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Celtitude calendaire
CELTITUDE CALENDAIRE
par ALIBORON
Dans les « Notes sur la tradition celtique - Loge de Recherche Laurence Dermott », ici publiées, l’auteur de la planche nous dit ceci au sujet des fêtes celtes : « Il y en a quatre principales dans l'année qui, curieusement, sont placées non pas aux solstices et aux équinoxes comme pour nous (les deux Saint-Jean, etc.) mais au milieu des saisons. Les traditionalistes celtes, en particulier la revue « Ogam » à qui cette planche doit beaucoup, expliquent cet état de choses par la fixation de ces fêtes à des dates très anciennes et le résultat de la précession des équinoxes. A titre personnel, cette explication ne me satisfait pas — mais je ne suis pas capable d'en proposer une autre plus satisfaisante. »
Or, il est peut être possible de le faire en suivant les indications de Rabelais ; lequel est considéré par nos alchimistes comme le dernier hérault des traditions païennes christianisées, de Gaule et d’alentour. Pour ce faire nous profiterons de la lecture inspirée que fit Claude Gaignebet des oeuvres de ce géant. Dans l’ouvrage intitulé «A plus hault sens » la cosmologie rabelaisienne, savamment décryptée, s’avère être fort différente de celles, élues, « traduites » et synthétisées (par Guénon et consorts) en une grille de lecture décrétée universelle et faisant, malheureusement, autorité.
Vu l’ampleur du sujet et l’exiguïté prescrite par F.B., je me contenterai donc de vous en rapporter les seules conclusions ; libre à chacun d’aller visiter mes sources pour capter « le comment du parce que ».
Gaignebet fait remarquer qu’en introduction à son Pantagruel (II,1) Rabelais celtise ouvertement : « Il y a plus de quarante quarantaine de nuits pour nombrer à la mode des antiques druides ». D’autres allusions ou références aux celtes se trouvent aisément dans l’oeuvre du Chinonais, mais qu’est-ce à dire ?
Notre herméneute de s’interroger : « Si ce chiffre est « druidique », des fêtes comme le Carème (Quadragesima), la Chandeleur-Carnaval (quarante jours après Noël), l’Ascension (quarante jours après Pâques) ne pourraient-elles aussi être envisagées à ce point de vue ? »
Au sujet de cette « quarantaine », chère à Gaignebet, mais dont Frédérick me disait, ailleurs, ne pas voir le rapport direct avec les nombres prisés par les celtes, ce passage d’une étude antérieure de Gaignebet, « Le Carnaval » :
« Le calendrier celtique distinguait en effet quatre fêtes décalées chacune de 40 jours par rapport aux solstices et équinoxes » « Pourquoi 40 ? Est-ce l’effet d’une mystique des chiffres telle que celle qui inspira les Pythagoriciens ? Ces derniers aimaient le nombre 40. On voit généralement la raison de cet attrait particulier dans l’importance qu’ils accordaient aux chiffres 8 (ogdoade) et 5, dont le produit donne 40. » « C’est ici le moment de se souvenir que l’ensemble du calendrier tel que nous venons de le déchiffrer s’efforce de coïncider avec un phénomène naturel important, le cycle de la lune. Alors s’éclaire d’un jour nouveau la signification du nombre 40 : 40 jours représentant la durée d’une lunaison et demi. »
Faute de place, nous n’en retiendrons que l’essentiel : « quatre fêtes décalées chacune de 40 jours par rapport aux solstices et équinoxes » ; soit, comme le disaient les anciens (via l’entendement de Mr Giuseppe Bezza) un calendrier «naturel ». En passant, je m’étonne que nos maîtres à ne pas penser en matière de symbolisme aient pu zapper avec autant de désinvolture ce dont traite ici l’honorable italien....
L’intro de son étude (http://cura.free.fr/quinq/04bezza.html) rappelle ceci : « Chez les peuples primitifs le calcul du temps le plus répandu reposait assurément sur l'observation, près de l'horizon, du lever et du coucher d'une étoile avant le lever du Soleil ou après son coucher. Puisque ces points de repère expriment les cycles de la végétation ou les activités de l'homme, ils doivent être apparents et se répéter constamment ; en même temps, ils doivent permettre d'expliquer les changements qualitatifs des cycles temporels.
Ces observations ont été accomplies surtout dans les régions tempérées, où les changements des conditions climatiques sont importants et où la vie des plantes et des animaux, l'ensemencement et la floraison, les temps des migrations varient sensiblement au cours de l'année. Mais aussi dans les régions subtropicales, où les variations saisonnières sont moins sensibles, il peut arriver que les saisons sèches, celles des pluies ou encore l'arrivée des moussons avancent ou retardent dans quelque mesure.
Cet état de choses, qui est propre au monde primitif, nous le retrouvons chez les Grecs du temps d'Hésiode, qui ne conçoivent pas l'année en tant que période de temps avec un début déterminé, mais en tant qu'unité temporelle marquée par une succession d'abondances et de pénuries. A côté d'un calendrier luni-solaire, il y avait un calendrier fondé sur les apparitions et occultations des étoiles, les cycles végétaux, et le comportement des animaux. Ce sont ces repères que les peuples primitifs avaient pris en compte pour établir le temps des semailles et, plus généralement, la succession des travaux agricoles. » Bon, c’est un peu vague et oublieux de la celtitude mais a au moins le mérite de rafraichir la mémoire. Cela fait, l’auteur constate que plus tardivement s’esquisse « l’emploi d'un double référentiel : d'un côté l'observation d'un cycle stellaire relevant du calendrier naturel archaïque, de l'autre la prise en compte des équinoxes et des solstices, expression du développement mathématique de l'astronomie, qui ne repose désormais plus sur la seule observation. »
« Ce mélange aboutit, entre la fin du Ve siècle et le début du IVe siècle B.C., à la création d'un calendrier "technique", qui devra servir de base à la prédiction météorologique comme au diagnostic et au traitement des maladies »
« Les deux divisions de l'année, celle fondée sur les phases des étoiles et celle qui repose sur les équinoxes et les solstices, se trouvent désormais fondues entre elles dans la littérature des parapegmatas. » « La coexistence de ces différents repères est typique dans la littérature des parapegmatas à partir du Ve siècle B.C. Elle est aussi attestée dans le Corpus hippocratique, lequel présente une division de l'année en huit parties, où l'ancien calendrier, qui repose sur les apparitions de quelques étoiles remarquables (Pléiades, Sirius, Arcturus), garde son caractère propre. »
« Cette division de l'année, qui a connu un certain succès auprès des médecins du Moyen Age, repose sur une forme tout à fait archaïque. Au début du XIe siècle, al-Bîrûnî se montre très critique, notamment quand il dit qu'elle est l'oeuvre des partisans du calendrier naturel.
Parmi eux, écrit-il, il y en a certains qui s'éloignent beaucoup de la vérité, en fixant les quatre points de repère indépendamment des équinoxes et des solstices dans des lieux équidistants des équinoxes et des solstices. »
Bref, sans poursuivre l’historique de cette éclipse d’un calendrier au profit d’autres plus cérébraux, l’on peut déjà constater que nos celtes n’ont pas sorti leur déconcertant chronoscope ou lapin blanc, ex nihilo, d’un chapeau pointu. S’ils sont bien les derniers à avoir préservé (ouvertement) cette archaïque sapience, on entrevoit ici qu’elle fut jadis partagée par beaucoup d’autres. Et l’on verra plus loin, (si votre intérêt pour mes élucubrations perdure) qu’elle s’est envieusement maintenue (telle quelle !) en notre alchimie chrétienne, ainsi que dans un taoïsme d’accès réservé....
Rabelais, ainsi que l’a remarquablement révélé Claude Gaignebet, prône un retour à cette ancestrale et « naturelle » astrosophie, contestant ouvertement la pertinence (et plus encore l’efficience théurgico-rituelle...) de l’hégémonie finalement prise par les équinoxes et les solstices, « expression du développement mathématique de l'astronomie, qui ne repose désormais plus sur la seule observation. » Macrobe, grand théoricien de cette prépondérance (aujourd’hui parachevée par le guénonisme), en prend plein son grade sous la plume d’Alcofribas Nasier.... car, possédé par son idéale modélisation, il en devint aveugle à l’évidence proposée par notre Créateur.
En passant, il serait salutaire de prendre connaissance, dans le sillage de Jean Borella (par exemple son « Histoire et théorie du symbole »), du mode de manifestation initial prisé par les symboles : dans la Nature ! Et non dans les ratiocinations ayant pour base un dictionnaire ou un essai pondu par un «spécialiste» .... L’approche exclusivement textuelle, qui prévaut aujourd’hui, n’est pas toujours un cadeau.
D’autre part, les considérables modifications de « l’ambiance cosmique » entre jadis et maintenant, judicieusement supputées par Guénon, devrait être cogitées plus avant. Cela aiderait à nous re-présenter l’univers perçu par nos ancêtres, plutôt que d’y plaquer des grilles de lecture trop souvent inadéquates.
Ainsi, on pourrait compléter la remise à niveau, entamée dans « Le règne de la quantité », via le sieur Couliano, qui dans « Expériences de l’extase » s’étend un chouïa sur l’ouranisation progressive, en notre antiquité, des divinités telluriques préposées aux Mystères. Et, pendant qu’on y est, recommander une géniale approche de la corporéité (micro et macrocosmique) telle que verbalisée par ces grands anciens, celtes inclus : « La logique du corps articulaire », par dame Guillemette Bolens . Y est montré le lien fondamental pour nos ancêtres entre la «vitalité » psycho-somatique nous conférant présence au monde ( « thumos » des grecs, «hugr » des germains, etc) et, les énergies divines ( « prana » hindou, ou «chi» chinois) tramant notre réalité. S’y devine, plus qu’en tout autre bréviaire, la différence d’ « ambiance» et, par conséquent, de re-présentation, de relations au monde, entre ces anciens et nous.
Mais revenons en à nos moutons. Claude nous résume le problème : « La Voie Lactée, (de laquelle les âmes descendent avant d’y remonter, par deux « portes » ou « moments » idoines) ne coupe pas le zodiaque au niveau du Cancer et du Capricorne, mais plutôt entre le Taureau et les Gémeaux d’une part, dans le Sagittaire et non loin du Scorpion de l’autre.
Une telle situation est facilement observable et la précession des équinoxes ne saurait expliquer l’ « erreur » de Macrobe. En traitant de la Voie Lactée, Pline (Hist. Nat., XVIII, 69) remarque qu’elle est facile à voir, il la localise avec exactitude par les constellations qu’elle rencontre : Sagittaire, Aigle, Gémeaux et Canicule. Mais l’intention de Macrobe se trahit dès la première phrase (de son commentaire au «songe de Scipion »). Il cède à la magie des «temps ronds » et plus particulièrement à l’attraction des solstices.
Il n’est donc que le précurseur d’une longue lignée dont les derniers tenants sont les celtisants et leurs feux solsticiaux, les Francs-Maçons et leurs deux fêtes de la saint Jean. Le Capricorne et le Cancer sont deux signes tropiques et il est tentant de voir la Voie Lactée marquer les bornes où le soleil rebrousse chemin dans sa course apparente. » « Il cède là à une tendance commune à la plupart des systèmes religieux de la fin du paganisme antique. Les mythes sont rationalisés ; il en est souvent donné une explication symbolique que l’on inscrit dans la nature, le plus souvent dans les astres »
On commence à entrevoir que les avis « autorisés » qui, concernant nos celtes «expliquent cet état de choses par la fixation de ces fêtes à des dates très anciennes et le résultat de la précession des équinoxes », sont peut-être passés à coté de la plaque.....
Idem, par exemple, d’un Gilbert Durand, cogitant sur une des « providentielles » coïncidences entre celtisme et christianisme roman, soit la symbolique thériomorphe des 4 évangélistes (constante : de la vision d’Ezéchiel à l’apocalypse de St Jean), laquelle ne leur attribue point les quatre animaux symboliques des angles équinoxiaux et solsticiels de l’année tropique actuelle, mais ceux des signes fixes de cette même année : Taureau, Lion, Aigle/Scorpion, Verseau. Ainsi notre calendrier liturgique chrétien d’antan, correctement rapporté sur le cercle annuel, révèlerait un gros hiatus entre le temps de la Nature et celui de la Surnature, liturgiquement célébrée ? Pas si sûr..... tout dépend des idées qu’on se fait des rythmes fondamentaux de la dite Nature, faute d’en percevoir les Couleurs avec l’Oeil du Coeur : théo-phanie.
Et la sempiternelle « solution » de s’imposer : pour retrouver la coïncidence entre ces totems et ces angles, faut prendre l’escalator en sens inverse : « Jusqu’en 2500 avant J.C. c’est la constellation du Taureau qui était équinoxiale et celle du Lion solsticielle» ! Ok, et ensuite ? Supposerions-nous ces braves péquenauds d’anciens affligés d’un tel angle mort en « science des cycles », et donc inconsciemment scotchés à cette antériorité (pourquoi celle-là ?) au point d’en devenir incohérents avec l’ensemble de leur tradition, pourtant vécue au présent du visible, et de son invisible ?
René Alleau, dans son « Mont Saint Michel » nous avait pourtant mis la puce à l’aureille. Il y cause de ce « calendrier liturgique reposant sur la notion de cycles invariables, avec des «retours » qui n’ étaient pas observés dans la nature, mais qui venaient de la Révélation, et qui se reliaient à des expériences spirituelles ». S’il avait été plus charitable, il aurait précisé que ce genre de révélations ne se propose qu’à ceusses pour lesquels Nature et Surnature se superposent, merveilleusement, en Faërie .... Peu de chance qu’un advaïta-vedantin en bénéficie, hi hi. Mais passons, même si dans ce dernier bouquin s’ensuit aussitôt une évocation de la « Légende Dorée », qualifiée d’ « héraldique sacerdotale dont les clefs n'ont jamais été communiquées par ceux qui les détenaient ».... ce, suivi d'une apologie de l'oeuvre de Dontenville sur la mythologie « françoise » ! J’y reviendrai peut-être plus tard s’il est souhaitable de montrer que sans un minimum de transmission hermétique de Re-né à Claude, ce dernier n’aurait pu capter le message de Rabelais.
Relevons juste que de la gnose rabelaisienne, Alleau affirma (bien antérieurement à ce grand oeuvre de Gaignebet) qu’elle «se fonde sur les enseignements secrets de la philosophie hermétique et de la tradition ancestrale dont le grand initié que fut Rabelais a confié l’ultime message à cette cathédrale gauloise qu’est son oeuvre, synthèse encore énigmatique des «mystères du Soleil et de la Lune » de la Massénie médiévale ».
De quelle mirobolante ancestralité peut-il bien s’agir ? Gaignebet entamera son herméneutique le pif en l’air, vers un Ciel qui, en une certaine direction, comme on va bientôt le piger, n’est pas concerné par la précession des équinoxes : « c’est sur les seules dates de naissance de Gargantua (3 février en la saint Blaise) et de Pantagruel (25 juillet en la saint Jacques et/ou saint Christophe) que nous basons notre système d’explication de toute l’oeuvre de Rabelais ».
Soit, ainsi qu’il le montre ensuite, une importance considérable accordée à la Voie lactée, dont Gargantua en la saint Blaise (= Boaz) préside à l’extrémité nord ; Pantagruel quant à lui se trouvant en relation avec l’extrémité sud de ce Chemin de saint Jacques (= Jakin) que le soleil dans sa course annuelle traverse à ce moment là. Durée moyenne de ces deux traversées : 40 jours...
Rabelais nous invite à re-connaître « ces deux dates comme étant les pôles de l’année; car le centre du soleil et celui de la terre, alors en correspondance, invitent la nature toute entière à se gonfler du suc fécondant et lactée, qu’aux autres moments de l’année les âmes des héros se réservent jalousement. » Dit autrement, « une «échelle » existe bien, mais elle est formée, comme celle de Jacob, des degrés des planètes, lorsque le soleil est dans la Voie Lactée et que la Lune forme une marche intermédiaire entre les hommes et les dieux ». Et, contrairement à ce qu’enseignent les Macrobe et/ou Guénon, ça ne se passe pas sur la croix des signes mutables, c’est ballot !
« De toutes les influences qui tombent ici bas, il n’y a que celles qui se font au temps que les Planètes ont des regards entr’elles, à chaque changement de quartier de la Lune, qui soient portées au centre, parce qu’elles tombent sur la Lune, qui a la propriété de les réfléchir, comme les rayons du Soleil sont réfléchis lorsqu’ils tombent sur un miroir, aux objets qui lui sont opposés, et leur communiquent leurs qualités... » Mathurin Eyquem, «Le Pilote de l'Onde Vive».
Gaignebet de souligner que Rabelais dénie donc toute pertinence en cette affaire au Zodiaque (solstices-équinoxes). « A qui veut échapper à la roue d’un Temps dévorateur, il appartient de se mettre parallèlement au cercle lacté, et non à celui du zodiaque ». Idem chez son contemporain Dürer, ainsi qu’il appert en sa «Melencolia»...
« Ainsi et ainsi seulement, il met en correspondances les tissus lactescents du grand et du petit monde, de celui qu’il comprend et de celui qui le comprend. Ce temps est Aïon, la moelle, ce n’est plus la couronne de Kronos ; c’est celui des alchimistes. Entre ces deux mondes emboités existe une circulation, comme en ces deux fous qui se tiennent tête-bêche, au jeu de pète en gueule. Haut et bas s’inversent et le souffle anal (animique, en fait...) de chacun d’entre eux, récupéré au nez, nourrit.... le souffle anal. Ainsi tourne l’esprit, sans haut ni bas, réconciliation circulaire de toutes choses et du « thélème », d’un mouvement qui, de la gorge au cul, et du cul à la gorge, symbolise pour Rabelais, l’image archétypale de cette circulation des souffles». Il convient donc de recourir à une mélothésie (mise en correspondances des organes et parties du corps humain avec les influences astrales).... inversée, façon égyptienne, car tenant compte des inversions croisées ayant lieu en cet espace médian.
« Le microcosme humain étant à l’image inversée du macrocosme. Cette inversion porte sur la droite et la gauche, l’intérieur et l’extérieur, le haut et le bas ».... comme l’a bien « sentu » et rendu Véronique en ses « peinturlures ». Ne pouvant m’étendre ici sur ces relations « croisées » (étoiles-métaux en particulier), je vous invite à relire les « Aspects de l’alchimie traditionnelle » d’Alleau ; ou le Gaignebet qui, bordéliquement mais doctement, nous convie à participer à ces cosmiques galipettes.
Donc, pour Rabelais et autres curieux de Nature, : « L’ homme cosmique se tient ainsi : en correspondance avec la voie lactée, bifide entre Sagittaire (anus) et Scorpion (sexe), là où vient pénétrer la queue du serpent céleste Ophius : au niveau de l’Aigle ; partie supérieure du microcosme. L’autre partie, inférieure est marquée par Taureau et Gémeaux (gorge..), que menacent grand et petit chien. » Nous rapportant aux textes classiques de notre alchimie, nous constatons qu’ils désignent de préférence, (comme période propice à la captation de ce Spiritus Mundi), plutôt la dernière. La fenêtre peut sembler plus large, mais son apogée –médiane- correspond. Limojon de Saint Didier : « Le Cosmopolite plus ingénieux que les autres, pour indiquer que la saison la plus propre au travail Philosophique, est celle dans laquelle tous les êtres vivants, sensitifs, et végétables paraissent animés d'un feu nouveau, qui les porte réciproquement à l'amour, et à la multiplication de leur espèce, dit que Venus est la Déesse de cette Isle charmante, dans laquelle il vit à découvert tous les mystères de la nature: mais pour marquer plus précisément cette saison, il dit qu'on voyait paître dans la prairie des béliers, et des taureaux, avec deux jeunes bergers, exprimant clairement dans cette spirituelle allégorie, les trois mois du Printemps par les trois signes célestes qui leur répondent: Ariès, Taurus, et Gemini.”
Nous quitterons ici nos abstracteurs de quintessence et leur gnose druidique et pythagoricienne, pour un peu fricotter avec leurs collègues chinois, en mentionnant ultimement, via Gaignebet, (p.293) que ce cercle abstrait se nomme « équateur galactique », because on va le retrouver en cet ailleurs.
« Pourtant l’équateur galactique coupe l’écliptique et le zodiaque aux limites de Gemini et Taurus d’une part, entre Sagittarius et Scorpius d’autre part, et l’on ne peut ici que répéter les réserves faites sur les efforts des néo-platoniciens pour accorder le système galactique pythagoricien et celui des Portes solsticiales ».
C’est donc la thériomorphique croix des fixes, ou de St André (apôtre des Scythes et Scots...) , qui prévaut lorsqu’il s’agit d’aborder la dimension, certes invisible mais «subtilement » perceptible, où se tissent les traffics d’influences entre Ciel et Terre.. qui ne pouvaient manquer d’intéresser nos celtes, saturés de préoccupations «magiques ».
Donatien Laurent, en son article sur « le calendrier de Coligny » (http://abp.bzh/id=8460) se contentant de décrire, sans trahir ces théophaniques évidences en guénonisant solsticialement, nous allons profiter de lui pour traverser l’Eurasie : « Deux pôles d'entrée : début de l'an le 1er novembre (en Scorpion) et le 1er mai (en Taureau), début de l'autre semestre // et deux « milieu » de semestres : aux mois intermédiaires : 1er février (en Verseau) et 1er aout (en Lion). Ces 4 mois marquant chez les celtes le début des saisons. Axes transversaux incontournables ».
Il rajoute ceci : « de même que la nuit précède le jour, la phase sombre de l'année précède la claire » ; soit, mais il se pourrait que cette « évidence » en cache une autre, de nature plus «subtile »... qu’il a devinée, lorsque poursuivant son exégèse, il s’émerveille des similitudes entre calendriers celtes et chinois. Allant jusqu’à réquisitionner l’histoire de l’art : «l’apparition du motif des « deux feuilles tête-bèche », est, dans l'art laténien; bien plus antérieure que dans l'art chinois (le Taï Ki taoïste...) soit, dès le Vème avant notre ère. » On a entrevu plus hault l’importance, pour la tradition représentée par Rabelais, de ce 69...
Bien inspiré, cet universitaire décèle donc une troublante parenté entre le calendrier de Coligny et celui qui prévalait en l’antique chine. Même si, dans les pas de P. Duval et G. Pinaud, il reconnaît que l'importance apparente des semestres (et des lunaisons) « claires » et/ou « sombres » « signalent des interférences possibles avec d'autres calendriers antiques, celui de l'inde notamment ». Car, dit-il, « il existe dans ce calendrier indien toute une série d'emboitements à base 5, 12, et 60 qui rappellent ceux que pratique ce calendrier celtique ». Soit, mais manifestement la ressemblance avec la chine l'emporte aisément; et tout bien pesé (comme on le verra plus loin), sans contradiction réelle avec le clair-obscur cher au védisme, car il semble que, tout comme dans le traité du Kalaçakra (où l'obnubilation calendaire est patente) il y ait un type d'astro-logie-nomie pour chacun des 3 niveaux de l'être. Donc, sino-celtisme vrai-semblable : « Mais le plus étonnant est le calendrier de la Chine ancienne qui, outre le fait de commencer aux mêmes débuts de mois que celui des celtes, possède également un système de cycles quinquennaux, et d'intercalations régulières d'un mois les 3ème et 5ème années, c'est à dire aux mêmes intervalles que le nôtre. Noter que le chinois accorde aussi aux 12 premiers jours de l'année entourant le solstice d'hiver, une sorte d'existence séparée. « Une sorte de temps concentré équivalent à la durée entière de l'année », préfigurant les 12 mois de l'année à venir, dit M. Granet. » « L'utilisation qu'il fait des 2 notions complémentaires et alternées de yin et de yang, dont on fait remonter la conception aux 1ers astronomes chinois, pourrait tout aussi bien appartenir à ceux qui ont élaboré le calendrier celtique. »
On se contentera ici de mettre la truffe sous le capot d’une version taoïste de ce calendrier chinois, profitant du fait que cette tradition, certes moribonde, est néanmoins suffisamment vivante pour être perçue dans sa vérité . Et c'est déjà aussi « coton » que chez Rabelais car "la manifestation intégralement comprise entre le Ciel Yang en haut et le Sol Yin en bas peut être conçue comme un chassé-croisé permanent d'actions inverses". J.A.Lavier.
L'uranologie chinoise, courageusement défrichée par L. de Saussure puis Lavier, peinait toutefois à rétablir et justifier astronomiquement des corrélations satisfaisantes (et nécessaires) entre ces repères cycliques et le Yi King, jusqu'à ce que S. Desportes remarque d'étranges « anomalies », grosses de sous-entendus, dans le 1er texte connu de médecine chinoise, le Nei Tching Sou Wen. Il entreprit donc un travail considérable, épaulé par une connaissance approfondie de l'acuponcture et de l'astronomie de position, pour nous livrer le fruit de ses recherches in « L'homme sous le ciel », en 1986. Gentiment, il en a ensuite fait une version grand public, intitulé « Cycles du Ciel et de la Terre ».
Je vous passe les modalités de ces chinoiseries notamment l’importance des cycles sexagésimaux, articulés par les relations entre Saturne et Jupiter (en conjonctions d'oppositions, tous les 20 ans) , le tout rythmé par les conjonctions, tous les 30 ans, entre Saturne et Antares... pour en venir directement au résultat.
On voit d’emblée que ces chinois, comme dit Desportes, « préféraient se fier à du stellaire plutôt qu'à du solaire », car c’est le texte astronomique du Chou King qui donne les repères stellaires pour les véritables débuts des saisons subtiles (flux et reflux des Yin et Yang dans la Nature); soit, comme on va bientôt l’entraver, un calendrier stellaire, invariant par rapport à la précession des équinoxes. Ensuite, il saute aux yeux que l’importance accordée à la Voie Lactée est aussi considérable que par chez nous.
Pour des « raisons » essentiellement symboliques sur lesquelles je ne puis m’étendre ici, ces Fils du Ciel, désireux d’accorder la dynamique régissant leurs Eléments (feu, eau, bois, métal) avec celle du niveau stellaire, où 4 étoiles remarquables scandent les marées du «Chi» cosmique, un axe a été privilégié. Desportes, refaisant le chemin à l’envers pour le décrypter, amène le sujet ainsi :
« Envisageons la question de plus près en remarquant un fait astronomique qui peut nous apporter une solution conforme aux règles de l’analogie. Il existe un plan qui possède une verticalité symbolique par rapport au plan de l’écliptique et permet de définir l’ « axe vertical qualitatif » du niveau stellaire. Ce plan est dessiné par le cercle abstrait que parcourt la Voie Lactée, c’est à dire notre galaxie. Ce cercle qui délimite un plan différent de celui de l’écliptique coupe celui-ci suivant une ligne droite commune aux deux plans, qui s’étend depuis la constellation du Sagittaire aux environ de 18 heures d’ascension droite (proche de l’étoile Gamma du Sagittaire) jusqu’à l’opposé diamétral où elle recoupe le cercle de l’écliptique aux environs de 6 heures d’ascension droite à la limite des constellations du Taureau et des Gémeaux.»
Ca ne vous rappelle rien cet équateur galactique, avec ses deux « gués », comme disent nos chinois ???
Poursuivons notre céleste randonnée : « C’est à dire que cet axe « invariable » (puisque le cercle de l’écliptique et celui de la Voie Lactée sont indépendants de la précession) s’étend depuis le secteur Eau jusqu’au secteur Feu. C’est donc lui qui devient l’axe vertical de notre système calendérique, sur fond de coordonnées galactiques et non plus sidérales.
Notons une concordance importante : si on prolonge cette droite au delà de Gamma du Sagittaire, on traverse le centre de notre galaxie qui se trouve dans cette direction. Donc, cette ligne de rencontre des deux plans (Voie Lactée et écliptique), d’une part est stable, car l’écliptique, même si elle vacille un peu au cours des siècles, coupe toujours la Voie Lactée selon ce même axe, et, d’autre part, elle conserve la même orientation : vers le coeur de notre galaxie. Voici donc que le calendrier stellaire établi et/ou transmis par l’empereur Yao possède une stabilité principielle grâce à un axe vertical naturel, dont le sommet pointe vers le centre de notre galaxie, qui devient symboliquement, en tant que centre de tous les systèmes de calendriers, la Terre, élément de référence de notre système climatique En effet, avec ce calendrier galactique, orienté de cette manière, nous échappons au système de coordonnées variables en fonction du déplacement du point gamma sur l’écliptique au cours des siècles (précession) et nous nous conformons désormais aux coordonnées galactiques qui ne subissent aucun changement. » Et hop !
Ah oui, par Toutatis, j’allais oublier la cerise sur le gâteau ! L’axiologie susmentionnée, combinée avec les quatre phases d’animation du « Chi » cosmique, fait apparaitre ici bas quatre « moments » ou repères temporels privilégiés ; soit «quatre points de rupture dans les cycles (le Ciel) où l’espace organisé (le Sol) est en rapport direct avec « le monde extérieur inorganisé ».
Evidence ainsi énoncée par nos camarades chinois : « Etant donné que la Terre est carrée et le Ciel circulaire, il existe quatre coins de la terre que le ciel ne couvre pas ».
Lesquels « coins » marquant les phases de croissance et décroissance, ainsi que les apogées des dominantes Yang ou Yin, se situent approximativement mais sûrement vers le 6 Mai, le 6 Août, le 5 Novembre puis le 6 Février.
A vot’ service au cas où des infos supplémentaires seraient nécessaires.
« Sous un ciel jamais couvert »
ali von Boron.