 9)

     

    Le symbolisme de l'arc en ciel fusionne donc ici avec celui de la porte. Le sujet principal de la peinture étant la porte du solstice, on comprend qu'une assimilation naturelle s'effectue entre cette porte cosmologique et temporelle, et la porte "spatiale" du Temple de Jérusalem, donnant accès à son "centre", à son "saint des saints".

     

    Sur le plan symbolique enfin, nous verrons plus loin que le thème de l'irisation, du déploiement des couleurs de l'arc en ciel, (traditionnellement associées au nombre 7), prépare un thème qui sera complètement développé dans la dernière partie du carré du centaure, qui est celui de l'Illumination et de l'Ignition, symbolisé par le chrisme, et associé cette fois au déploiement des directions de l'espace, qui sont elles aussi au nombre de 7.

     

     

     

    Le symbole pythagoricien du Y

     

    "Les pétales de la fleur portent l'initiale du jeune homme, Υ"

     

    Dans le mythe d'Hyacinthe, la lettre Y, en plus d'imposer une représentation ternaire de la fleur de lys qui restera "canonique", représente l'initiale du héros dont le sang a donné naissance à la fleur.

    Or, indépendamment de ces données mythologiques, le Y est symbole très bien connu, dont l'origine est donnée partout comme pythagoricienne, bien que sa fortune ait été beaucoup plus large, et qui signifie "la croisée des chemins". Dans la version commune et popularisée, ce symbole revêt principalement une connotation morale, et représente "la voie droite et la voie gauche", ou encore "les voies du Bien et du Mal"; mais on peut penser que ce symbole avait à l'origine une extension moins limitée.

     

    En effet, d'un point de vue géométrique, le Y est analogue au trépied joignant les trois sommets de la tétractys à son centre. Pour obtenir les 6 autres points de la tétractys, le trépied doit être complété par un hexagone de même centre. Et relativement à cet hexagone, figure traditionnellement assimilée au cercle, le trépied fait figure de structure "axiale", sinon même "polaire", en ce qu'elle émane entièrement d'une partie d'elle-même, qui est son centre de géométrie.

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

     

     

     

    « La onzième était d'hyacinthe »

     

    Si le mythe grec d'Hyacinthe est bien associé à l'étymologie d'un nom de fleur, l'hyacinthe de la Jérusalem céleste désigne, dans l'Apocalypse, une pierre précieuse, dont on pourra malgré tout s'étonner qu'elle fournisse le matériau de la onzième pierre de fondation de la cité céleste : autrement dit la pierre du palindrome.

     

     

     

    Le retournement du cœur

     

    Si l'on s'en tient à la famille des iris, la représentation commune de la fleur de lis correspond à une réalité botanique, au moins schématique, puisque de nombreux iris présentent une composition hexagonale, formée de 3 + 3 pétales, disposés en "sceau de Salomon".

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

     

    Il est impossible, ici, de ne pas évoquer au moins brièvement un symbolisme assez universel, abordé notamment par René Guénon, qui fait du triangle inversé (pointe en bas)

    - d'une part, un symbole du cœur, - la symbolisation la plus courante du cœur pouvant aisément être inscrite ou circonscrite à la figure d'un triangle pointe en bas ;

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

    - d'autre part un symbole de la caverne initiatique. "La caverne du cœur" étant une expression traditionnelle qui renvoie expressément à l'équivalence, ou à la coïncidence de ces deux aspects d'un même symbole

    Les deux ententes possibles de ce symbole sont elles-mêmes reliées par des liens complexes ; puisque chacune se rattache, de façon indépendante, au symbolisme plus général du centre : le cœur représentant dans cette conception le centre de l'individualité humaine, tandis que la caverne initiatique représente, quant à elle, le centre du monde.

     

    Ce symbolisme donne lieu à des développements qui ne peuvent qu'être effleurés ici. Dans l'un d'eux, le symbole de la caverne initiatique se combine avec celui de la montagne, elle même comprise comme une expression symbolique de "l'axe du monde". Ici le triangle inversé représentant la caverne demeure enfermé dans les limites du grand triangle "pointe en haut", qui représente la montagne. La caverne se situe au cœur de la montagne, et son entrée sur le flanc de celle-ci.

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

     

    Dans une autre application de ce symbolisme, le triangle du cœur se combine avec un triangle inverse pour former la figure bien connue du "sceau de Salomon", mais selon une interprétation bien précise où ces deux triangles n'ont pas exactement la même valeur, puisque l'un deux, "le triangle du cœur" (qui correspond dans le symbolisme précédent au triangle "intérieur") est donné comme antérieur à l'autre. La figure du sceau de Salomon ne représente pas, alors, une réalité statique, mais bien une opération, qui est celle du retournement du cœur, expression que l'on peut considérer comme équivalente à la notion de "conversion".

