• Pentagone et hexagone

     

     

     

    PENTAGONE ET HEXAGONE

     

     

     

     

    Après tout ce que nous venons de dire, j'ajouterai encore un mot qui sera sûrement entendu de Nicandre. Le sixième jour du premier mois, lorsqu'on introduit la pythie dans le Prytanée , le premier des trois sorts qu'on jette pour vous est tiré sur le nombre cinq, d'abord trois, ensuite deux. La chose ne se fait-elle pas ainsi ? « Oui, répondit Nicandre, mais il est défendu   d'en dire la raison aux étrangers. »

    Plutarque

     

     

     

     

     

     

    Pentagone et Hexagone

     

     

    Si les nombres 2 et 3 sont les « principes » de la doctrine de la nature, en ce que par eux débute le récit de la genèse du monde, les nombres 5 et 6 forment la suite du même récit, en ce qu'ils exhibent les deux plus proches finalités auxquelles sont conduits ces deux principes.

     

    2+3 = 5,

     

    2x3 = 6.

     

     

    Les nombres 5 et 6 peuvent donc être considérés comme les mariages des nombres 2 et 3, selon deux modalités distinctes ; (Charpentier qualifie les nombres 5 et 6 de « nombres conjonctifs »); toutefois, il semble qu'au nombre 5 seul convienne en propre le terme d'union. L'addition est la plus simple des unions, puisqu'elle absorbe deux termes en un seul, sans les faire disparaître. La seule chose qui a disparu étant précisément l'altérité, la séparation.

     

    La distinction de ces modalités, pentagonale et hexagonale, constitue pour ainsi dire l'essentiel de la philosophie de la nature.

     

    Fidèle à une tradition qui semble remonter à ..., Guénon associe le pentagone au microcosme et l'hexagone au macrocosme.

     

    Il y a deux façons d'entendre les concepts de macrocosme et microcosme; soit comme la relation abstraite du "tout" à l'une de ses parties quelconques, soit comme un nouage qui a lieu en tout point de l'Univers, entre intériorité et extériorité d'une réalité quelconque. Seule la seconde de ces conceptions est pertinente pour ce qui nous concerne.

     

     

    De ce point de vue toute monade à deux « cotés », deux « attaches » qui sont l'attache microcosmique à son plan propre, et  l'attache macrocosmique à un plan supérieur.

     

    Ainsi, le nouage qui, dans le Timée, associe les cercles du Même et de l'Autre aux plans respectifs de l'equateur et de l'écliptique, est parfaitement rigoureux ; il correspond au véritable nouage cosmologique de la terre (même si la distribution des termes « même » et « autre » peut être sujette à discussion) ; et conserve donc toute sa valeur, malgré l'obsolescence du modèle géocentrique auquel il donne lieu.

     

    Seule cette acception à la fois locale et universelle des notions de microcosme et de macrocosme est pertinente pour le sujet qui nous concerne.

     

    On peut donc, avec prudence, commencer par avancer que liaison ou l'association du pentagone et de l'hexagone a « quelque chose à voir » avec la constitution du cosmos. C'est en tout cas une idée récurrente dans la tradition pythagoricienne, où le couple formé par les nombres 5 et 6 se présente souvent comme un avatar, une reformulation du couple 2 et 3 du Lambda de Platon.

     

    « Comme de l'Un, premier connu, rayonnent le cinq et le six... » (Dante, Paradiso)

     

    Le contexte permettant d'identifier l'Un à Dieu, le 5 et le 6 sont présentés, dans ce vers, comme les deux premières réalités issues de l'Un, le degré de la « primauté » ayant reculé d'un degré, par rapport au Lambda de Platon. Guénon a montré que le nombre 11 avait, dans la comédie, une importance symbolique considérable (comparable à celle du nombre 9 de la vita nova) ; mais ce vers est le seul où nous est révélé quelque chose de la signification « génétique » de ce nombre.

     

    Le traducteur André Pézard, habituellement très discret sur les aspects ésotériques de l'oeuvre de Dante, est convaincu que ce vers doit être interprété à la lumière de la géométrie, et livre une étonnante construction, dont on peut regretter qu'il ne l'ait pas commentée davantage.

     

    Il s'agit de construire, à partir d'un cercle et de son rayon, l'hexagone et le pentagone inscrits dans ce même cercle, en ne recourant qu'à la méthode euclidienne de la règle et du compas. Du pentagone est déduit le pentagramme étoilé.

     

     

    Qu'est-ce que la nature ?

     

     

     

     

    Pézard identifie le cercle à l'Un-Dieu, et l'hexagone et le pentagramme, aux productions les plus immédiates du rayon de ce même cercle. Le rayon géométrique ayant clairement, ici, le sens symbolique de « rayonnement » divin.

