• Chronologie des sept rishis

     

    CHRONOLOGIE DES SEPT RISHIS

     

     

    par Bibhu Dev Misra

     

     

    La doctrine des cycles historiques nous dit que nous vivons actuellement le Kali Yuga, âge sombre de la vertu et de l’intelligence. Selon l’épopée indienne du Mahabharata, seul un quart de la vertu demeure, jusqu’à tendre vers zéro à la fin du Kali Yuga. Les hommes sont dominés par la cruauté, la maladie, la peur et les catastrophes naturelles. Le Kali Yuga (Fer) était précédé par trois autres Yugas : Satya ou Krita Yuga (Or), Treta Yuga (Argent) et Dwapara Yuga (Bronze). Dans le Mahabharata, Hanuman donne cette description au prince Bhima : «Le Krita Yuga fut ainsi nommé car il n’y avait alors qu’une seule religion et tous les hommes étaient saints : ils n’avaient aucun besoin d’accomplir des cérémonies religieuses. Les hommes n’achetaient ni ne vendaient, il n’y avait ni riche ni pauvre et aucun besoin de travailler, parce que tout ce dont les hommes avaient besoin était obtenu par le pouvoir de la volonté (...) L’âme universelle était de couleur blanche. Durant le Treta Yuga ont commencé les sacrifices et l’âme du monde est devenue rouge, la vertu a diminué d’un quart (...) Durant le Dwapara Yuga l’âme du monde a pris la couleur jaune, et la religion était à moitié perdue. Le Veda fut divisée en quatre parties, et bien que certains eurent la connaissance des quatre Vedas, d’autres n’en connaissaient que trois ou un. L’esprit diminua, la vérité déclina et arrivèrent le désir, les maladies et les calamités.» Nous vivons actuellement l’âge sombre du Kali Yuga, duquel la vertu et la bonté sont quasiment absentes. Mais quand a commencé le Kali Yuga, et quand finira-t-il ? Malgré les descriptions élaborées de ses caractéristiques, ses bornes restent entourées de mystère. Généralement, on le fait débuter en 3102 BC, trente-cinq ans après la fin de la grande bataille du Mahabharata. Ce qui est remarquablement proche du début du grand cycle du calendrier Long Compte des Mayas en 3114 BC. Il faut noter que dans ces deux cas, ces dates de départ furent calculées rétrospectivement. Les Mayas ont recalculé leurs anciens calendriers entre 400 BC et 50 CE au centre cérémoniel de Izapa au Mexique. En Inde, un réexamen considérable eut lieu aux environs de 500 de notre ère. L’astronome renommé Aryabhatta identifia la date de commencement du Kali Yuga à 3102 BC. Pourquoi ce besoin soudain, de la part de deux anciennes civilisations, de recalculer des dates qui étaient à la base même de leur systèmes calendaires ? Comment de tels marqueurs temporels ont-ils pu être échapper à la mémoire collective ? Nous reviendrons sur ces questions plus tard. On croit généralement que Aryabhatta a calculé la date de début du Kali Yuga à partir des informations contenues dans le traité d’astronomie Surya Siddhanta, selon lequel les 5 planètes visibles à l’oeil nu étaient alignées sur le 0° du Bélier (étoile zêta des Poissons) au début du Kali Yuga. Il serait ainsi arrivé à la date du 17/18 Février de l’an 3102 BC. Néanmoins, les simulations modernes effectuées par Richard Thompson montrent qu’à cette date, les 5 planètes balayaient un angle d’environ 42° sur plus de 3 signes zodiacaux. Nous