     

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    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

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    Il est permis de voir là une illustration particulièrement frappante de l'accord des doctrines traditionnelles, ou si l'on préfère, de la consistance et de la cohérence intrinsèque des conceptions métaphysiques sur lesquelles repose la science des symboles.

     

    En effet, notre enquête nous a montré que le symbole de la Jérusalem céleste était relié par des liens multiples à l'instance du cœur, d'une part, mais aussi à l'opération particulière de la conversion.

    Au sein de ce contexte biblique, le symbole du lys a pu d'abord nous apparaître comme un intrus, un invité surprise, bien que chargé d'un très riche héritage traditionnel, aussi bien dans la mythologie que dans les écritures saintes.

    Or, rétrospectivement, une attention simple à la géométrie hexagonale de la fleur de lis permet de constater que ce symbole pouvait  lui-même renvoyer directement - sans le secours d'aucun autre - aux mêmes idées.

     

     

     

    INTERMEDE : LE RAPPORT 11/12 - VERS LA PLENITUDE

     

     

    Il convient de s'arrêter sur un détail de notre peinture, dont la netteté et la précision excluent toute possibilité qu'il puisse être hasardeux.

     

    A la jonction du quadrilatère de la Jérusalem Céleste et de celui du chrisme, une frise mosaïque permet de définir rigoureusement le rapport arithmétique entre les côtés de ces figures : 11/12

     

    Un registre supérieur de longueur 12 surplombe un registre inférieur de longueur 11.

     

    Ce rapport est marqué avec une insistance telle qu'il ne peut pas être fortuit, compte tenu du déséquilibre gratuit qu'il introduit dans la composition.

     

    En première analyse, ce rapport est susceptible d'une interprétation zodiacale. Dans une représentation « capri-axée » de la roue zodiacale, où le Capricorne occuperait la douzième heure du cadran, et le sagittaire la onzième, le rapport de « conjonction » entre les mois 11 et 12 évoque précisément l'événement qui fait le sujet de notre peinture : le solstice d'hiver.

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès 

    Mais le rapport 11/12 est aussi le rapport qu'entretient, du point de vue gnomonique, le solide de Dürer à son rhomboèdre associé. (22 éléments pour le solide, 24 pour le rhomboèdre) En rappelant, pour mémoire, qu'un solide de Dürer est un rhomboèdre tronqué.

     

    Ce rapport 11/12 est très typique et personnalisé, autant que l'octave ou la quinte. Quand on l'a vu une fois, (dans le solide de Dürer) on ne peut plus l'oublier ; et il signifie clairement le rapport (qui peut évidemment être dynamique) entre un état "tronqué" et un état de plénitude. (note 10)

     

     

    IV. CHRISME : LE MONDE DE LA PLENITUDE – LE TEMPS DE L'ACCOMPLISSEMENT – LA LIBERATION DU POINT OU DU FEU CENTRAL

     

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

     

     

    Le chrisme est l'élément principal de la dernière partie du carré du Centaure.

     

    Même si ce symbole est loin d'être un inconnu, il ne sera peut-être pas inutile d'en reprendre brièvement l'analyse d'un point de vue qui est à la fois pythagoricien et chrétien, puisque l'apôtre Paul, qui en est l'exégète, s'y affirme ici sans équivoque en disciple de Pythagore.

     

    La figure du chrisme tridimensionnel représente le déploiement des 6 directions de l'espace à partir du point central dont elles émanent, et qui les contient toutes en puissance. Les directions ou « rayons » sont parfois comptées comme 7 , lorsque le point central est considéré comme une « direction » ou une « polarité » distincte des six autres. Sous cette forme pour ainsi dire synthétique ou « squelettique », le symbole du chrisme exprime déjà la complétude des dimensions de l'espace, puisque chacun des trois « brins » dont il se compose correspond à l'une de ces dimensions.

     

    Du point de vue topologique, le chrisme est analogue à la monade pythagoricienne, dont la fonction, quant à elle, est de représenter sous forme synthétique les quatre différents états possibles de la monade, correspondant aux quatre objets élémentaires de la géométrie que sont : le point, le segment, le disque et la boule. (Et cette similitude est encore renforcée lorsque, comme à Montsaunès, le chrisme est inscrit dans un cercle.)