     

     

     

    La construction de Pézard nous semble faire écho à un dessin de Dürer, dans lequel le pentagone et l'hexagone sont construits avec la même contrainte euclidienne, non à partir du Cercle, mais à partir du double cercle du Vesica piscis.

     

     

    Qu'est-ce que la nature ?

     

     

     

     

    Les deux constructions peuvent paraître complémentaires, la première affiliant le couple pentagone-hexagone à l'Un, la seconde, à la dualité première, dont le vesica piscis est le symbole. La première peut donc nous sembler relever de la métaphysique, tandis que la seconde relèverait plutôt de la cosmologie et de la science de la nature.

     

     

     

    Remarque : Pézard est muet sur les sources qui l'ont inspiré, mais on peut remarquer que son dessin reproduit exactement une construction d'Arturo Reghini (ref).

     

     

    Qu'est-ce que la nature ?

     

    Si de telles constructions peuvent être éloquentes sur la naturalité mathématique du nouage entre le pentagone et l'hexagone, elles sont malheureusement peu bavardes sur la différence qualitative entre ces deux figures. Si ces figures constituent un « couple » de la même nature que le couple pair-impair du lambda de platon, avec la même prétention à exprimer symboliquement le mariage, la hiérogamie de la création, de la nature universelle, alors, il doit exister entre ces deux figures des différences oppositives, dialectiques, aussi bien spécifiées que celles du couple Féminin-Masculin, qui est leur archétype.

     

     

    Le nombre 6 est un nombre circulaire

     

    Cette affirmation est associée à deux axiomes.

     

    A. Le rayon d'un cercle est égal au côté de l'hexagone inscrit dans ce même cercle.

     

    B. Si l'on empile autour d'un cercle des cercles de même diamètre, on constate qu'on peut disposer, en tout et pour tout, six cercles autour du premier, tous tangents entre eux et à ce cercle.

     

    Ces principes mathématiques expliquent que, dans la plupart des traditions, le nombre 6 soit associé aux idées de cyclicité, de retour du Même, de bouclage... toutes idées qui nous conduisent au pôle de l'Identité, qui est le pôle « ternaire », le pôle « mâle » de la manifestation universelle.

     

    A contrario, le nombre 5, comme ses « dérivés » géométriques les plus proches que sont le pentagone et le pentagramme étoilé, est associé au nombre d'or, lui-même considéré comme principe formel de la Vie, de la création, de la brisure de symétrie, ou encore de la non-périodicité... toutes indications qui pointent vers le pôle de l'Autre qui est, traditionnellement, considéré comme le pôle femelle de la manifestation universelle.

     

    Ainsi pouvons-nous retrouver, dans les nombres 5 et 6, une résurgence des polarités sexuelles du Lambda, bien que ces distinctions n'y soient plus aussi nettes, et perdent une partie de leur pertinence, dans la mesure où chacun de ces nombres est déjà une combinaison de masculin et de féminin. En outre, cette résurgence est liée à une inversion des relations initiales entre sexe et parité, puisque le féminin y est, cette fois, associé à l'impair, et le masculin au pair.

     

     

     

    Avant d'aller plus loin dans l'examen des réalités mathématiques, il sera utile de considérer ce que les traditions pythagoriciennes rapportent au sujet du nombre 5, et de ces figures associées que sont le pentagone et le pentagramme étoilé.

     

     

    Les arcanes traditionnels du nombre 5 – le pentagramme Ugieia

     

     

    Le pentagramme est considéré, selon la tradition, comme un signe de reconnaissance de la fraternité pythagoricienne.

     

    Et, avant d'aller plus loin, on notera que, dans l'histoire du pythagorisme, la fonction du « signe reconnaissance » est associée à la création et à l'élaboration du concept de symbole, que nous utilisons toujours.

     

    Et effet, le sumbolon, le symbole, était pour les pythagoriciens un signe de reconnaissance, qui consistait en une pièce de monnaie brisée à la séparation, en autant de morceaux que nécessaire, selon le nombres de frères. Le fragment conservé par chacun des frères le reliait, dès lors, physiquement, à l'instant de cette séparation, et lui était un gage infaillible sur l'authenticité de la retrouvaille. De même que seuls les vrais morceaux de la pièce originelle, auraient la possibilité de se rassembler, de même, seuls de vrais pythagoriciens, ou à défaut leurs représentants, pourraient être en possession de ces fragments de pièces. Le fragment, la partie, conservée par chacun des membres, porte en lui la marque du tout, de l'unité indivise constituée par la communauté des frères, selon une logique typiquement pythagoricienne à laquelle nous a longuement accoutumée la théorie du gnomon.