sommes très loin d’une conjonction. Aryabhatta a-t-il fait des erreurs de calcul ? Pas vraiment. En fait le Surya Siddhanta ne spécifie pas qu’un tel alignement ait eu lieu au début du Kali Yuga. Au contraire, il énonce clairement que cette conjonction à 0° du Bélier eut lieu à la fin de l’Âge d’Or. Malheureusement, cette simple affirmation a été déformée par les commentateurs désireux de supporter la date de 3102 BC, et ensuite prise pour un fait. Cette date vient véritablement de nulle part. Avant 500 de notre ère, elle n’était mentionnée dans aucun texte sanskrit. D’où Aryabhatta la tient-il ? Apparemment il ne l’a pas calculée lui-même. Il y fait référence une seule fois dans son texte Aryabhatiya en mentionnant qu’il l’a composé en l’an 3600 du Kali Yuga, alors qu’il avait 23 ans. Puisque ce texte date de 499 CE, on peut retrouver la date de début du Kali Yuga. Mais en elle-même, cette phrase ne révèle aucune information astronomique. Il est possible que Aryabhatta tienne cette date d’une autre source, dont la validité est rendue suspecte par sa nébulosité. Mais l’enquête pour retrouver cette date est semée d’embûches, puisque, ainsi que le fait remarquer Sri Yukteswar, beaucoup de textes sanskrits multiplient artificiellement la période de 12.000 ans par 360, pour constituer une période démesurée de 4.320.000 années qui compteraient pour une «année divine». Mais des textes comme le Mahabharata et les Lois de Manu conservent la valeur originelle de 12.000 ans. Bien d’autres cultures - Chaldéens, Zoroastriens, Grecs - croyaient également à un cycle des Âges de 12.000 ans. Yukteswar précise dans son livre La Sainte Science (1894) qu’un cycle des Yugas complet dure 24.000 ans, composé d’un cycle ascendant et d’un cycle descendant. Ce concept de montée et de descente ne sort pas simplement de l’imagination de Yukteswar. Cette idée prévaut encore parmi les Jaïns indiens, une des sectes les plus anciennes du pays. Il est possible que Yukteswar ait été influencé par le système jaïn, ou par des traditions orales qui ne sont pas passées dans le corpus écrit. L’idée d’ascension et descension était aussi prévalent dans les mythes grecs. Le poète Hésiode, dans Les Travaux et les Jours, donne une description des Âges où il insère un cinquième âge, l’Âge des Héros, entre le Bronze et le Fer. Dans le Cosmos d’Hésiode, Jenny Strauss Clay écrit : «Méditant le mythe du Politique de Platon, Vernant affirmait que le cadre temporel du mythe d’Hésiode n’est pas linéaire mais cyclique ; après l’âge du fer, qui se divise en deux, le cycle des races recommence avec un âge d’or, ou, plus probablement, la séquence s’inverse. Vernant lui-même offre une solution en remarquant qu’il y a en fait deux types d’existence humaine associées au Fer» Ainsi, les deux parties de l’âge de Fer pour Jean-Pierre Vernant correspondent aux phases descendante et ascendante du Kali Yuga de Yukteswar. On peut conjecturer, dans ce contexte, que l’âge des Héros, qui suit immédiatement le Bronze dans la recension de Hésiode, correspond au Kali Yuga descendant. Cela nous amène à la question des durées relatives des âges et des périodes transition (aube et crépuscule). Les valeurs suivantes sont données par les textes sanskrits :