     

    La monade

     

    Or nous sommes bien contraints de constater que, dans la doctrine paulinienne du plérôme (de la plénitude) c'est bien la lecture pythagoricienne, la lecture quaternaire de ce symbole qui est favorisée, et non la lecture « ternaire » ou « trinitaire » qu'on pourrait facilement attendre ici, en liaison avec les trois dimensions ou les  trois « brins » du chrisme.

     

    "Ainsi, vous recevrez la force de comprendre, avec tous les saints, ce qu'est la Largeur, la Longueur, la Hauteur et la Profondeur, vous connaîtrez l'amour du Christ qui surpasse toute connaissance, et vous entrerez par votre plénitude dans toute la Plénitude de Dieu." (Éphésiens, III, 19)

    Dans cette formulation paulinienne de la doctrine, les trois premières dimensions (largeur, longueur, hauteur) correspondent manifestement à celles qui caractérisent un objet tridimensionnel tel que le cube (équivalentes aux trois brins d'un chrisme), tandis que la quatrième, "profondeur", correspond à la dimension du point. Autrement dit, ce qui est premier dans l'ordre constructif de la géométrie - le point - se révèle "dernier", au sens de plus éminent et essentiel, sur l'échelle de la plénitude.

     

    Du point de vue pythagoricien que nous avons tenté de développer dans ces lignes, on admettra en tous cas que la situation du chrisme, symbole de la plénitude, sur la quatrième et dernière case du carré gnomonique du centaure, apparaît totalement légitime et fondée, puisque cette étape correspond au développement complet de la monade.

     

    1. Le développement continu de la tétractys

     

     

     

    Correspondance symbolique avec le 515

     

    On a vu, dans le cadre du symbolisme de la chasse spirituelle et du cerf dix cors, que la figure messianique du 515 se présentait souvent comme « réplication » de celle du Christ.

     

    Ces deux figures communiquent aussi sur le plan du symbole. Lima de Freitas remarque que, par un jeu sur la graphie romaine des chiffres 5, 1, 5 (VIV), ces trois nombres peuvent s'assembler pour former un chrisme que les touches du clavier permettent de représenter :

     

    >l<

     

     

     

    Réapparition du nombre 40

     

    Le nombre de pavés entourant le chrisme est de 40, répartis en 20 blancs et 20 noirs.

     

    D'un point de vue symbolique, le nombre 40 qui, dans le rectangle de Fibonnaci correspondait à l'aire, et donc à « l'intérieur » du rectangle, se retrouve « à l'extérieur », puisqu'il correspond maintenant à son périmètre.

     

    Ce rapport nous indique qu'entre les deux situations, la réalité s'est « retournée » ou plus exactement « retroussée », de telle manière que « le dedans est passé au dehors et le dehors au dedans » ; ce qui cohérent avec l'opération qui a eu lieu dans l'intervalle, et la traversée du monde du palindrome, dont la fonction est précisément d'opérer un « retournement ».

     

    Examinons à présent le dallage situé sous le chrisme.

     

    Si on considère, dans le rectangle de Fibonacci, le seul pavé de 3x3, et la manière dont il est "hachuré", on constate que sa structure est analogue à celle du pavage en losange situé sous le chrisme. Ce carré de 3x3 pourrait être colorisé avec des triangles noirs sur les bords, pour renforcer l'analogie. (note 11)

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

      

    C'est la même structure, sauf que celle qui est sous le chrisme correspondrait à un carré gnomonique de rang 4, et non de rang 3. De ce point de vue précis le passage de "Fibonacci" à "chrisme" se traduit par un "développement" de 3 à 4 (note 12)

     

    A partir d'un carré de 4x4, le pavage du chrisme devient entièrement paramétrable et "discrétisable", la décomposition la plus complète aboutissant à 64 triangles. Sur la base de cette "réduction à l'atome", on peut faire différents comptages, les triangles-atomes de la zone blanche pouvant de différentes manières s'assembler en carrés, mais on connait déjà le poids total. Chacun des 16 carrés se divisant en 4 triangles, on a une décomposition atomistique complète qui permet d'attribuer aux petits triangles noirs la valeur 1.

     

    La zone noire vaut alors 12 x 1 = 12

    Tandis que la zone blanche vaut 64 - 12 = 52

     

    On peut se demander pourquoi cette division en 52 blancs et 12 noirs.

     

    Le noir pourrait être interprété comme le négatif du blanc. En attribuant aux triangles de la zone blanche la valeur 1, et à ceux de la zone noire la valeur -1, on obtient la soustraction :

     

    52 - 12 = 40

     

    Soit une troisième façon d'engendrer le nombre 40, après le rectangle de Fibonacci (5x8), et la frise du chrisme, où le chemin à 40 dalles est engendré par croisement du 10 et du 12.