     

    Les termes « signe de reconnaissance » et « symbole » sont donc investis, en pythagorisme, d'une charge particulière, due à cette synonymie partielle.

     

    Un signe de reconnaissance doit nécessairement être un symbole, c'est à dire qu'il ne doit pas seulement « signaliser », « indiquer », (se réduire à la fonction du signe) mais incarner, produire lui-même la réalité dont il atteste ; et selon ce critère, il y a de bonnes raisons de penser que le pentagramme faisait office de « symbole suprême », ou de « symbole des symboles », d'un symbole capable de concentrer ou de conserver l'intégralité de la doctrine pythagoricienne.

     

    La tâche essentielle du présent ouvrage sera de tenter de comprendre pourquoi.

     

     

     

    Caractère liturgique

     

    Le pentagramme était associé à un geste, un tracé rituel.

     

    On relie par des segments 5 points de référence, correspondant à cinq parties du corps humain : nuque, épaules et hanches.

     

    Par ce geste, il est indiquée que ces 5 parties du corps sont nouées, c'est à dire, liées, rassemblées, mais aussi tenues, dirigées.

     

    Le pentagramme est un nœud.

     

    On commence par la hanche gauche et l'on poursuit ainsi :

     

    nuque, hanche droite, épaule gauche, épaule droite,

     

    Pour finalement conclure en aboutant la corde du tracé :

     

    hanche gauche.

     

    Ce symbolisme possède, à l'évidence, un aspect « mortel » et un aspect « vital », inséparables l'un de l'autre, auxquelles correspondent dans la conception vulgaire les deux connotations, « maléfique » et « bénéfique » du pentagramme, mais qui, dans le contexte de la pensée traditionnelle, renvoie au « mythe » du démembrement de l'homme primordial : le « sacrifice » primordial d'un Dieu qui aurait été la condition de la création du monde, mythe dans l'esprit duquel, bien évidemment, mort et vie sont indissolublement liées..

     

    Ce prétendu mythe n'est évidemment qu'un philosophème, qui veut que toute création soit, par définition, une division, et se nourrisse de la destruction d'une unité ontologique plus primordiale, d'une hénade, dans laquelle il est loisible à chaque tradition de reconnaître un de ses Dieux : qu'on l'appelle Osiris ou Dyonysos.

     

    L'acte de la mise à mort, de sacrifice et de démembrement qui se déroule du côté divin coïncide, sans aucun reste, avec l'acte de création, de liaison protectrice et de vitalisation dont le « miracle » s'accomplit à chaque instant, de notre côté. Ce qui est assez montrer que la mort du Dieu n'est qu'apparente.

     

    Comme les bris du sumbolon, les parties du corps du Dieu sont destinées (par la vertu même du rite) à se rassembler ; de sorte que la mort du Dieu ne contredit pas son immortalité, mais l'établit au contraire. Est immortel, non ce qui ne connaît pas la mort, mais ce qui la connaît au contraire assez intimement pour être capable de lui survivre : immortel est le dieu qui survit à sa propre mort.

     

     

     

    Geste et tracé

     

    C'est évidemment le côté bénéfique du symbole, celui qui gagne à la fin, qui est engagé dans le rituel pythagoricien, où ce geste, comparable au signe de croix des chrétiens, est synonyme de bénédiction et de salut. Et la vertu du geste se transportait, intacte, dans toute action de tracé, de dessin ou de gravure qui pouvait en conserver la teneur.

     

    Traditionnellement, le dessin du pentagramme était légendé , dans chacune de ses branches, par les

     

    5 lettres du mot UgiEIA qui signifie en grec « santé », et dont l'équivalent latin est « salus ».

     

     

    Tout personne qui emploie aujourd'hui pour saluer le mot : « salut ! », ou pour bénir le mot « santé ! » renouvelle, sans le savoir, un usage pythagoricien.

     

    Il convient, avant tout, de remarquer que ces termes nomment, dans l'antiquité, deux divinités de sexe féminin, l'une grecque, l'autre latine, qui sont dans leur panthéon respectif les déesses de la Santé, et que les théologies officielles ont donné pour « parèdre » ou pour « fille principale » (ce qui revient techniquement au même) soit au Dieu de la médecine Asclepios/Esculape, soit à Apollon, dont ce dieu médecin est souvent considéré comme le desservant, le substitut ou l'avatar.

     

    En réalité, il est certain que ces déesses ont une histoire locale beaucoup plus ancienne, totalement indépendante des dieux masculins indo-européens qui leur ont été donnés pour époux. Les mots « Ugieia » et « Salus » ne sont pas des noms originaux, puisqu'ils ne sont que des qualificatifs exprimant des fonctions de la déesse. La seule tradition qui ait conservé une dénomination plus ancienne est la tradition celtique, où la déesse Santé se nomme « Sirona ». Comme ses pareilles latine et grecque, Sirona fut mariée à divers dieux gaulois ; mais son nom conserve le souvenir d'attributions beaucoup plus primitives, antérieures à ces refontes théologiques tardives, puisqu'il signifie – ô surprise – « grande étoile ». « Sir » est un radical signifiant « étoile » (une extraordinaire étude étymologique a d'ailleurs montré que les deux mots dérivaient d'une source commune), tandis que le suffixe « ôn » est un augmentatif signifiant « grand », présent dans divers noms de nombreux dieux celtiques tels que Maponos, etc. - Sans ce témoin celte, il serait impossible d'expliquer les caractères nettement stellaires, comme le diadème (très rares chez les divinités gauloises) dont se parent aussi les équivalentes latine et grecque, Salus et Ugieia.

     

     

     

    Le tracé pythagoricien qui associe le nom de la déesse Ugieia à celui d'une étoile a donc bien le cartactère de restitution d'une donnée traditionnelle. A cette étoile mythologique correspondait, certainement, un astre du firmament, dont le souvenir n'a pas été conservé, mais pour lequel peuvent postuler plusieurs candidates : l'étoile polaire, Sirius, ou encore Vénus, avec pour cette dernière, cette coïncidence spectaculaire, que le tracé de sa révolution dans le ciel, correspond précisément à la figure d'un pentagramme.

     

    Mais quelle qu'ait pu être cette étoile, l'essentiel est qu'elle ait été investie, pour notre monde, d'une fonction de bienfaisance, d'équilibre et de santé ; et donc, qu'elle représente pour ce même monde une forme d'ancrage, de stabilité, condition de son salut.

     

    L'hypothèse d'une parenté étymologique entre notre déesse salutaire Sirona et Sirius n'a, en soi, rien d'invraisemblable; et Rémy Bayoud a même suggéré d'inclure dans ce procès les Sirènes de la tradition ésotérique pythagoricienne.

     

    Ces créatures mythologiques jouent en effet un rôle des plus éminent dans la tradition secrète du pythagorisme. En liaison avec les points de la tétractys, elle représentent l'éternité, l'invariance, ou encore l'immutabilité qui préside aux transformations de la nature; et leur domaine d'élection est parfois désigné comme une "couronne", qui peut évoquer le "cercle" ou le "sphaïros", l'éther invariant qui enveloppe le cosmos empédocléen dans une pellicule d'éternité.

    Par ce chemin, la déesse Sirona s'affranchit de la sphère étroitement médicale, pour s'élever au rang d'une déesse universelle, symbole de la condition, ou de la manifestation spatio-temporelle, et comparable à la déesse Isis.

     

    De nombreux commentateurs ont remarqué la ressemblance entre les conceptions pythagoriciennes relatives à la santé et à la médecine, avec les conceptions taoïstes. Dans ces deux doctrines, la santé résulte d'un équilibre entre les deux pôles de la manifestation universelle : yang et yin, masculin et féminin.

     

    Inversement, la maladie, le désordre, seront toujours la conséquence d'un déséquilibre entre ces deux pôles.

     

    Si la création et la vie nécessite la participation et l'union de ces deux principes, la santé, la conservation de la vie, nécessitera, quant elle, un harmonieux équilibre, une juste proportion, une parfaite composition entre ces deux principes.

     

    La tradition pythagoricienne attribue au nombre 5, entre autres qualifications, la propriété d'être un nombre nuptial, un nombre symbolisant le mariage, l'union.

     

    On aperçoit par là que le pentagramme, dont la fonction est d'accomplir l'union, la médiation entre les nombres 2 et 3, représentant le féminin et le masculin, est réellement un symbole approprié à ce qu'il symbolise ici : la santé, elle même définie comme un harmonieux équilibre entre ces deux principes. Par cet aspect, le pentagramme peut être considéré comme un symbole « équivalent » au symbole chinois du yin-yang.

     

    De la même manière qu'un certain équilibre est principe de Santé, un certain équilibre est principe de Justice. Souvenons-nous que la racine LeG-s, justice, est apparentée aux racines LoGos, LiGere, exprimant l'idée de lien.

     

    Aristote définit le principe de la justice au moyen des médiétés pythagoriciennes.

     

    Nos traditions occidentales montrent une confusion assez fréquente des symboles de la justice, comme celui de la balance, avec ceux de la médecine et de la pharmacie. Et Charpentier remarque à ce sujet :

     

    « La notion de Justice est pour les Pythagoriciens plus large que pour nous : elle désigne l'harmonie unissant l'Homme au Cosmos entier en un accord parfait, auquel conviendrait d'ailleurs mieux le nom de justesse. »

     

    Sans perdre les caractères originaux issus de ses origines pythagoriciennes, le symbolisme du pentagramme s'est conservé à travers toute l'histoire de l'ésotérisme chrétien, jusqu'à la franc-maçonnerie, dont l'étoile flamboyante est un des symboles majeurs.

     

    Après cet aperçu des données traditionnelles relatives au pentagramme, il nous sera possible d'aller un peu plus loin dans l'examen des réalités mathématiques.

     

    Dans un premier temps, on examinera les très nombreuses relations qui existent entre le nombre 5 et le nombre d'or.

     

    En second lieu, on approfondira la relation particulière qui existe entre le nombre d'or et la notion d'équilibre, relation qui éclaire, non seulement, le symbolisme du pentagramme et l'association de cette figure aux idées de Santé et de Justice, mais aussi, le fait que le nombre d'or ait toujours été crédité d'un potentiel de signification « physique » et cosmologique, qu'il passe pour un nombre apte à représenter l'équilibre des forces universelles.

     

    Si les nombres 5 et 6 peuvent tous deux être considérés comme des « mariages » des nombres 2 et 3, il semble qu'au nombre 5 seulement correspondent l'idée d'union. L'addition est une image parfaite de l'union de deux termes, en ce qu'elle ne supprime, de ces termes, absolument rien d'autre que la séparation, la dualité, en les réunissant en un seul.

     

    Et comme on a vu que, dans le lambda, la procession hors de l'un prend appui sur une dualité, (formée des 2 premières réalités issues de lui). On va voir que, dans le nombre d'or, la procession s'appuie sur une biunité, une dualité « réunifiée » (matérialisée par le nombre 5) ; de sorte que là où on avait une procession duale, on a maintenant une procession directe. D'autres arguments viendront étayer cette thèse que le nombre d'or représente, justement, ce principe de procession directe, avec cette précision technique de « la plus directe ».

     

     

     

    Remarque incidente le pentagone.

     

    Cette propriété « processionnelle » du nombre d'or peut être rapprochée d'une propriété mathématique spécifique du pentagone.

     

    Maël Mathieu, qui reconnaît dans le pentagramme un symbole de "l'homme transcendant", remarque au sujet du pentagone :

     

    La propriété géométrique essentielle et fondamentale de tout pentagone, qui explique (du moins en partie) son importance symbolique, est qu'il est toujours inscrit et circonscrit à une certaine conique et détermine univoquement ces deux coniques ; il est le seul polygone à posséder cette propriété. Or une conique, qui est l'équivalent projectif d'un cercle, est un symbole de la totalité manifestée. Le fait que le pentagone détermine univoquement sa conique circonscrite s'interprète donc comme : l'Homme transcendant détermine univoquement la totalité manifestée dont il est le centre. On remarquera à ce propos que le nombre cinq est le symbole traditionnel de l'Esprit.

     

    Il semble bien exister un rapport analogique entre la conique comme forme, et les principes de procession et de conversion qui sont les fonctions de l'hénade.

     

    Mael Mathieu remarque que chez Proclus, les notions de Procession et Conversion sont complétées par un troisième terme, la Manence, qui est en quelque manière la synthèse des deux premières, tout en formant une instance indépendante, et un "moment" dialectique, qui domine en alternance avec les autres. Il note :

     

    Ces trois "moments" sont à la fois unis et hiérarchisés, mais selon un ordre circulaire ; chacun d'eux est compris dans les deux autres, et a préséance sur eux sous un certain rapport.

     

    Quant à la manence :

     

    Il y a en elle un double aspect, qui peut être vue comme la synthèse finale de la procession et de la conversion, mais qui peut aussi précéder celles-ci d'une manière radicale et absolue. Et il y a aussi un double aspect dans la conversion, qui peut être vue comme le moment ultime de la procession, mais aussi comme sa condition, car seul ce qui est susceptible de se convertir - c'est-à-dire de faire retour au Principe - peut procéder.

     

    Chez Proclus, le concept de manence est intimement lié à celui de l'Éternité comme dénomination du Principe suprême.

     

    De fait, quelle peut bien être cette instance de "synthèse" entre les fonctions de procession et de conversion, sinon ce qui réalise entre elle un équilibre per-manent, un équilibre qui se maintient à travers l'alternance des trois principes?

     

    L'autonomie « ontologique » du pentagone, sa capacité autonome de procession, semble devoir être rapproché de la capacité du nombre d'or, de réaliser, justement, la procession géométrique « la plus directe ».

    En outre, le nombre d'or comme le pentagone, par cette parenté intime avec le principe procession lié au développement d'une conique, peuvent tout deux être rapprochés de la fonction de l'Hénade.

     

     

     

    Mais commençons par rappeler succintement les rapports entre nombre 5, pentagone et nombre d'or.

     

     

     

     

    Nombre 5 et nombre d'Or

     

     

     

    L'équation du nombre d'or s'écrit de nos jours conventionnellement :

     

    x = (√5+1)/2

     

    Et il existe bien d'autres définitions de phi faisant apparaître le nombre 5, dont celles-ci, relevées par l'auteur du site Harpakheredblog :

     

    Φ = 5 ^ 0,5 x 0,5 + 0,5

     

    Φ= √(( 5+√5) / (5-√5))

     

    Phi = e ^ asinh(0,5)

     

    Φ=2 cos (Π/5)

     

    Dans l'antiquité, le nombre d'or était conçu comme un problème géométrique relevant de la théorie des proportions, dans lequel il s'agit de diviser un segment en deux portions, de façon à ce que « la plus petite portion soit à l'égard de la plus grande, comme la plus grande est à l'égard du tout. »

     

    On a :

     

    c/b = b/a = Φ

     

    mais aussi

     

     

     

    a+b = c

     

     

     

    expression dont on sait qu'elle régit la suite de Fibonacci, et dont on peut déjà remarquer qu'elle correspond à une algébrisation de la relation entre les trois premiers nombres du Lambda, qui occupent le sommet de la figure

     

     

    1+2 = 3

     

    Dans le pentagramme, ce rapport apparaît entre le côté du pentagone intérieur, et celui d'une branche quelconque de l'étoile, chaque branche formant un « triangle d'or » aïgu, triangle isocèle dont les côtés inégaux sont dans le rapport phi.

     

    Deux autre triangles d'or, de tailles supérieures, peuvent être obtenus en prenant successivement pour base du grand côté les segments : a+b, puis b+a+b ; cet enchevêtrement de triangles d'or étant le principe générateur des pavages de Penrose.

     

    Après cet aperçu très rapide des relations entre le nombre 5, le pentagone et le nombre d'or, il est temps d'introduire un énoncé de science commune dont nous empruntons la forme à Schwaller de Lubicz :

     

    Le nombre d'or est le principe naturel des lois de l'équilibre.

     

    Du point de vue cosmologique, les lois de l'équilibre sont celles qui garantissent la cohésion de l'univers à travers toutes ses transformations, mais aussi, le contraignent à demeurer toujours égal au quantum « 1 ».

     

    Charpentier, qui reconnaît également dans le nombre d'or une expression mathématique du principe d'équilibre, invoque pour l'occasion un principe métaphysique supérieur, qu'il emprunte à Guénon, et qu'il érige au rang d'axiome de science pythagoricienne:

     

    « L'équilibre est le reflet dans l'existence de l'immutabilité du principe ».

     

    Autrement dit, l'équilibre des forces cosmiques n'est rien d'autre que la traduction de la présence et de l'action de l'Un, à travers tout le cycle de l'Existence et de la manifestation universelle.

     

    La question qui se pose à nous est : en quoi le nombre d'or est il particulièrement approprié à l'expression des lois de l'équilibre. C'est le fil que l'on suivra par la suite en passant en revue différentes approches du nombre d'or.

     

     

     

    le nombre d'or par la théorie des médiétés

     

    La proportion dorée est la seule proportion qui satisfasse à la fois la médiété Nicomaque 2 dite "géométrique", telle que :

     pour trois termes consécutifs :

      a<b<c

     On a :

     (b-a)/(c-b) = a/b = b/c

     médiété dans laquelle :

     ac = b2

     (Exemples de cette médiété les proportions "double" (1,2,4,8...) ou "triple" (1,3,9,27...) qui correspondent respectivement aux jambes gauche et droite du lambda de Platon.)

     

    Et la médiété Nicomaque 10 (de Fibonacci), telle que, pour trois termes consécutifs : a<b<c, on a :

     (c-b) / (c-a) = a/b

     médiété dans laquelle :

     a+b = c

     Exemple de cette médiété la suite de Fibonacci (0,1,1,2,3,5,8...)

     Autrement dit : la proportion dorée est la seule proportion "de Fibonacci" qui soit géométrique, et inversement.

     

    Ou plus exactement : en posant c/b = x et en égalant les médiétés N2 et N10, on retrouve l'équation x*x = x + 1 dont une des solutions est la proportion dorée.

     Exemple de proportion dorée, dans laquelle chaque terme est le phi-uple de son prédécesseur,  définie à partir de l'unité "1" :

     ( 1, phi, phi2,...)

    La proportion dorée est ainsi définie comme unique intersection de 2 ensembles bien définis, dont chacun est l'ensemble des solutions d'une médiété à 3 termes de Nicomaque – en l'occurrence les médiétés 2 et 10.

     

    De la même manière que, dans le Lambda, l'unité originaire correspond au croisement de deux progressions géométriques, l'une double, l'autre triple, de même, la proportion dorée correspond au croisement de deux médiétés : « géométrique » et de « Fibonacci . Nous allons voir que la plupart des approches du nombre d'or insistent particulièrement sur son rapport avec l'une de ces deux médiétés, au détriment parfois de l'autre ; et de fait, elle peut être obtenu à partir de chacune d'elles par saturation interne, sans le truchement de l'autre. Mais ici, on doit précisément avoir égard au fait que la proportion dorée représente un cas-limite pour les deux à la fois ; autrement dit que, pour chacune d'elles, elle incarne la présence du « même » dans un ensemble « autre »... cette dernière formulation devant faire sentir qu'elle répond au critère qu'une médiété doit posséder, pour être, selon le mot de Proclus, « ce plus puissant des liens » qui est le lien d'amour, que l'on peut schématiser par le fait, pour un être donné, d'avoir dans un autre être sa « raison d'être ».

     

    (Intégrer quelque part : Chaîne d'or des orphiques et lien d'amour. Dernier vers des buccoliques lu par Charpentier

     

    Omnia vincit amor, et nos cedamus.

     

    Vincit est une forme verbale commune à deux verbes différents : « vincere », vaincre, et « vincire », lier ; Virgile joue sur cette ambivalence pour transmettre un enseignement qui est le même que celui du dernier ver de la comédie de Dante.)

     

    Remarquons maintenant que la structure du Lambda possède pour nous des applications nouvelles, d'une généralité mathématique supérieure à celle qu'on lui connaît par l'exegèse du Timée.

     



     

    Lambda de Platon

     

    1 origine commune

     

    2 3 départs des médiétés géométriques « double » et « triple »



     

    Lambda de Proclus

     

    Médiété géométrique

     

    Médiété arithmétique Médiété harmonique

     

    (autre) (même)

     

    Lambda d'Or

     

    Proportion dorée (solution commune)

     

    Médiété de Fibonacci Médiété géométrique

     

    (ensemble des suites de F) (ensemble des suites géométriques)

     

     

     

    Charpentier et Reghini.

     

     

    Charpentier : « Pourquoi le pentagone est-il signe de vie ? Comme d'autres polygones, il peut se présenter sous deux formes ; il est soit convexe, soit étoilé... Et ces deux formes sont le résultat d'une alternance...

     

    « En effet, l'étoile, une fois engendrée par les diagonales du pentagone convexe, contient maintenant en son centre un nouveau pentagone convexe, d'orientation inverse et plus petit en quantité de surface que le premier, mais tout semblable à lui par la forme, qui manifeste une qualité inchangée. En effet chacun de ces pentagones est en relation dorée avec tous les autres, ce qui garantit le maintien de sa qualité à travers tous les changements quantitatifs.

      Cette alternance que les géomètres qualifient de « pulsante » est « le meilleur modèle de tous les rythmes vitaux ». Quant à « la loi qui rend possible cette alternance géométrique, c'est la même qui s'étend à tout le domaine de l'Existence, et qu'on a nommé « Nombre d'or » ou « divine proportion ».

     

    Charpentier remarque que, à l'image de la doctrine pythagoricienne, ce nombre a donné lieu à d'innombrables commentaires, sans que personne ait su dire de quoi il s'agit en fait.

     

    La réponse passe par cette question :

     

    « De quoi a besoin, pour rester en vie, une créature quelconque ? La réponse consiste en cette double condition : 1. Elle doit garder la forme qui répond à sa définition, sous peine de devenir « autre chose », en perdant son identité. 2. Mais il faut qu'elle garde, en même temps, la possibilité de se développer, c'est à dire de changer, en devenant « relativement autre ».

     

    Nous retrouvons donc ici les éléments caractéristiques de la dialectique du Timée.

     

    Charpentier remarque que la suite de Fibonacci (1, 1, 2, 3, 5, 8...), dans laquelle chaque terme est la somme des deux qui le précèdent, et qui est associée à la croissance « en spirale » de nombreuses formes naturelles : végétaux, coquillages, nébuleuses, manifeste précisément cette capacité à « maintenir une forme constante » à travers des états variables, son principe régulateur étant précisément la proportion dorée vers laquelle tend la suite de Fibonacci.

     

    Selon cette approche c'est donc la relation algébrique : a+b = c, caractéristique de la suite de Fibonacci, qui expliquerait l'universalité physique et cosmologique de la proportion dorée.

     

    Cette explication est assurément séduisante, à un détail près : elle omet que la proportion dorée est une proportion géométrique stricte, qualité que ne peut posséder aucune suite de type « Fibonacci », hormis celle qui a exactement pour matrice le nombre d'or, et qui constitue un cas limite.

     

    Charpentier estime, apparemment, qu'il est propre au principe des suites de Fibonacci de ne pouvoir produire qu'une approximation de plus en plus serrée du nombre d'or ; ce que l'on peut lui contester. En effet, si le principe de ces suites est défini de façon purement algébrique, comme dans la théorie des médiétés, alors, rien n'interdit de considérer la suite exacte du nombre d'or (1, phi, phi carré, …) comme un cas particulier de la médiété Nicomaque 10 (« de Fibonacci »), au même titre exactement que la suite (1,1, 2, 3, 5,...).

     

    Rappelons que la médiété Nicomaque 10 est une relation entre 3 termes a<b<c telle que

     

    (c-b)/(c-a) = a/b

     

    Or les deux suites susmentionnées satisfont bien cette condition.

     

    Charpentier, qui n'envisage pas cette éventualité, estime en conséquence que, pour obtenir une expression plus exacte du nombre d'or, il faut quitter le terrain de l'arithmétique, et emprunter celui de la géométrie.

     

    Pour ce faire, il recourt au théorème de Pythagore.

     

    L'hypoténuse d'un triangle rectangle de cathètes 1 et 2 vaut racine de 5.

     

    Si l'on rabat l'hypoténuse de valeur racine de 5 sur le même axe que le côté de valeur 1, on obtient un segment de valeur 1 + racine de 5, segment qui, divisé en deux (dans le contexte antique de la « corde à noeuds » cette opération peut se faire en repliant une fois sur elle-même la « corde » en question), on obtient un segment qui se trouve, à l'égard du côté de valeur 1, dans le rapport « phiuple », autrement dit : un segment de longueur phi.

     

    Par une voie plus directe, Reghini parvient à une conclusion assez semblable. Sa définition de la proportion dorée, d'un synthétisme remarquable, ne met en jeu que la proportion géométrique, et sa propriété principale  ac = b2 :

     

    On appelle section dorée d'un segment ou « section divine » cette partie du segment telle que le carré qui a ce segment pour côté équivaut au rectangle qui a pour côtés tout le segment et la partie restante.

     (...)

    Symétriquement à la définition qui qualifiait la proportion dorée de « seule proportion de Fibonacci qui soit aussi géométrique », on définit maintenant la proportion dorée comme « la seule proportion géométrique dans laquelle le troisième segment est égal à la somme des deux premiers »). Dans toutes les autres proportions géométriques, sans exception (inclus évidemment les proportions « double » et « triple » du lambda), le troisième segment ne peut pas être égal à la somme des deux qui le précèdent.

     

    La proportion dorée représente donc, à cet égard, une forme « épurée » du principe de progression géométrique, résultant d'un NOUAGE INTERNE.

     

    Si l'on admet que la médiété géométrique est en charge du principe de procession, la proportion dorée n'est pas autre chose qu'une médiété géométrique « réfléchie en elle-même ».

     

    Là où le Lambda représente une procession « duale », procession parallèle du pair et de l'impair, la proportion dorée représente en quelque sorte un principe de procession « directe » ou de procession « tout court ».

     

    Si l'on s'avise maintenant de traduire la définition de Reghini, définition géométrique reposant sur le rapport entre longueurs de segments, en termes arithmétiques, on obtient l'équation :

     

    1/phi x phi = 1 carré = 1

     

    Et cette équation nous rappelle immédiatement un axiome arithmétique des plus triviaux, qui veut que « le produit d'un nombre et de son inverse soit toujours égal à 1 ». Et c'est de cette manière, certainement, que la proportion dorée peut être définie de la manière la plus profonde : COMME UNE TAUTOLOGIE DIRECTEMENT EXPRIMEE DU NOMBRE UN, ou encore, comme le « ratio » minimal, ou « ratio de ratio », uniquement générateur du nombre 1.

     

    C'est cet aspect absolument RADICAL qui explique que, sur le plan de la réalité physique, la proportion dorée soit le ratio le plus propre à exprimer l'EQUILIBRE, notion dont a déjà vue qu'elle devait elle-même être définie comme la « conservation », la « permanence » ou le « reflet » de l'Un.

     

    Derrière ces deux approches de la proportion dorée par Charpentier et Reghini se profile le triangle rectangle (1,2, racine 5), et à sa suite, le triangle isiaque (3,4,5), dont nous avons montré ailleurs la complémentarité et les liens ; de sorte que le problème de la proportion dorée se trouve désormais placé sous le signe du théorème de Pythagore. C'est cette approche très importante, et riche, dont nous essaierons maintenant de développer quelques aspects particuliers.