    Satya Yuga (Golden Age) : 4000 years + 400 years dawn + 400 years twilight = 4800

    Treta Yuga (Silver Age): 3000 years + 300 years dawn + 300 years twilight = 3600

    Dwapara Yuga (Bronze Age): 2000 years + 200 years dawn + 200 years twilight = 2400

    Kali Yuga (Iron Age): 1000 years + 100 years dawn + 100 years twilight = 1200

    Puisque de nombreuses erreurs ont entâché la doctrine des cycles, comme le font remarquer Yukteswar et Tilak, nous devons également interroger la pertinence de ces durées. Bien que la doctrine des cycles soit mentionnée dans les mythes d’une trentaine de cultures, telles que les a décrites Giorgio de Santillana dans son Hamlet’s Mill (1969), on trouve très peu d’information relative aux durées des âges. C’est assez surprenant. Pratiquement tous les mythes racontent que la vertu décroît après l’âge d’Or. Certains mythes mentionnent que la vertu décroît d’un quart à chaque âge. Mais la durée des âges en eux-mêmes semble abordée de manière insuffisante. Si la durée de chaque Yuga diminuait, ce point important n’aurait-il pas été mentionné ? Les récits peu nombreux qui spécifient ces durées, parlent de durées égales. Par exemple, les Zoroastriens croient que le monde dure 12.000 ans divisé en 4 âges de 3000 ans. Une source mexicaine connu comme le Codex Rios, énonce des durées de 4008, 4010, 4801 et 5042 ans respectivement, pour un total de 17.861 ans. Ainsi, les durées des 4 Yugas des textes sanskrits (càd : 4800, 3600, 2400 et 1200 ans) dévient de la norme. C’est une progression arithmétique, très rare dans les cycles naturels. Cette séquence apparemment non naturelle pose la question de son altération délibérée afin de donner l’impression que la durée de chaque Yuga diminuerait de pair avec la vertu. Les ratios 4:3:2:1 donnent l’impression superficielle que la durée est réduite d’un quart d’un Yuga à l’autre. Bien sûr ce n’est pas le cas. Mais voilà le fait le plus parlant : deux des astronomes les plus fameux de l’Inde antique, Aryabhatta et Paulisa, croyaient que les cycles des Yugas avaient des durées égales ! (...) Cependant leur opinion a été éclipsée par le point de vue contradictoire de Brahmagupta qui raillait les astronomes qui ne soutenaient pas ses propres idées. La doctrine originelle des Yugas semble avoir été très simple : un cycle des Yugas de 12.000 ans, chaque Yuga durant 3000 ans. Ce cycle est encodé dans le «Calendrier Saptarsi» qui a été utilisé en Inde pendant des milliers d’années. Amplement utilisé au cours de la période Maurya au 4ème siècle BC, il est toujours en usage dans certaines régions de l’Inde. Le terme Saptarsi fait référence aux Sept Rishis ou Sept Sages qui représentent les sept étoiles de la Grande Ourse. On les considère comme des éveillés qui apparaissent au début de chaque Yuga pour propager les lois civilisatrices. Le calendrier Saptarsi possède un cycle de 2.700 ans. Il est dit que la constellation de la Grande Ourse reste 100 ans dans chacun des 27 nakshatras (astérismes ou mansions lunaires). Si le cycle de 2.700 ans représente la durée d’un Yuga, alors les 300 ans restants (1/10ème) correspondent à la période de transition. La durée totale d’un cycle des Yugas, en exceptant les périodes de transition, vaut 2700 x 4 = 10.800 ans, soit la durée de la Grande Année d’Héraclite ! Les historiens sont d’accord pour dire que le calendrier Saptarsi utilisé durant la période Maurya commençait en 6676 BC. (...) Un calendrier Saptarsi plus tardif, toujours utilisé en Inde, a débuté selon toute vraisemblance en 3076 BC lorsque la Grande Ourse était dans le nakshatra Magha que mentionne le Brihat-Samhita. Mais, comme l’explique Dr. Subhash Kak, «le nouveau comput qui remonte à 3076 BC a été commencé plus tard afin de le caler sur le début du Kali Yuga». Alors, quand le calendrier pour le Kali Yuga a-t-il vraiment commencé ? Dans le livre Traditions of the Seven Rsis, Dr. Mitchiner indique que le calendrier Saptarsi pour le Kali Yuga (Laukika Abda du Kashmir) commença quand la Grande Ourse était dans Rohini. Ce qui était le cas en 3676 BC. C’est là que ça devient intéressant. Un cycle des Sept Rishis a commencé en 6676 BC et un autre a commencé exactement 3000 ans plus tard en 3676 BC. Mais le cycle dure 2700 ans. Une période de 300 ans a été ajoutée à la fin du cycle, ce qui montre bien que l’hypothèse des 2700 + 300 ans était bien la base originelle de la doctrine des cycles. On peut également en conclure que le calendrier initié en 6676 BC comptait le temps à partir du Yuga Dwapara descendant. On arrive ainsi à la table suivante :

     

    La seconde partie de l’article met en lien les périodes intermédiaires avec des indices archéologiques et historiques de catastrophes naturelles et d’effondrement de civilisation. Pour résumer :

    9976 BC - 9676 BC : fin du dernier âge glaciaire, déluge global, impact éventuel de comète

    6976 BC - 6676 BC : catastrophe de la Mer Noire, tremblements de terre et déluges

    3976 BC - 3676 BC : «5.9 kiloyear event» de 3900 BC, aridité au Sahara, déluge en Asie

    976 BC - 676 BC : catastrophes environnementales, âges sombres grecs

    2025 CE - 2325 CE : ...

     

    (Adapté de l’article en ligne “The End of the Kali Yuga in 2025 : Unraveling the Mysteries of the Yuga Cycle”)

     

     

    GLOSES

    par Rémy Bayoud

     

    Astronomiquement, le passage de la Grande Ourse dans les différentes maisons lunaires, et à intervalles réguliers, semble impossible. Il pourrait s’agit d’un moyen symbolique de diviser en siècles la période “pleine” d’un Yuga, valant les 9/10 des 3000 ans. D’autre part, on peut éventuellement imaginer que l’Âge d’Or n’est pas interrompu (entre ses phases ascendante et descendante), ce qui amènerait à 7 le nombre de temps intermédiaires pour la totalité du Grand Cycle.

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    A mon sens l'intérêt n'est pas tellement lié au pronostic (pas la peine de faire appel aux maths pour voir venir l'orage) mais au rétablissement d'une théorie cohérente, même s'il peut y avoir des erreurs. Les deux points litigieux étant celui du facteur multiplicatif déjà bien dénoncé, même par Guénon ; l'autre celui de la progression arithmétique, toujours accepté parce qu'il caresse (une vision) du pythagorisme, mais pourtant relativement bizarre (je ne dis pas impossible) et émanant d'une source unique. En soi les intérêts historiques ne me paraissent pas moins valables sur un cycle long, que dans celui du calendrier tropique, et d'autre part ils servent surtout ici de "pierre de touche".

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    En tout cas l'analogie avec le calendrier donne quelque poids à un canevas de 40 + 5 jours que j'avais imaginé pour coller aux 8 grandes fêtes de l'année selon Walter. En prenant 12.000 ans pour le semestre, on peut considérer la correspondance (approximative) 2700 ans = 40 jours, 300 ans = 5 jours. En suivant cette piste ça donnerait :

    Phase ascendante :

    - Hiver = début Fer... fin du Fer 40 jours + tard, et 5 jours intermédiaires = 2 février- Imbolc = début Bronze... 40 + 5 = 21 mars

    - Printemps = début Argent... 40 + 5 = 2 mai- Beltaine = début Or... 40 + 5 = 21 juin

    Phase descendante :

    - Eté = début Or... 40 + 5 = 2 août- Lugnasad = début Argent... 40 + 5 = 21 septembre

    - Automne = début Bronze... 40 + 5 = 2 novembre- Samain = début Fer... 40 + 5 = 21 décembre

    Si l'on suit la chronologie proposée dans l'article, on se situerait analogiquement dans les derniers jours de janvier.

    Assez hallucinant, le début de "l'ère commune" correspondrait alors au 1 janvier.

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    Faisons plus simple, sans les Yugas, et constatons simplement que le pôle céleste pointe actuellement vers le bord de la Galaxie, ce qui correspond en fait à la "quadrature cosmique" entre la ligne des équinoxes (mobile) et la voie lactée (invariante).
    C'est la définition d'un "solstice d'hiver" par rapport au centre galactique. Ce qui permet aussitôt de définir des saisons galactiques (saisons au sens naturel des celtes ou chinois, c'est à dire centrés sur les solstices-équinoxes). Evidemment il s'agit d'un modèle géométrique qui ne peut coller parfaitement à la réalité ; de la même manière, les saisons sur Terre ne sont pas de durée égale en raison de l'excentricité de l'orbite. Au passage, ce modèle n'est pas plus symétrique que les journées ou les années terrestres ! La dissymétrie sous-jacente vient par exemple des configurations différentes des planètes d'un grand cycle à l'autre. Spirale plutôt que cercle.
    En restant sur ce modèle empirique, on perd en revanche la notion de "pralaya" entre les saisons ; à moins que cette notion puisse être transposée naturellement à partir du calendrier annuel, mais ces "jours intermédiaires" que j'avais supposés ne me semblent pas très présents dans notre tradition, à ma connaissance.
    Maintenant, reste la question des effets qualitatifs de telles saisons, ce que je ne pourrais trancher sur un plan strictement empirique. Il faudrait faire appel à des courants cosmiques analogues aux influx solaires, à mon avis tout à fait réels, mais dont la cartographie me semble mal précisée.


    La fin du Kali Yuga en 2025

     

    Remarque : ce modèle ne correspond pas à la chronologie proposée plus haut. A moins de redéfinir la notion de saison, etc...
    Eventuellement chercher du côté des 4 Etoiles Royales, aux influx desquelles la Terre pourrait se "disposer" au cours des phases du cycle...