     

    Nous avons déjà remarqué qu'un sujet récurrent de la peinture, concerne la sacralité du nombre 40 ; les considérations calendaires formulées par Aliboron sur des bases à la fois celtiques et pythagoriciennes, pourraient montrer que ce nombre n'est pas sans rapport avec le sujet central de la peinture, qui est le décompte ou « l'achèvement » des jours de l'année.


    Mais une autre méthode d'interprétation de cette division 52 - 12 du pavage pourrait, quant à elle, s'accorder de façon encore plus directe avec le thème local de la plénitude de l'année, puisqu'en effet :

     

    Un an = 12 mois ou 52 semaines

     

    Nous verrons plus loin, par la comparaison avec les autels de l'Agnichayana, dans lesquels la construction du pavage équivaut au "remplissement" du temps de l'année, qu'une telle hypothèse n'a rien d'invraisemblable.


    Dernière remarque, la répartition des pavés noirs et blancs dessine une croix de Saint André, dont on doit remarquer qu'elle comporte une asymétrie – asymétrie qui ne peut passer pour une inattention puisqu'elle est reproduite, identiquement, dans une autre partie de l'église. Pour que la symétrie soit rigoureusement respectée, l'un des pavés blancs « surnuméraires » qui occupent les angles du carré - celui en bas à gauche - aurait dû être placé à l'inverse de ce que l'on voit.

     

    Une telle anomalie vise à marquer, au sein de la tétrade des « rayons » de la tétractys, une asymétrie 1- 3, une différence qualitative entre le « point central » de la monade, ou le point origine de la tétractys, et les « rayons » correspondants aux dimensions euclidiennes de l'espace.

     

    Et on peut voir là la répétition d'un motif qui était déjà explicite dans la répartition des flèches du centaure : 3 flèches rangées dans son carquois, et la quatrième bandée à son arc ; ou encore, dans les 4 fleurs de lys de la Jérusalem Céleste, dont l'une, en haut et à droite, arbore des "volutes" que n'ont pas les trois autres.

     

     

     

     

    V. LE CARRE GNOMONIQUE - LE MYSTERE AU CENTRE DU QUATRE - L'AUTEL D'AGNI

     

    Nos remarques nous ont convaincu que nous avions affaire, dans le carré du centaure, à une séquence temporellement ordonnée, dans laquelle les rapports entre étapes sont indiqués de façon très appuyée. Les sabots arrières du centaure détachent l'axe de division du rectangle Mars/Venus ; un trait excessivement marqué jointe par le bas ce rectangle au "carré" de la Jérusalem, temple du palindrome ; enfin le rapport 11/12 qualifie le rapport final "d'accession à la complétude".

     

    Il est temps de nous demander : quel peut être le sens de tout cela ?

     

    Y a-t-il, dans le fait d'assembler un ensemble aussi considérable de symboles dans une machine, un système symbolique contenant, au sein duquel ils se répondent et s'éclairent les uns les autres (système en lui-même remarquable par sa simplicité) – y a-t-il dans un tel ouvrage une dimension de réalisation pratique et rituelle ?

     

    Dans son ouvrage : Gnomon, une enquête sur le nombre, Paolo Zellini a relevé avec beaucoup de pertinence l'analogie qui existe entre la structure du carré gnomonique et la construction de l'autel d'Agni, dans le rituel de l'Agnichayana. (note 13)

     

    Et nous ne pouvons pas, ici, manquer de nous souvenir qu'une étymologie très ancienne, validée par René Guénon, apparente la racine sanskrite du nom Agni, non seulement au latin Agnus (agneau), mais aussi à la racine latine Ignis, qui signifie le feu.

     

    Rappelons-nous que, dans le contexte de l'Apocalypse, la répartition en carré de l'armée des élus (qui se disposent dans l'espace selon les 4 directions ou les 4 vents), n'a pas d'autre fonction que de servir de « support » ou de soutènement au « mystère » qui s'accomplit au centre du carré, dans le sacrifice de l'Agneau mystique.

     

    L'Agneau qui, dans notre représentation de la Jérusalem Céleste, est l'élément manquant (par rapport aux représentations traditionnelles), remplacé une Arche symbolisant l'entrée du "Temple" ; pourrait bien ainsi, par une sorte de procédé elliptique, être désigné comme l'élément ou le personnage principal de la quatrième partie du carré du centaure (ce qui au point de vue théologique ne souffre d'aucune contestation, puisque le chrisme et l'Agneau sont bel et bien l'un comme l'autre des symboles du Christ).

     

    Le développement final du chrisme, associée à la « matérialisation » ou à la libération de son point central, peut également être compris comme l'accomplissement, ou la réussite, d'un processus d'Ignition, ou d'illumination.

     

    Ce qui viendrait également au soutien au fait que les fêtes solsticiales associées aux deux Saint Jean soient, l'une comme l'autre, dans les traditions folkloriques, associées au feu et à la lumière.

     

    D'un point de vue pythagoricien, nous n'avons jamais eu trop de doute sur le fait que le carré gnomonique, dans lequel se trouve enfermée, sous la forme la plus simple et évidente, la relation logique du gnomon, n'ait été le support d'exercices rituels, du même genre que ceux que l'on a pu identifier pour la tétractys, le pentagramme ou le 4 de chiffre.

     

     

     

    La cérémonie védique de l'Agnichayana

     

    Une des plus importantes cérémonies du védisme en ce qui concerne le culte du feu, l'Agnichayana, consiste à construire religieusement l'autel pour le feu.

     

    Les principes "architectoniques" régissant les autels sont les mêmes que ceux qui régissent la construction des maisons, ou des temples. Tous sont très explicitement des représentations du monde, du cosmos, comme la grotte d'Ithaque. Quant au rituel de construction de l'autel, qui dure 12 jours, il consiste, selon ses pratiquants, à "reproduire à l'identique le processus de la création du monde".

    Il existe de multiples modèles d'autels. L'un des plus pratiqués nécessite exactement 10800 briques.

    Il y une double assimilation de l'autel au cosmos, d'une part, et à l'année de l'autre : dualité dans laquelle on retrouve exactement la valeur spatio-temporelle du "rendez-vous solsticial". L'année et le cosmos, dans le rituel, se "complètent" ou se remplissent donc "en même temps".

     

    Ainsi les 10800 briques correspondent à une division de l'année égale à 48 minutes (muhurta), en se basant sur une année de 360 jours. (48 x 10800 min = 360 jours) (note 14)

     

    Règle : tous les autels sans exception ont 5 étages de hauteur, et le 5 est prépondérant ailleurs dans les proportions.

     

    La composition des pavages est bien identique à celle de Montsaunès, savoir :

    - des carrés

    - des triangles rectangles qui sont des demis carrés

    - des triangles rectangles qui sont des quarts de carrés

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

    Ancient geometry. Boys working on model of bird-shaped fire altar in an Agnicayana ritual.

     

    D'un point de vue pythagoricien, cette caractéristique est intéressante en ce que toute surface sera convertible en "carré" et quantifiable comme du gnomon pur. Par exemple : si le carré vaut 4, le grand triangle vaut 2 (ou un carré long) et le petit triangle vaut "atome" ou graine de valeur 1.

     

    Si la plupart des autels adoptent les formes d'animaux (oiseaux, tortues), il existe des autels de forme carrée. Sans nous hasarder à des hypothèses d'antériorité, on peut penser que ces autels carrés représentaient une forme "épurée" ou "matricielle", relativement aux formes plus figuratives.

     

    L'un de ces autels carrés, appelé Caturascit, se présente ainsi : 

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès


    A comparer avec le pavage en croix sous le chrisme, à Montsaunès.

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès



     

    Alors que le pavage de Montsaunès a pour base un carré gnomonique de rang 4, le Caturascit a pour base un carré gnomonique de rang 10. Les deux pavages ont en commun d'être structurés par une croix de Saint-André, dont la fonction la plus évidente est de conduire l'énergie du carré des angles vers son centre.

     

    Enfin, sur le fond des choses, le concept de rayonnement peut gloser, de façon assez juste, l'opération du chrisme, le caractère opératoire de ce symbole; mais le concept d'ignition nous semble l'exprimer de façon tout aussi profonde, d'autant qu'Agni, lui aussi, est porteur de sept rayons.

     

    Jean Herbert : « Le nombre 7 a une grande importance pour Agni qui a sept flammes, 7 langues, 7 rayons, 7 pieds de même qu'il y a 7 feux, 7 sacrificateurs, 7 porteurs d'holocaustes et 7 hotracas qui font naître. »

     

    Le chrisme est posé sur le pavage - comme le feu est allumé sur l'autel d'Agni.

     

    Enfin - ô surprise - la cérémonie de l'Agnichayana se concluait autrefois par le sacrifice sanglant, non d'un agneau - mais d'une chèvre.

     

    Ces remarques laissent pour l'instant entière la question de savoir pourquoi, ou comment, un ordre de chevalerie religieux du XIIe siècle pouvait détenir des conceptions doctrinales, et peut-être liturgiques, similaires à celles de Brahmanes du 2ème millénaire avant notre ère.

     

    Une hypothèse serait que la tradition chrétienne soit elle-même dépositaire, ou récipiendaire, de traditions beaucoup plus anciennes, dans lesquelles les principes de ces conceptions antiques auraient été conservées.

     

    On sait que le symbolisme chrétien des portes solsticiales, associé aux fêtes des deux Saint Jean, (et folkloriquement associées au feu et à la lumière), est l'héritier du culte latin du dieu Janus.

     

    Or dans une remarquable étude sur les anciennes divinités du feu, où la mythologie comparée est constamment soutenue par l'étymologie indo-européenne, Jean Haudry a relevé une impressionnante série de correspondances entre les formes les plus archaïques du dieu Janus (originellement dieu-feu), et l'Agni védique.

     

    Ces deux dieux ont notamment en commun trois traits bien caractéristiques, qui les qualifie comme "dieux des commencements", "dieux des dieux", et "non-dieux", ce paradoxe s'expliquant par le fait que leur essence est, d'un certain point de vue, réellement identique au feu matériel.

     

    Par d'autres caractères, cette famille de dieux se trouve apparentée à celle des divinités du foyer, comme la déesse grecque Hestia, qui, dans la tradition pythagoricienne, représente spécifiquement le feu ou le point central.

     

    A partir de ces constatations, deux hypothèses semblent envisageables.

     

    La première serait que, d'un fond archaïque indo-européen au culte latin de Janus, et de ce dernier aux conceptions chrétiennes du moyen âge, la transmission des principes ait eu lieu à chaque fois de façon "régulière", et suffisamment complète pour que la doctrine ait conservé, à travers ses formes successives, un caractère opératoire réellement universel, lui assurant de "produire toujours les mêmes résultats".

     

    La seconde serait, encore plus simplement que, par le biais de la continuité de la tradition italique, bien mise en évidence par André Charpentier, "De Pythagore à Virgile et de Virgile à Dante, le fil de la tradition n'ait jamais été rompu", pour reprendre la formule de René Guénon. 

     

     

     

    VI. EPILOGUE : RECAPITULATION GEOMETRIQUE ET ALCHIMIQUE

     

     

    Notre enquête nous a conduit jusqu'à un dieu-principe, dieu-feu, dont "l'existence" est bien balisée dans la mythologie indo-européenne.



    On peut poser la question : ce feu divin, ce feu mythologique, peut-il être ressaisi sur un plan ésotérologique différent (et ordonné à la science de la nature) qui est celui de la doctrine des éléments ?


    Nous proposons de ressaisir l'ensemble de la peinture dans une perspective alchimique dessinée par Guy-René Doumayrou, s'appuyant sur les cinq polyèdres réguliers et les correspondances élémentales suggérées par Platon.

     

     

    1. Le centaure et le capricorne

     

    Derrière cette scène de chasse transparaît le « combat des deux natures », que notre hermétiste associe aux éléments de l'air et du feu, soit géométriquement l'octaèdre et le tétraèdre. (note 15)

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

     

     

    Remarquons que ces deux figures apparaissent comme complémentaires dans la construction du gnomon du tétraèdre, qui permet de remplir l'espace.

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

     

     


    2. Le rectangle

     

    L'icosaèdre, qui est donné dans le Timée comme la forme propre de l'élément eau, reflète adéquatement le thème du filet métallique que fabriqua Vulcain (note 16) :

     

    « Dans l'optique de la genèse il ne peut s’agir que de l’eau amniotique. Cet adjectif dérive du grec "amnos" qui signifie "agneau" c’est à dire "jeune bélier", pour nous dire que cette eau apporte un feu (dont le bélier est l’emblème), feu singulier qui lave l’embryon d’or dans son bain substantiel, comme la toison où les anciens orpailleurs retenaient les paillettes métalliques, ou comme un tamis. De la même toison était fait l’agrenon, ce mystérieux filet de laine nouée (la laine figure par ses mèches ondoyantes la flamme du bélier) qui enveloppait l’omphalos de Delphes. L’agrenon, conducteur du feu, est un filet d’étoiles qui élève l’embryon plus haut que les tempêtes. »  
     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

    Le nombre 515

    reflété par les faces de l'icosaèdre

     

     

    Quant à la description de l'icosaèdre gnomonique d'Edimbourg par Fulcanelli, elle ne peut que rappeler les origines chthoniennes de cet artifice propre à condenser l'énergie solaire :

     

    « Ainsi cet icosaèdre étrange représente pour nous une œuvre de double gnomonique. Le mot grec γνώμων, qui s’est intégralement transmis aux langues latine et française (gnomon), possède un autre sens que celui de l’aiguille chargée d’indiquer, par l’ombre projetée sur un plan, la marche du soleil.

     

    La racine grecque d’où proviennent γνώμων et γνῶσις, a également formé γνώμη, correspondant à notre mot gnome, avec la signification d’esprit, d’intelligence (...) La tradition nous les dépeint comme étant fort laids et de très petite stature ; en revanche, leur naturel est doux, leur caractère bienfaisant, leur commerce extrêmement favorable ».

     

     

    3. La Jérusalem

     

    La tradition décrit la Cité céleste comme un cube, puisque « la longueur, la largeur et la hauteur en étaient égales ». Cette forme, que Platon associe à l'élément terre, symbolise pour nous la mort initiatique ou « lyse d'amour », qui fixe dans l’arche cubique toutes les potentialités du monde, réduites en un nouveau chaos.

      

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

     

    4. Le chrisme

     

    Le « feu nouveau », en forme de X, signant l'accomplissement du sacrifice au centre de la Jérusalem, authentifie une mise au diapason avec la force animatrice de l'Univers, cet « amour qui meut le soleil et les autres étoiles », que Platon illustrait par le dodécaèdre.

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

     

    Ou encore, selon Guy-René Doumayrou, « l’élévation du cube, retournement de la quadrature du cercle, annonce l’assomption des forces de la nature au delà de leurs propres limites. Le dodécaèdre représente le dynamisme vital (cinq) activé au delà de sa puissance naturelle par l’ordre solaire (douze). C’est l’emblème de la Quintessence ».

     

    Notons, enfin, que la relation de dualité géométrique entre l'icosaèdre et le dodécaèdre fait écho, dans le domaine élémental, à celle entre l'eau "ignée" et le feu "nouveau", comme le dodécaèdre conserve, en partie, la symétrie de l'icosaèdre et la signature du nombre 515.  (note 17)

      

     

     24.09.2018

     

     

     

     

     

     

    NOTES DE BAS DE PAGE

     

    note 1 : Les enfants grecs, précise Antoninus Liberalis, ont coutume de couper la tête du lucane, et de la porter ensuite autour du cou comme un pendentif lyriforme.

    note 2 :  Associé au symbolisme du nombre 55, valeur en latin de l'expression numérale LVX, même si elle s'écrit ordinairement LV, (l'ajout du X ne changeant rien), mais aussi indirectement au 515, si l'on considère l'expression : cinquante (L) dix (X) et cinq (V) comme une variante du dantesque : cinq cent dix et cinq.

    note 3 : Les sabots arrière du centaure entérinent la division du rectangle selon un rapport de symétrie gauche/droite. Le point situé entre les sabots correspond à l'axe du vav et de la séparation Mars/Vénus.

    note 4 : Ce nombre pourra, en première lecture, apparaître comme une expression « arrondie » de la hauteur de la muraille de Sion. 

    note 5 : Le rapport entre ces deux points de jonction, 55 et 144, se laisse reconduire au rapport 10 – 12, et même, ultimement, au rapport générique entre pentagone et hexagone.

    note 6 : On peut aussi lire, en miroir, 14 14 comme une écriture décimale de √2, mesure des 12 diagonales des faces d'un cube d'arête 1 ; quant aux 4 diagonales intérieures, elles mesurent √3, hauteur de l'hexagone de côté 1 et du triangle équilatéral de côté 2 : on pourra ainsi interpréter ce nombre comme un symbole du chrisme ou de l'ignition accomplie (c'est le rapport numérique qui apparaît dans le tracé du 4 de chiffre, entre la grande ligne et les deux plus petites). 

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

    note 7 : Dans le champ sémitique, la racine trilitère QLB, qui donne le mot coeur (qalb) signifie aussi retourner. Aussi Dieu est appelé Celui qui retourne les cœurs.

    note 8 : En français, la déesse a donné son nom à la fleur de lys (iris), mais aussi au verbe iriser et à ses dérivés (irisation, iridescent) qui signifie : scintiller de mille couleurs, comme la fleur de lys ou l'arc en ciel. 

    note 9 : La partition de l'arche indique que le "catalyseur" de la chimie palindromique possède lui-même cette structure.

    note 10 : De plus, à la jonction des 2 registres (vecteurs horizontaux) on a  le rapport

    11 + 12 = 23

    Tandis que sur les parties latérales, on a (vecteurs verticaux)

    9 + 14 = 23

    Il s'établit donc une relation d' "équilibre" ou de commune mesure entre le rapport "ascendant" de la Jérusalem Céleste vers un état de complétude (11-12), et le rapport qui qualifie ses proportions internes (9-14).

    note 11 : La différence c'est que la croix de Saint André se divise en rangées 2-4-4-2 au lieu de 2-4-6-6-4-2.

    note 12 : Le fait que ce soit un carré gnomonique de rang 4 est concordant avec l'idée que cette zone est "le domaine de la plénitude". Ce carré, c'est le "filet" que la vesica piscis fixe en phase losange, au point intermédiaire de la "transformation du triangle en carré", c'est à dire à "l'instant X" de la physique pythagoricienne. Et cette grille est aussi celle du carré magique de Dürer.

    note 13 : Notons en outre qu'à la fin de son exposé, Zellini hasarde un rapprochement avec certains aspects de la religion apollinienne, révélés notamment par Plutarque.

    note 14 : Le nombre 10800 (= 1 année) rappelle le 1080 du helek hébraïque (= 1 heure), de la même manière que les 144 coudées de la muraille de Jérusalem rappellent les 1440 minutes d'une journée.

    note 15 : La sagittation est un "forçage", un coup douloureux qui contraint les éléments à s'abouter en un point quelconque, violence rendue nécessaire par le fait qu'à l'image du Même et de l'Autre, ces éléments sont "rebelles au mélange".

    note 16 : Le thème du filet renvoie naturellement à l'élément eau, comme l'illustrent les deux paraboles ésotériques, étrangement ressemblantes, relatant les pêches miraculeuses de Pythagore et du Christ. Le nombre de 153 poissons mentionné dans l'Evangile de Jean permet en outre d'établir un lien précis entre ces récits et le polygone gnomonique, puisque c'est par le rapport 265/153 qu'Archimède approche la mesure de la hauteur  de la Vesica Piscis, "mesure du Poisson", égale à √3, qui correspond à la grande diagonale du losange gnomonique évoqué dans la note 12.

    Vesica Piscis

    Dans une vision sommaire en phase avec la focale hermétique de Doumayrou, on pourrait voir  le « combat des éléments » (sagittation) comme un conflit cosmogonique nécessitant d'être « luthé » dans le filet gnomonique; - filet qui peut indiquer aussi bien des proportions que le fait de réduire ou ajointer deux principes dans un « rectangle » unique, qui serait par exemple le lit nuptial ou le « cocon ». Alors la phase suivante signifierait plus proprement la hiérogamie, la « lyse » de Mars et Vénus permettant l’échange des spermes ou des codons ADN, et la création du nouvel être, « sel alchimique » (grain cubique) ou « papillon » (psyché)... qui se libère dans la phase du chrisme (« quintessence »).

    Le filet joue deux rôles : amener les principes sur un terrain d’entente, et les dissoudre.

     

    note 17 : En effet, si l'on pose un dodécaèdre sur l'une de ses faces, on a :

    - une face pentagonale en haut (5)

    - une face pentagonale en bas (5)

    - et, formant une médiation entre ces deux pôles, 10 faces qui ne sont "ni en haut ni en bas" (10)

     

     

     

     

     

     

    BIBLIOGRAPHIE ET LIENS UTILES

     

     

    Sur les templiers, Saint Bernard et la religion du lys :

     

    Cantique des cantiques

    Les fils de la vallée - site de recherche sur la tradition templière

    Saint Bernard : sermon 47 sur le Cantique des cantiques

    John Joseph Stoudt : Consider the lilies how they grow

     

     

    Sur la religion apollinienne et le centaure :

     

    Marcel Détienne : Apollon le couteau à la main

    Philippe Monbrun : Les voix d'Apollon

    Georges Dumézil : Apollon sonore

    Homère : Hymnes homériques à Apollon et à Hermès

    André Charpentier : Le serment d'Hippocrate

    Valérie Gitton-Ripoll : Chiron, le cheval-médecin ou pourquoi Hippocrate s'appelle Hippocrate

    Jean Bayet : Le symbolisme du cerf et du centaure à la Porte Rouge de Notre-Dame de Paris

    Plutarque : Que signifie le mot EI gravé sur la porte du temple de Delphes?

     

     

     

    Sur le symbolisme des portes solsticiales, Janus, Agni

     

    René Guénon : Symboles de la science sacrée

    Porphyre : L'antre des Nymphes

    Homère : L'odyssée

    Jean Haudry : Le feu dans la tradition indo-européenne

    Paolo Zellini : Gnomon, una indagine sull' numero

    Ananda Coomaraswamy : La porte du ciel

     

     

     

    Sur les deux tétractys 10 et 36

     

    Armand Delatte : La tétractys pythagoricienne

     

     

     

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès