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    LA TRADITION DU NOMBRE 515 :

     

     DANTE, DÜRER, JORGE ALFONSO

     

     

     

    Au 33e chant de son purgatoire, Dante place dans la bouche de Béatrice la prophétie suivante :

     

    « car je vois à coup sûr – et si, l'annonce -

     tels astres, francs d'achoppail et encombre,

     proches déjà de nous donner bon temps,

     où mû par Dieu un cinq cent dix et cinq

     viendra occire enfin la larronnesse

     et le géant qui fornique avec elle. »

     

    Cette prophétie conclut un long récit symbolique commencé au chant 32, où Dante, conduit par Béatrice et plongé dans un état léthargique, est saisi d'une série de visions touchant le destin de l'église, et sa lutte avec la puissance temporelle de l'Empire.

     

    La prophétie reprend, en la précisant, une prédiction formulée par Virgile dès le premier chant de l'enfer, qui donne d'autres indications sur la nature de cet « envoyé de Dieu » auquel s'identifie le 515.

     

    Harcelé par une Louve, symbole traditionnel de l'avarice qui, dans la comédie, symbolise la Rome des papes, cause des malheurs du poète, Dante demande protection à Virgile contre les assauts de cette bête, et ce dernier lui répond :

     

    … cette bête ici, pour quoi tu cries,

     ne laisse homme passer par ses chemins,

     mais si fort le guerroie qu'elle le tue ;

     et sa nature est si mauvaise et felle

     que jamais ne s'emplit sa convoitise,

     et repue elle a faim plus que devant.

     A vingt et trente mâles elle s'accouple ;

     ains, plus seront, tant que vienne le Vautre

     qui la fera mourir à grand douleur.

     Cil ne paîtra ni terraile ni peautre,

     mais sapience et amour et vertu,

    et sera né entremi fautre et fautre.

     De l'humble Ytaille il sera le salut

     pour qui mourut Camille la pucelle,

     Nisus, Turnus et Euryal navrés.

     Cestui la chassera par toute ville

     atant qu'il l'ait remise dans l'enfer

     là d'où Envie jadis la débûcha. »

     

    Avant même que cette hypothèse ne soit confirmée par un examen du texte de Dante, le nombre 515 associé à la figure du l'envoyé de Dieu, a été rapproché du nombre 666, qui dans l'apocalypse, désigne la « bête », annonciatrice du règne de l'antéchrist. Et de fait, toute la vision du chant 32 du purgatoire apparaît comme une reprise, ou comme un prolongement de la prophétie Johannique.

     

    Dans la vision de Dante, le char de l'église, d'abord conduit par Béatrice (représentant ici la grâce divine), est attaché à un arbre - qui fleurit - avant de subir les assauts d'un aigle, d'un renard et d'un dragon. L'aigle représente la puissance impériale. En attaquant le char, l'aigle lui laisse « des plumes » de sa puissance ; le char se transforme en un monstrueux char-à-plumes ; une putain et un géant en prennent possession et l'emportent.

     

    Cette vision semble calquée sur l'apocalypse où, comme l'a remarqué Auberlen, la femme du chapitre 12, symbole de l'Eglise, reparaît au chapitre 17 comme prostituée, parce que l'Eglise est devenue infidèle à son Epoux en s'alliant au pouvoir civil.

     

    Et de même manière que l'arrière plan historique de l'apocalypse concerne, très généralement, la persécution des chrétiens et l'annonce, à vocation consolatrice, de la chute et de la destruction de l'Empire romain, la vision du chant 32 du purgatoire narre les tribulations de l'Eglise confrontée à l'empire romain-germanique, auxquelles doit mettre fin la venue du Lévrier justicier « envoyé de Dieu ».

     

    Ces parallèles assez transparents en eux-mêmes, ont été confirmés de manière éclatante par les recherches philologiques de Rodolfo Benini, qui remarque :

     

    « Dante a imaginé de régler les intervalles entre les prophéties et autres traits saillants du poème, de manière que ceux-ci se répondissent l'un à l'autre après des nombres déterminés de vers, choisis naturellement parmi les nombres symboliques. (…) Et voici apparaître les fameux 515 et 666 dont la trilogie est pleine: 666 vers séparent la prophétie de Ciacco de celle de Virgile, 515 la prophétie de Farinata de celle de Ciacco ; 666 s'interposent de nouveau entre la prophétie de Brunet Latin et celle de Farinata, et encore 515 entre la prophétie de Nicolas III et celle de messire Brunet. »

     

    On retiendra de ces remarques que le nombre 515 se présente comme opposant bénéfique au nombre maléfique 666 ; l'alternance de ces nombres dans le poème pouvant symboliser le déroulement d'une lutte apocalyptique dans laquelle les deux principes dominent à tour de rôle, jusqu'à la victoire finale du principe du bien.

     

    Mais avant d'aller plus loin dans l'examen des prophéties de Dante et du mystérieux élu qui en est l'objet, il sera bon de revenir au texte de l'Apocalypse, qui est sa principale source d'inspiration.

     



     

    La bête de l'Apocalypse

     

    On omet souvent de remarquer que, dans l'Apocalypse, la venue de la Bête est saluée comme un événement favorable, qui doit permettre la survenue d'un événement heureux. Les deux événements sont liés dans les versets 9 et 10 du chapitre XII.

     

    9 Il a été jeté le grand dragon, l'antique serpent qu'on appelle le diable et le Satan, lui qui égare tout le séjour, il a été jeté sur la terre et ses anges ont été jetés avec lui.

     

    10 Et j'ai entendu une grande voix dans le ciel, elle disait : C'est maintenant le salut, la puissance et le règne de notre Dieu et le pouvoir de son Christ, car il a été jeté l'accusateur de vos frères qui les accusait jour et nuit devant notre Dieu.

     

    De la même manière exactement, la révélation du « chiffre de la bête » au dernier verset du chapitre XIII, est immédiatement suivi par la vision de l'Agneau debout sur le mont Sion au premier verset du chapitre XIV :

     

    XIII, 18 Ici est la sagesse : Que l'intelligent calcule le chiffre de la bête car c'est un chiffre d'homme et ce chiffre est six cent soixante-six.

     

    XIV, 1 Et j'ai vu, et voici l'agneau debout sur le mont Sion et avec lui cent quarante-quatre mille qui ont son nom et le nom de son Père écrits sur leur front.

     

    Non seulement le parallélisme est confirmé entre la venue de la bête et l'établissement du règne du Christ, mais le nombre maléfique 666 se voit clairement opposé un nombre « bénéfique » : les 144 « myriades » qui composent l'armée des élus du Christ.

     

    Le nombre 144 est considéré comme symbolisant la plénitude, en ce qu'il est le carré de 12

     

    144 = 12 x 12

     

    Le nombre 12 se réfère aux 12 tribus d'Israël dont sont extraits les élus ; mais il peut aussi se référer aux 12 apôtres du Christ. Le produit 12 x 12 pouvant dès lors exprimer l'union de l'ancien et du nouveau testament, et l'accomplissement complet de la prophétie.

     

    Sur le plan mathématique, on peut remarquer que 144 est également le 12ème nombre de Fibonacci.

     

    Il peut donc être représenté comme le sommet d'un lambda à 12 étages, dont les jambes seraient respectivement formés par la série des nombres carrés, et celle des nombres de Fibonacci.

     

    Cette remarque prendra tout son intérêt plus loin, lorsque nous aurons à évoquer le nombre 55.

     

    Mais en attendant, on peut remarquer que le nombre 144 peut s'exprimer de la manière suivante :

     

    (6 + 6) x (6 + 6)

     

    Sous cette forme, on admettra que ce nombre bénéfique présente un troublant air de ressemblance avec le nombre « maléfique » qui est celui de la bête. Les deux nombres semblent plutôt des complémentaires, exprimant l'un comme l'autre l'alignement des planètes, ou la complétude des temps. Le second nombre étant le correspondant « dans l'ordre supérieur » (L'agneau debout sur le mont Sion, représentant symboliquement « le point le plus élevé de la terre ») de l'événement advenu dans l'ordre inférieur (le serpent jeté « sur la terre »).

     

     

    Nombre des élus (6 + 6) x (6 + 6)

     

    Nombre de la bête 6 6 6

     

    Mais nous allons voir à présent que cette apparence de complémentarité sur le plan symbolique peut être doublée par une réelle complémentarité mathématique, extrêmement précise et signifiante.

     

    On a remarqué en d'autres occasions que les nombres palindromes pouvaient être vus comme des exemples particuliers d'une fonction palindromique plus générale, qui concerne elle « toute formule arithmétique qui demeure inchangée pour une rotation de 180 degrés sur elle même », ou encore, qui possède dans sa structure la symétrie du miroir.

     

    De cette manière, un nombre palindrome peut être envisagé comme un « formulaire » qui peut être décliné de plusieurs manières, autres que le seul agencement décimal des chiffres arabes ; la formule 666 pouvant par exemple être interpretée comme :

     

    6 + 6 + 6

    ou

    6 x 6 x 6

     

     

    En adoptant pour le texte de l'Apocalypse cette dernière option, la complémentarité du nombre de la Bête et du nombre de l'Agneau devient beaucoup plus bavarde.

     

    En effet 6 x 6 x 6 = 216

     

    Nombre dont on a vu qu'il correspondait au cycle des réincarnations de Pyhagore, d'une part, mais aussi au développement gnomonique tridimensionnel des trois cubes adjacents au triangle Isiaque, formule qui correspond à un développement externe des équations de Pythagore où d'une part

     

    33 + 43 = 53

     

    mais en outre :

     

    33 + 43 + 53 = 63 = 216

     

    En adoptant pour nombre de la bête le nombre 216, on remarque immédiatement que :

     

    216 + 144 = 360

     

    Les nombres 144 et 216 deviennent ainsi des valeurs angulaires, et le nombre 216 correspond très exactement à « ce qui manque à l'angle 144, pour compléter le cercle 360 ».

     

    Si l'on définit dans un cerle, à partir de son centre, un angle dont les mesures, intérieure et extérieure, sont égales à 144 et 216 degrés, on obtient une division de la circonférence selon le rapport 2/3, à partir de laquelle il est aisé, en comblant les intervalles, de retrouver les trois sommets complémentaires du pentagone régulier. Ces trois sommets complémentaires, reliés entre eux, forment un triangle d'or aigu.

     

    Ces valeurs angulaires 144 et 216 sont d'ailleurs loin d'être des inconnues, puisqu'on dérive d'elles toute la symétrie du pentagone, comme celle du nombre d'or et des pavages de Penrose.

     

    On les retrouve en particulier dans le rhombe de penrose, qui est un losange d'or décomposable en 2 pièces, la paire « kite and dart » (fléchette cerf-volant) permettant de construire de nombreux pavages de Penrose, ou encore en 4 pièces – fléchette et cerf-volant se décomposant à leur tout en 4 petits triangles d'or, aigu et obtus.

     

    Poursuivons.

     

    Le rapport 144 / 216 est égal au rapport 2/3. Autrement dit, au rapport générateur du Lambda de Platon, qui met en relation « les deux premières réalités issues de l'un ». Aussi étrange que cela puisse paraître, la lutte de la Bête et de l'Agneau apparaît ainsi comme un renouvellement de la hiérogamie de la création.

     

    Poursuivons.

     

    Dans l'apocalypse, les 144 000 élus sont encadrés par 4 animaux qui tout au long de l'Apocalypse, symbolisent « Les 4 directions, les 4 vents, etc » Autrement dit le partage d'une aire quelconque en quatre quartiers divisionnaires. Cette image suggère immédiatement de diviser en 4 la procession des élus.

     

    144 / 4 = 36

     

    Les élus se répartissent donc en 4 cohortes, dont chacune correspond à une division décimale du cercle 360.

     

    Si l'on assimile la plénitude du cercle 360 à la plénitude de la tétractys, alors, le nombre 144, nombre de l'Agneau, peut être associé au trépied de la tétractys, qui est pour ainsi dire sa colonne vertébrale, son axe majeur, et le nombre 216, nombre de la bête, à l'hexagone tournant autour de ce trépied.

     

    Dans cette tétractys, tout est hexagonal au premier regard. La répartition des points du plan est hexagonal, et les valeurs des éléments (36) et du tout (360) empruntées au système sexagésimal.

     

    Cependant le rapport numérique entre les deux éléments constituants, trépied et hexagone, 4/6 (égal à 2/3), est lui, comme on l'a vu, virtuellement pentagonal. On a là une illustration particulièrement importante d'un principe qu'on rencontre ailleurs sous d'autres formes est qui peut s'énoncer « la présence du pentagonal au cœur de l'hexagonal ».

     

    On remarque que le rapport 2/3 est omniprésent dans les pavages de Penrose dont il est un trait caractéristique. Exemples, le rhombe de Penrose constitué de 4 obtus, 6 aigus (qui est un analogue strict de la répartitition trépied hexagone de la tétractys) ou encore cette très belle construction appelée « soleil », composée de 100 pièces : 60 kites et 40 darts.

     

    Qu'est-ce que la nature ?

     

    On remarque enfin que les Nombres 144, 216 et 360 sont tous multiples de 9. Donc, en plus d'induire la division du cercle 360 en 5 parties, correspondant aux sommets d'un pentagone, ils sont placés sous la puissance « unificatrice » du nombre 9 (associée à la conservation de l'unité dans les multiples), ce qui les rend apte a exprimer les caractères généraux de la condition spatio-temporelle.

     

    On voit bien que, dans cette conception le drame historique de l'apocalypse n'est qu'un prolongement du drame de la nature. Son déroulement est régi par les mêmes nombres, les mêmes figures et les mêmes lois.

     

     

     

    Les autres nombres clés de la Comédie

     

    Selon Benini, il y aurait pour Dante trois couples de nombres ayant une valeur symbolique par excellence : ce sont 3 et 9, 7 et 22, 515 et 666.

     

    René Guénon tombe d'accord avec analyse, et ne s'en écarte que pour le nombre 22, qui ne lui semble important qu'en tant que multiple du nombre 11, plus essentiel, et dont d'autres multiples (33 et 99) jouent dans l'oeuvre un rôle tout aussi important que le nombre 22.

     

    Même si nous suivons Guénon, on peut remarquer en faveur de Benini que le nombre 22 s'inscrit dans la droite ligne de la tradition apocalyptique, les 22 chapitres de l'Apocalypse n'étant pas plus arbitraires que les 99 chants de la comédie ; d'autant plus que (cette fois-ci en faveur de Guénon), l'oeuvre comporte une division binaire nettement marquée, qui fait apparaître, dans son plan en 22 chapitres, une division 11+11. Ces 22 chapîtres pouvant, bien évidemment, être rapprochés des 22 lettres de l'alphabet hébreu...

     

    Mais revenons à Guénon qui précise :

     

    La vérité, c'est que le nombre 11 jouait un rôle considérable dans le symbolisme de certaines organisations initiatiques... En dehors des significations diverses qui peuvent s'attacher à lui, l'emploi qu'en fait Dante constituait un véritable « signe de reconnaissance », au sens le plus strict de cette expression.

     

    Il est aujourd'hui accepté que Dante était rattaché à diverses organisations initiatiques de filiation templières, comme la fede santa et les fidèles d'amour, dans lesquelles le nombre 11, comme le pentagramme, constituait un signe de reconnaissance.

     



     



     

    Approches du nombre 515 : les nombres 11 et 55

     

    11

     

    Si nous nous arrêtons au nombre 11, c'est qu'il constitue la clé d'une première lecture du nombre 515, fondée sur l'addition de ses éléments constituants.

     

    5+1+5 = 11

     

    Dans cette interprétation, la dizaine formée par les nombres 5+5 peut être assimilée aux 10 points de la tétractys, ou encore aux 10 sephirot, tandis que le nombre 1 situé au milieu (correspondant lui aussi à une dizaine), peut être assimilée, à la onzième sephira, ou encore au « tout » de la tétractys, à la totalité unitaire et indivise dont ses parties procèdent.

     

    De telles interprétations semblent autorisées par la tradition ; et l'on relève notamment dans le sepher yesirah cette formule qui semble évoquer matériellement le 515 :

     

    « …. »

     

    55

     

    On peut remarquer maintenant que le nombre 55, outre que la somme de ses chiffres donne 10, présente une relation bien plus profonde avec le nombre 10, puisque 55 est à la fois le 10ème nombre triangulaire et le 10ème nombre de Fibonacci. 55 est donc le sommet d'un Lambda à dix étages dont les deux jambes correspondent respectivement à la série des nombres triangulaires et à celle des nombres de fibonacci.

     

    On s'aperçoit que ce Lambda est le complémentaire, ou encore le symétrique de celui que l'on a vu tout à l'heure, qui coordonne les nombres de fibonacci aux nombres carrés, cette fois, de part et d'autre du sommet 144. Les deux lambdas peuvent être disposés l'un vis à vis de l'autre, les nombres « triangles » et « carrés » se déployant de part et d'autre d'un axe vertébral, formé par les nombres de Fibonacci.

     

    Qu'est-ce que la nature ?

     

    En plus des rapports de symétrie « bilatérale » entre configurations gnomoniques (triangle / carré), on doit remarquer une symétrie entre le centre et les bords de la structure, symétrie qui concerne la forme même des fonctions mathématiques associées à ces suites.

     

    Loi A. « Deux nombres triangles successifs donnent un nombre carré » Axiome dont la réciproque est « tout nombre carré supérieur à 1 est la somme de deux nombres triangles successifs ».

     

    Loi B. « Deux nombres de Fibonacci successifs donnent un nombre de Fibonacci ».

     

    Alors que les suites des nombres triangles et carrés peuvent être regardées comme « coengendrées », en ce que chacune peut être engendrée par une relation avec l'autre, la suite des nombres de Fibonacci est elle « auto-engendrée », particularité qui correspond à sa situation « axiale ».

     

    D'autres structures mathématiques pourraient, complémentairement, être greffées sur la jambe gauche, puisque les nombres carrés sont les principes des équations de pythagore basées sur des triplets de nombres entiers, - équations qui, elles mêmes, sont susceptible d'opération d'exhaustion tridimensionnelle (gnomoniques), d'une part, mais en outre, de développement ou d'extension externes, dans lesquelles les 3 côtés du triangle sont ressaisis ensemble pour être rapportées à une réalité de dimension supérieure, qui les enveloppe. On voit donc que ce « lambda gnomonique » constitue un véritable paradigme, et comme un point d'ancrage pour le développement de ces appareils plus sophistiqués de la mathématique pthagoricienne que sont : la théorie du gnomon, et les équations de Pyhagore, à travers les deux triangles paradigmatiques de la nef.

     

    On aperçoit déjà par ce chemin que le nombre 55 peut être considéré comme un « remplaçant » naturel du nompbre 144, en tant que principe bénéfique opposé à la Bête. Le nombre 144 se rattache au nombre 12, le nombre 55 au nombre 10 ; les nombres 10 et 12 exprimant chacun une forme différente de complétude, leur couple pouvant être vu comme le développement, ou l'avatar du nouage 5/6, pentagone / hexagone dont on a déjà envisagé diverses modalités.

     

    Il nous reste à comprendre en quoi le nombre 515 constituait un meilleur candidat encore que le nombre 55.

     

     

    Le 515 : saturation de la fonction miroir

     

    Lima de Freitas a consacré au symbolisme de nombre 515 une importante étude, dans laquelle il reconstitue, à travers l'histoire de l'art et de la littérature, une partie de la tradition ésotérique associée ce nombre.

     

    Il a d'emblée placé son étude sous l'angle adéquat, qui consiste à mettre au premier plan la nature palindromique de ce nombre, qui en fait une illustration parfaite de la fonction symbolique du miroir.

     

    La fonction du miroir possède une relation évidente avec la connaissance, la science, qu'elle soit entendue au sens usuel ou au sens religieux et mystique. De Freitas illustre cela par ces citations en exergue de son livre, qu'il nous est agréable de citer in extenso, dans la mesure où elles ne sont pas seulement, pour celui qui en use, des illustrations, mais plutôt des attestations ou des preuves d'un chemin parcouru.

     

    Cette connaissance intuitive qui est la plus haute des connaissances, celle des mystiques et des Fidèles d'Amour, ne peut se comprendre que lorsque l'on a postulé ce monde intermédiaire, ce lieu du miroir où s'expérimente la réalité imaginale. (G. Durand)

     

    Dieu est ton miroir, c'est-à-dire le miroir dans lequel tu te contemples toi-même, et toi, tu es son miroir, c'est-à-dire le miroir dans lequel il contemple les Noms divins. (Ibn 'Arabi)

     

     

    Le nombre 515 peut être regardé comme une saturation ou une mise en abime de la fonction du miroir.

     

    On peut poser qu'un palindrome doit posséder 3 termes au moins (mais il n'a pas besoin d'en avoir d'avantage) pour exprimer la fonction du miroir dans toutes ses potentialités, à savoir, il doit comporter un être, son reflet, et un « milieu » qui est le pivot immobile, et qui, de par sa situation axiale et intermédiaire, peut être assimilé à la surface du miroir lui même.

     

    Mais on comprend bien que lorsque ce milieu est l'unité, la force ce cette analogie est renforcée, puisque la fonction du miroir peut alors être assimilée à un objet ponctuel, minimal, et sans épaisseur, la forme même du chiffre 1 qui est celle d'un axe vertical, constituant un redoublement de cette analogie. La fonction d'axe et de pivot qui est celle du centre du palindrome, répond à la nature « ponctuelle » du nombre 1.

     

    En second lieu, on peut remarquer que dans le nombre 515, non seulement la partie gauche se reflète dans la partie droite, et inversement, mais en outre, ces deux parties, ensemble, se reflètent dans l'unité qui est au centre (dont on doit se souvenir qu'elle correspond à une dizaine) ; ou inversement, c'est l'unité centrale et intérieure qui se reflète dans ces deux parties extérieures, qui peuvent apparaître comme l'expression, comme l' extériorisation des potentialités que cette unité recèle.

     

    On voit que ce symbole prend immédiatement une dimension cosmique, dans laquelle l'unité centrale représente, l'axe du monde, le moteur immobile, le principe ponctuel infini de la manifestation universelle, et les deux 5, la dualité première, le macrocosme et le macrocosme, ou encore les spires de la manifestation universelle. Le nombre 5 avait souvent au moyen âge la même graphie que la lettre S, et l'on verra tout à l'heure que ce symbolisme graphique venant en soutien du symbolisme mathématique sera utilisé par des artistes comme Durer et Jorge Alfonso, tous deux représentants de la tradition ésotérique du 515, et affiliés à des organisations héritières de celle de Dante.

     

    En tant que symbole cosmologique universel, le 515 peut être rapproché de deux autres symboles empruntés à la tradition pythagoricienne.

     

    Analogie avec pentagramme. On peut paramétrer un pentagramme où les 5 points du pentagone extérieur (macrocosme) sont affectés de la valeur 100, les 5 points du pentagone intérieur (microcosme) de la valeur 1, tandis que le point central, qui est le centre des deux figures (de la même manière que la dizaine occupe une position « médiane » entre les centaines et les unités) est affectée de la valeur 10. De cette manière on obtient pour le pentagramme la valeur 515.

     

    Analogie avec la nef. Dans la nef, on a, schématiquement, un « petit 5 », un « grand 5 », et en troisième lieu « la dizaine qui les sous tend », dizaine qui a, schématiquement, la forme d'un arc auquel les deux segments de valeur 5 sont rattachés par leurs extrémités. Où l'on peut voir à nouveau une analogie frappante avec le 515 ; toutefois, cette dernière analogie recèle une signification mathématique qui demande être développée de façon plus précise.

     

     

    Le 515 et les équations de Pythagore

     

     

    Une remarque mathématique de Lima de Freitas, relative au sujet même qui nous occupe, revêt une importance non moindre que celle qui concerne la fonction du miroir.

     

    De Freitas semble avoir eu dès le départ l'intuition que le sens profond du 515 devait être recherché dans le théorème de pythagore et le triangle isiaque.

     

    Il remarque :

     

    Si l'on inscrit (le triangle isiaque 3-4-5) dans un cercle, on s'aperçoit aussitôt qu'il est possible d'en inscrire un deuxième, mais qu'il n'y a de place que pour deux triangles. Cette duplication entraîne la superposition des hypoténuses, c'est-à-dire de côtés de valeur 5 des deux triangles. Nous avons donc, dans ce schéma, un diamètre de la circonférence où les deux hypoténuses coïncident ou se confondent, c'est-à-dire dont la valeur devient double, soit 2 x 5 = 10, l'équivalent de l'unité. Tout ceci a été expliqué par Jean Tourniac (…) mais ce que Tourniac n'a pas vu, c'est l'émergence, à partir du triangle doublé, du nombre du Messo di Dio 515. En effet si nous poursuivons la mise au carré des côtés 3 et 4 des triangles inscrits, nous obtenons le nombre 25 de chaque côté de l'hypoténuse commune ; l'extraction de la racine carrée de ces trois nombres : 25, 1 et 25 fournit 5, 1 et 5, autrement dit, le chiffre de l'envoyé de Dieu : 515.

     

    Qu'est-ce que la nature ?

     

    Nous n'émettons de réserve que sur la manière dont de Freitas procède pour rapporter l'hypoténuse diamétrale de valeur cinq à l'unité, en supposant que les deux hypoténuse s'additionnent pour former le nombre 10, lui-même réductible à l'unité.

     

    Même si le fait de considérer le 1 central du nombre 515 comme à la fois équivalent à la dizaine ou à l'unité est légitime dans l'exegèse symbolique de ce nombre, elle nous semble indue dans cette application particulière au théorème de pythagore.

     

    En effet, nous pensons que, dans ce type d'exégèse, une opération arithmétique doit toujours être associée à l'opération géométrique qui lui est réellement analogue. Ainsi de la même manière que l'opération « construire un carré » sur un côté du triangle rectangle, équivaut rigoureusement à l'opération d'élever au carré le nombre correspondant à ce côté, de même, il nous semble que l'opération de mise en contact des deux hypoténuse de valeur 5 est l'analogue naturel, non pas de l'addition de ces longueurs, mais de leur mise en rapport rationnel, analogue à l'expression arithmétique 5/5. Cela ne change rien au résultat, qui demeure égal à 1 ; mais cette manière de l'interpréter ne nous semble pas seulement plus naturelle, mais elle revêt de bien plus importantes conséquences mathématiques.

     

    En effet, s'il avait appliqué au triangle aurigène 1-2-racine5 le même traitement que celui qu'il applique au triangle isiaque, De Freitas se serait aperçu qu'on obtient, cette fois, non pas des nombres « dont les racines composent le nombre 515 », mais tout bonnement le nombre 515 lui-même.

     

    Le théorème de pythagore se revèle alors être le medium, ou le module, grâce auquel la nef se transforme en un char doté de 2 roues, dont l'une, la roue aurigène de valeur 5-1-5, correspond à la RACINE de l'autre, la roue isiaque, de valeur 25-1-25. Et l'on peut remarquer parallèlement que, d'un point de vue angulaire, le triangle aurigène peut être également regardé comme la « racine » ou la « matrice » du triangle isiaque, puisque leurs angles respectifs par rapport à l'axe horizontal sont dans le rapport « double », ou « d'octave ».

     

    Sous cet éclairage, l'appareil forme réellement un tout. En effet le triangle isiaque est déjà « premier » eu égard à son statut dans la série des triplets pythagoriciens, mais ici il est coordonné à un jumeau, un double, né avant lui, qui peut lui même être entièrement caractérisé par la qualification de « racine », ou de « matrice » du « premier ».

     

    Il nous semble impossible d'aller plus loin dans l'exégèse mathématique du nombre 515.

     



     

    L'arrière plan historique et spirituel de la prophétie

     

    Suite aux découvertes de Benini, les travaux de René Guénon, Louis Barmont et Lima de Freitas ont mis en lumière l'arrière plan historique et spirituel qui permet de comprendre les attributs et la mission de l'Envoyé de Dieu. Deux événements sont à mettre en relief.

     La destruction de l'ordre du temple dans les années 1310-1314. La fonction de guide spirituel dévolue à Saint Bernard dans la comédie montre assez la dévotion que Dante témoignait à ce personnage. Il ne fait pas de doute que, à travers toute l'Europe, pour de nombreux initiés d'obédience templière, la disparition de l'Ordre a dû résonner comme un événement apocalyptique. La catastrophe de l'ordre étant contemporaine de la rédaction de la comédie, elle a conduit Dante à porter des retouches à son texte, pour apporter une réponse prophétique aux événements les plus récents.

    En arrière plan de ces événements dramatique, la prédication de Joachim de Fiore, encore très vivace dans les mémoires, sa théorie des trois âges de l'humanité et son annonce de l'instauration prochaine de l'Empire du Saint Esprit.

     

    Ces circonstances historiques constituaient un climat propice à l'apparition de nouveaux messianismes.

     

    La situation historique et psychologique de Dante était, au fond, très comparable à celle qui se dégage de l'apocalypse, d'après les lettres que Jean adresse aux fidèles des sept eglises. La visée de ces deux prophétie est avant tout consolatrice, et répond à une situation d'adversité et de détresse exceptionnelle.

     

    Dante avait une conception toute personnelle de l'Empire, exposée notamment dans sa monarchie, dont les racines plongent dans la tradition italique, l'ancien pythagorisme romain et l'oeuvre de Virgile.

     

    Le qualificatif de « lévrier » - à l'époque un chien de chasse – dévolu au 515, sa mission de Justicier et de redresseur de tort, (« sauveur d'Italie ») lui confèrent des attributs « martiaux » qui pourraient faire penser à ceux d'un « condottierre » ; tous ces caractères s'inscrivent, naturellement, dans cette conception de l'Empire.

     

    Mais d'autre part, comme l'a remarqué de Freitas, le combat dont il s'agit est essentiellement spirituel. Le « redressement » historique symbolisé par la venue du 515 doit donc se situer principalement sur ce plan là, conférant à l'envoyé de Dieu une mission de conversion à l'Esprit Saint. Le 515 a donc aussi des caractères de prêtrise : ceux d'un « redresseur » et un « convertisseur », capable de « retourner les coeurs » vers Dieu.

     

    Deux œuvres d'art exceptionnelles témoignent de la survivance de la tradition ésotérique du 515, deux siècles après l'époque de Dante.

     



     

     

    La Melencolia de Dürer

     

     

    IV. La tradition du nombre 515 (a) : Dante, Dürer, Jorge Alfonso

     

    De nombreuses études ont été consacrées au célèbre burin de Dürer. Parmi celles-ci, l'étude de Louis Barmont se distingue par certain caractère d'autorité, comme par son style étonnamment sacramentel, qui semble imiter celui de la gravure, et se nourrir de connaissances initiatiques directes, comparables à celles dont disposait Dürer.

     

    En préambule, Barmont commence par fixer deux points qui étaient sujets à controverse.

     

    L'astre qu'on voit voit dans le ciel n'est ni un « soleil noir », ni une planète, mais une comète observée dans le ciel de l'Europe entre 1513 et 1514.

     

    Les objets représentés en haut à droite, balance, sablier, évoquent l'accomplissement des temps et la fin d'un cycle. Pour Barmont, la melancolia, « humeur noire », qui est le quatrième tempérament de la médecine grecque, renvoie implicitement à « l'âge sombre », autrement dit à l'âge de Fer ou au Kali-Yuga qui, dans les doctrines traditionnelles, est le quatrième âge de l'humanité. Mais la date de 1514 figurant dans le carré magique associe cette vision de la fin des temps à la commémoration d'événements tragiques qui en apparaissent comme les précurseurs : en effet, c'est en 1314 qu'eut lieu « le dernier acte de la tragédie templière ».

     

    L'animal couché au pied du grand ange n'est pas un mouton, mais un lévrier ; et « nous ajouterons sans plus tarder que ce lévrier n'est autre que le Veltro dantesque, le Cinq-Cent-dix-et-cinq attendant l'heure de la lutte suprême contre la Louve antéchristique, assimilée au Six-cent-soixante-et-six du Théologien. » Barmont effectue une série de rapprochements entre la fonction du Veltro, telle que décrite par Dante, et diverses figures messianiques, empruntées à différentes traditions ; et il remarque que la fonction de cet envoyé de Dieu est double : d'une part, la conversion, la soumission volontaire des cœurs à la volonté divine, et d'autre part, la conduite de la lutte finale des orthodoxes contre les hétérodoxes... selon un scenario semblable à celui de l'Apocalypse. La fonction du 515 est donc à la fois martiale et sacerdotale.

     

    Penchons-nous à présent sur la gravure. On peut remarquer qu'elle se laisse décomposer en trois parties, assez nettement distinctes. A droite, deux anges, entourés de toutes parts par une multitude d'objets aux connotations symboliques puissantes. A gauche, trois éléments de dimensions plus importantes que les objets de la partie droite, le solide, le lévrier et la sphère, qui semblent liés entre eux par une relation spécifique. Enfin, en haut à gauche, un événement astral effrayant, qui semble se dérouler dans l'espace-temps « ordinaire. » Cette disposition rappelle la doctrine des « trois mondes » ; et à ce sujet nous mentionnerons ces remarques, que nous devons à notre ami Walter Grimm

     

    Je me demande si la séquence (astre lumineux - arc-en-ciel - chauve-souris) ne doit pas être rapportée à un plan différent de la première (solide – chien – sphère), symétrique, mais plus extérieur.

    Dans ce cas là, on aurait :

    Dans le monde informel : Les causes réelles et immuables de l’événement, occupant toute la partie droite de la gravure (anges, balance, sablier, carré magique, clochette).

    Dans le monde subtil ou intermédiaire : L'opération adéquate autorisant l'actualisation de l'événement. C'est-à-dire, principalement la séquence [solide - chien – sphère].

    Dans le monde extérieur : L'effet de l'opération : la séquence [ astre lumineux - arc-en-ciel - chauve-souris

     

    L'astre est bien évidemment lumineux et c'est lui qui agit de manière apparemment désagréable sur la chauve-souris mélancolique, contrairement à ce que suggère l'article wikipedia dont nous avons déjà parlé, avec l'appellation singulièrement inapproprié de satellite sombre.

    Entre ces trois plans, une échelle à 7 barreaux...

     
    Si l'on raisonne en terme de degrés d'intériorité, ou d'imbrication : 1 < 2 < 3 (ce que l'environnement des symboles semble prouver suffisamment)

     

    Suivant cette interprétation, on remarque que les « causes subtiles » jouent un rôle de médiation entre les causes informelles et les causes grossières, exprimant les conditions de leur actualisation ; tandis que, à l'intérieur même de ces causes subtiles, le lévrier joue lui même un rôle semblable de médiation entre deux états ; par là il devient le véritable centre de l'ensemble des « opérations » décrites par la gravure, conformément à la fonction du 515.

     

    Dans un série de commentaires rédigés au début des années 2010, Aliboron remarquait au sujet du chien :

     

    Une simple assonance, en langue arabe, entre Kalb (chien) et Qalb (coeur)...  m'a mis la puce à l'oreille.

     

    (...) dans le même champ sémantique et sémitique, en arabe coranique la racine trilitère QLB, qui donne le mot qalb-coeur, signifie retourner. Et Dieu est dit être « Celui qui retourne les coeurs ». 

     

    Et il mentionne à ce sujet une doctrine cabalistique :

     

    « Le Leb, le Coeur : L'Univers tout entier se compose donc de trois régions: le Téli en haut, de forme cubique; le galgal en bas, de forme sphérique; et, constituant un plan de démarcation entre les deux, le Leb, zone intermédiaire qui tient à la fois du carré et du cercle.

     

    Cette interprétation permet, manifestement, d'assimiler la fonction du lévrier à celle du triangle cordial, comme élément nécessaire du retournement préalable à la circulature du quadrant.

     

    Chacun sait qu'un chien, avant d'adopter cette position caractéristique de repos au pied de son maître, accomplit bien souvent plusieurs tours sur lui-même ; le comportement naturel du chien venant ainsi à l'appui de sa fonction symbolique.

     

    Ces diverses annotations vont dans le sens de l'idée de Barmont, et permettent d'apporter plus de précisions à la fonction du Lévrier. L'action de « conversion » du Lévrier peut donc être précisée.

     

    Elle implique une action de « redressement » analogue au Tiqqun cabalistique. Les remarques mathématiques de Freitas sur le 515 l'amènent précisément à le définir comme un agent « redresseur ». L'envoyé de Dieu intervient dans une situation où toute chose a été « déviée » de sa vérité et de sa nature.

     

    Cette action de redressement a pour conséquence « le rétablissement de la plénitude ». Dans l'ordre des opérations géométriques, qui correspondent, ici, au degré de la manifestation subtile, le Veltro est l'agent de la médiation entre l'état de « troncature » du solide, et la « plénitude » de la sphère.

     

    La fin d'un cycle, l'accomplissement des temps, marque toujours le départ d'un nouveau cycle. L'époque de la consommation des temps est donc aussi celle aussi ont réunies, reccueillies ou rétablies « dans leur intégrité », et donc leur complétude, en un certain point du monde, les conditions, les « germes » d'un nouveau départ et d'un nouveau cycle.

     

    Dans cet ordre idées, on peut noter que si l'assimilation par Barmont de l'astre maléfique à une comète a pour elle de bons arguments, celle, également traditionnelle, qui l'assimile à Saturne apparait également très cohérente au point de vue du symbolisme. En effet, le symbolisme de cette planète, comme celui des racines SAT-STA auquel il s'apparente, est associée à la fois à l'idée de fin de cycle (le jour de Saturne saturday marquant la fin d'un cycle sénaire), à sa « SATuration », mais également à l'établissement ou l'inSTAllation d'un cycle nouveau. Samedi précédant, en effet, le jour de repos, ou de « stase » qui conditionne le départ d'un cycle nouveau.

     

     

     

    La banderole

     

     

    IV. La tradition du nombre 515 (a) : Dante, Dürer, Jorge Alfonso

     

    Barmont développe une série de remarques extrêmement pénétrantes au sujet du « phylactère » qui porte le titre de la gravure. L'écriteau est brandi par une chauve-souris, symbole des puissances obscures, en même temps qu'il peut correspondre à la découpe de ses ailes.

     

    Selon Barmont, Dürer a volontairement dessiné son titre de façon qu'il puisse être lu comme une formule de 11 ou 12 lettres.

     

    Dans le premier cas, on doit lire : Melencolia – signe « paragraphe » - I. Le signe I pouvant à son tout être interprété de deux manières, soit comme la forme romaine du chiffre 1, soit comme la lettre I, pouvant signifier ici l'Illusion, ou encore l'Ignorance propre à l'âge sombre.

     

    (Précisons toutefois que c'est nous, ici et par la suite, qui assimilons le symbole « intermédiaire » au caractère d'imprimerie « paragraphe », Barmont n'y voyant qu'un symbole graphique indéterminé, qui ne serait ni une lettre, ni un chiffre).

     

    Dans le second cas, la formule doit être lue : Melencolia S. I, les deux dernières lettres se référant alors au latin : Sanct Imperium.

     

    On sait que Durer était originaire de Frankfort, où étaient conservées les reliques du Saint-Empire. La formule Melencolia Sanct Imperium pourra donc s'interpréter à nouveau selon deux ententes, ou bien comme exprimant la nostalgie du Saint Empire romain germanique, ou bien comme exprimant l'attente eschatologique de l'établissement de l'empire du Saint-Esprit, ces deux possibilités n'étant d'ailleurs pas contradictoires.

     

    Barmont remarque en outre que, « par leur forme même, les deux lettres S. I. suggèrent le passage de l'errance indéfinie dans les spires successives de la manifestation (S) à la simultanéité et à la fixité axiale de l' « invariable Milieu » (I).

     

    Quelles que soient les riches possibilités offertes par cette lecture, nous ne cachons pas notre préférence (ne serait-ce que d'un point de vue visuel) pour la première interprétation, selon laquelle la formule compte 10 + 1 lettres, séparées – ou reliées - par le symbole « paragraphe ».

     

    De prime abord, les 11 lettres de la formule peuvent évoquer le 515, dont les éléments additionnés donnent aussi le nombre 11. En outre, l'étymologie du mot Melan/colia (noire-humeur) introduit dans ce mot une division naturelle en 5+5.

     

    Quant au symbole d'imprimerie « paragraphe », qui ne devait pas être très ancien à l'époque de Dürer, il est dérivé du latin « signum sectionnis » - « signe de séparation ». Il se compose de deux S entrelacés. Or à l'époque de Dürer, le nombre 5 et la lettres S avaient souvent la même graphie. Ce symbole peut donc être compris comme contenant deux fois le nombre 5. Remarquons donc, en faveur des précédentes remarques de Barmont, que la formule S. I. contient, au point de vue graphique, tous les éléments nécessaires à la réalisation du nombre 515.

     

    Barmont remarque en outre que Dürer a inscrit un point dans la zone intermédiaire et centrale du symbole « paragraphe ». Ce point peut donc figurer le 1 qui, dans le nombre 515, tient le milieu entre les deux chiffres 5.

     

    Le symbole paragraphe, avec son point central, ne serait donc qu'un équivalent synthétique, ou une expression figurale des mêmes idées qui sont déployées dans la formule « contenante » Melen /colia-I

     

    Les deux pouvant se résumer dans la formule :

     

    5+5+1

     

    Barmont remarque que, dans sa gravure Adam et Eve datée de 1504, « le cartouche suspendu à l'arbre de Vie porte la signature « Albert Dürer », suivi d'un signe qu'on serait tenté d'assimiler à un point d'interrogation ; à y regarder de plus près, on constate qu'il s'agit d'une spirale. »

     

    IV. La tradition du nombre 515 (a) : Dante, Dürer, Jorge Alfonso

     

    Barmont considère ce signe comme se référant au lituus, insigne des augures qu'on retrouve dans la crosse des évéques ; ce signe attesterait ici de l'initiation de Dürer.

     

    A propos de ce symbole, il note : « La forme du lituus, qui fut un des insignes du pouvoir des Pharaons avant de devenir celui des augures, symbolise, soit le « déroulement », le développement total d'un cycle ou d'un état, soit au contraire l' « enroulement », la résorption de ceux-ci dans leur centre principiel, selon le principe évolutif ou involutif du mouvement de rotation de la spirale. »

     

    En suivant ce chemin, le signe « paragraphe » de la melencolia serait l'équivalent du double-lituus, et symboliserait ici la probable double initiation de Dürer, aux « petits » et aux « grands » mystères.

     

    Très curieusement, Barmont omet de remarquer que, dans ce même cartouche de la gravure « Adam et Eve », on ne trouve pas seulement la spirale, mais, en bas à droite, un signe tout à fait identique à celui de la melencolia, et donc composé d'une « double spirale » à ceci près qu'il s'y présente en sens inverse.

     

    Il nous semble que ce changement d'orientation est une indication extrêmement précise de la fonction du 515. La gravure Adam et Eve représente l'état du monde à l'époque de la consommation du « péché originel », autrement dit à l'origine de son état d'altération, ou de déviation. Dans la melencolia, le signe se retrouve « inversé », c'est-à-dire « redressé », sous l'action bénéfique du 515.

     

    Barmont remarque enfin que, dans le signe « paragraphe » de la melencolia, les deux spirales se réunissent de manière à former, à leur jonction, un « losange curviligne marqué d'un point central ».

     

    Et l'on peut remarquer que le losange, si on le considère comme la réunion de deux lambdas inverses l'un de l'autre, peut lui-même être considéré comme un symbole équivalent de celui de la double spirale, puisqu'il représente les deux fonctions essentielles de l'hénade que sont procession et conversion.

     

    Le minuscule symbole situé au centre du symbole « paragraphe », le losange avec un point au centre, peut donc être vu comme une ultime expression synthétique de l'ensemble de la gravure, qui se déploierait à travers celle-ci comme par des cercles concentriques.

     

    Losange avec un point au centre < symbole paragraphe / double lituus / 515 < formule « Melancolia – I » < ensemble de la gravure.

     

    Etonnamment, cet ultime symbole présente une relation mathématique profonde avec le solide de Durer, dans sa formulation gnomonique. En effet, des six éléments qui occupent le centre géométrique de ce solide, quatre se répartissent sur un plan horizontal en forme de losange de 60/120 degrés, tandis que les deux autres s'ajustent le long d'un segment vertical, qui traverse ce losange en plein centre. L'axe vertical correspond à l'axe d'étirement du solide, (qui est son axe de symétrie majeur), et le plan horizontal, à son plan de symétrie bilatérale principal. Voir à ce sujet notre étude gnomonique sur le solide de Durer.

     

    Si l'on reprend les idées associées par Barmont à la double orientation de la spirale, on saisit que le symbole paragraphe pourrait lui-même symboliser l'équilibre des forces universelles. Et à l'appui de cela (pour ceux qui douteraient encore que les principes du symbolisme obéissent à certaines règles) on peut remarquer que, dans plusieurs pays d'Europe de l'Est et du Nord, le symbole « paragraphe » est couramment utilisé comme un symbole de la Justice (ou parfois de la Police), autrement dit comme un équivalent de la balance.

     

    IV. La tradition du nombre 515 (a) : Dante, Dürer, Jorge Alfonso

     

     

    Le rapprochement des deux gravures de Dürer permet de saisir le lien profond qui relie la Melencolia à l'oeuvre de Jorge Alfonso.

     

     

     

     

     

    L'apparition du Christ à la vièrge, de Jorge Alfonso

     

     

    IV. La tradition du nombre 515 (a) : Dante, Dürer, Jorge Alfonso

     

    De Freitas a raconté le destin extraordinaire de ce tableau, d'abord maquillé, puis débité en morceaux afin d'en faire disparaître la partie centrale, avant d'être reconstitué.

     

    L'écusson au centre du tableau portait originellement le nombre 515. Le 1 initial a été ajouté après coup, pour faire croire à une date. De Freitas prend à notre goût trop de précaution à écarter la thèse qu'il soit authentique, tout en apportant de nombreux arguments qui en montrent l'incongruïté. D'abord le tracé du chiffre 1 est d'une main plus maladroite que les trois autres. L'axe de l'écusson passe tout près du 1 central du nombre 515, et l'ajout du 1 initial introduit un déséquilibre dans la composition qui est invraisemblable de la part d'un maître d'une telle excellence.

     

    Ce tableau est donc le seul « document » historique où apparaisse directement le nombre 515, en dehors de l'oeuvre de Dante. De Freitas apporte les précisions historiques qui permettent de comprendre cette filiation. Alors que les organisations templières étaient pourchassées dans presque toute l'Europe, le Portugal est l'un des seuls pays qui ait été relativement épargné par ces persécutions. Certaines s'y sont donc maintenues plus longtemps qu'ailleurs, dans une relative tranquillité. Cependant, avec le progrès de l'inquisition au cours du XVIe siècle, la doctrine ésotérique associée à ce tableau était devenue indésirable. Le tableau fut d'abord maquillé pat l'ajout d'un chiffre 1 qui en masquait la signification. Mais cette mesure n'ayant pas suffi à « éteindre le scandale », il fut ensuite débité en planches, afin d'en faire disparaître la partie centrale. Les morceaux manquants furent miraculeusement retrouvés au début du XXe siècle, et le tableau rétabli dans son intégrité.

     

    Remarquons d'abord que la conception du tableau semble entièrement dominée par le thème du miroir. L'action de la partie gauche : le rachat d'Adam et Eve, est en effet la conséquence directe, et comme le reflet de l'action qui a lieu droite, l'apparition du Christ, attestant de sa résurrection. Entre ces deux parties, l'écusson porteur du 515 joue bien le rôle d'interface, ou de médiation, conforme au symbolisme de ce nombre.

     

    Mais on peut déjà relever que thème de l'Apparition, en lui-même, est déjà apparenté avec celui du miroir. Le miroir est un cadre d'apparition.Toute réalité qui apparaît, apparaît à quelqu'un ; et donc, toute apparition est comparution. Miroir et apparition peuvent, l'un comme l'autre, signifier la connaissance, en tant qu'ils définissent les conditions de celle-ci. Il faut qu'une réalité apparaisse, pour être connue.

     

    Divers rapprochements peuvent être établis avec la Melencolia de Dürer.

     

    Dans la partie gauche, la seule action qui ait lieu, c'est Adam qui présente la pomme restaurée dans son intégrité. Ce fruit miraculeusement reconstitué tient donc un rôle analogue à la sphère de la gravure de Dürer ; l'un comme l'autre expriment à la fois « l'action principale » de l'oeuvre qui les contient, et la fonction essentielle du 515 qui est le rétablissement de la plénitude.

     

    Le lituus présent dans la banderole de la Melencolia, dont Barmont a rappelé la signification initiatique, est présent dans les chapiteaux des colonnes du Temple où se tiennent le christ et la vièrge.

     

    Enfin on peut remarquer l'étonnante similitude entre la chauve-souris porteuse de l'inscription « melencolia I » et l'angelot porteur du 515. Ces deux êtres ailés, l'un maléfique, l'autre bénéfique, ont tous deux pour fonction d'éclairer la signification de l'oeuvre, et semblent témoigner d'un même événement, le premier « en amont », du point de vue de l'achèvement d'un cycle, le second en aval, du point de vue d'une réalité restaurée, marquant le commencement d'un nouveau cycle.

     

    IV. La tradition du nombre 515 (a) : Dante, Dürer, Jorge Alfonso

     

    Une remarque mathématique de Lima de Freitas mérite d'être soulignée. Si l'on prolonge le trait noir - anormalement accusé - de l'escalier de gauche, jusqu'à ce qu'il rencontre le labarum tenu par le Christ, on obtient un angle de 54 degrés. L'angle complémentaire est de 126 degrés ; et les deux sont dans le rapport 3/7, qui est un rapport tétractique. Dans une tétractys de valeur 180, où chaque point vaut 18, l'angle de 54 degrés correspond au triangle, et l'angle de 126 degrés au septénaire central.

     

    IV. La tradition du nombre 515 (a) : Dante, Dürer, Jorge Alfonso

     

    Cette tétractys rappelle la tétractys 360 dont on a parlé précédement. Ses points valent 18 eu lieu de 36, ce qui est parfaitement congrü en l'occurence, puisqu'elle correspond à l'angle plat, et donc au demi cercle de 180 degrés, tandis que la première correspond au cercle complet.

     

     

     


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    La peinture templière du solstice

     

    à Montsaunès

     

     

     par G. Denom et R. Bayou

     

     

     

     

    Considérez comment croissent les lis: ils ne travaillent ni ne filent; cependant je vous dis que Salomon même, dans toute sa gloire, n'a pas été vêtu comme l'un d'eux. Mathieu, VI, 28.

     

     

     

     

     

    0. LA SCENE PRINCIPALE : LA PORTE DES DIEUX

     

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

     Le Sagittaire fléchant le Capricorne

     

     

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

    Le carré du centaure

    Une composition en 4 parties qui se lit en sens "horaire", à partir du coin en haut à droite : 1. Lancer de flèche. 2. Le rectangle de Fibonacci. 3. La Jérusalem céleste. 4. Le chrisme.

     

     

     

    La scène principale représente le Sagittaire fléchant le Capricorne, symbole zodiacal qui désigne la période du solstice d'hiver, et du passage à la nouvelle année.

     

    Le symbolisme des portes solsticiales est l'un de ceux dont René Guénon a le mieux démontré le caractère universel. Pour reprendre son vocabulaire, ce thème se situe à la jonction de deux catégories de symbolisme, l'un temporel, celui de la manifestation cyclique, et l'autre spatial, celui de la forme cosmique ; les deux catégories se trouvant ici coordonnées l'une à l'autre, et reconduites à un principe qui les précède, ou les sous-tend, puisqu'à une certaine division de temps, un tour d'horloge, qui est celui de l'année, est associée une révolution du ciel, qui suppose un parcours complet de celui-ci en tant que forme.

     

    Dans de nombreuses traditions, les solstices d'été et d'hiver sont considérés comme des pôles de l'année, auxquels correspondent, à chaque extrémité de la voie lactée, les divisions du zodiaque dans lesquelles pénètre le soleil à ces époques de l'année, chacun de ces pôles constituant une porte du ciel par laquelle les âmes, respectivement, « descendent » dans la génération et la manifestation individuelle, ou « remontent », pour celles qui y sont appelées, hors du monde manifesté. Au solstice d'été, lorsque le soleil entre dans le signe du Cancer, est la porte des hommes, qui est celle de l'entrée dans la caverne cosmique, par laquelle les âmes descendent dans la manifestation ; tandis qu'au solstice d'hiver, lorsque le soleil entre dans le signe du Capricorne, est la porte des dieux, qui est celle de la « sortie » ou de la remontée des âmes vers l'éther supra-cosmique.

     

    Au symbolisme de la porte s'associe très naturellement, dans certains cas, celui de la clef et de l'ouverture ; et dans cet ordre d'idées, René Guénon a relevé les nombreuses concordances qui existent entre le symbolisme de Janus, dieu de l'année, détenteur des « clés du temps », et la doctrine védique du vêda-loka et du pitri-loka, relative aux portes solsticiales.

     

    Mais il constate aussi que ce symbolisme rencontre, en de nombreux endroits, un ensemble de traditions d'origine pythagoricienne, dont le témoin le plus éloquent est L'Antre des Nymphes de Porphyre.

     

    Dans cet écrit extraordinaire, témoin d'un âge bien plus ancien de la tradition pythagoricienne, pour lequel les œuvres d'Homère et d'Hésiode jouaient le rôle d'ancien testament, Porphyre analyse le mythe homérique de la « caverne d'Ithaque », ou Antre des Nymphes, sanctuaire ou caverne initiatique dans laquelle des naïades se livrent à d'énigmatiques travaux.

     

    « Les anciens, nous dit Porphyre, consacraient avec raison les antres et les cavernes au monde pris dans sa totalité ou dans ses parties. » Mais il remarque aussi que, chez les Perses comme ailleurs, les cavernes étaient souvent des lieux d'initiation ; le même sanctuaire pouvant avoir en même temps la fonction de symbole du monde sensible, et de lieu consacré aux rites initiatiques. A ces données persanes, explicites dans le culte de Mithra, Porphyre associe un ensemble important de traditions pythagoriciennes, dans lesquelles le zodiaque occupe une place centrale, pour lesquelles ses principaux témoins sont les écrits de Numénius et de Cronius.

     

    «  Ces deux auteurs disent qu'il y a dans le ciel deux points extrêmes... Le point estival est sur le signe du Cancer, le point hivernal sur le signe du Capricorne... On dit que le Cancer est la porte par laquelle descendent les âmes et le Capricorne celle par laquelle elles remontent... Mais c'est à juste titre que dans le récit d'Homère la région dans laquelle se situe la première porte est attribuée à la descente des hommes, tandis que celle où se situe la deuxième est attribuée non aux dieux, mais à ceux qui montent vers les dieux. Pour cette raison le poète ne dit pas : le chemin des dieux, mais des immortels, expression qui convient aussi aux âmes qui par elles-mêmes ou par essence sont immortelles. »

     

      

    La flèche du centaure

     

    Dans la riche tradition dont on a pris ici un aperçu, le solstice d'hiver constitue le pôle de l'année, en tant que point de suture, ou de nouage de l'ancienne ancienne année avec la nouvelle, d'une part, mais aussi, dans l'ordre spatial, en tant que période de retour du soleil dans un intervalle précis, entre deux divisions du zodiaque, après une révolution qui l'a vu accomplir un tour complet de la circonférence du ciel.

     

    Mais l'essentiel se situe encore dans une troisième chose, qui est la conjonction ou la coïncidence de ces deux événements, et qui n'est, de soi, ni temporel, ni spatial, ni un « instant » particulier de l'année, ni un « point » particulier de la bande du zodiaque, mais précisément la coïncidence de ces deux réalités, qui peut apparaître comme la signature de leur commune origine, du principe indivis dont procèdent ces deux dimensions de la réalité que sont pour nous l'espace et le temps.

     

    Et il faut convenir que la condition empirique de l'homme ne permet jamais de les séparer complètement l'une de l'autre. Au déploiement ou à la création d'un certain univers-espace, de dimension définie, correspondra, nécessairement, la « dépense » d'un certain quantum de temps, qui pourra, en dernière analyse, servir de référence pour l'un comme pour l'autre. Tout espace s'avérant ainsi lié, dès avant sa création, au stade de sa virtualité même, au temps minimum nécessaire à son déploiement.

     

    Le symbolisme de la manifestation cyclique associe ces deux dimensions, temporelle et spatiale, sous l'angle de la complétude. Le soleil ne parcourt l'espace, ou le tour complet de la bande du ciel, que lorsque le temps de l'année est lui même écoulé.

     

    C'est bien une telle opération de jonction, de réunion, qui est symbolisée par la sagittation du Capricorne par le Sagittaire. Le « sujet » de la peinture de Montsaunès est donc un nouage, un agrafage, dont la forme et la fonction sont parentes de celles du nœud labdaïque.

     

    Le Sagittaire a trois flèches dans son carquois et la quatrième bandée, à son arc. En considérant la flèche bandée comme la flèche du solstice d'hiver, inaugurant le premier trimestre de l'année, les trois autres peuvent correspondre aux trois trimestres suivants de l'année à venir, et donc aux trois autres fêtes que sont les équinoxes et le solstice d'été. En outre, ces quatre flèches entrent nettement en résonance avec la structure de la peinture elle-même, qui est celle d'un carré divisé en quatre parties, dont le Sagittaire flécheur occupe la première, en haut à droite.

     

    De l'autre côté du mur, une cinquième flèche est fichée dans le cou du Capricorne. Cette flèche peut être vue comme la même que celle qui est bandée par le centaure, ayant atteint sa cible quelques instants plus tard ; mais aussi, dans un autre sens, comme une « quinte » essence résultant de l'accomplissement du quaternaire qui l'a précédé, de son plein achèvement.

     

    Une ancienne photo en noir en blanc révèle que la chèvre qui symbolise ici le Capricorne, aujourd'hui très détériorée, arborait sur son dos un « 4 de chiffre », ce qui appelle plusieurs commentaires. D'une part, ce symbole peut être vu comme un équivalent du chrisme qui occupe la dernière case de l'ensemble carré auquel appartient le centaure ; il peut donc comme ce symbole lui-même exprimer la plénitude, l'accomplissement de l'année, associée à la sagittation du Capricorne.

      

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

     

    Mais d'autre part, cette chèvre n'est pas n'importe quelle chèvre, et l'on doit remarquer que la stylisation de ses cornes, dotées de 5 cors chacune, obéit à une convention particulière de la peinture médiévale, relative à la représentation de certains animaux « surnaturels » ou symboliques, tels que le cerf.

     

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

     Une flèche traverse le cou de la chèvre-capricorne

     

    Dans une légende commune à plusieurs vies de Saints (Hubert, Eustache), un jeune seigneur est tellement épris de chasse, qu'il ne peut s'abstenir de chasser le jour du Vendredi Saint. « Et comme il commençait à chasser, un cerf dix-cors, entièrement blanc, d'une taille extraordinaire, bondit et s'élança devant lui, l'entraînant dans les profondeurs de la forêt. Après plusieurs heures, le cerf ne montrait toujours aucune fatigue alors qu'Hubert était rompu. Soudain, le cerf s'arrêta net ! Dans une vision de lumière, Hubert vit le cerf blanc avec entre ses bois l'image d'une croix étincelante et il entendit une voix qui lui disait: "Hubert ! Hubert! Jusqu'à quand poursuivras-tu les bêtes dans les forêts ? Jusqu'à quand cette vaine passion te fera-t-elle oublier le salut de ton âme ?" ».

     

    On voit que ce cerf crucifère à 10 cors est avant tout un symbole du Christ sacrifié, et de la passion, à l'image de l'agneau mystique de l'Apocalypse.

     

    Le même cervidé apparaît dans la légende de Saint Eustache, à laquelle Dürer a consacré l'estampe ci-dessous.

     

     

     

     

    Le Capricorne et le 515

     

    Compte tenu de la nature nettement messianique de ce cervidé, Lima de Freitas n'hésite pas à le rapprocher de la tradition dantesque du 515, dans un symbolisme où les deux 5 correspondraient aux bois du cerf et le 1 au crucifix qui s'élève au milieu de son front : assimilation renforcée par le fait que la croix est considérée partout comme un symbole « axial ».

     

    On comprend dès lors qu'une assimilation très naturelle ait pu s'effectuer, d'un point de vue ésotérique, entre le « temps messianique » symbolisé par le cerf 10 cors et le 515, qui est un temps d'accomplissement, de « remplissement » de la prophétie, et le temps cosmologique de « la porte des dieux », associé lui aussi à des conditions de « plénitude » et d'accomplissement d'une période donnée qui est l'année. Et de fait, chrisme, 4 de chiffre et crucifix peuvent être considérés comme trois variantes d'un seul et même symbole archétypal, qui est celui de la croix.

     

    Sous ce regard, la chèvre-capricorne pourra donc être vue comme aspect particulier de la puissance du 515, s'exerçant non dans le temps historique de la messianité, mais dans le temps cyclique qui est celui du cosmos.

     

     

     

    Sagittation du Capricorne : la "flèche du Parthe" dans la tradition astrologique

     

    Le thème zodiacal du Sagittaire lançant sa flèche sur le Capricorne est illustré dans cette enluminure (extraite des Très riches heures du duc de Berry), où le Capricorne est représenté sortant d'un coquillage, à droite de la frise « vesicatoire ».

     

    Anatomical Man.jpg

     

    Dans son étude sur le symbolisme du cerf et du centaure (à lire ici) Jean Bayet remarque que  "le centaure sagittaire visait soit le Scorpion, soit le Capricorne... mais de règle, lorsqu'il se retourne pour tirer (cas de la miniature du duc de Berry) c'est le Capricorne qu'il vise..." Et plus loin il constate que "le Capricorne est souvent représenté par un bouc ou une chèvre.... ".

     

     

     

    Un symbolisme corroboré par la situation de la peinture

     

    La scène peinte sur le mur se déploie sur un axe horizontal qui, relativement à l'axe de la nef (est-ouest) est orthogonal, donc un axe sud-nord.

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

     

    On voit que l'intégration de la peinture dans l'espace de l'église ne doit rien au hasard. L'action de sagittation du Capricorne par le centaure se déploie bien sur l'axe Sud-Nord qui est celui des solstices ; et la situation de la peinture sur le mur d'Occident conduit à une assimilation naturelle entre le couchant du jour – l'Ouest – et le couchant de l'année qui est le solstice d'hiver.

     

    Les deux fêtes de St Jean, associées aux solstices d'hiver et d'été, étaient associées au feu et à la lumière. Et c'est ce qu'on doit avoir à l'esprit en remarquant, à Montsaunès, la dimension extraordinaire de la fenêtre d'Occident, chargée de recueillir le maximum de la lumière du soleil à l'instant même où il se couche et meurt, - fenêtre sous laquelle la peinture du solstice fait l'effet, par la modestie de ses dimensions, d'un commentaire en bas de page, ou d'une légende.

     



    Le chasseur chassé : la doctrine du sacrifice

      

    Il resterait à expliquer comment le 515, plutôt "chasseur" chez Dante (... qui occira la larronnesse et le géant qui fornique avec elle) se mue en chassé (chèvre) dans la présente circonstance.

     

    Paradoxe qu'il semble impossible d'expliquer, sans une compréhension des doctrines métaphysiques du sacrifice, en vertu desquelles toute création, (et donc, toute création d'univers, toute manifestation), est le fruit d'un rite sacrificiel primordial dans lequel le sacrifiant, le sacrifié, l'autel, et le couteau, ne sont qu'un seul même officiant. Sur ce sujet nous ne pouvons faire mieux que de renvoyer aux travaux de Coomaraswamy.

     

    D'une manière assez analogue, nous avions remarqué la ressemblance, l'étrange air de famille qui existait entre le « nombre de la bête » (666) et celui des élus rassemblés autour de l'Agneau du sacrifice (6 + 6) x (6 + 6). Parenté qu'on doit interpréter comme la marque du fait qu'ils ne sont fondamentalement qu'un.

     



     

    I. LANCER DE FLECHE – LE CENTAURE CHIRON, DISCIPLE D'APOLLON – ASPECTS DE LA RELIGION DE PYTHAGORE

     

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

     

     

    En préambule aux remarques de ce chapitre, nous devons avoir à l'esprit le fait qu'au sein du premier cercle des disciples de Pythagore, Pythagore n'était pas seulement considéré comme « un prêtre du soleil », mais bien réellement comme un avatar d'Apollon Hyperboréen, actif et présent dans la vie de tout homme, chaque fois qu'il sort de son lit.

     

    La religion d'Apollon et celle de Pythagore ne sont donc, véritablement, qu'une seule et même chose.

     

     

    « Apportez moi mon arc et ma lyre » 

     

    Le cri poussé par Apollon à sa naissance, après avoir rejeté les vêtements-limitations dont on l'avait affublé, annonce qu'il possédait de toute éternité ces instruments à corde, capables de délivrer :

    - pour l'un, la vérité (la lyre étant le support de sa prophétie, de sa parole oraculaire),

    - et pour l'autre, la mort (le déchaînement de la vengeance d'Ulysse sur les prétendants, entièrement orchestré par Apollon, dont on célèbre ce jour-là la fête, est inauguré par un examen rituel de son arc, explicitement semblable au rituel d'accordage d'un instrument, pratiqué par tout musicien).

     

    Or, nous savons que l'univers est né d'une tension. Et une tension ne présuppose que deux choses : d'une part, une corde, et d'autre part un support, un châssis, capable de supporter la tension de cette corde : l'arc ou la lyre.

     

    « Apportez-moi mon arc et ma lyre » (Hymne homérique à Apollon)  

     

    Il est essentiel de comprendre que l'arc et la lyre d'Apollon existaient, sinon, avant la naissance d'Apollon, du moins « en même temps » que lui comme une excroissance gémellaire. Et les victoires d'Apollon attesteront, d'une certaine manière, qu'il est impossible de jouer correctement de ces instrument, si vous n'en étiez pas doté au moment même de votre naissance.  

     

    Dans les instruments d'Apollon se remarque, toutefois, une tension de type bien particulier, qui est la tension du retour, ou du retournement, et que l'on retrouve dans divers mots formés à partir de la racine grecque « palin », « retourner ». L'arc et la lyre appartiennent à une même famille d'instruments, qui peuvent être palintones - par le jeu de tensions opposées entre main d'arc et main de corde - ou palintropes, pour l'arc composite, dont la forme bandée inverse la forme au repos.

     

    Et on se rappellera qu'il est courant, dans l'art médiéval, de voir le Sagittaire flécher le Capricorne en se retournant, même si ce n'est pas le cas sur notre peinture.

     

    En physique pythagoricienne, la « tension du retour » porte le nom de tension de conversion. Etant de nature « centripète », elle ne peut survenir qu'au sein d'une réalité parvenue à un instant critique de son développement, qui est l'aboutissement d'une certaine procession. Mais d'autre part, comme le rappelle justement Maël Mathieu : « seul peut procéder ce qui est capable de se convertir ». Autrement dit, la fin est la condition du commencement.

     

    Le thème du retournement, en tant qu'il découle de la science apollinienne de l'archer, établit un lien entre l'action du centaure et le thème du palindrome, retournement mathématique qui sera développé, dans toute sa richesse métaphysique, dans la troisième division du « carré du centaure », représentant la Jérusalem Céleste.

     

     

    Le centaure Chiron, jonction entre le pythagorisme et la médecine

     

    Les centaures sont, dans la mythologie grecque, des créatures plus remarquables par leur brutalité que par leur sagesse. A une exception près toutefois : le centaure Chiron, disciple ou fils adoptif d'Apollon.

     

    Apollon a tué (par le feu) la mère de Chiron, avant de sauver l'enfant des flammes. Il en a ensuite fait l'éducateur de son fils Asclépios, dieu fondateur de la médecine. La tradition précise assez souvent que "le savoir d'Asclépios" est le savoir de Chiron.

     

    Le centaure Chiron est donc le medium mythologique qui forme la jonction entre la science d'Apollon, et la tradition de la médecine grecque, (que d'aucuns, comme Jean-Luc Périllié, n'hésitent pas à qualifier de pythagoricienne), se revendiquant de son fondateur mythologique : Asclépios.

     

    Rappelons qu'Hippocrate, rédacteur du serment prononcé aujourd'hui encore par tous les médecins, était lui-même un asclépiade et conservait la généalogie de son ascendance jusqu'à Asclépios et Apollon.

     

    André Charpentier considère le serment d'Hippocrate comme un document chiffré pythagoricien régi par le nombre 666 (voir son étude ici). Le serment se fait par Apollon, Asclépios, Hygie et Panacée, qui constituent une famille divine pythagoricienne - le  serment serait équivalent aussi au serment par "la sainte tétractys". On remarquera que le dernier membre de la lignée : Panacée, contient la racine « pan », « tout », qui correspond à l'état de « complétude » de la tétractys.

     

    Chiron occupe donc une place de médiateur, ou d'intercesseur entre les deux premiers personnages de cette lignée divine pythagoricienne.

     

    La piste du centaure peut même être poursuivie au delà du seul champ hellénique et de la religion apollinienne, puisqu'on en trouve la trace, dans un plus large champ indo-européen, dans différents mythes relatifs à la fois au cheval et aux origines de la médecine. Une étude bien documentée nous apprend en particulier que, selon Dumézil, le mot "Kentauros" pourrait être un équivalent du sanscrit "Gandharva". (Valérie Gitton-Ripoll : Chiron, le cheval-médecin ou pourquoi Hippocrate s'appelle Hippocrate)

     

    Ces éléments mythologiques ne doivent en rien occulter la dimension zodiacale et calendaire qui reste fondamentale, dans le contexte pythagoricien.

     

    Ce n'est sans doute pas sans motif que le centaure a donné naissance, non à une constellation, mais à deux, le Sagittaire et le Centaure, qui font de cette créature mythologique un acteur familier de la machine du ciel.

     

    Quant à la fonction de flécheur qui est attribuée au centaure dans le symbolisme du solstice, elle s'accorde assez bien avec l'étymologie, qui fait dériver son nom (Kentauros) d'une fonction primitive de « piqueur » de bétail (kentôr).

     

     

    Chi-ron le cent-aure, la tentation du jeu de mot

     

    Une assonance entre Chiron et le chi-rô du chrisme, établit une connexion entre le début et le terme de la séquence du « carré du centaure », entre l'alpha et l'oméga. En ayant à l'esprit que cette connexion entre la fin (de l'année) et le début (de la suivante) est – bien qu'en sens inverse - le sujet même de la peinture du solstice.

     

    En second lieu, on peut s'arrêter à la connotation arithmétique du nom du CENTaure. En effet, en fixant à 66 « l'ouverture de la mandorle » - pour des raisons autant symboliques (démiurgisme), qu'architecturales (mesures du panthéon de Rome) - André Charpentier associe le nombre 99 au « rayon céleste » qui embrasse cette figure, et le nombre 100 à ce rayon complété par son « pôle ».

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

     

    Si l'on relève en passant que : 100 / 66 = 1,515151515... on voit que ce chemin ne nous éloigne pas du 515.

     

    Ce nombre cent que les peintres templiers, sans l'avoir recherché, entendaient vraisemblablement dans le nom du centaure, semble donc résonner de façon très heureuse avec la fonction du rayon dardé par le Sagittaire, ainsi qu'avec sa position de porte, ou de pôle, pour l'axe du monde.

     

    Nous allons voir que cette fonction du Sagittaire peut encore être illustrée sur un autre plan,  qui est celui de la tradition alchimique.

     

     

    Point de vue opératif

     

    D'un point de vue alchimique opératif, Aliboron explicite le symbolisme du Sagittaire selon deux perspectives complémentaires :

    - Comme une des « saisons » de l’Oeuvre, donc comme métaphore convenue sans rapport direct avec l’astrosophie, il se situe à la fin du Solve, volatilisation du Fixe. Phase dite de Jupiter (qui trône en Sagittaire et Poissons) succédant à la saturnienne. Entre Nigredo et Albedo (noire puis blanche) on lui attribue du... gris, virant au verdâtre car le Dauphin nouveau-né (Saturnie végétable) y vire au Vert léonin.

    - D’un autre coté, si l’on en croit l’astrobiologie selon Rabelais, il se trouve qu’entre Scorpion et Sagittaire, précisément, se présente une « fenêtre » cosmique propice à la « descente » du Spiritus Mundi...

     

     

    La chasse spirituelle : René Alleau, à propos des lévriers et autres chiens pythagoriciens

     

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

      

    Dans la première partie de cette étude sur la tradition du nombre 515, nous avons abordé la question des liens entre le veltro dantesque et le chien couché de la Melencolia de Dürer, en nous bornant, pour l'essentiel, à résumer les travaux de Louis Barmont et Lima de Freitas sur le sujet.

    Dans ses Enigmes et symboles du Mont Saint-Michel,  René Alleau offre des remarques sur le lévrier, se rapportant à une miniature de Jean Fouquet illustrant la fondation de l'ordre de Saint-Michel (XVs) - remarques que nous reproduisons en intégralité, en raison de leur intérêt pour notre étude.

    En plus de l'éclairage hermétique qu'elles apportent au thème médiéval de la chasse spirituelle, ces remarques peuvent nous questionner à un autre titre, du fait que l'on sait, aujourd'hui, que la légende de Saint Michel a eu pour fonction de "recouvrir", en le christianisant (aussi bien du point de vue mythologique que géographique), un ancien culte païen de type nettement apollinien, dont le Mont Saint-Michel constituait sans doute l'un des hauts lieux, comme le Monte Gargano en Italie. Ce rapport de continuité, ou plutôt de relève théologique assumée permet de voir dans la victoire de l'Archange Saint Michel sur le dragon, inspirée de l'Apocalypse, une quasi réplique de celle d'Apollon sur Python.

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

     Frontispice du manuscrit enluminé 

    « Statuts de l'ordre de Saint-Michel »

     

     

    « Aussi doit-on déchiffrer les moindres détails allégoriques de la miniature illustrant la fondation de l’Ordre car on ne laissait à l’artiste aucune liberté dans le choix d’emblèmes qui revêtaient alors une grande importance héraldique et politique.

    On trouve deux chiens analogues au château du Plessis-Bourré, dans la « demeure philosophale » du trésorier de l’Ordre de saint Michel. C’est à Eugène Canseliet que l’on doit d’avoir signalé, en effet, dans son ouvrage : Deux Logis alchimiques la signification hermétique des caissons peints de la salle de garde du château, dans le Maine-et-Loire. Deux interprétations du thème du « chien blanc » figurant sur les miniatures peuvent être proposées. Selon l’une, on aurait évoqué par ces « armes parlantes », le mot « Lévrier », attesté, au XIIe siècle, déjà dans Enéas, et qui signifie, proprement, « chien qui chasse le lièvre ». Au XIVe siècle, Nicolas Oresme le nomme « Levron » et, pour la femelle « Levronne ». Il est probable que l’on prononçait alors « Levrier » sans accent.

    Si l’on admet cette hypothèse, l’allégorie héraldique du Levrier joue sur l’homophone L’Oeuvre y est. On peut aussi « blasonner » sur Oeuvrons aile en chef, devise des travaux mystiques des chevaliers de l’Ordre sous la haute protection de l’Archange. Rappelons, en effet, avec Grasset d’Orcet, que l’on pouvait aussi « blasonner » en « assonnant sur la lettre L », selon des règles trop compliquées pour être examinées ici.

    Selon la seconde hypothèse, plus probable, à notre avis, il ne faudrait pas voir ici un lévrier mais plutôt un chien courant blanc que nos anciens auteurs nommaient "baud", chien-cerf, ou chien muet. Jean Nicot, dans son Thrésor de la langue françoyse, précise : "D'aucuns les nomment chiens muets, d'autant que, venant le cerf au change, ne disent mot jusqu'à ce qu'il soit hors". Et Nicot rajoute qu'à cause de leur silence, ces chiens étaient nommés pythagoriciens.

     


    Selon cette hypothèse, ce chien blanc ferait allusion au silence imposé expressément par les statuts de l’Ordre aux chevaliers de Saint-Michel sur tout ce qui concernait leurs délibérations. Mais on peut aussi y voir une image de la “quête initiatique” et de la “chasse spirituelle” dans laquelle l’intuition joue un rôle aussi déterminant que le flair dans la chasse matérielle. La comparaison entre le cerf “aux bois rayonnants” et Jésus qui mène l’âme altérée aux “sources de l’éternelle sapience” se retrouve dans la plupart des allégories mystiques du XVe siècle. 

     

    Afin de préciser qu’il s’agit en effet d’une quête des vérités supérieures ou “célestes”, Jean Fouquet a situé au même niveau que celui du tableau du combat de saint Michel, remarquable par le ciel étoilé qui sert de fond à la composition, une lucarne ouverte en haut du mur, laquelle, à première vue, ne présente aucun intérêt ornemental car ce détail étrange déséquilibre au contraire, la perspective rigoureusement ordonnée du tableau. En fait, il s’agit là d’un exemple de la cabale phonétique, chère aux disciples d’Hermès, et qu’il faut connaître si l’on désire entendre leur enseignement secret, tel que l’expriment, allégoriquement, de nombreuses oeuvres d’art médiéval. » Dont l’ “héraldique sacerdotale” est condensée dans la “Légende Dorée” de Voragine.... voir par ex, les étymologies “fantaisistes” qui la parsèment.

     

    « On doit savoir, d’abord, comme le rappelle A. Dauzat, dans son dictionnaire étymologique, que le mot “lucarne” dérive de la lucanne (XIVe siècle) emprunté au provençal lucana, “lucarne”. Ce mot jouait ainsi homophoniquement sur “lucarne”, nom d’un coléoptère vulgairement appelé “cerf-volant”, insecte caractérisé par les dimensions considérables de ses mandibules, dentées et saillantes, analogues aux bois des Cervidés. L’allusion héraldique au thème du “cerf-volant” ou du “cerf-ailé” confirme ainsi celle qui se rapporte au “chien-cerf”, au premier plan de la miniature. (...) Rappelons que le “Cerf-volant” était l’emblème de Charles VI et de Charles VII, “peut-être en raison de la prophétie fameuse à laquelle fait allusion Christine de Pisan dans le poème où elle célèbre les exploits de Jeanne d’Arc :



    « Car un roi de France doit être
    Charles, fils de Charles nommé
    Qui sur tous rois sera grand maître
    Prophéties l’ont surnommé Le cerf volant... »

     

    Bref, “la lucarne” ouverte du coté du ciel et de saint Michel, tel qu’il est figuré sur le tableau central, évoquerait ainsi la protection accordée au “Cerf-volant” de France par le Roi du Ciel. Ce serait là un rappel des victoires miraculeuses de Jeanne d’Arc et de la légitimité divine du pouvoir royal, depuis le sacre de Reims.”

      

    Le lucane et l'axe des nœuds lunaires

     

    Reprenons les précisions entomologiques de René Alleau. Dans le monde des insectes, le lucane est effectivement un cervidé.

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

     

     

    Dans ses Métamorphoses, le grammairien Antoninus Liberalis fournit à son propos des informations qui intéressent notre enquête : la tête du lucane « ressemble, avec ses cornes, à la lyre que l'on fait à la carapace de tortue ».

     

    En examinant l'Hymne homérique à Hermès, nous pouvons voir que le thème du retournement est au cœur de l'invention de la lyre. La tortue est en effet un animal bien singulier, qui « pourvue d'une peau de pierre » selon Plutarque, et même si elle est capable d'émettre un petit sifflement, est présentée comme muette (anaudos) par les grecs. Nous dirions aujourd'hui « muette comme une tombe », et précisément, la tortue trouvera une voix (phônê) après sa mort lorsqu'elle sera transformée en lyre. Cette transformation sera l'œuvre du jeune dieu Hermès, qui, trouvant une tortue devant la grotte du mont Cyllène où il vient de naître, l'amène à l'intérieur après l'avoir retournée sur le dos

     

    Mais les grecs avaient aussi observé l'affinité de la tortue avec le monde souterrain, le monde chamanique « des envers ». En s'enterrant dans le sol pour hiberner, elle en fait autant que ses petits, puisqu'elle se sert de la terre pour retourner dans le monde des vivants. L'étymologie latine tartaruca (bête du Tartare) renvoie-t-elle à cette représentation grecque de la tortue ?

     

    Un dernier aspect du retournement est offert par le concours musical opposant Apollon et Marsyas. Rappelons que le dieu ruse en imposant cette condition à son adversaire : « Je te défie de faire sur ton instrument ce que je fais: tourne-le à l'envers ». Nous avons déjà mentionné la qualité intrinsèquement palintonique de la lyre, mais Apollon en exploite ici une propriété extensive, celle de jouer en la retournant dans l'espace. Propriété que ne possède pas la flûte, et qui valut à Marsyas d'être écorché vif... John Scheid commente : « car si la lyre est l'instrument grâce auquel les âmes peuvent remonter à la lumière, une lyre inversée devient l'instrument grâce auquel elles sont renvoyées dans l'obscurité de la mort ».

     

    Cette topologie des lyres, à l'endroit et à l'envers, nous a frappé par sa ressemblance avec les emblèmes des nœuds lunaires qu'a conservé la tradition astrologique indienne. Rappelons que ce sont des points virtuels associés astronomiquement aux éclipses, et décrits mythologiquement comme la tête et la queue du dragon.

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

     

    Il nous semble possible de superposer (ici encore, en un sens convenu et non astrosophique) l'axe des nœuds, c'est-à-dire l'axe du dragon, à l'axe des solstices  : la tête du dragon - ou lyre à l'envers - représente la descente des âmes associée à la porte du Cancer, alors que la queue du dragon - ou lyre à l'endroit - représente leur remontée dans le Capricorne. Correspondance qui s'accorde avec les données de la tradition indienne, qui fait de Rahu (tête du dragon, dépourvu de corps) une puissance de matérialisation et de Ketu (queue du dragon, dépourvu de tête) une puissance mystique de renoncement. (note 1)

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

     

     

     

     

    II. LE RECTANGLE DE FIBONACCI.

     

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

     

     

    Il s'agit d'un rectangle quadrillé de côtés 5 et 8, dont toutes les cases sont hachurées par une diagonale, à l'exception d'une zone de 9 cases située en bas à gauche, où les cases sont hachurées par deux diagonales, formant une croix, et où les divisions horizontales sont absentes. Cette différenciation est suffisante pour identifier immédiatement un rectangle de Fibonacci de rang 5, mais aussi, pour reconstituer toutes les autres parties du rectangle, dans leur développement en spirale.

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

     

    Dans tout rectangle de Fibonacci, l'avant dernier carré joue le rôle de médiateur, (ou de « médian », au sens défini par les médiétés pythagoriciennes à trois termes), puisqu'il occupe une position intermédiaire entre "ce qui conclut", et "tout ce qui précède".

     

    Dans le rectangle de Fibonacci de rang 5, et de côtés 5 et 8, le médiateur est bien le carré 3, intermédiaire entre ce qui conclut (le carré 5), et "tout ce qui précède"  (l'addition des côtés des carrés 1 et 2 qui donne 3). Le hachurage de ce carré 3x3 au sein du rectangle revient donc à mettre en évidence, dans celui-ci, cet élément médiateur.

     

    Il existe plusieurs méthodes, également légitimes, pour paramétrer le départ de la série des nombres de Fibonacci dans le rectangle du même nom, dont l'une, la dernière que nous mentionnerons, peut être regardée comme plus « pythagoricienne » que les autres.

     

    • La première consiste à décomposer le carré long, ci-dessus distingué par un pavage « mosaïque » comme en regorge l'église de Montsaunès (pavages dédiés aux Muses, et non à Moïse...) en deux petit carrés « atomiques » de 1x1. Dans ce cas la suite de Fibonacci sera représentée par les « incréments » carrés successifs qui s'agglomèrent à cette matrice (1, 1, 2, 3, 5....)

     

    • Une autre manière consiste à paramétrer les états successifs du rectangle global. Dans ce cas les nombres de Fibonacci se développeront par paires « conjointes », correspondant aux côtés du rectangle, donc chacune mesure un nouvel « état » de ce rectangle ; et la série pourra même alors débuter au stade « zéro », stade où le rectangle n'est encore qu'un segment de largeur 0 et de longueur 1. La série prendra alors la forme (0,1), (1,1), (1,2), (2,3), (3,5)...

     

    • Enfin une troisième méthode consiste à écarter les deux premiers éléments de la série précédente, en considérant que ni le segment (0,1), ni le carré de 1x1, ne sont véritablement des rectangles, et que le premier « vrai » rectangle de Fibonacci est le « carré long » de 1x2.

     

    Cette dernière solution est, sur le plan logique, la plus conforme à l'esprit de la mathématique pythagoricienne.

     

    En effet, en mathématique pythagoricienne, la catégorie géométrique des « quadrilatères » n'est pas pertinente, du fait que le carré et le rectangle sont subordonnés à deux catégories logiques rigoureusement distinctes, dont le première est la catégorie du Même, et la seconde celle de l'Autre. Dans cette optique, le premier « vrai » rectangle de Fibonacci, qui joue pour la série des suivants le rôle de graine, ne peut être que le carré long de 1x2. C'est seulement dans cet objet qu'est « libérée » au sens logique la catégorie de l'Autre, par la duplication d'un objet (le carré atomique) qui relève lui-même de la catégorie « antérieure », et plus primitive du Même.

     

    On voit que, dans cette logique profonde, la catégorie de l'Autre n'est complètement libérée qu'au terme d'un processus de développement qui, à partir du point, compte 4 étapes : point, segment, carré, double carré, et qui n'est pas sans analogie avec celui de la tétractys.

     

    Mais une autre raison, plus profonde encore, rend cette façon de voir préférable, d'un point de vue pythagoricien. Le rectangle de Fibonacci est un rectangle se développant par incréments successifs de carrés, dont le rapport des côtés tend vers la valeur : φ.

     

    Or cette valeur φ, vers laquelle le rectangle tend dans sa croissance indéfinie sans jamais pouvoir l'atteindre, se trouve enfermée, sous forme rigoureusement exacte, dans les mesures du carré long qui est sa matrice, ou sa graine.

     

    On a vu qu'il était possible de l'extraire de deux manières différentes. Soit par le rapport des côtés du triangle rectangle qui forme le demi carré long.

     

    (√5 + 1 ) / 2 =  φ

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

    Le carré long

     

    Soit en considérant seulement l'hypoténuse de ce même triangle, qui est donc la diagonale du carré long, dont la valeur est égale à √5, en sachant que :

     

    √5  =  φ + 1/φ

     

    Le rapport doré exact se trouve en effet enfermé dans la diagonale du carré long, sous la forme d'un couple gémellaire, formé de l'addition du nombre d'or et de son inverse. Cette diagonale-hypoténuse apparaît donc comme la « corde » primitive, porteuse du rapport doré, dont la « résonance » ordonne la croissance et le développement de « l'univers manifesté » que figure, ici, le rectangle de Fibonacci.

     

    De ce point de vue, qui compte le carré long comme étape « un », le grand rectangle de valeur 40 se constitue en 4 pas.

     

    La production du nombre 40 semble donc correspondre, dans l'esprit des auteurs de la peinture, à un état de développement du rectangle faisant apparaître une forme de « complétude », ou du moins de « développement suffisant ».

     

    Et l'on peut remarquer au passage que, si on attribue la valeur "1" au carré long, en tant qu'originaire, ou élément supposé insécable (premier "vrai rectangle" de Fibonacci), alors la structure qui s'ordonne autour de lui peut évoquer (en vue certes un peu formelle, et « cursive ») le 515 :

     

    (2+3) (1) (5)

     

    Cette supposée complétude du rectangle de valeur 40 nous permet d'induire (au moins à titre d'hypothèse) que la relation que nos templiers percevaient entre le carré long, rectangle matriciel, et le rectangle 40, présentait une certaine analogie avec la relation graine – gnomon (plus précisément : graine / polygone gnomonique de rang immédiatement supérieur) à laquelle nos études nous ont familiarisés. Et de la même manière, on peut penser que le rectangle-source, le carré long, pouvait être perçu comme un élément détachable de la structure, comme un « patron » ou une pierre d'achoppement, ou encore comme un « vide » créateur... de la même manière qu'une graine peut être détachée de son gnomon.

     

    Le rapport doré enfermé dans le carré long matriciel étant aussi le conduit, le principe « attracteur » ou directeur, de la croissance du rectangle, nous sentons que la métaphore de la graine, de la croissance végétale ou biologique, est ici particulièrement pertinente.

     

    Nous sommes bel et bien ici au cœur de la doctrine pythagoricienne de la Nature, au sein de laquelle le rapport doré joue le rôle de « fil d'Ariane », permettant « la sortie du labyrinthe », permettant que ce qui, dans une supposée « graine d'univers », serait enfermé à titre de pure virtualité ou de germe, puisse, de proche en proche, par une suite de rapports immédiats et processionnels à « soi-même », advenir dans le monde de la « manifestation », sous la forme spatio-temporelle que nous connaissons, qui est celle d'un processus, d'un développement naturel.

     

     

    La pulsation alternante du 5

     

    Remarquons que le carré long, figure la plus simple contenant la dynamique du 5, est coextensif à la mandorle :

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

     

    Dans son étude sur L'œuf du monde, André Charpentier attribue à la puissance du 5 la propriété de mise en abîme alternée,  qui permet de construire une mandorle yin (horizontale) au sein d'une mandorle yang (verticale). Processus qui peut se poursuivre indéfiniment, et qui dévoile, selon sa belle expression, l'œil qui voit tout :

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

     

    Mais, continue l'auteur, la figure la plus évidente de cette loi universelle est le Pentagramme pythagoricien, qui fait alterner, et donc vibrer ou flamboyer, les deux formes du pentagone, convexe et étoilé :  « propriété unique dans toute la géométrie, qui fait de l'Etoile flamboyante le meilleur symbole de la vie universelle ».

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

     

     

    LUX et carrés magiques

     

    Avant même de nous demander quelles idées les templiers pouvaient associer au rectangle de Fibonacci, nous devons avoir à l'esprit qu'une figure se définissant comme un « système de carrés » possédait en elle-même, pour un initié de ce temps, un riche contenu herméneutique, associé aux valeurs possibles des carrés magiques que l'on pouvait former sur ces matrices.

     

    La somme des aires des petits carrés vaut 13, tandis que l’aire du grand carré vaut 25 : valeurs qui correspondent aux centres des carrés magiques de Mars et Vénus (dans la Talismanie de Cornelius Agrippa), qui ont curieusement un rapport de moitié (13 / 25).

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

          

    La symbolisme des amours de Mars et de Vénus, dont l'union adultère et clandestine, découverte par les olympiens, fut la cause du « rire inextinguible des dieux » pourrait sembler, - en raison de sa « trivialité » même, être un bon candidat à l'expression d'un « mystère » qui est celui de la Nature. Rappelons nous que, selon Empédocle, la nature universelle est bien conduite par cette force, autrement appelée Amour, qui, agissant entre eux comme un véritable tiers (bien qu'inapparent), « précipite » follement les sexes l'un contre l'autre.

     

    Le couple adultère, surpris, est emprisonné dans un filet par Vulcain. Or, les carrés gnomoniques, qui forment la trame du rectangle de Fibonacci, sont classiquement qualifiés de "filets", pièges à poissons.

     

    En ouvrant le carré de 5x5 (en vert dans le diagramme reproduit un peu plus bas) du côté où le rectangle est « sectionné », (en tant que structure susceptible de poursuivre sa croissance indéfinie), on peut reconnaître une forme qui évoque le symbole hermétique du LUX symbolisme d'une richesse telle que nous ne pouvons l'aborder ici (note 2)

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

    Le symbole hermétique du LUX

    éclaire la position de l'ange de la Melencolia de Dürer :

    le bras droit en L, le bras gauche en U et les jambes croisées en X

      

    Ces formes renvoient bien aux positions masculine et féminine : le L est anguleux et double (comme la raison masculine) et le U courbe et unaire (comme la jouissance féminine). Equerre et compas, qui résonnent avec les symboles hiérogamiques de la tradition hermétique chinoise, où le X est figuré par l'enlacement des "tentacules" serpentiformes. Ces remarques peuvent appuyer l'idée de différencier les 5 du 515 de Dante : en mâle et femelle, monade et dyade, intérieur et extérieur, ou autant de distinctions que l'on voudra (note 3).

     

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

     

    Ajoutons enfin cette contribution poétique moderne à la tradition secrète du 515 : dans son roman Ulysses, James Joyce écrit ce palindrome en 11 lettres (5+1+5) :

     

    Madam, I'm Adam

     

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

      Le X forme la copule entre les lettres L et U, 

    indiquée ici par le croisement du VAV et du palindrome.

    La réalisation de ce X sera le sujet des deux chapitres suivants.

     

     

     

      

    III. LA JERUSALEM CELESTE - MONDE DU PALINDROME, DU RETOURNEMENT ET DU MIROIR - LE JARDIN D'EDEN - LA RELIGION DU LYS - YAKINTOS, AUTRE DISCIPLE D'APOLLON - LA DEESSE IRIS ET L'ARC EN CIEL

     

     

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès



     

     

    La Jérusalem Céleste

     

    Plusieurs commentateurs ont identifié dans la troisième division du carré du Centaure, avec raison croyons-nous, le thème de la Jérusalem Céleste.

     

    Dans l'Apocalypse, la Jérusalem Céleste est une cité éternelle descendue du ciel pour accueillir la communauté des élus du christ, ces 144 000 que l'on voit rassemblés, selon une répartition quadrangulaire, autour de l'Agneau du sacrifice, trônant au sommet du mont Sion.

     

    En préambule, on pourra remarquer que le symbole ésotérique de la Jérusalem Céleste est, dans son essence même, placé sous le signe du miroir, et du retournement ; qui explique que, dans l'iconographie, sa représentation soit souvent caractérisée par une symétrie bilatérale, par la symétrie même du palindrome.

     

    En effet, la Jérusalem Céleste est le reflet ou le miroir de la cité terrestre. Avec cette précision toutefois que, selon le principe « de Borella », qui veut que dans un symbole, ce soit toujours l'inférieur qui symbolise le supérieur, nous devons penser que, dans l'esprit des Templiers aussi, la Jérusalem terrestre n'était que le reflet ou la manifestation temporelle d'une cité éternelle, gouvernée par le Christ, dont l'existence avait en réalité infiniment plus d'importance

     

    Ceci ne devant, en rien, occulter le fait que le sort de cette Jérusalem terrestre était, non seulement, la préoccupation majeure et quotidienne de l'ordre Templier, mais aussi sa raison d'être historique.

     

    Dans la logique de cet engagement, il semble vraisemblable que nos templiers, en tant que moines-soldats dévolus à la défense de la Jérusalem temporelle, se sentaient appelés, par leur vocation même, à prendre place, au ciel, dans cette autre armée, éternelle, qui était celle des élus du Christ.

     

    Le champ symbolique de la Jérusalem Céleste correspondait donc pour eux à ce qu'on entend par « le côté intérieur de la guerre ».

     
     

     

    Plan carré de la cité, nombres 12 et 144

     

    « La ville brillait d'un éclat semblable à celui d'une pierre précieuse, d'une pierre de jaspe transparente comme du cristal. Elle avait une très haute muraille, avec douze portes, et douze anges gardaient les portes. Sur les portes étaient inscrits les noms des douze tribus d'Israël. Il y avait trois portes de chaque côté : trois à l'est, trois au nord, trois au sud et trois à l'ouest. La muraille de la ville reposait sur douze pierres de fondation, sur lesquelles étaient inscrits les noms des douze apôtres de l'Agneau. »

     

    « L'ange qui me parlait tenait une mesure, un roseau d'or, pour mesurer la ville, ses portes et sa muraille. La ville était carrée, sa longueur était égale à sa largeur. L'ange mesura la ville avec son roseau : douze mille unités de distance, elle était aussi large et haute que longue. Il mesura aussi la muraille : cent quarante-quatre coudées de hauteur, selon la mesure ordinaire qu'il utilisait. La muraille était construite en jaspe, et la ville elle-même était d'or pur, aussi clair que du verre. Les fondations de la muraille de la ville étaient ornées de toutes sortes de pierres précieuses: la première fondation était de jaspe, la deuxième de saphir, la troisième de calcédoine, la quatrième d'émeraude, la cinquième de sardonyx (onyx), la sixième de sardoine (cornaline) la septième de chrysolithe (peridot), la huitième de béryl (aigue-marine), la neuvième de topaze, la dixième de chrysoprase, la onzième d'hyacinthe (zircon brun) et la douzième d'améthyste. Les douze portes étaient douze perles; chaque porte était faite d'une seule perle. La place de la ville était d'or pur, transparent comme du verre. »

     

    Dans ces lignes sont contenus les quelques éléments, rares, mais précis, qui gouvernent les représentations médiévales de la Jérusalem céleste. La ville est habituellement représentée suivant un plan carré et symétrique, avec 3 portes de chaque côté. Mais les portes peuvent être aussi des tours.

     

    A Montsaunès, nous rencontrons une interprétation un peu différente, où à première vue il peut même paraître difficile de reconnaître les canons du genre.

     

    Au lieu de 12 portes disposées le long de quatre murs, nous avons 4 fleurs de lys, disposées dans les quatre angles d'un carré, et porteuses de 12 pétales.

     

    Nous nous demanderons plus loin quelle est la signification précise de ce symbole floral, mais, en préambule, on peut observer que cette symbolisation « végétale » pourra, dès l'abord, apparaître conforme à une autre tradition relative à la Jérusalem Céleste (non plus seulement chrétienne, mais aussi hébraïque), qui identifie précisément la Jérusalem Céleste au jardin d'Eden ; et cela, en vertu d'un principe assez universel du symbolisme ésotérique, selon lequel la fin (la Jérusalem Céleste), coïncide avec le commencement (le jardin d'Eden) ; l'omega avec l'alpha ; mais aussi la Terre (le jardin) avec le Ciel (la cité). Notons que dans ces traditions, le jardin d'Eden est décrit selon un plan qui a lui aussi la forme d'un carré, arrosé par quatre fleuves, etc.

     

    La représentation de Montsaunès constitue donc une adaptation du genre, qui lui permet, dans le contexte, de porter des strates de signification supplémentaires. Ainsi, en situant les 12 « portes » (les 12 pétales) dans les angles du carré plutôt que sur les côtés, le plan de la cité adopte la structure du carré gnomonique, qui est non seulement celle du grand dessin le contenant (le carré du Centaure, dont il « réplique » ainsi endomorphiquement la séquence), mais qui est aussi le principe constructif du rectangle de Fibonacci, sujet de l'étape précédente.

     

    Enfin, cette réinterprétation vise, selon nous, à une autre fin, plus importante encore. En polarisant une structure carrée sur ses angles, plutôt que sur ses côtés (sans même nous attarder à la tradition ésotérique bien nourrie qui identifie les « angles » aux « anges »), on attire l'attention sur une « cinquième » essence, coïncidant avec son centre, et que diverses traditions (dont la maçonnique) désignent comme le « mystère », ou « le 5 au centre du 4 ».

     

    Dans l'Apocalypse, le plan carré de la cité céleste est bien polarisé autour d'un centre qui est le mont Sion, et l'Agneau du sacrifice ; tandis que, dans d'autres représentations de la cité, (comme à Montsaunès) ce centre peut être représenté par le Temple ou le tabernacle, sans incidence sur la signification profonde du symbole.

     


     

    La fonction du retournement

     

    Nous venons de voir que le dessin de la Jérusalem Céleste comportait de nombreux éléments de « reprise » ou de « récapitulation » des deux étapes qui le précèdent ; raison pour laquelle, pour nous aussi, une première récapitulation sera bienvenue.

     

    La première étape - le lancer de flèche – symbolise le Fiat Lux, l'acte créateur qui donne le branle à un monde, et qui peut équivaloir à la production d'un « germe » ou d'une « graine » d'univers, susceptible de développement.

     

    La deuxième étape, le rectangle de Fibonacci représente le développement indéfini d'un univers à partir de sa graine, et dans un rapport de rapprochement constant avec le principe pur (le nombre d'or) enfermé dans sa matrice.

     

    Autrement dit le principe simple de croissance ou de procession.

     

    La troisième étape représente « le retournement », ce rendez d'un univers avec lui même, qui fait que son expansion ne le conduit pas à se « dissiper » dans l'infini, mais comporte, dès le principe, une limite, au delà de laquelle il sera soumis à une contrainte inverse, une contrainte devant le reconduire à la simplicité, à l'unité de son principe.

     

    La Jérusalem céleste et le monde du palindrome représentent donc l'instance de la « conversion », ou la loi du retour, car pour revenir au lieu d'où l'on provient, il est nécessaire de se retourner.

     

    En n'oubliant pas là encore, le « principe de Mathieu » voulant que : « seul peut procéder ce qui est capable de se convertir ». Autrement dit « La Jérusalem Céleste » précède le rectangle de Fibonacci sur le plan de la conditionnalité.

     

    Aux 12 portes de la cité correspondent explicitement, dans le texte de l'apocalypse, le 12 tribus d'Israël et les 12 disciples du Christ, autrement dit la synthèse de l'Ancien et du Nouveau testaments, et l'accomplissement complet de la prophétie. Mais le contexte cosmologique et zodiacal de notre peinture permet aussi, bien évidemment, d'associer à ces symboles de complétude, celui de l'achèvement des 12 mois de l'année.

     

    Dans l'imaginaire templier, cette cité renvoie immanquablement à la mesure, par l'Ange, de sa muraille : « 144 coudées de hauteur ». Le nombre 144 étant le carré de 12, il amplifie, dans la dimension de la puissance, l'idée de plénitude déjà associée au nombre 12, en la réfléchissant en elle même, (opération qui peut être vue comme analogue à celle du miroir, du palindrome).

     

    Mais il y a mieux. Le nombre 144 n'est pas seulement le 12ème nombre carré, pour parler en langue pythagoricienne, mais aussi le 12ème nombre de Fibonacci. Autrement dit, il correspond à une phase du développement du rectangle de Fibonacci, ultérieure à celle du rectangle vu précédemment (5x8), dans laquelle le plus grand côté est formé de deux carrés de, respectivement, 55 et 89 de coté. 

     

    On peut donc penser que ce rectangle correspond à une seconde phase de plénitude, ou de complétude. Sur le plan symbolique, cette assimilation a pour effet d'énoncer clairement que « le rectangle de Fibonacci » et « la Jérusalem Céleste » ne sont fondamentalement qu'une même réalité, envisagée à deux moments différents de son développement, comme l'illustre leur quadrature de phase.

     

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

     

     

    Les nombres 8 et 144, qui correspondent aux longueurs de ces deux rectangles, sont respectivement les 6ème et 12ème nombres de Fibonacci, ce qui les place ordinalement dans un rapport d'octave.

     

     

     

    Le 5 alternant et le 9 conservant

     

    A présent, observons que cette Jérusalem Céleste est bordée, à droite et à gauche, par une frise de pavés mosaïques dont la hauteur totale est de 14 pavés, répartis en 9 + 5 (note 4).

    14 évoque naturellement une mi-temps du mois lunaire, pleine ou nouvelle lune (le cycle par excellence en raison de la netteté de ses phases) ; de la même manière que les solstices délimitent les mi-temps de l'année.
    C'est aussi un nombre que la tradition chrétienne associe aux souffrances du Christ, puisqu'il définit la lune pascale, et les quatorze stations du chemin de croix.

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

     

    Si l'on décompose la « hauteur » totale en deux parties, haute et basse, correspondant aux cellules abritant les lys, on obtient pour ces pavés mosaïques le décompte suivant :

     

        5                5

    (9 & 9)     (9 & 9)

     

    Dans le registre supérieur, on peut lire une référence à la sacralité du nombre 5, dont on a décrit précédemment la qualité « alternante » fondamentale (principe de l'Autre).

    Dans le registre inférieur, l'accent est mis sur la sacralité du nombre 9, qui représente le principe féminin de « conservation » (principe du Même), qui est sur le plan métaphysique la conservation de l'origine.

    Eu égard aux neuf symboles primitifs par lesquels se manifeste la Décade, ces deux nombres reflètent l'adage hermétique qui veut que « tout s'oppose par les milieux (5) et se rejoigne par les extrêmes (9) ».

    Y a-t-il un rapport avec le carré de la Jérusalem ?

    Si l'on fait la somme de chaque ligne, on obtient :

            5   +   5           =   10

    (9 + 9)   +  (9 + 9)  =   36

    D'un point de vue pythagoricien, ces nombres entretiennent des rapports étroits, puisque :

    • 10 et 36 sont respectivement les 4ème et 8ème nombres triangulaires.
    • le premier est appelé tétractys : 1+2+3+4 ; et le second double tétractys : (1+3+5+7) + (2+4+6+8)
    • 4 est le premier carré (2²) et 8 est le premier cube (2³). Ces deux nombres étant en outre dans le rapport d'octave, homologue au rapport Mars/Vénus.

    On pourrait alors, assez naturellement, représenter les registres inférieur et supérieur par deux triangles, dont les polarités seraient inverses l'une de l'autre.

     

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    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

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    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

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    Idée dont on trouve une illustration dans Les Dialogues avec l'Ange :

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

    « Deux triangles s’approchant l’un de l’autre dans une attraction mutuelle irrésistible.

    Ils étaient reliés par un jaillissement d’éclairs jusqu’à ce que leur union soit totale. »

     

    Ces pavages latéraux indiqueraient ainsi une « formation »  de la Jérusalem, par union des triangles (point qui sera repris plus loin), en accord avec l'enseignement des loges compagnonniques, qui tiennent le triangle pour un intermédiaire obligé dans la résolution graphique de la quadrature du cercle.

     

    Si l'on interprète le triangle supérieur dans sa fonction de tétrade, on remarque que 4 x 36 = 144 (opération qui reproduit la partition quadrangulaire de "l'armée des élus"); si on l'interprète comme décade, on note que 10 x 36 = 360 (nombre qui peut renvoyer à la plénitude du cercle, comme à celle de l'année).

    Un autre aspect de la qualité théophanique du nombre 144 peut être illustré à partir de la séquence harmonique 6-8-9-12 à laquelle Nicomaque de Gérase prête les qualificatifs de médiété parfaite et d'harmonie, du fait qu'elle renferme les rapports des 3 médiétés, puisqu'en effet 144 = 6x12 + 8x9.

     

    Souvenons-nous enfin que la mesure des 144 coudées avait mis en évidence la séquence de Fibonacci 55-89-144. Or, de même que le 144 croise la série de Fibonacci avec celle des nombres carrés, le nombre 55 croise cette série avec celle des nombres triangles... faisant écho à cette alliance entre le triangle et le carré. (note 5). 

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

     

    On peut d'abord voir une illustration très générale du principe qui nous occupe ici dans la relation mathématique liant les deux branches latérales de cette structure, en vertu de laquelle : "Tout nombre carré supérieur à 1 est la somme de deux nombres triangulaires successifs".

     

    Le nombre 55, palindrome lisible à même la peinture, souligne quant à lui la présence du nombre 11 et de ses multiples, au premier rang desquels le 99 en vertu des remarques précédentes ("le dernier est encore le premier") (note 6)

     

    Les nombres 11 et 99 représentent l'instance du centre qui est précisément celle qui « retourne en conservant », ou « conserve en retournant »... et dont la nécessité logique est au fond analogue à celle contenue dans le principe de Mathieu : « Seul peut procéder ce qui est capable de se convertir ».

     

     

     

    La religion du lys : Cantique des cantiques

     

    Au terme de ces considérations sur la composition de la Jérusalem Céleste et son symbolisme arithmétique, il est temps de nous interroger sur la signification du lys, qui en est d'une certaine manière l'élément principal, dans la symbolique templière.

     

    Que représentent ces fleurs de lys? Que savons-nous au juste de ce symbole?

     

    Le Cantique des cantiques est considéré comme un chant spirituel qui exploite, jusqu'aux limites de l'indécision et du vertige, l'analogie entre l'union charnelle de l'homme et de la femme, et l'union spirituelle de l'âme avec Dieu. Toutefois, une attention superficielle à la composante romanesque de ce chant fait apparaître un autre sujet principal, omniprésent, envahissant, qui est la ville de Jérusalem, qui fournit le cadre à la fois « anecdotique » (l'errance alternée des amants en quête l'un de l'autre dans la ville, leurs points de « rendez vous » en différents lieux de la cité), et en quelque sorte « métaphysique », dans la mesure où le personnage de « la bien-aimée » est constamment présenté comme la quintessenciation d'une entité plus large, et qui l'accompagne partout, et qui est celle des « filles de Jérusalem ». La bien-aimée est une fleur au milieu du « champ de fleurs » que forment les filles de Jérusalem.

     

    Je suis noire, mais belle,

    filles de Jérusalem,

    comme les tentes de Cédar,

    comme les pavillons de Salomon

     

    et plus loin :

     

    Je suis le narcisse de Saron,

    le lis des vallées -

    Tel un lis parmi les épines,

    telle ma compagne parmi les filles

     

    Et dans cette errance, dans ce tâtonnement aveugle des amants en quête l'un de l'autre dans le labyrinthe de la Ville, on remarque ceci :

     

    Sur ma couche, durant les nuits,

     j'ai cherché l'aimé de mon âme,

     je l'ai cherché et ne l'ai point trouvé !

     

    Les amants du Cantique se poursuivent, ou se cherchent, sur deux champs différents et parallèles, mais qui coïncident d'une certaine manière, qui sont le champ de la ville et le champ du Lit, sanctuaire de l'union amoureuse.

     

    Et la bien aimée, qui est le lis, l'ornement de la ville, est aussi l'ornement du lit.

     

    Mon bien aimé est descendu à son jardin

    vers les parterres des baumiers,

    pour mener paître parmi les jardins

    et pour cueillir des lis.

    Moi, je suis à mon bien-aimé

    et mon bien aimé est à moi,

    lui qui mène paître parmi les lis.

     

    Sans occulter en aucune façon la crudité sexuelle de la formule : « Mon bien-aimé est descendu dans son jardin », nous voyons ainsi coïncider, par transitivité, « la Jérusalem » et « le lit » qui forment le double cadre symbolique du cantique des cantiques, avec un « jardin » qui rappelle, là encore, l'éternité de la condition édénique et du paradis terrestre.

     

    Plus loin encore, la nature nettement « territoriale » de cette quête tâtonnante, de cette exploration par l'amant des mystères du jardin, en quête de lis, se précise encore un peu plus :

     

    Les contours de tes hanches

    sont comme des colliers

    œuvre des mains d'un artiste ;

    ton nombril est un calice arrondi

    où ne manque pas le vin épicé,

    ton ventre est un tas de froment entouré de lis

     

    Alors qu'un peu plus tôt, la bien-aimée elle-même disait de son bien aimé :

     

    Ses lèvres sont des lis.

     

    Nous constatons ainsi que, dans l'Ancien testament, la religion du lis est avant tout une religion du lit, de l'union amoureuse, qui a pour cadre la ville de Jérusalem, et célèbre un mystère qui, pour le contenu, ne diffère pas grandement de celui des noces de Mars et de Vénus, que l'on a vu se développer dans le symbolisme arithmétique du rectangle de Fibonacci.

     

    Ce contexte identifie clairement la force d'Amour comme étant, essentiellement, identique à la puissance du « retournement », ou de la « conversion » que symbolisent, dans le contexte de notre peinture : la Jérusalem céleste et son principe « palindrome » (note 7)

     

      

    La religion du lys : Saint Bernard

     

    On sait que Bernard, qui prêcha à Vézelay la deuxième croisade, assuma aussi, une bonne partie de sa vie, le rôle de pasteur et de guide spirituel de l'église templière.

     

    Bernard est aussi l'auteur d'un cycle de 86 sermons sur le Cantique des cantiques, dont la rédaction s'étend sur la majeure partie de sa vie pastorale, et qui forment quantitativement aussi la partie la plus importante de son œuvre spirituelle.

     

    Dans la conduite de son commentaire, Bernard privilégie l'interprétation traditionnelle qui voit, dans l'union de l'amant et de l'aimée, la transposition du lien entre le Christ et l'église, ou entre l'âme et Dieu.

     

    Le thème et l'action du Cantique des cantiques sont donc repris chez lui dans une perspective résolument chrétienne, (qui sera reprise par Dante dans son exégèse prophétique de l'Apocalypse), dans laquelle la « fiancée », la femme, représente l'Eglise, épouse du Christ ; perspective dans laquelle, par voie de conséquence, le contexte symbolique de « La Jérusalem » se confond, eschatologiquement, avec celui de l'église chrétienne.

     

    Précisons que, d'un point de vue chrétien, cette transposition semble parfaitement légitime et fondée, puisqu'elle s'appuie continuellement, chez l'un comme l'autre de ces auteurs, sur le texte de l'Apocalypse.

     

    Une surprise nous attend néanmoins au début de son sermon 47ème, où Bernard attribue, - au rebours de ce que semble être la lecture habituelle - à l'Epoux, et non à l'Epouse la parole :  Je suis la fleur des champs et le lis des vallées. Il y voit une réplique de l'Epoux à la prétention formulée plus tôt par l'Epouse, selon laquelle : « Ma couche est semée de fleurs » Là où déjà, on pouvait se contenter de lire « ma couche est un tapis de verdure ». « Pour qu'elle ne s'attribue pas, écrit Bernard, les fleurs qui paraient son lit et sa chambre, l'Epoux dit qu'il est lui-même la fleur des champs. »

     

    Bernard semble par ce forçage vouloir imposer un ultime « retournement » à « la force de retournement » elle-même ; en vertu duquel « même les fleurs des champs ne naissent que par la vertu de Dieu ». Et dans ces conditions, le fidèle auquel s'adresse son sermon, n'est pas invité à s'identifier au bien-aimé, à l'Epoux, mais à la bien-aimée qui est sa fiancée, l'âme, ou encore, l'Eglise, dont il est un membre et une partie, à la manière de l'une d'entre les « filles de Jérusalem ».

     

    *

     

    Un auteur très estimé considère l'art (folklorique) des allemands de Pennsylvanie comme la survivance d'une tradition mystique remontant à Saint Bernard et Dante (John Joseph Stoudt, Consider the lilies how they grow)

     

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    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

     

    L'élément frappant dans ces œuvres, outre l'omniprésence de symboles comme le lis, la colombe, le cœur, ou l'arbre de vie, est bien-sûr la symétrie bilatérale, symétrie en « palindrome » qui gouverne la composition de la plupart.

     

    Le terme « lis » a une extension assez large qui ne saurait prétendre à la précision botanique. Ainsi, si les lis de Montsaunès ressemblent bien à des lis ou des iris « ordinaires », le lis des vallées de Saint Bernard désignerait plutôt en principe le muguet (autrefois classé dans les liliacées), tandis que les lis de Pennsylvanie seraient plutôt des tulipes (qui elles appartiennent bien aux liliacées).

     

     

     

    Hyacinthe, un autre disciple d'Apollon

      

    Hyacinthe était le fils d'un roi de Sparte, aimé en même temps d'Apollon, et d'un vent, Zéphyr ou Borée. Apollon lui apprend à lancer le disque, mais le vent jaloux lui fait revenir dans la tempe, et de son sang naissent des fleurs qu'on appelle, d'après le nom du jeune homme, des huákinthoi, dont les pétales portent l'initiale du jeune homme, Y, ou selon une autre version, le mot ΑΙ, cri de lamentation d'Apollon.

     

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    La mort d'Hyacinthe

    Jean Broc (1801)

     

    On apprend sur Wikipédia que ces fleurs « ne sont probablement pas des jacinthes, mais plutôt des iris (...) Déjà considéré comme sacré par les Égyptiens, l'iris est devenu, sous le nom héraldique de fleur de lys, le symbole de la royauté en France ».

     

    Et l'on peut s'informer plus loin que le nom fleur de lys « apparaît sous le règne de Louis VII, dans Érec et Énide, peu après 1160, et que ce terme est phonétiquement identique, en tout cas très proche de 'Flor de Loys' (fleur du roi Louis) ». Louis VII avait en fait adopté l'iris des marais pour blason, mais l'assonance entre 'Flor de Loys' (l'iris) et 'Flor de Lys' a perpétué une équivoque historique.

     

    Une vingtaine d'années séparent la construction de l'église de Montsaunès, de la rédaction d'Erec et Enide. On surprend donc ici l'émergence historique, dans l'iconographie, puis dans la littérature, d'un symbole appelé à désigner, plus qu'aucun autre, la sacralité de la royauté française.

     

    Si nous reprenons maintenant la séquence du centaure sous l'angle de la religion de Pythagore, nous remarquons une relation d'opposition diagonale entre le centaure Chiron, piqueur ou flécheur d'Apollon, et Yakintos, l'homme lys, jeune homme aimé d'Apollon qui sera la victime sacrificielle de cet amour. Les figures de Chiron et de Yakintos se disposent autour d'Apollon dans ces rôles antagonistes, qui sont ceux du sacrificateur et du sacrifié, et qui, transposés sur le plan de la philosophie de la nature, pourraient aussi être compris comme ceux de « l'agent » et du « patient », de « l'actionneur » et de « l'actionné » 

     

      

     

    La déesse Iris et l'arc en ciel

     

    Une tradition fait du vent Zéphyr, possible meurtrier de Yakintos, l'époux de la déesse Iris (note 8) messagère des dieux, qui est une sorte de pendant féminin d'Hermès, attachée à Héra comme Hermès l'est à Zeus.

     

    On la représente sous la figure d'une gracieuse jeune fille, avec des ailes brillantes de toutes les couleurs réunies. Les poètes prétendaient que l'arc-en-ciel était la trace du pied d'Iris descendant rapidement de l'Olympe vers la terre pour porter un message ; c'est pourquoi on la représente le plus souvent avec un arc-en-ciel. C'est la déesse de l'arc-en-ciel.

     

    Dans le dessin de la Jérusalem Céleste, le centre de la composition est occupé par une arche, qui semble former la "copule", le lien qui scelle son caractère palindromique. La voûte est divisée en plusieurs tronçons, qui peuvent évoquer la division des couleurs de l'arc en ciel (note 9)

     

    Le symbolisme de l'arc en ciel fusionne donc ici avec celui de la porte. Le sujet principal de la peinture étant la porte du solstice, on comprend qu'une assimilation naturelle s'effectue entre cette porte cosmologique et temporelle, et la porte "spatiale" du Temple de Jérusalem, donnant accès à son "centre", à son "saint des saints".

     

    Sur le plan symbolique enfin, nous verrons plus loin que le thème de l'irisation, du déploiement des couleurs de l'arc en ciel, (traditionnellement associées au nombre 7), prépare un thème qui sera complètement développé dans la dernière partie du carré du centaure, qui est celui de l'Illumination et de l'Ignition, symbolisé par le chrisme, et associé cette fois au déploiement des directions de l'espace, qui sont elles aussi au nombre de 7.

     

     

     

    Le symbole pythagoricien du Y

     

    "Les pétales de la fleur portent l'initiale du jeune homme, Υ"

     

    Dans le mythe d'Hyacinthe, la lettre Y, en plus d'imposer une représentation ternaire de la fleur de lys qui restera "canonique", représente l'initiale du héros dont le sang a donné naissance à la fleur.

    Or, indépendamment de ces données mythologiques, le Y est symbole très bien connu, dont l'origine est donnée partout comme pythagoricienne, bien que sa fortune ait été beaucoup plus large, et qui signifie "la croisée des chemins". Dans la version commune et popularisée, ce symbole revêt principalement une connotation morale, et représente "la voie droite et la voie gauche", ou encore "les voies du Bien et du Mal"; mais on peut penser que ce symbole avait à l'origine une extension moins limitée.

     

    En effet, d'un point de vue géométrique, le Y est analogue au trépied joignant les trois sommets de la tétractys à son centre. Pour obtenir les 6 autres points de la tétractys, le trépied doit être complété par un hexagone de même centre. Et relativement à cet hexagone, figure traditionnellement assimilée au cercle, le trépied fait figure de structure "axiale", sinon même "polaire", en ce qu'elle émane entièrement d'une partie d'elle-même, qui est son centre de géométrie.

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

     

     

     

    « La onzième était d'hyacinthe »

     

    Si le mythe grec d'Hyacinthe est bien associé à l'étymologie d'un nom de fleur, l'hyacinthe de la Jérusalem céleste désigne, dans l'Apocalypse, une pierre précieuse, dont on pourra malgré tout s'étonner qu'elle fournisse le matériau de la onzième pierre de fondation de la cité céleste : autrement dit la pierre du palindrome.

     

     

     

    Le retournement du cœur

     

    Si l'on s'en tient à la famille des iris, la représentation commune de la fleur de lis correspond à une réalité botanique, au moins schématique, puisque de nombreux iris présentent une composition hexagonale, formée de 3 + 3 pétales, disposés en "sceau de Salomon".

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

     

    Il est impossible, ici, de ne pas évoquer au moins brièvement un symbolisme assez universel, abordé notamment par René Guénon, qui fait du triangle inversé (pointe en bas)

    - d'une part, un symbole du cœur, - la symbolisation la plus courante du cœur pouvant aisément être inscrite ou circonscrite à la figure d'un triangle pointe en bas ;

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

    - d'autre part un symbole de la caverne initiatique. "La caverne du cœur" étant une expression traditionnelle qui renvoie expressément à l'équivalence, ou à la coïncidence de ces deux aspects d'un même symbole

    Les deux ententes possibles de ce symbole sont elles-mêmes reliées par des liens complexes ; puisque chacune se rattache, de façon indépendante, au symbolisme plus général du centre : le cœur représentant dans cette conception le centre de l'individualité humaine, tandis que la caverne initiatique représente, quant à elle, le centre du monde.

     

    Ce symbolisme donne lieu à des développements qui ne peuvent qu'être effleurés ici. Dans l'un d'eux, le symbole de la caverne initiatique se combine avec celui de la montagne, elle même comprise comme une expression symbolique de "l'axe du monde". Ici le triangle inversé représentant la caverne demeure enfermé dans les limites du grand triangle "pointe en haut", qui représente la montagne. La caverne se situe au cœur de la montagne, et son entrée sur le flanc de celle-ci.

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

     

    Dans une autre application de ce symbolisme, le triangle du cœur se combine avec un triangle inverse pour former la figure bien connue du "sceau de Salomon", mais selon une interprétation bien précise où ces deux triangles n'ont pas exactement la même valeur, puisque l'un deux, "le triangle du cœur" (qui correspond dans le symbolisme précédent au triangle "intérieur") est donné comme antérieur à l'autre. La figure du sceau de Salomon ne représente pas, alors, une réalité statique, mais bien une opération, qui est celle du retournement du cœur, expression que l'on peut considérer comme équivalente à la notion de "conversion".

     

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    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

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    Il est permis de voir là une illustration particulièrement frappante de l'accord des doctrines traditionnelles, ou si l'on préfère, de la consistance et de la cohérence intrinsèque des conceptions métaphysiques sur lesquelles repose la science des symboles.

     

    En effet, notre enquête nous a montré que le symbole de la Jérusalem céleste était relié par des liens multiples à l'instance du cœur, d'une part, mais aussi à l'opération particulière de la conversion.

    Au sein de ce contexte biblique, le symbole du lys a pu d'abord nous apparaître comme un intrus, un invité surprise, bien que chargé d'un très riche héritage traditionnel, aussi bien dans la mythologie que dans les écritures saintes.

    Or, rétrospectivement, une attention simple à la géométrie hexagonale de la fleur de lis permet de constater que ce symbole pouvait  lui-même renvoyer directement - sans le secours d'aucun autre - aux mêmes idées.

     

     

     

    INTERMEDE : LE RAPPORT 11/12 - VERS LA PLENITUDE

     

     

    Il convient de s'arrêter sur un détail de notre peinture, dont la netteté et la précision excluent toute possibilité qu'il puisse être hasardeux.

     

    A la jonction du quadrilatère de la Jérusalem Céleste et de celui du chrisme, une frise mosaïque permet de définir rigoureusement le rapport arithmétique entre les côtés de ces figures : 11/12

     

    Un registre supérieur de longueur 12 surplombe un registre inférieur de longueur 11.

     

    Ce rapport est marqué avec une insistance telle qu'il ne peut pas être fortuit, compte tenu du déséquilibre gratuit qu'il introduit dans la composition.

     

    En première analyse, ce rapport est susceptible d'une interprétation zodiacale. Dans une représentation « capri-axée » de la roue zodiacale, où le Capricorne occuperait la douzième heure du cadran, et le sagittaire la onzième, le rapport de « conjonction » entre les mois 11 et 12 évoque précisément l'événement qui fait le sujet de notre peinture : le solstice d'hiver.

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès 

    Mais le rapport 11/12 est aussi le rapport qu'entretient, du point de vue gnomonique, le solide de Dürer à son rhomboèdre associé. (22 éléments pour le solide, 24 pour le rhomboèdre) En rappelant, pour mémoire, qu'un solide de Dürer est un rhomboèdre tronqué.

     

    Ce rapport 11/12 est très typique et personnalisé, autant que l'octave ou la quinte. Quand on l'a vu une fois, (dans le solide de Dürer) on ne peut plus l'oublier ; et il signifie clairement le rapport (qui peut évidemment être dynamique) entre un état "tronqué" et un état de plénitude. (note 10)

     

     

    IV. CHRISME : LE MONDE DE LA PLENITUDE – LE TEMPS DE L'ACCOMPLISSEMENT – LA LIBERATION DU POINT OU DU FEU CENTRAL

     

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

     

     

    Le chrisme est l'élément principal de la dernière partie du carré du Centaure.

     

    Même si ce symbole est loin d'être un inconnu, il ne sera peut-être pas inutile d'en reprendre brièvement l'analyse d'un point de vue qui est à la fois pythagoricien et chrétien, puisque l'apôtre Paul, qui en est l'exégète, s'y affirme ici sans équivoque en disciple de Pythagore.

     

    La figure du chrisme tridimensionnel représente le déploiement des 6 directions de l'espace à partir du point central dont elles émanent, et qui les contient toutes en puissance. Les directions ou « rayons » sont parfois comptées comme 7 , lorsque le point central est considéré comme une « direction » ou une « polarité » distincte des six autres. Sous cette forme pour ainsi dire synthétique ou « squelettique », le symbole du chrisme exprime déjà la complétude des dimensions de l'espace, puisque chacun des trois « brins » dont il se compose correspond à l'une de ces dimensions.

     

    Du point de vue topologique, le chrisme est analogue à la monade pythagoricienne, dont la fonction, quant à elle, est de représenter sous forme synthétique les quatre différents états possibles de la monade, correspondant aux quatre objets élémentaires de la géométrie que sont : le point, le segment, le disque et la boule. (Et cette similitude est encore renforcée lorsque, comme à Montsaunès, le chrisme est inscrit dans un cercle.)

     

    La monade

     

    Or nous sommes bien contraints de constater que, dans la doctrine paulinienne du plérôme (de la plénitude) c'est bien la lecture pythagoricienne, la lecture quaternaire de ce symbole qui est favorisée, et non la lecture « ternaire » ou « trinitaire » qu'on pourrait facilement attendre ici, en liaison avec les trois dimensions ou les  trois « brins » du chrisme.

     

    "Ainsi, vous recevrez la force de comprendre, avec tous les saints, ce qu'est la Largeur, la Longueur, la Hauteur et la Profondeur, vous connaîtrez l'amour du Christ qui surpasse toute connaissance, et vous entrerez par votre plénitude dans toute la Plénitude de Dieu." (Éphésiens, III, 19)

    Dans cette formulation paulinienne de la doctrine, les trois premières dimensions (largeur, longueur, hauteur) correspondent manifestement à celles qui caractérisent un objet tridimensionnel tel que le cube (équivalentes aux trois brins d'un chrisme), tandis que la quatrième, "profondeur", correspond à la dimension du point. Autrement dit, ce qui est premier dans l'ordre constructif de la géométrie - le point - se révèle "dernier", au sens de plus éminent et essentiel, sur l'échelle de la plénitude.

     

    Du point de vue pythagoricien que nous avons tenté de développer dans ces lignes, on admettra en tous cas que la situation du chrisme, symbole de la plénitude, sur la quatrième et dernière case du carré gnomonique du centaure, apparaît totalement légitime et fondée, puisque cette étape correspond au développement complet de la monade.

     

    1. Le développement continu de la tétractys

     

     

     

    Correspondance symbolique avec le 515

     

    On a vu, dans le cadre du symbolisme de la chasse spirituelle et du cerf dix cors, que la figure messianique du 515 se présentait souvent comme « réplication » de celle du Christ.

     

    Ces deux figures communiquent aussi sur le plan du symbole. Lima de Freitas remarque que, par un jeu sur la graphie romaine des chiffres 5, 1, 5 (VIV), ces trois nombres peuvent s'assembler pour former un chrisme que les touches du clavier permettent de représenter :

     

    >l<

     

     

     

    Réapparition du nombre 40

     

    Le nombre de pavés entourant le chrisme est de 40, répartis en 20 blancs et 20 noirs.

     

    D'un point de vue symbolique, le nombre 40 qui, dans le rectangle de Fibonnaci correspondait à l'aire, et donc à « l'intérieur » du rectangle, se retrouve « à l'extérieur », puisqu'il correspond maintenant à son périmètre.

     

    Ce rapport nous indique qu'entre les deux situations, la réalité s'est « retournée » ou plus exactement « retroussée », de telle manière que « le dedans est passé au dehors et le dehors au dedans » ; ce qui cohérent avec l'opération qui a eu lieu dans l'intervalle, et la traversée du monde du palindrome, dont la fonction est précisément d'opérer un « retournement ».

     

    Examinons à présent le dallage situé sous le chrisme.

     

    Si on considère, dans le rectangle de Fibonacci, le seul pavé de 3x3, et la manière dont il est "hachuré", on constate que sa structure est analogue à celle du pavage en losange situé sous le chrisme. Ce carré de 3x3 pourrait être colorisé avec des triangles noirs sur les bords, pour renforcer l'analogie. (note 11)

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

      

    C'est la même structure, sauf que celle qui est sous le chrisme correspondrait à un carré gnomonique de rang 4, et non de rang 3. De ce point de vue précis le passage de "Fibonacci" à "chrisme" se traduit par un "développement" de 3 à 4 (note 12)

     

    A partir d'un carré de 4x4, le pavage du chrisme devient entièrement paramétrable et "discrétisable", la décomposition la plus complète aboutissant à 64 triangles. Sur la base de cette "réduction à l'atome", on peut faire différents comptages, les triangles-atomes de la zone blanche pouvant de différentes manières s'assembler en carrés, mais on connait déjà le poids total. Chacun des 16 carrés se divisant en 4 triangles, on a une décomposition atomistique complète qui permet d'attribuer aux petits triangles noirs la valeur 1.

     

    La zone noire vaut alors 12 x 1 = 12

    Tandis que la zone blanche vaut 64 - 12 = 52

     

    On peut se demander pourquoi cette division en 52 blancs et 12 noirs.

     

    Le noir pourrait être interprété comme le négatif du blanc. En attribuant aux triangles de la zone blanche la valeur 1, et à ceux de la zone noire la valeur -1, on obtient la soustraction :

     

    52 - 12 = 40

     

    Soit une troisième façon d'engendrer le nombre 40, après le rectangle de Fibonacci (5x8), et la frise du chrisme, où le chemin à 40 dalles est engendré par croisement du 10 et du 12.

     

    Nous avons déjà remarqué qu'un sujet récurrent de la peinture, concerne la sacralité du nombre 40 ; les considérations calendaires formulées par Aliboron sur des bases à la fois celtiques et pythagoriciennes, pourraient montrer que ce nombre n'est pas sans rapport avec le sujet central de la peinture, qui est le décompte ou « l'achèvement » des jours de l'année.


    Mais une autre méthode d'interprétation de cette division 52 - 12 du pavage pourrait, quant à elle, s'accorder de façon encore plus directe avec le thème local de la plénitude de l'année, puisqu'en effet :

     

    Un an = 12 mois ou 52 semaines

     

    Nous verrons plus loin, par la comparaison avec les autels de l'Agnichayana, dans lesquels la construction du pavage équivaut au "remplissement" du temps de l'année, qu'une telle hypothèse n'a rien d'invraisemblable.


    Dernière remarque, la répartition des pavés noirs et blancs dessine une croix de Saint André, dont on doit remarquer qu'elle comporte une asymétrie – asymétrie qui ne peut passer pour une inattention puisqu'elle est reproduite, identiquement, dans une autre partie de l'église. Pour que la symétrie soit rigoureusement respectée, l'un des pavés blancs « surnuméraires » qui occupent les angles du carré - celui en bas à gauche - aurait dû être placé à l'inverse de ce que l'on voit.

     

    Une telle anomalie vise à marquer, au sein de la tétrade des « rayons » de la tétractys, une asymétrie 1- 3, une différence qualitative entre le « point central » de la monade, ou le point origine de la tétractys, et les « rayons » correspondants aux dimensions euclidiennes de l'espace.

     

    Et on peut voir là la répétition d'un motif qui était déjà explicite dans la répartition des flèches du centaure : 3 flèches rangées dans son carquois, et la quatrième bandée à son arc ; ou encore, dans les 4 fleurs de lys de la Jérusalem Céleste, dont l'une, en haut et à droite, arbore des "volutes" que n'ont pas les trois autres.

     

     

     

     

    V. LE CARRE GNOMONIQUE - LE MYSTERE AU CENTRE DU QUATRE - L'AUTEL D'AGNI

     

    Nos remarques nous ont convaincu que nous avions affaire, dans le carré du centaure, à une séquence temporellement ordonnée, dans laquelle les rapports entre étapes sont indiqués de façon très appuyée. Les sabots arrières du centaure détachent l'axe de division du rectangle Mars/Venus ; un trait excessivement marqué jointe par le bas ce rectangle au "carré" de la Jérusalem, temple du palindrome ; enfin le rapport 11/12 qualifie le rapport final "d'accession à la complétude".

     

    Il est temps de nous demander : quel peut être le sens de tout cela ?

     

    Y a-t-il, dans le fait d'assembler un ensemble aussi considérable de symboles dans une machine, un système symbolique contenant, au sein duquel ils se répondent et s'éclairent les uns les autres (système en lui-même remarquable par sa simplicité) – y a-t-il dans un tel ouvrage une dimension de réalisation pratique et rituelle ?

     

    Dans son ouvrage : Gnomon, une enquête sur le nombre, Paolo Zellini a relevé avec beaucoup de pertinence l'analogie qui existe entre la structure du carré gnomonique et la construction de l'autel d'Agni, dans le rituel de l'Agnichayana. (note 13)

     

    Et nous ne pouvons pas, ici, manquer de nous souvenir qu'une étymologie très ancienne, validée par René Guénon, apparente la racine sanskrite du nom Agni, non seulement au latin Agnus (agneau), mais aussi à la racine latine Ignis, qui signifie le feu.

     

    Rappelons-nous que, dans le contexte de l'Apocalypse, la répartition en carré de l'armée des élus (qui se disposent dans l'espace selon les 4 directions ou les 4 vents), n'a pas d'autre fonction que de servir de « support » ou de soutènement au « mystère » qui s'accomplit au centre du carré, dans le sacrifice de l'Agneau mystique.

     

    L'Agneau qui, dans notre représentation de la Jérusalem Céleste, est l'élément manquant (par rapport aux représentations traditionnelles), remplacé une Arche symbolisant l'entrée du "Temple" ; pourrait bien ainsi, par une sorte de procédé elliptique, être désigné comme l'élément ou le personnage principal de la quatrième partie du carré du centaure (ce qui au point de vue théologique ne souffre d'aucune contestation, puisque le chrisme et l'Agneau sont bel et bien l'un comme l'autre des symboles du Christ).

     

    Le développement final du chrisme, associée à la « matérialisation » ou à la libération de son point central, peut également être compris comme l'accomplissement, ou la réussite, d'un processus d'Ignition, ou d'illumination.

     

    Ce qui viendrait également au soutien au fait que les fêtes solsticiales associées aux deux Saint Jean soient, l'une comme l'autre, dans les traditions folkloriques, associées au feu et à la lumière.

     

    D'un point de vue pythagoricien, nous n'avons jamais eu trop de doute sur le fait que le carré gnomonique, dans lequel se trouve enfermée, sous la forme la plus simple et évidente, la relation logique du gnomon, n'ait été le support d'exercices rituels, du même genre que ceux que l'on a pu identifier pour la tétractys, le pentagramme ou le 4 de chiffre.

     

     

     

    La cérémonie védique de l'Agnichayana

     

    Une des plus importantes cérémonies du védisme en ce qui concerne le culte du feu, l'Agnichayana, consiste à construire religieusement l'autel pour le feu.

     

    Les principes "architectoniques" régissant les autels sont les mêmes que ceux qui régissent la construction des maisons, ou des temples. Tous sont très explicitement des représentations du monde, du cosmos, comme la grotte d'Ithaque. Quant au rituel de construction de l'autel, qui dure 12 jours, il consiste, selon ses pratiquants, à "reproduire à l'identique le processus de la création du monde".

    Il existe de multiples modèles d'autels. L'un des plus pratiqués nécessite exactement 10800 briques.

    Il y une double assimilation de l'autel au cosmos, d'une part, et à l'année de l'autre : dualité dans laquelle on retrouve exactement la valeur spatio-temporelle du "rendez-vous solsticial". L'année et le cosmos, dans le rituel, se "complètent" ou se remplissent donc "en même temps".

     

    Ainsi les 10800 briques correspondent à une division de l'année égale à 48 minutes (muhurta), en se basant sur une année de 360 jours. (48 x 10800 min = 360 jours) (note 14)

     

    Règle : tous les autels sans exception ont 5 étages de hauteur, et le 5 est prépondérant ailleurs dans les proportions.

     

    La composition des pavages est bien identique à celle de Montsaunès, savoir :

    - des carrés

    - des triangles rectangles qui sont des demis carrés

    - des triangles rectangles qui sont des quarts de carrés

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

    Ancient geometry. Boys working on model of bird-shaped fire altar in an Agnicayana ritual.

     

    D'un point de vue pythagoricien, cette caractéristique est intéressante en ce que toute surface sera convertible en "carré" et quantifiable comme du gnomon pur. Par exemple : si le carré vaut 4, le grand triangle vaut 2 (ou un carré long) et le petit triangle vaut "atome" ou graine de valeur 1.

     

    Si la plupart des autels adoptent les formes d'animaux (oiseaux, tortues), il existe des autels de forme carrée. Sans nous hasarder à des hypothèses d'antériorité, on peut penser que ces autels carrés représentaient une forme "épurée" ou "matricielle", relativement aux formes plus figuratives.

     

    L'un de ces autels carrés, appelé Caturascit, se présente ainsi : 

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès


    A comparer avec le pavage en croix sous le chrisme, à Montsaunès.

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès



     

    Alors que le pavage de Montsaunès a pour base un carré gnomonique de rang 4, le Caturascit a pour base un carré gnomonique de rang 10. Les deux pavages ont en commun d'être structurés par une croix de Saint-André, dont la fonction la plus évidente est de conduire l'énergie du carré des angles vers son centre.

     

    Enfin, sur le fond des choses, le concept de rayonnement peut gloser, de façon assez juste, l'opération du chrisme, le caractère opératoire de ce symbole; mais le concept d'ignition nous semble l'exprimer de façon tout aussi profonde, d'autant qu'Agni, lui aussi, est porteur de sept rayons.

     

    Jean Herbert : « Le nombre 7 a une grande importance pour Agni qui a sept flammes, 7 langues, 7 rayons, 7 pieds de même qu'il y a 7 feux, 7 sacrificateurs, 7 porteurs d'holocaustes et 7 hotracas qui font naître. »

     

    Le chrisme est posé sur le pavage - comme le feu est allumé sur l'autel d'Agni.

     

    Enfin - ô surprise - la cérémonie de l'Agnichayana se concluait autrefois par le sacrifice sanglant, non d'un agneau - mais d'une chèvre.

     

    Ces remarques laissent pour l'instant entière la question de savoir pourquoi, ou comment, un ordre de chevalerie religieux du XIIe siècle pouvait détenir des conceptions doctrinales, et peut-être liturgiques, similaires à celles de Brahmanes du 2ème millénaire avant notre ère.

     

    Une hypothèse serait que la tradition chrétienne soit elle-même dépositaire, ou récipiendaire, de traditions beaucoup plus anciennes, dans lesquelles les principes de ces conceptions antiques auraient été conservées.

     

    On sait que le symbolisme chrétien des portes solsticiales, associé aux fêtes des deux Saint Jean, (et folkloriquement associées au feu et à la lumière), est l'héritier du culte latin du dieu Janus.

     

    Or dans une remarquable étude sur les anciennes divinités du feu, où la mythologie comparée est constamment soutenue par l'étymologie indo-européenne, Jean Haudry a relevé une impressionnante série de correspondances entre les formes les plus archaïques du dieu Janus (originellement dieu-feu), et l'Agni védique.

     

    Ces deux dieux ont notamment en commun trois traits bien caractéristiques, qui les qualifie comme "dieux des commencements", "dieux des dieux", et "non-dieux", ce paradoxe s'expliquant par le fait que leur essence est, d'un certain point de vue, réellement identique au feu matériel.

     

    Par d'autres caractères, cette famille de dieux se trouve apparentée à celle des divinités du foyer, comme la déesse grecque Hestia, qui, dans la tradition pythagoricienne, représente spécifiquement le feu ou le point central.

     

    A partir de ces constatations, deux hypothèses semblent envisageables.

     

    La première serait que, d'un fond archaïque indo-européen au culte latin de Janus, et de ce dernier aux conceptions chrétiennes du moyen âge, la transmission des principes ait eu lieu à chaque fois de façon "régulière", et suffisamment complète pour que la doctrine ait conservé, à travers ses formes successives, un caractère opératoire réellement universel, lui assurant de "produire toujours les mêmes résultats".

     

    La seconde serait, encore plus simplement que, par le biais de la continuité de la tradition italique, bien mise en évidence par André Charpentier, "De Pythagore à Virgile et de Virgile à Dante, le fil de la tradition n'ait jamais été rompu", pour reprendre la formule de René Guénon. 

     

     

     

    VI. EPILOGUE : RECAPITULATION GEOMETRIQUE ET ALCHIMIQUE

     

     

    Notre enquête nous a conduit jusqu'à un dieu-principe, dieu-feu, dont "l'existence" est bien balisée dans la mythologie indo-européenne.



    On peut poser la question : ce feu divin, ce feu mythologique, peut-il être ressaisi sur un plan ésotérologique différent (et ordonné à la science de la nature) qui est celui de la doctrine des éléments ?


    Nous proposons de ressaisir l'ensemble de la peinture dans une perspective alchimique dessinée par Guy-René Doumayrou, s'appuyant sur les cinq polyèdres réguliers et les correspondances élémentales suggérées par Platon.

     

     

    1. Le centaure et le capricorne

     

    Derrière cette scène de chasse transparaît le « combat des deux natures », que notre hermétiste associe aux éléments de l'air et du feu, soit géométriquement l'octaèdre et le tétraèdre. (note 15)

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

     

     

    Remarquons que ces deux figures apparaissent comme complémentaires dans la construction du gnomon du tétraèdre, qui permet de remplir l'espace.

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

     

     


    2. Le rectangle

     

    L'icosaèdre, qui est donné dans le Timée comme la forme propre de l'élément eau, reflète adéquatement le thème du filet métallique que fabriqua Vulcain (note 16) :

     

    « Dans l'optique de la genèse il ne peut s’agir que de l’eau amniotique. Cet adjectif dérive du grec "amnos" qui signifie "agneau" c’est à dire "jeune bélier", pour nous dire que cette eau apporte un feu (dont le bélier est l’emblème), feu singulier qui lave l’embryon d’or dans son bain substantiel, comme la toison où les anciens orpailleurs retenaient les paillettes métalliques, ou comme un tamis. De la même toison était fait l’agrenon, ce mystérieux filet de laine nouée (la laine figure par ses mèches ondoyantes la flamme du bélier) qui enveloppait l’omphalos de Delphes. L’agrenon, conducteur du feu, est un filet d’étoiles qui élève l’embryon plus haut que les tempêtes. »  
     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

    Le nombre 515

    reflété par les faces de l'icosaèdre

     

     

    Quant à la description de l'icosaèdre gnomonique d'Edimbourg par Fulcanelli, elle ne peut que rappeler les origines chthoniennes de cet artifice propre à condenser l'énergie solaire :

     

    « Ainsi cet icosaèdre étrange représente pour nous une œuvre de double gnomonique. Le mot grec γνώμων, qui s’est intégralement transmis aux langues latine et française (gnomon), possède un autre sens que celui de l’aiguille chargée d’indiquer, par l’ombre projetée sur un plan, la marche du soleil.

     

    La racine grecque d’où proviennent γνώμων et γνῶσις, a également formé γνώμη, correspondant à notre mot gnome, avec la signification d’esprit, d’intelligence (...) La tradition nous les dépeint comme étant fort laids et de très petite stature ; en revanche, leur naturel est doux, leur caractère bienfaisant, leur commerce extrêmement favorable ».

     

     

    3. La Jérusalem

     

    La tradition décrit la Cité céleste comme un cube, puisque « la longueur, la largeur et la hauteur en étaient égales ». Cette forme, que Platon associe à l'élément terre, symbolise pour nous la mort initiatique ou « lyse d'amour », qui fixe dans l’arche cubique toutes les potentialités du monde, réduites en un nouveau chaos.

      

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

     

    4. Le chrisme

     

    Le « feu nouveau », en forme de X, signant l'accomplissement du sacrifice au centre de la Jérusalem, authentifie une mise au diapason avec la force animatrice de l'Univers, cet « amour qui meut le soleil et les autres étoiles », que Platon illustrait par le dodécaèdre.

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

     

    Ou encore, selon Guy-René Doumayrou, « l’élévation du cube, retournement de la quadrature du cercle, annonce l’assomption des forces de la nature au delà de leurs propres limites. Le dodécaèdre représente le dynamisme vital (cinq) activé au delà de sa puissance naturelle par l’ordre solaire (douze). C’est l’emblème de la Quintessence ».

     

    Notons, enfin, que la relation de dualité géométrique entre l'icosaèdre et le dodécaèdre fait écho, dans le domaine élémental, à celle entre l'eau "ignée" et le feu "nouveau", comme le dodécaèdre conserve, en partie, la symétrie de l'icosaèdre et la signature du nombre 515.  (note 17)

      

     

     24.09.2018

     

     

     

     

     

     

    NOTES DE BAS DE PAGE

     

    note 1 : Les enfants grecs, précise Antoninus Liberalis, ont coutume de couper la tête du lucane, et de la porter ensuite autour du cou comme un pendentif lyriforme.

    note 2 :  Associé au symbolisme du nombre 55, valeur en latin de l'expression numérale LVX, même si elle s'écrit ordinairement LV, (l'ajout du X ne changeant rien), mais aussi indirectement au 515, si l'on considère l'expression : cinquante (L) dix (X) et cinq (V) comme une variante du dantesque : cinq cent dix et cinq.

    note 3 : Les sabots arrière du centaure entérinent la division du rectangle selon un rapport de symétrie gauche/droite. Le point situé entre les sabots correspond à l'axe du vav et de la séparation Mars/Vénus.

    note 4 : Ce nombre pourra, en première lecture, apparaître comme une expression « arrondie » de la hauteur de la muraille de Sion. 

    note 5 : Le rapport entre ces deux points de jonction, 55 et 144, se laisse reconduire au rapport 10 – 12, et même, ultimement, au rapport générique entre pentagone et hexagone.

    note 6 : On peut aussi lire, en miroir, 14 14 comme une écriture décimale de √2, mesure des 12 diagonales des faces d'un cube d'arête 1 ; quant aux 4 diagonales intérieures, elles mesurent √3, hauteur de l'hexagone de côté 1 et du triangle équilatéral de côté 2 : on pourra ainsi interpréter ce nombre comme un symbole du chrisme ou de l'ignition accomplie (c'est le rapport numérique qui apparaît dans le tracé du 4 de chiffre, entre la grande ligne et les deux plus petites). 

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

    note 7 : Dans le champ sémitique, la racine trilitère QLB, qui donne le mot coeur (qalb) signifie aussi retourner. Aussi Dieu est appelé Celui qui retourne les cœurs.

    note 8 : En français, la déesse a donné son nom à la fleur de lys (iris), mais aussi au verbe iriser et à ses dérivés (irisation, iridescent) qui signifie : scintiller de mille couleurs, comme la fleur de lys ou l'arc en ciel. 

    note 9 : La partition de l'arche indique que le "catalyseur" de la chimie palindromique possède lui-même cette structure.

    note 10 : De plus, à la jonction des 2 registres (vecteurs horizontaux) on a  le rapport

    11 + 12 = 23

    Tandis que sur les parties latérales, on a (vecteurs verticaux)

    9 + 14 = 23

    Il s'établit donc une relation d' "équilibre" ou de commune mesure entre le rapport "ascendant" de la Jérusalem Céleste vers un état de complétude (11-12), et le rapport qui qualifie ses proportions internes (9-14).

    note 11 : La différence c'est que la croix de Saint André se divise en rangées 2-4-4-2 au lieu de 2-4-6-6-4-2.

    note 12 : Le fait que ce soit un carré gnomonique de rang 4 est concordant avec l'idée que cette zone est "le domaine de la plénitude". Ce carré, c'est le "filet" que la vesica piscis fixe en phase losange, au point intermédiaire de la "transformation du triangle en carré", c'est à dire à "l'instant X" de la physique pythagoricienne. Et cette grille est aussi celle du carré magique de Dürer.

    note 13 : Notons en outre qu'à la fin de son exposé, Zellini hasarde un rapprochement avec certains aspects de la religion apollinienne, révélés notamment par Plutarque.

    note 14 : Le nombre 10800 (= 1 année) rappelle le 1080 du helek hébraïque (= 1 heure), de la même manière que les 144 coudées de la muraille de Jérusalem rappellent les 1440 minutes d'une journée.

    note 15 : La sagittation est un "forçage", un coup douloureux qui contraint les éléments à s'abouter en un point quelconque, violence rendue nécessaire par le fait qu'à l'image du Même et de l'Autre, ces éléments sont "rebelles au mélange".

    note 16 : Le thème du filet renvoie naturellement à l'élément eau, comme l'illustrent les deux paraboles ésotériques, étrangement ressemblantes, relatant les pêches miraculeuses de Pythagore et du Christ. Le nombre de 153 poissons mentionné dans l'Evangile de Jean permet en outre d'établir un lien précis entre ces récits et le polygone gnomonique, puisque c'est par le rapport 265/153 qu'Archimède approche la mesure de la hauteur  de la Vesica Piscis, "mesure du Poisson", égale à √3, qui correspond à la grande diagonale du losange gnomonique évoqué dans la note 12.

    Vesica Piscis

    Dans une vision sommaire en phase avec la focale hermétique de Doumayrou, on pourrait voir  le « combat des éléments » (sagittation) comme un conflit cosmogonique nécessitant d'être « luthé » dans le filet gnomonique; - filet qui peut indiquer aussi bien des proportions que le fait de réduire ou ajointer deux principes dans un « rectangle » unique, qui serait par exemple le lit nuptial ou le « cocon ». Alors la phase suivante signifierait plus proprement la hiérogamie, la « lyse » de Mars et Vénus permettant l’échange des spermes ou des codons ADN, et la création du nouvel être, « sel alchimique » (grain cubique) ou « papillon » (psyché)... qui se libère dans la phase du chrisme (« quintessence »).

    Le filet joue deux rôles : amener les principes sur un terrain d’entente, et les dissoudre.

     

    note 17 : En effet, si l'on pose un dodécaèdre sur l'une de ses faces, on a :

    - une face pentagonale en haut (5)

    - une face pentagonale en bas (5)

    - et, formant une médiation entre ces deux pôles, 10 faces qui ne sont "ni en haut ni en bas" (10)

     

     

     

     

     

     

    BIBLIOGRAPHIE ET LIENS UTILES

     

     

    Sur les templiers, Saint Bernard et la religion du lys :

     

    Cantique des cantiques

    Les fils de la vallée - site de recherche sur la tradition templière

    Saint Bernard : sermon 47 sur le Cantique des cantiques

    John Joseph Stoudt : Consider the lilies how they grow

     

     

    Sur la religion apollinienne et le centaure :

     

    Marcel Détienne : Apollon le couteau à la main

    Philippe Monbrun : Les voix d'Apollon

    Georges Dumézil : Apollon sonore

    Homère : Hymnes homériques à Apollon et à Hermès

    André Charpentier : Le serment d'Hippocrate

    Valérie Gitton-Ripoll : Chiron, le cheval-médecin ou pourquoi Hippocrate s'appelle Hippocrate

    Jean Bayet : Le symbolisme du cerf et du centaure à la Porte Rouge de Notre-Dame de Paris

    Plutarque : Que signifie le mot EI gravé sur la porte du temple de Delphes?

     

     

     

    Sur le symbolisme des portes solsticiales, Janus, Agni

     

    René Guénon : Symboles de la science sacrée

    Porphyre : L'antre des Nymphes

    Homère : L'odyssée

    Jean Haudry : Le feu dans la tradition indo-européenne

    Paolo Zellini : Gnomon, una indagine sull' numero

    Ananda Coomaraswamy : La porte du ciel

     

     

     

    Sur les deux tétractys 10 et 36

     

    Armand Delatte : La tétractys pythagoricienne

     

     

     

     

    V. La tradition du nombre 515 (b) : L'église templière de Montsaunès

     

     

     


  • SOLIDE DE DÜRER ET PAVAGES GNOMONIQUES

     

     

     

    par Guillaume DENOM

     

     

     

     

    Solide de Dürer et pavages gnomoniques

     

     

     

     

     

     

     Chapitre 1

     

    SOLIDE DE DÜRER ET RHOMBOEDRE ASSOCIE

     

     

     

     

     

    Le solide de Dürer (pour les puristes : le trapèzoèdre triangulaire tronqué) est un rhomboèdre tronqué. Un rhomboèdre est un cube étiré sur l'une de ses grandes diagonales.

     

    Solide de Dürer et pavages gnomoniques

    Les faces du rhomboèdre sont simplement des losanges au lieu d'être des carrés, mais le cube lui-même peut parfaitement être considéré comme un cas limite de rhomboèdre.

     

    On peut construire un solide de Dürer à partir de n'importe quel rhomboèdre, en tronquant précisément les deux sommets opposés sur lesquels il est étiré. La forme du solide de Dürer dépendra donc de l'angle choisi pour le losange correspondant à la face du rhomboèdre. Certains cas sont particulièrement intéressants, en ce que le rapport des angles du losange s'exprime par de petits entiers. On peut en citer trois.

     

    Le cube, pour lequel le rapport des angles du losange est de 90°/90° = 1/1 = 1.

     

    Le rhomboèdre gnomonique, dans lequel le rapport des angles est de 60°/120° = ½

     

    Le rhomboèdre d'or, dans lequel le rapport des angles est égal à 72°/108° = 2/3. Le solide de Dürer associé à ce rhomboèdre correspond à une situation d'équilibre parfait entre 2 possibilités d'orientation de l'angle du losange, l'une dans le sens obtus, vers le carré 1/1, l'autre dans le sens aigü, vers le losange 1/2, perfection qui se traduit par le fait que ses sommets sont inscriptibles dans une sphère; - le nombre d'or correspondant d'ailleurs généralement, dans l'ordre physique, à une semblable situation d'équilibre entre deux forces ou tendances antagonistes.

     

    Les pythagoriciens fidèles à leur nonchaloir auront reconnu, dans ces trois cas particuliers, les trois rapports musicaux que sont l'unisson (1/1), l'octave (2/1) et la quinte (3/2), qui correspondent au développement en procession des trois premiers étages de la tétractys; ce ternaire constituant en l'espèce une structure fermée.

     

    Solide de Dürer et pavages gnomoniques  

     

    Notons que le solide représenté par Dürer dans sa gravure Melencolia ne se rapproche bien nettement d'aucun de ces trois types, puisque son angle apparent se situe aux environs de 79 ou 80°.

     

     

     

    Le rhomboèdre gnomonique

     

    On s'intéressera ici principalement au rhomboèdre gnomonique, d'angle 60°/120°, et à son solide de Dürer associé.

     

     

    Solide de Dürer et pavages gnomoniques

     Solide de Dürer gnomonique

     

     

    Le solide ci-dessus se compose de 3 éléments, un octaèdre au centre, et deux tétraèdres tronqués, en haut et en bas. Il est naturellement plus étiré que celui de Dürer, mais on retrouve bien nos 6 faces pentagonales et nos deux faces triangulaires. Pour obtenir une expression gnomonique entière, il suffit de considérer les 3 éléments qui le composent comme des polyèdres gnomoniques de rang 2, semblables à ceux-ci :

     

     

    Solide de Dürer et pavages gnomoniques

    Tétraèdre et octaèdre gnomoniques de rang 2

     

     

    Les tétraèdres gnomoniques devront simplement être diminués d'un petit tétraèdre, par exemple le rouge situé ici au sommet.

     

    L'octaèdre central du solide de Dürer se décompose alors en 6 petits octaèdres + 8 tétraèdres, et les deux tétraèdres tronqués, pour chacun, en 1 octaèdre + 3 tétraèdres. Le solide de Dürer complet se composera donc de 8 octaèdres + 14 tétraèdres, soit 22 éléments en tout. Pour compléter ensuite le grand rhomboèdre, il faut encore ajouter un tétraèdre à chacun des sommets tronqués, de sorte que ce rhomboèdre présentera lui une composition bien équilibrée de 8 octaèdres pour 16 tétraèdres, soit 24 éléments en tout.

     

    A la simple vue des polyèdres gnomoniques dont il se compose, on comprend que le solide de Dürer peut être construit à partir d'un patron composé uniquement de triangles équilatéraux. Chaque face pentagonale se décompose en effet en sept triangles équilatéraux; les six pentagones se subdivisent donc en 6x7=42 triangles équilatéraux, auxquels s'ajoutent 2 triangles pour fermer les troncatures ; soit au total 44 triangles équilatéraux. On remarque que ce nombre est le double de celui des petits solides utilisés pour la construction gnomonique du même polyèdre (22), où l'on découvre donc une nouvelle expression du rapport ½ qui traverse toute la structure.

     

     

    La relation du solide de Dürer à son dual : une auto-dualité contractée

     

    Le dual du solide de Dürer est un rhomboèdre semblable au grand rhomboèdre de départ, avant sa troncature, bien qu'évidemment d'une échelle différente. Il s'agit là d'une propriété très singulière, car, en raison de la "coplanarité" de certaines de ses faces (c'est à dire de leur appartenance à un même plan), le dual du solide de Dürer a la propriété spéciale de posséder moins de faces que le solide de Dürer n'a de sommets, précisément deux fois moins. En effet, l'ensemble de ces faces, triangulaires, fusionnent deux à deux pour former des losanges.

     

    Dans les nomenclatures, le dual du solide de Dürer est référencé sous le nom de bipyramide triangulaire gyroallongée, et, en tant que dual d'un polyèdre à 12 sommets, il est fréquemment présenté comme un dodécaèdre. Toutefois, cette façon de le qualifier tient uniquement à la rigidité des définitions mathématiques, car, en réalité, ce n'est bel et bien qu'un banal rhomboèdre, doté de 6 faces seulement. Et on n'en trouvera sans doute pas de meilleure preuve que le fait qu'il soit exclu de la liste des solides de Johnson (avec ici des explications à l'appui) pour la raison précisément que ses faces - des losanges - ne sont pas des polygones réguliers.

     

     

    Solide de Dürer et pavages gnomoniques

    Solide de Dürer et rhomboèdre dual inscrit

     

    Il existe donc une forme d'auto-dualité entre le solide de Dürer et son rhomboèdre dual, mais une auto-dualité très particulière, qu'on pourra qualifier de "contractée". En effet, il existe une homothétie qui projette les sommets du rhomboèdre dual sur ceux du solide de Dürer, mais à l'exclusion de certains points. Autrement dit,  le solide de Dürer peut être vu comme une contraction de son dual, résultant de la projection de ce dual sur une partie de lui-même.

    Cette opération de contraction est toutefois justiciable d'une définition mathématique très précise, en géométrie projective notamment, où elle constitue un groupe spécifique de transformations.

     

    Le rhomboèdre dual inscrit pourra, naturellement, se décomposer en trois éléments semblables à ceux du grand rhomboèdre : un octaèdre et deux tétraèdres, évidemment non tronqués.

    Pour le solide de Dürer gnomonique, la dimension du rhomboèdre inscrit est très facile à déterminer. En effet, pour construire le solide de Dürer, le grand rhomboèdre de départ a été tronqué d'un tiers de sa hauteur, (mesurée sur l'axe d'étirement commun au solide et à son dual, comme dans l'illustration ci-dessus).

    Le rhomboèdre dual inscrit aura donc une hauteur égale à 2/3 de ce grand rhomboèdre. Par conséquent, si, par exemple, pour le grand rhomboèdre, on a utilisé un octaèdre et deux tétraèdres de 6 cm d'arête, alors, pour le dual inscrit, on devra utiliser un octaèdre et deux tétraèdres de 4 cm d'arête.

     

     

    Une quadruple identité très remarquable

     

    On a ici une quadruple identité très remarquable entre :

    Le rapport des angles du losange (60°/120°) = la composition gnomonique du polyèdre dual (1 octaèdre / 2 tétraèdres) = la composition gnomonique du grand rhomboèdre détronqué (8 octaèdres / 16 tétraèdres) = enfin le rapport entre la composition du solide, et celle de la surface (22 éléments pour le solide / 44 triangles équilatéraux pour la surface), - ce dernier rapport se conservant d'ailleurs pour le grand rhomboèdre, où l'on a 24 solides pour une surface de 48 triangles. Tous ces rapports sont en effet égaux à 1/2.

     

    On saisit par là que le gnomon est un certain rapport d'identité, particulièrement profond, entre nombres et figures. Même si certains, avec quelque raison peut-être, préfèreront n'y voir qu'une vaste tautologie.

     

    Cette relation généralisée permet de conjecturer que, pour le rhomboèdre d'or d'angle 72°/108° et son solide de Dürer associé, le rapport 2/3 qui est celui des angles du losange, devra se retrouver dans la composition interne du rhomboèdre, aussi bien que dans la division de ses faces ; et que, selon toute vraisemblance, la solution de ce problème devra revêtir la forme d'un pavage de Penrose en trois dimensions.

     

     

     

     

     

    Chapitre 2

    NOMBRES GNOMONIQUES ET NOMBRES MIROIRS

     

     

     

    On peut remarquer que les nombres 8 et 14, qui apparaissent dans la composition du solide de Dürer, ne sont pas des inconnus, puisqu'on les retrouve dans la nomenclature des polyèdres gnomoniques de rang 2.  Nomenclature où l'on retrouve aussi, par induction, les nombres 27 et 54, intervenant quant à eux dans le lambda de Platon, qui correspondent si l'on peut dire au "centre caché" de cette structure d'objets. En demandant grâces pour la trivialité de ces calculs, qui n'ont d'autre fin que de mettre en lumière cet aspect structurel des rapports arithmétiques.

     

    POLYEDRES GNOMONIQUES DE RANG 2

    Solide de Dürer et pavages gnomoniques

     

    Tétraèdre            Cube             Octaèdre                                  Icosaèdre               Total

    5                           8                    14                                           81                       108

    5               +          8          +        14    =     27

                                                                      27     =    54/2    =    81/3        =          108/4

     

    La seconde équation pouvant être vue comme une tétractys, dont les 10 unités-points seraient des cubes gnomoniques de rang 3, de valeur 27.

     

    Solide de Dürer et pavages gnomoniques

     

    On peut encore noter que les propriétés des multiples de 9 - très appréciées de Dante - permettent de développer, à partir du nombre 108, une série continue de rapports proportionnels alternés entre nombres miroirs. Ainsi 18 est à l'égard de 108 dans le rapport 1/6, tandis que son "miroir" 81 est à l'égard de 108 dans le rapport 3/4. 27 est à l'égard de 108 dans le rapport 1/4, tandis que son miroir 72 est à l'égard de 108 dans le rapport 2/3. 36 est à l'égard de 108 dans le rapport 1/3, tandis que son miroir 63 est à l'égard de 108 dans le rapport 7/12. Enfin 45 est à l'égard de 108 dans le rapport 5/12, tandis que son miroir 54 est à l'égard de 108 dans le rapport 1/2. Accolés à leur complément, les nombres miroirs forment des nombres palindromes, eux mêmes dotés de propriétés spéciales. Aux extrémités de ce cycle se trouvent le nombre 9 (108 x 1/12), diviseur de tous les autres, qui, lorsqu'on l'exprime sous la forme 09, est le miroir de 90 (108 x 5/6), et enfin le nombre 99 (108 x 11/12), sous l'égide duquel Virgile et Dante ont tous deux placé leur oeuvre majeure, comme l'a montré André Charpentier. Ce nombre "terminal" est exclu du mouvement tournant qui entraîne tous les précédents, en ce qu'il est miroir de lui-même, et donc déjà palindrome. Sous ce regard, il peut donc apparaître comme le point de "fixation" autour duquel gravitent tous les autres, ce qui explique que ces poètes pythagoriciens aient vu en lui l'image du "moteur immobile" de la manifestation universelle.

    Ceci se comprend encore mieux si l'on dispose tous ces nombres autour d'un pentagramme, de la manière indiquée ci-dessous, puisqu'on s'aperçoit alors que tous les segments reliant entre eux deux nombres miroirs convergent naturellement au centre 99, qui correspond à chaque fois à leur somme.

    Solide de Dürer et pavages gnomoniques  

    Si l'on adopte pour le pentagone intérieur une disposition "horaire", alors le pentagone extérieur se disposera lui-même de façon "anti-horaire". Les nombres correspondent donc ici exactement aux propriétés de la figure, symbole traditionnel de l'analogie inversée du microcosme et du macrocosme, mais aussi de l'alternance universelle des rythmes cosmiques.

    Si l'on relie tous ces points par un tracé continu suivant l'ordre croissant des nombres qui leur correspondent, et si l'on joint le dernier (99) au premier (9), on obtient une figure appelée noeud vital, qui s'apparente à plusieurs symboles connus, tels que le symbole de l'infini, le noeud trèfle ou l'éperluette, tout en se distinguant nettement de chacun d'eux.

     

    Solide de Dürer et pavages gnomoniques

     

    Compte tenu de la logique interne du pentagramme, où les milieux des différents segments convergeant vers le centre 99 sont supposés équivaloir à la somme des nombres associés à leurs extrémités - et ceci indéfiniment, - l'action de joindre, par un dernier segment, le nombre 99 au nombre 9, peut être comprise comme équivalant à intégrer dans le pentagramme le nombre 108, en tant que milieu virtuel de ce dernier segment.

    Et pour clore ce chapitre de transition, on pourra relever que le rapport de 99 à 108 est identique à celui du solide de Dürer à son rhomboèdre associé (11/12).

     

     

     

     

     

     

     Chapitre 3

     ISOMORPHISME DU PENTAGRAMME ET DU SOLIDE DE DÜRER

     

     

     

    Le rapport entre le pentagramme "modulo 9" et le solide de Dürer n'est pas seulement proportionnel, mais d'octave (11 points pour le pentagramme avec son centre / 22 petits solides pour le solide de Dürer) ; et, dans ce dernier chapitre, nous allons voir qu'il existe une application qui projette les 11 points du pentagramme sur les onze segments reliant deux à deux les centres des 22 petits solides du solide de Dürer, (plus exactement, l'application se fait sur les milieux de ces segments), et réciproquement, - application dans laquelle sont conservées toutes les relations de symétrie, mais aussi de polarité du pentagramme, et grâce à laquelle le solide de Dürer s'intègre naturellement dans ce pentagramme.

     

    Dans la représentation ci dessous, les boules blanches correspondent donc aux centres des 22 petits solides du solide de Dürer, solides dont la nature, tétraèdre ou octaèdre, est précisée sur la boule. Ces 22 boules blanches sont assemblées par paires et forment 11 segments. Les onze petites boules noires qui sont les centres de ces segments, correspondent aux 11 points du pentagramme (avec son centre 99).

     

    Solide de Dürer et pavages gnomoniques

    La structure se divise en trois parties : inférieure, supérieure et médiane. Dans la partie inférieure, les segments 18, 27 et 36, forment les arêtes verticales d'un prisme à base triangulaire, avec le segment 9 pour axe polaire principal.

    Les segments 63, 72 et 81 forment un prisme identique au premier, avec le segment 90 pour axe polaire; ces deux prismes sont disposés l'un au dessus de l'autre en « sceau de Salomon ». 

    Ces huit segments verticaux, occupant les parties inférieure et supérieure du solide, ont tous la même composition : un octaèdre et un tétraèdre; tandis que les trois segments occupant la partie médiane sont composés, eux, de 2 tétraèdres chacun.

     

    La structure médiane forme également un sceau de Salomon, composé, non de 2 prismes, mais de 2 simples triangles. Ici on a favorisé une présentation permettant de distinguer plus aisément les 3 segments, mais pour que la figure soit géométriquement exacte, il conviendrait que les 2 triangles indiqués en pointillé, inférieur et supérieur, soient positionnés exactement l'un au dessus de l'autre. Les segments 45 et 54 sont tous deux horizontaux, mais situés à des hauteurs différentes, le 45 plus bas, le 54 plus haut. Quant au segment 99, il possède un point sur le même plan horizontal que le segment 45, et l'autre sur le même plan horizontal que le segment 54. Les segments 45 et 54 sont bien parallèles, comme l'indique la figure ; en revanche, le segment 99 est perpendiculaire au plan formé par ces segments. En joignant par deux segments complémentaires les segments 45 et 54, on obtient un parallélogramme (un losange "vesica piscis" d'angle 60/120°) ; le segment 99 traverse ce losange en plein centre, perpendiculairement.

    Ces trois segments forment véritablement le coeur de la structure. Le plan formé par les segments 45 et 54 est incliné de 45° par rapport au plan horizontal, et se situe donc à mi distance angulaire entre le plan horizontal et l'axe vertical; tandis que le segment 99, orthogonal à ce plan 45, 54, est - relativement au même axe vertical - incliné de 45° en sens contraire.

     

     

    Symétries et polarités 

     

    Ce qui est intérieur dans le pentagramme (les points 9, 18, 27 et 36) correspond à ce qui est inférieur dans le solide de Dürer (les segments 9, 18, 27 et 36).

     

    Ce qui est extérieur dans le pentagramme (les points 63 à 90), correspond à ce qui est supérieur dans le solide (les segments 63 à 90).

     

    Ce qui est intermédiaire dans la séquence du pentagramme (les points 45, 99 et 54), correspond à ce qui est médian dans le solide, (les segments 45, 99 et 54).

    Enfin, ce qui est au centre dans le pentagramme, le point 99, correspond à ce qui est au centre dans le solide de Dürer; puisqu'en effet le centre du segment 99 correspond au fameux "point vert" évoqué ailleurs sur ce site, qui est le barycentre du solide de Dürer.

    Toutes les relations de polarité entre 2 points opposés du pentagramme par rapport au centre 99, se retrouvent dans le solide de Dürer. Ainsi, dans le solide de Dürer, le segment 18 est, polairement, antagoniste du segment 81, le segment 27 du segment 72, le segment 36 du segment 63, le segment 45 du segment 54, et le segment 9 du segment 90. Tandis que le segment 99, comme il se doit, est antagoniste de lui-même. Et il y a mieux encore : si l'on joint par leurs centres toutes ces paires de segments antagonistes du solide de Dürer, on constate que toutes les droites joignant ces segments par leurs milieux passent par le centre du segment 99.

     

    Ce qui est polaire dans le solide de Dürer, (en considérant comme axe polaire principal, l'axe vertical haut / bas qui est l'axe d'étirement du solide), à savoir les segments 9 et 90, correspond, dans le pentagramme, au « début » et à la « fin » de la séquence; - car dans le pentagramme aussi la séquence naturelle commence à 9 et finit à 90, puisque le point 99 a été installé à son juste « moment », entre les points 45 et 54.

     

    Enfin, l'orientation alternée du sens de la construction ; d'abord « horaire » de 9 à 45, puis anti-horaire de 54 à 90, est également respectée. Le segment 99 correspond au plan de symétrie de part et d'autre duquel se divisent, en s'inversant, ces deux mouvements, le premier « dextrogyre », le second « lévogyre ». Les deux structures ont pour squelette commun une double spirale, bidimensionnelle pour le pentagramme, tridimensionnelle pour le solide de Dürer, où elle se développe en double hélice - spirales dont la première est centripète et dextrogyre, et dont la seconde est centrifuge et lévogyre.

    La structure sous-jacente aux deux figures peut être schématisée par l'illustration ci dessous :

     

    Solide de Dürer et pavages gnomoniques

     

     

     

     

    Du pentagramme au nid d'abeilles

     

    Le solide de Dürer peut donc n'apparaître que comme un développement en trois dimensions de la structure bidimensionnelle qui est celle du pentagramme. Cependant, alors que le pentagramme est une structure de symétrie pentagonale, associée au nombre d'or et aux pavages de Penrose, le solide de Dürer – placé tout entier sous le signe du sceau de Salomon – relève, quant à lui, de la symétrie du "nid d'abeille" tétra-octaédrique, propre à sa constitution gnomonique, symétrie résultant d'un pavage continu de l'espace par des tétraèdres et des octaèdres, comparable à celui que l'on peut obtenir avec des cubes. L'intégration du solide de Dürer dans le pentagramme fait donc apparaître une supersymétrie – ou encore une super dualité – entre ces deux types de symétrie.

     

                                Solide de Dürer et pavages gnomoniques                Solide de Dürer et pavages gnomoniques

                                             pentagramme                   nid d'abeille tétra-octaédrique

     

     

    Or, on remarque que dans notre solide de Dürer, la symétrie pentagonale est celle qui régit les « milieux » des objets appartenant à la seconde, à la symétrie du nid d'abeille. La première se présente ainsi comme étant « au coeur » de la seconde, comme son principe de mouvement, ou de développement ; ou encore, la première semble correspondre à l'aspect « intérieur » d'une réalité, dont la seconde représenterait l'aspect « extérieur ».

     

     

     

    Remarque ponctuelle

     

    On a fait le choix, pour cette étude, de référencer les solides par les points qui sont leurs centres, afin de mettre en évidence ensuite les "milieux" des segments joignant ces centres, mais il convient de préciser que, dans la logique du gnomon, les petits solides, qui ont le statut d'atomes et la valeur discrète de monades, peuvent parfaitement être considérés eux-mêmes comme des points, de sorte que nos boules blanches auraient tout aussi bien pu désigner ces solides eux-mêmes. On aurait alors eu 11 segments composés uniquement de 2 points; à la réserve que, dans ce cas de figure, les lignes joignant ces boules auraient été superflues, puisque, pour tous ces segments, les deux solides sont tangents, soit par une face (pour les segments tétraèdre-octaèdre), soit par un sommet (pour les segments tétraèdre-tétraèdre). Les centres des segments auraient donc coïncidé avec des lieux intersticiels purement virtuel et de valeur nulle, autrement dit avec des points "euclidiens", lesquels, dans leur compréhension juste, ne peuvent représenter que des lieux vides d'objet. De ce point de vue, la symétrie pentagonale peut donc apparaître, tout aussi légitimement, comme la symétrie régissant les vides intersticiels de la structure du nid d'abeille.

     

     

    Le symbolisme du pentagramme

     

    En laissant de côté toute considération liturgique, il est possible, en conclusion, de toucher ici un mot du symbolisme du pentagramme.

     

    Dans sa représentation classique sous forme de noeud à 5 sommets, le pentagramme est un noeud mortel, qui se rapporte au démembrement de "l'homme primordial" et dont les points de référence (situés au centre des 5 petits triangles - branches de l'étoile) sont en réalité des "points de casse", qui correspondent dans le corps humain à : nuque, épaules, et hanches. Ce noeud agit donc de façon "constrictrice", comme mû d'une énergie "auto-serrante".

     

    En passant par le point central, on a, comme pendant de ce noeud mortel, le noeud vital... dont la chose la plus importante à remarquer, sans doute, est qu'il n'est pas un noeud. En effet, si on le saisit par un coin, il se délace et se résout en une simple corde circulaire, de sorte que son aspect "nodal" s'avère finalement n'être qu'une illusion.

     

     Le 18.04.2017

     

     

                                                     

     


  • LA DOCTRINE SECRETE DU DODECAEDRE

     

     

     

     

    Le 11.04.2018 par Christophe Mercadier

     

     

    Platon sur le dodécadèdre :



    traduction site Remacle :

    ....

    Et comme il restait une cinquième combinaison, Dieu s'en servit pour tracer le plan de l'univers.



    traduction Léon Robin (en général il est plus dans le "mot à mot") :



    Il restait encore une combinaison, la cinquième; c'est à l'Univers que le Dieu en fit application, pour en dessiner l'épure.



    ....

    Tu avoueras que le ton est pour le moins énimgmatique. Surtout que les 4 précédents ont été soigneusement décrits : faces, arêtes, angles; cela revient presque à dire au "lecteur", si tu ne le connais pas (le 5eme) cherche le toi-même!



    Il semble y avoir un autre propos sur le dodécaèdre dans le Phédon, où ce solide est associé au "Tout", par opposition aux 4 autres associés aux éléments, mais je n'arrive pas à le retrouver.

     

     

    ..

     

    Je pense que ce n'est pas extrapolation, mais lecture attentive : la phrase sur le dodécaèdre est bien un TROU ésotérique du Timée.



    Je m'explique.



    Le Timée est un ouvrage assez centralement consacré à la question précise du "plan de l'Univers"

    Où pas une fois on entend parler de ce solide

    hormis dans cette phrase, qui énonce "en passant" que le plan de l'univers est un dodécaèdre.



    Ce qui est marqué là, c'est bien une limite entre "ce dont on peut parler", et "ce qu'on doit taire"

    Il est impossible de ne pas comprendre que cette seconde catégorie relève de "quelque chose de plus élevé"



    Et pourquoi le solide n'est-il pas décrit?

    plutarque



    Pourquoi, entre les différents corps composés les uns de lignes droites et les autres de lignes circulaires, assigne-t-il (Platon) pour principes des corps composés de lignes droites le triangle isocèle et  [1003c] le triangle scalène, dont le premier a formé le cube, qui est l'élément de la terre, et le second la pyramide, l'octaèdre et l'icosaèdre, dont l'une est le principe du feu, l'autre de l'air, et le troisième de l'eau? Pourquoi omet-il absolument les corps circulaires, quoiqu'il ait fait mention du sphéroïde et qu'il ait dit que chacune des figures ci-dessus nommées peut diviser une circonférence en parties égales ?

    Est-ce, comme quelques uns l'imaginent, parce qu'il assigne au sphéroïde le dodécaèdre, lorsqu'il dit que Dieu employa cette figure pour la formation de l'univers? Car la multitude des éléments [1003d] du dodécaèdre et la grande ouverture de ses angles font que, s'éloignant beaucoup de la ligne droite, il se courbe facilement, et son périmètre, comme dans les sphères composées de douze pièces réunies, approche davantage de la forme circulaire et contient un très grand espace. Il y a vingt angles solides, dont chacun est renfermé dans trois angles plans et obtus qui contiennent chacun un angle droit et la cinquième partie de cet angle. D'ailleurs le dodécaèdre est formé de douze pentagones, dont les côtés et les angles sont égaux, et composés chacun des trente premiers triangles scalènes. Il semble donc être une image du zodiaque et de l'année, puisque ses divisions sont égales à l'un et à l'autre.

    Euh oui je pense qu'on peut gloser la remarque de plutarque assez facilement.



    L'angle du dodécaèdre égale "un angle droit et la cinquième partie de cet angle", soit 108 degrés.



    Le nombre 108 rappelle bien évidemment l'Ame du monde, et la division longitudinale de la bande du lambda, formant l'équateur et l'écliptique.



    Plutarque estime donc que le dodécaèdre constituait une "extension angulaire" du nombre magique 108 de l'ame du monde.



    Je pense que c'est en soi une thèse très originale sur Platon  (la correspondance entre lambda et dodécaèdre,   mais aussi par extension entre médiétés  et solides, nombres du lambda et angles, etc) et à mon avis bien sentie.



    Je te mets le lien vers les questions platoniques de plutarque. Le dodec est l'objet de la question IV.



    Ce que je trouve pour le moins surprenant (d'où l'envoi) c'est que la réflexion sur le dodécaèdre s'inscrit dans une réflexion générale sur la courbure.



    La ligne est elle plus originaire que le cercle?

    Le dodec est-il le solide le plus proche de la sphère? etc



    Comme s'il voulait t'insinuer dans l'esprit que l'angle 108 correspondrait en quelque manière à la "courbure" de l'univers.



    Je n'extrapole pas je pense, même si le relent "einsteinien" de sa cogitation ne peut raisonnablement être considéré que comme "fortuit", mais l'approche par la courbure me semble néanmois intéressante parce que "peu naturelle" et assez "spéculative" dans ce contexte.

     

    (à suivre)

     

     

     


  • DISCUSSION SUR LE PENTAGRAMME ET LE NOMBRE D'OR

    AVEC LYSANDRE

     

     

    La discussion débute par une remarque sur cette construction due à Yvo Jacquier, qui illustre l'article Vesica Piscis

     

     

     

     

    Le 15/02/2017 par Lysandre

     

    Intéressante, la construction avec le pentagramme. Si on l'interprète en géométrie projective, cette figure possède une signification bien précise, puisqu'elle équivaut à démontrer que l'on peut construire la polarité associée aux cinq sommets d'un pentagone quelconque. Démonstration belle comme du Bach, que je viens justement d'achever cette nuit...

     

    Discussion sur le pentagramme et le nombre d'or avec Lysandre

     

     

    Le 15/02 par Dylan G.

     

    Ah oui ? Bravo ! En tous cas, on sent que cette figure doit gagner beaucoup à être interprétée projectivement, car il y a là une densité vraiment suspecte de "droites concourantes" et de "points alignés".

    Je remarque que l'on a 10 points, comme dans la configuration de Desargues, et comme dans la tétractys. Sur ces dix points, 4 sont incidents au vesica piscis "intérieur", 4 autres au vesica "extérieur", les 2 derniers, les points AA', donnant l'axe de symétrie du même vesica. Au centre, on a le triangle d'or de Penrose avec la première étape de sa division : 1 obtus (en jaune, dans le dessin de Jacquier), 2 aigüs (en rose). Dans votre figure, il suffit, pour avoir ces trois pavés, de joindre C' à B', et B à E.

     

     

     

    Le 15/02 par Raymond B.

     

    Ah oui c'est bien intéressant.

    Vu comme ça le théorème de Desargues m'a évoqué l'ennéagramme, où le "point de fuite" des deux triangles jouerait le rôle de centre caché qui règle le déploiement des 6 points en araignée 1/7 = 0.142857 pendant que les 3 points alignés sont imagés par le triangle 3-6-9. 

     

    Discussion sur le pentagramme et le nombre d'or avec Lysandre

     

    Compte tenu de cette remarque, et par analogie avec Desargues, j'aurais eu tendance à voir, dans votre figure, deux lignes de 3 points concourir au point A (point rouge) pendant que les 2 épingles fichées dans les paumes de l'étoile, "s'alignent" au point A' en tant que formant un obtus "3-6-9". Les deux lignes forment un lambda avec le point A pour aiguille.

     

     

     

    Le 15/02 par Raymond B.

     

    Un peu dans le même "esprit", je voyais ceci chez Ouspensky le fidèle de Gurdjieff.

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    L'élément intéressant étant bien sûr la représentation avec 2 lignes parallèles. Parce que "projectivement" ça fait le joint entre les polygones et le point, ce dernier étant à l'infini (ce qui serait une manière élégante de concilier la mystique du Point avec celle... de son retrait). La ligne double pouvant à la limite être envisagée comme une figure fermée ; d'autre part, elle évoque ainsi "les eaux" ou protomatière des cosmogonies.

     

     

     

     

    Le 17/02 par Lysandre

     

    Mes démonstrations sont fondamentalement simples, elles consistent à "voir" projectivement la figure, par exemple, et tout s'éclaire de soi, sans recourir à de lourds appareillages algébriques. C'est magique, dans le bon sens du terme.

    La GP est en soi une discipline très facile, qui permet de fonder toute la géométrie à partir de rien (trois axiomes ! pour toutes les géométries, euclidienne, comme non-euclidiennes, et même la géométrie différentielle, finalement... enfin), et tout le monde en principe peut l'apprendre, c'est sa simplicité même qui est désarmante. Mais elle n'est plus enseignée nulle part ! les matheux même ne la comprennent plus, ou plus assez... vous n'avez pas idée.

    Bien sûr, il peut résulter de là des adaptations importantes pour les problèmes de pavages, etc. un pavage du plan projectif, c'est quelque chose de possible, et on en déduira forcément plusieurs pavages possibles du plan affin/euclidien, selon où l'on place la droite de l'infini, etc.

    Ce sont des perspectives magnifiques, mais on ne peut progresser là-dedans qu'à petits pas.

     

     

     

    Le 17/02 par Lysandre

     

    Comme vous me paraissez capable de comprendre ces choses, que j'étudie avec émerveillement, je ne vois pas pourquoi je ne vous ferais pas profiter d'un petit exercice auquel je me suis livré sur deux figures intimement liées : je vous poste donc, ci-dessous, les deux, à savoir le diagramme de Petersen, que je me suis amusé à colorer avant de nommer ses points par des lettres, et la configuration de Pappus, dont j'ai nommé les points et droites de façon qu'ils correspondent au diagramme : en rouge, les points, en bleu les droites, et une boule rouge reliée à une boule bleue signifie : ce point appartient à cette droite. On obtient ainsi la configuration désirée, comme vous vous en apercevrez si vous essayez par vous-même, et de la façon dont je l'ai dessinée, on voit bien à quoi elle correspond : si la configuration "marche" ("holds" comme ils disent en anglais), alors deux perspectivités de mêmes centre et axe commutent, et donc le corps (des coordonnées, qui sous-tend le plan), est commutatif.

    C'est la clef de toute la géométrie plane commutative, la "bonne" géométrie, bien ordonnée, que nous connaissons... elle tient toute entier dans le diagramme de P, figure bien plus symétrique et élégante que la configuration elle-même... mais il faut aimer ce qui est simple, et pouvoir apprécier l'esthétique des maths.

    J'affirme de plus, ce qui est original, que le point au centre a une signification : si on le colore en une troisième couleur, vert par exemple, il correspond au plan lui-même, et signifie alors que si trois droites non concourantes/trois points non alignés, appartiennent à un même plan, alors toute la configuration est plane.

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    Le 17/02 par Dylan G.

     

    Grand merci, Lysandre. Nous apprécions beaucoup cette gnose. En plus de la beauté de ces figures, l'exercice qui consiste à passer du diagramme à la configuration, et inversement, est particulièrement plaisant pour l'esprit.

    Je remarque simplement, au passage, que si on introduit un "chrisme" au centre du graphe associé au solide de Dürer, on retrouve votre graphe de Petersen-Pappus. Autrement dit : Dürer + chrisme = Petersen.

     

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    Le 18/02 par Raymond B.

     

    Y'a quand même une question que je me pose, peut être pas sans rapport avec la remarque sur le point vert... 

    Lysandre parle de la "géométrie plane commutative" comme étant la "bonne géométrie" que nous connaissons. Cette adéquation tient probablement plus pour lui à la notion de commutativité. Cependant, je me demande si "bonne géométrie" n'implique pas également planéité. L'idée, rapidement, serait que la géométrie solide "concrétise" ou développe (disons "une fois pour toute") la pellicule des figures 2D ; tandis qu'inversement, les figures planes sont des "abstractions" ou projections des volumes (mathématiquement : la projection est "surjective" ?), avec un statut quelque peu idéal et matriciel. Si la GP avait bien ce statut d'incontournable, alors dans le cadre de "l'espace naturel" RxRxR on se placerait naturellement dans un plan projectif, n'est ce pas ?

    De manière un peu plus claire : l'opération de projection d'un volume sur une surface (comme notre rétine) est "surjective" c'est à dire que plusieurs corps peuvent "s'abstraire" d'un même "patron" plan. On pourrait alors dire que la figure plane est surdéterminée, et que c'est une forme d'interprétation ("réduction du paquet d'ondes") qui donne corps au volume. Pour parler comme Lacan, préserver cette équivocité serait alors nécessaire pour que la géométrie reste un lieu de dialogue avec l'inconscient, qui ignore le langage univoque de la logique aristotélicienne. La géométrie solide, sans être inutile à titre d'illustration ou de choix interprétatif particulier, ne possèderait pas les mêmes vertus "initiatiques" ou universelles que la géométrie plane. Hypothèses, bien entendu.

     

     

     

    Le 18/02 par Lysandre

     

    En n'oubliant pas, tout de même, qu'on peut faire de la géométrie projective en 3D, en 4D ou plus... il y a de la GP en toutes sortes de dimensions. Simplement, on commence par l'étude du plan parce qu'elle est plus "simple", tout en recelant la possibilité de géométries plus bizarres, "non-arguésiennes", donc nécessairement planes, mais les "plans" en questions sont en fait des structures très "exotiques"...
    Par ailleurs, quand on étudie la géométrie dans l'espace (GP en 3D), il est naturel de se référer constamment à l'étude du plan, comme dans le plan on se réfère à l'étude de la droite... ainsi, quand j'étudie une quadrique en 3D, je vais le faire par le biais de ses sections planes : je vais la "découper en tranches" planes, étudier ces tranches, puis la réassembler en quelque sorte... et c'est comme ça que j'aurai une vision d'ensemble de la forme.

    On peut certes penser aussi aux "niveaux du langage" comme à des "plans de coupe"... l'opération de "couper par un plan" est fondamentale en GP de l'espace, et on peut sans doute y voir une analogie avec d'autres disciplines.
    En maniant toutefois les termes et les analogies avec prudence...

     

     

     

    Le 18/02 par Dylan G.

     

    La linguistique guillaumienne (héritière de Gustave Guillaume) définit toutes les structures profondes du langage au moyen de coupes transversales successives, effectuées le long d'un processus spatio-temporel, une sorte de psychomécanisme, ou de "geste" linguistique fondamental, qui lui reste toujours le même.

     

    Emoustillé par ces histoires de pentagramme, je viens de relire avec bonheur la belle étude que Charpentier a consacrée au Vesica piscis (l'oeuf du monde, à lire ici). Dans la partie mathématique (pages 19-26), il évoque en particulier les constructions de Dürer avec le pentagramme, avec des considérations très intéressantes, puisqu'il associe cette construction avec les idées de vibration, de pulsation, de flamboiement, d'une part ; et corrélativement, avec des considérations "rétiniennes" (l'oeil qui voit tout), idées qui me semblent résonner avec tes propos, Raymond.

    En supposant une dualité entre "flamme" et "rétine", entre "production" et "réception" de la lumière.

    ...

    Tes remarques sur la planéité m'ont fait penser à une autre chose encore, dont personne ne parle jamais, mais qui m'a toujours plongé dans une profonde perplexité.

    Sur le plan cosmologique, les groupements significatifs ne sont pas des sphères, mais des disques : des plans. L'écliptique est un plan, la voie lactée est un plan. Et en suivant ce chemin, on constate qu'à chaque fois, l'opération qui consiste à reconduire un objet (lui donner ses coordonnées) dans le groupe "monadique" supérieur auquel il appartient revient à le ramener sur un plan. Le processus étant "itératif" dans le sens du macrocosme, que se passe-t-il si on suppose que la dernière opération (celle reconduisant les parties au tout) est identique à toutes celles qui l'ont précédé? Il se passe que l'univers aurait essentiellement la structure d'un plan, duquel déborderaient au mieux quelque cloques monadiques originelles, matrices de toutes les monades inférieures. Et en poussant le vice un peu plus loin, on peut se demander si la procédure "d'exhaustion" qui conduit à faire disparaître "l'illusion" de la profondeur dans le sens du macrocosme, ne produirait pas un résultat semblable en sens inverse, dans une enquête sur les microcosmes, contraignant ces cloques mêmes à se résorber sur leur "équateur", et l'univers entier à se révéler n'être qu'une crêpe intégrale, dans laquelle rien n'aurait jamais connu la troisième dimension...

     

     

     

    Le 20/02 par Raymond B.

     

    "Soufflante" ta remarque sur la crêpe cosmique.

    Ces réflexions sur le plan m'ont fait penser à un autre problème, qui concerne lui l'organisation de la science.

    Parallèlement à l'entreprise scientifique de réduction, justifiée jusqu'à un certain point, chaque échelle possède un "plan de consistance" propre, avec un vocabulaire opératoire taillé sur mesure. Ce qui rend la biologie en partie rebelle à la chimie, elle même en excès sur la physique, etc...

    Voilà la préface d'un cours de thermodynamique, que je rends en résumé, et qui pose des mots sur ce "changement d'échelle" créateur, qui serait peut être analogue à un "interdit de l'inceste" épistémologique, un partage des eaux entre conscient et inconscient, ou entre niveaux de réalité à la Nicolescu.

     

    " Les concepts de chaleur, énergie interne, entropie, sens privilégié d’évolution, apparaissent à chaque fois que pour un système mécanique, l’on fait une division entre deux niveaux d’échelle, et un partage de notre connaissance (et de notre ignorance) entre ces deux niveaux. Le passage d’une échelle à l’autre ne peut en général faire l’économie d’hypothèses de nature statistiques supplémentaires par rapport à l’axiomatique du niveau mécanique de départ.

    Au niveau de ce que l’on appelle mécanique, on manipule des points matériels, des forces, de l’énergie, etc... On envisage ensuite des ensembles constitués d’un grand nombre de ces points et l’on souhaite traiter ces ensembles en utilisant les mêmes concepts qu’au premier niveau. On appelle thermodynamique cette théorie de deuxième niveau.

    C’est dire que selon nous, la thermodynamique est avant tout la science du changement d’échelle, et non seulement la science des transformations de l’énergie. La mécanique rationnelle montre déjà des transformations d’énergie (...) Quand une réaction chimique dégage de la chaleur il s’agit du même phénomène, un peu plus caché, où une énergie potentielle électromagnétique est en partie transformée en énergie cinétique d’agitation des molécules du système (...) Cette distinction d’échelle permet d’établir toutes les notions originales à la thermodynamique par rapport à la mécanique et éclaire aussi les questions relatives au temps et à son irréversibilité, au hasard, etc..."



     

     

    Le 20/02 par Lysandre

     

    Merveilleuse, votre trouvaille sur le solide de Dürer! 

    Vérification faite, le solide de Dürer et la configuration de Pappus ont effectivement le même graphe. Cela veut dire que le solide de Dürer lui-même peut être vu comme un graphe de Pappus en trois dimensions ; et pour retrouver les 3 lignes manquantes (chrisme), il suffit de joindre les milieux des arêtes opposées des deux faces triangulaires que comporte le solide.

    Discussion sur le pentagramme et le nombre d'or avec Lysandre

     

     

    Discussion sur le pentagramme et le nombre d'or avec Lysandre

     

    Le graphe correspond au solide vu en projection. On distingue bien les deux faces triangulaires et les six faces pentagonales.

    J'y vois tout de suite diverses interprétations possibles... S'il existe une configuration non planaire qui correspond au même graphe, évidemment, il doit y avoir un lien entre le solide et la configuration, du coup... je note qu'on a dans ce solide des pentagones inscrits à une même quadrique (qu'on l'appelle "sphère" ou autrement, peu importe), donc inscrits aussi aux coniques selon lesquelles leurs plans coupent la sphère... et vous savez qu'un pentagone détermine entièrement sa conique inscrite, donc il y a là quelque chose...

    NB. Si, comme je le pense, il y a bien une signification au point central de Petersen - le plan - alors cela porte le nombre des sommets du  graphe à 19... nombre qui n'est pas indifférent, eu égard à certaines considérations ésotériques...



     

    Le 21/02 par Dylan G.

    Je remarque que votre 19 semble induire une récurrence de forme : 1+6xn entre

    A. Plan de Fano. 1+6x1

    B. Plan à 13 points. 1+6x2

    et donc

    C. Pappus. 1+6x3

    Comme si les principales configurations auto-duales de la GP s'enchâssaient l'une sur l'autre, sur fond de nombre hexagonal centré. « Desargues » faisant exception à cet égard.






    Le 21/02 par Lysandre

     

    Oui, bien sûr, j'avais déjà relié cela à la série des nombres hexagonaux centrés. Cela me paraît la base de tout, du point de vue des développements herméneutiques possibles en tout cas.

     

     

     

    Le 22/02 par Dylan G.

     

    J'ai comme l'impression que les deux sujets qui vous occupent en ce moment : le pentagone, et la configuration de Petersen-Pappus, sont intimement liés l'un à l'autre. Et ceci me ramène au polyèdre de Dürer, dans sa fameuse version "dorée" construite à partir d'un angle de 72°, sur lequel j'ai glané une petite documentation complémentaire, sur le site que Yvo Jacquier a consacré à ce solide (à visiter ici).

    Admis que le polyèdre de Dürer pouvait être vu comme un graphe de Pappus en 3 D, je trouve intéressant que le pentagramme étoilé apparaissent dans cette formulation tridimensionnelle, et décliné harmoniquement sur 3 degrés. Les deux réalités, pentagramme et polyèdre de Dürer, sont intimement entrelacées dans leur structure... au point que ce caillou de Dürer vous a comme un petit air de pierre philosophale.

    Le dossier d'images que j'ai réuni comprend. Figure 1 : Le solide - un rhomboèdre, qui est un cube étiré sur l'une de ses diagonales - dont il faut partir pour obtenir le polyèdre de Dürer par troncature de deux petits tétraèdres aux sommets. La face du rhomboèdre est un losange d'angles 72° et 108°, qui peut être regardé comme une variante du losange "vesica piscis", d'angles 60° et 120°; par où on saisit une certaine continuité dans les idées de Dürer.  Figures 2, 3 et 4 : trois représentations de la structure du même rhomboèdre, dans lesquelles apparaissent 3 différents pentagrammes étoilés, dont les segments de référence ont respectivement pour valeur : Phi, 1, et 1/Phi : ces trois mesures déterminant un maillage continu. Je suppose que ces trois valeurs correspondent à trois échelles successives du triangle d'or de Penrose, mais il est intéressant que ce que l'on connaissait comme un problème de "pavage" se présente ici plutôt comme un problème de "maillage". Et je pense qu'il doit être plus intéressant encore d'envisager cela avec vos méthodes projectives, en terme de coniques, etc.

     

    Discussion sur le pentagramme et le nombre d'or avec Lysandre     Discussion sur le pentagramme et le nombre d'or avec LysandreDiscussion sur le pentagramme et le nombre d'or avec Lysandre  Discussion sur le pentagramme et le nombre d'or avec Lysandre

     

    PS : Du coup, le "point vert" est le barycentre du solide de Dürer?

     

     

     

    Le 22/02 par Lysandre

     

    100% d'accord avec vous; je n'ai rien à ajouter... sinon qu'il est fort possible qu'une partie au moins du travail ait été fait, mais se trouve actuellement dans des ouvrages inaccessibles, anciens, épuisés, conservés dans de lointaines bibliothèques... parfois on gagne du temps à refaire les choses par soi-même, au lieu de chercher des ouvrages de référence à peu près introuvables, et il en existe tant... c'est une donnée avec laquelle j'ai appris à faire. Mais d'un autre côté, je m'aperçois que même dans les ouvrages de référence, les choses ne sont pas toujours aussi bien "faites" que quand je les fais ; de très bons auteurs présentent parfois des démonstrations boiteuses, selon les critères actuels ou ceux qu'on m'a appris... même chez mon maître, l'immense Buekenhout, j'ai réussi à trouver une démonstration qui ne me satisfait pas, et j'en ai imaginé une plus "projective" si l'on veut, encore que rien ne dit qu'il n'y avait pas pensé lui-même, mais il avait peut-être ses raisons qui m'échappent...

     

    Le "nombre d'or" est un rapport. Mon intention est bien de le "traiter" un jour en termes de birapport, etc. Toujours reconduire le rapport au birapport, comme à ce qui l'engendre, voilà ma règle. C'est vers là que je me dirige, mais je me suis rendu compte qu'il y avait bien des étapes à franchir. Au moins, je commence à voir parfaitement ce que la classe des pentagones dits "réguliers" a de "spécial" au point de vue projectif (cinq rotations identiques, cela n'est pas donné a priori), c'est un bon début, je pense. Lentement mais sûrement...

     

    NB rapport/birapport, la façon "simple" de voir le "rapport" c'est de se dire : deux points A, B sur une droite, un 3e point C quelconque peut toujours être vu comme le "milieu" de AB, selon la position d'un 4e point, conjugué harmonique de C par rapport à AB. Si ce 4e est le "point à l'infini", alors C est le "milieu" de AB. La notion de milieu, de médiane, etc. est donc ainsi ramenée à celle de conjugué harmonique, qui est fondamentale. On voit comment le nombre 4 est producteur d'harmonie.

    Pour faire court, "conjugué harmonique" se traduit par "birapport = -1"

     

     

     

    Le 24/02 par Dylan G.

     

    Au sujet de la configuration de Desargues, je me suis fait une remarque un peu du même genre que celle qui consiste à "voir" dans le solide de Dürer un graphe de Pappus. Dans les deux cas, il s'agit d'interpréter une configuration planaire de la GP en fonction d'une formulation tridimensionnelle particulière.

    On part de cette magnifique représentation du théorème de Desargues construite sur un tétraèdre, due semble-t-il à Burkard Polster, dans laquelle 4 points correspondent aux sommets du tétraèdre, et les 6 autres aux arêtes du même tétraèdre, tenues "par les milieux". On constate que ces 6 points correspondent aux sommets d'un octaèdre inscrit dans le tétraèdre.

     


    Discussion sur le pentagramme et le nombre d'or avec Lysandre

     

    Discussion sur le pentagramme et le nombre d'or avec Lysandre  

     

    Toutes ces relations se retrouvent dans un tétraèdre gnomonique de rang 2, composé d'un octaèdre (ci-dessus en blanc, au centre) et de 4 tétraèdres (ici trois gris et un rouge). L'octaèdre possède bien sûr 8 faces triangulaires, dont 4 sont cachées dans la structure du solide, et 4 visibles à la surface, qui correspondent aux quatre cercles de la configuration de Desargues.

    Sous ce regard, on peut m'accorder que le tétraèdre gnomonique de rang 2  est une configuration de Desargues en 3D?

    Je trouve que cette représentation tétraédrique de la configuration de Desargues est aussi la plus pertinente pour coordonner Desargues avec la tétractys. En effet les 4 "points-sommets" du tétraèdre peuvent être assimilés au "trépied" de la tétractys; tandis que les 6 autres points, les points-arêtes, ont un rôle de médiation qui permet, au moins symboliquement, de les associer aux six points de l'hexagone.





    Le 25/02 par Lysandre

     

    C'est "à peu près" ça, sauf que dans la configuration de Desargues en 3D, si 45 est le centre de la perspective, les points 15, 35, 26 respectivement les images des points 14, 34, 24, alors les trois derniers points sont, par exemple, le point x, intersection des droites 15.35 et 14.34.

    Le point 13, donné sur l'image, est le conjugué harmonique de x par rapport à 14 et 34. La donnée de l'un permet de retrouver l'autre. C'est comme si on avait combiné une perspective de Desargues avec une réflexion dans le plan 14, 34, 24, pour remettre tous les points "à l'intérieur" du tétragramme.

    Sinon, l'octaèdre existerait de toute façon, mais il aurait une forme moins "régulière"...

    Cette figure contient donc toute l'"information" nécessaire pour retrouver la configuration de Desargues, mais ce n'est pas exactement ce qu'elle est ; (à moins encore qu'on ne considère les cercles 15, 35, 13 etc. comme des "droites", alors bien sûr...). On a voulu y mettre autre chose en plus, cf. Petersen - Pappus.

    Il faudrait que je trouve le temps d'analyser davantage cette figure.

     

     

     

    Le 25/02 par Dylan G.

     

    Vous écrivez : "... à moins qu'on ne considère les cercles 15, 35, 13 etc. comme des "droites", alors bien sûr..."

    Pour moi, c'était une évidence, sans quoi ce que je vous écrivais n'a pas de sens. La configuration doit impérativement compter 10 points et 10 droites, sans quoi le tétraèdre n'aurait pas de pertinence.

    Le but de ma remarque n'était pas de faire de la géométrie, mais d'établir une correspondance idéelle, entre Desargues et les points de la tétractys, - ce que permet à mon sens cette formulation tétraédrique (via le tétraèdre gnomonique de rang 2).

    Mais je pense que mes explications manquaient de clarté et ça ira sans doute plus facilement avec 3 petits dessins.

     

    Discussion sur le pentagramme et le nombre d'or avec Lysandre

    Figure 2. Dans la tétractys, je nomme "points majeurs" les points ABCD reliés par un trépied, correspondant aux arètes d'un grand tétraèdre vu de haut, et "points mineurs" les points u, v, w, x, y, z  qui parcourent l'hexagone "tournant" sur le même centre que le trépied. Et je constate que rien n'interdit de considérer cet hexagone comme un octaèdre, doté de 4 faces sombres (les droites-cercles de la configuration de Desargues = faces visibles de l'octaèdre, dans notre tétraèdre gnomonique), et de 4 faces claires (les faces cachées de l'octaèdre), que l'on visualise mieux en les nommant. Faces sombres : (uvz), (vwx), (xyz), (uwy). Faces claires :  (uvw), (wxy), (yzu), (vxz). Une fois notre octaèdre défini, on supprime le trépied reliant les points ABCD et on considère ces points comme flottant sur une sphère circonscrite à l'octaèdre. On comprend que ces 4 points doivent être les sommets de 4 petits tétraèdres dont les bases sont les faces "blanches", les faces "négatives" de l'octaèdre. Pour le point A la solution est évidente. Figure 3 : le point A  est le sommet d'un petit tétraèdre dont la base est le triangle clair (zvx). Mais on saisit que la solution est essentiellement  la même pour les trois autres points. En l'occurrence : le point B est le sommet d'un "tétraèdre" dont la base est le triangle clair (uvw), le point C, le sommet d'un tétraèdre dont la base est le triangle clair (wxy) et le point D, le sommet d'un tétraèdre dont la base est le triangle clair (yzu).

    Bien sûr, cette tétractys n'est pas "représentable" en 2 dimensions (ou alors de manière paradoxale) cependant j'estime qu'elle "existe" sur un plan purement idéel. On peut donc coordonner de la sorte les points de la tétractys avec ceux de la configuration de Desargues (Figure 4). Si l'on ajuste le point A au point 45, les 3 autres points majeurs BCD s'ajustent, par exemple, aux points 24, 34 et 14, et les 6 points mineurs, sommets de l'ocatèdre, s'ajustent en conséquence selon la règle : une face sombre de l'octaèdre correspond à une droite-cercle de la configuration de Desargues.



      

    Le 25/02 par Lysandre



    merci pour ces passionnantes réflexions.

     

    J'avais en effet compris que "votre" interprétation du tétraèdre-Desargues supposait de considérer les cercles sur chaque face comme des "droites", mais je remarque juste que cela revient à considérer chaque face comme un plan de Fano ; lequel n'est pas généralisable en trois dimensions, mais comme diagramme 3D de la configuration de Desargues, cela fonctionne tout de même, avec en plus le fait qu'on peut considérer les points 15, 12, 23 comme conjugués harmoniques des points de fuite, de sorte que le théorème s'énonce simplement en disant que les conjugués harmoniques de ces points sont alignés.

    C'est une représentation intéressante, à laquelle je n'aurais certes pas pensé, mais qui vaut d'y réfléchir. Je vous l'accorde volontiers.

    Oui, on pourrait même se demander si, ayant quatre coniques tangentes deux à deux, comme cela, sur les faces d'un tétraèdre, le fait d'exiger l'alignement des conjugués harmoniques équivaut à Desargues... il y a un rapport entre Desargues et les coniques/polarités à la base : supposer un plan arguésien équivaut à peu près à supposer l'existence de polarités/coniques, ce n'est pas trivial à voir mais c'est clair. On peut donc creuser la réflexion longtemps avec cette figure. Je vais sans doute un jour ou l'autre l'inclure dans mon travail, mais si je disposais des articles de Polster et de Coxeter - auxquels se réfère la planche avec les sommets du tétraèdre numérotés - cela m'aiderait.

    Sinon, j'avance avec les pentagones, plus vite que je ne craignais. Ayant extrait les conditions de symétrie - et il est assez beau de voir que tout pentagone ayant deux axes/centres de réflexion en a forcément 5 et est donc "régulier" par rapport à "sa" conique - je m'essaie maintenant à donner des coordonnées à tous les points/droites de la figure, A, B, C, D, E, A', B', C'... etc. Après, ce sera un jeu d'enfant de calculer tous les birapports possibles et imaginables.

    J'ai remarqué, au passage, que, dire qu'un point (X, Y) d'une droite a pour coordonnée X/Y (coordonnée affine) le nombre d'or, équivaut à dire que l'involution (X, Y) --> (X + Y, X - Y) (cette application définit bien une involution de la droite, facile à vérifier) laisse invariante, pour ce point, la "forme quadratique" XY. En effet, cette assertion équivaut à l'équation (X + Y)(X - Y) = XY, ou X^2 - Y^2 - XY = 0, où l'on reconnaît facilement l'équation du nombre d'or.

    Je devrais donc, à un moment, pouvoir exprimer cela en termes d'une involution qui commute avec une forme quadratique, pour un certain ensemble de points.

     

    NB. Mes parents ont l'habitude de mettre des pommes en vrac dans un seau d'eau, pour les laver. Elles se mettent alors à flotter, et adoptent spontanément une disposition très parlante : une au centre, et six autres autour, tangentes deux à deux... le diamètre du seau équivalant juste à trois pommes à peu près. Je m'émerveille à chaque fois de constater à quel point la division hexagonale du "cycle" est naturelle, et le fait qu'on la retrouve partout... Dans mes développements sur la question, le passage où j'explique Petersen et Pappus, les dix-neuf points (et le rapport avec la racine de 361 etc.), je cite cette "expérience", pour bien faire comprendre au lecteur l'absence (ou quasi ?) d'arbitraire dans tout cela... En tout cas, ça me réjouit toujours de voir ces pommes flotter comme ça, alors que personne ne l'a fait exprès : elles "connaissent" spontanément l'empilement maximal de leur plan !

    Sur ce, je retourne à mes pentagones.





    Le 25/02 par Lysandre

     

    Chers amis, eh bien! victoire, je crois que c'est le mot...

    Sur la figure que je vous poste, vous pouvez voir comment le nombre d'or "apparaît" naturellement sur un pentagone ayant deux axes/centres de réflexion :

     

    Discussion sur le pentagramme et le nombre d'or avec Lysandre

    commençons par construire le quadrilatère complet O, I, I', I'' ; pour que le pentagone ait au moins un axe de réflexion (KM, avec pour centre J), nous prendrons le 5e point A sur KM. AI' coupera alors OI en D. Pour que le pentagone ait un 2e axe de réflexion, disons I''D (avec pour centre N), il faut que l'on ait (N L A O) = - 1.

    Dans le repère (O, J, K, I), il en résulte (après quelques calculs très simples que je vous passe) que A aura pour coordonnées (X, Y, 1) avec X/Y = (3 - √5)/2. On en déduit alors, par quelques calculs supplémentaires, que le birapport (N B C A) vaut (1 + √5)/2 en valeur absolue, et si l'on suppose que la droite de l'infini passe par N, alors ce birapport se réduit au rapport AB/BC.

    Vous voyez, c'est aussi simple que ça... deux axes de symétrie, et on a le nombre d'or, comme birapport de quatre points bien choisis.

    Pas besoin de considérations métriques ni rien... nous avons officiellement "réintégré" le dit nombre d'or dans la GP. Ces petites choses illuminent ma journée.

     

    NB. Une précision quand même (rappel au cas où) : le birapport de quatre points P1, P2, P3, P4, bien sûr, se calcule sur la base de leurs coordonnées homogènes selon la formule :

    (P1 P2 P3 P4) = (X3Y1 - X1Y3)(X4Y2 - X2Y4)/(X3Y2 - X2Y3)(X4Y1 - X1Y4)

    on peut aussi utiliser les coordonnées X, Z ou Y, Z à la place de X, Y, du moment qu'aucun des facteurs ne s'annule, car un birapport n'est pas censé valoir 0 ou l'infini (si les quatre points sont distincts). C'est plus élégant écrit à l'aide de déterminants, mais ça va plus vite comme ça... important quand même, car il ne faudrait surtout pas essayer, dans ce contexte, de calculer le birapport comme un rapport de rapports de "longueurs de segments" ou distances entre points, comme dans le plan euclidien... c'est évident quand on a l'habitude, mais il faut penser aux autres aussi...

     



    Le 26/02 par Dylan G.



    Bravo Lysandre, pour ce résultat, comme pour sa présentation très pédagogique! Même si vous le jugez simple, il me paraît d'utilité publique, particulièrement dans les affaires pythagoriciennes.

    La boucle est bouclée, d'une certaine façon. Je trouve que cela mérite une petite coupe de champagne.




     

    Le 26/02 par Raymond B.

     

    Merci, ça fait du bien en effet !

     

     

     

    Le 26/02 par Lysandre

     

    Eh bien, à votre santé ! J'espère que c'est un bon millésime :).







    DECOUVRIR LA GEOMETRIE PROJECTIVE AVEC LYSANDRE :



    BERESHIT

    OU LES PASSIONNANTES AVENTURES

    DU PLAN PROJECTIF ARGUESIEN

     

     

    POUR APPROFONDIR LE THEME DE LA DISCUSSION :

     

    PENTAGONE ET GEOMETRIE PROJECTIVE

    PAR LYSANDRE

     

     

     

     

    Ressources documentaires et crédits images :

    Yvo Jacquier : Etude géométrique du polyèdre de Dürer dans sa gravure Melencolia, chap. 2

    André Charpentier : L'oeuf du monde, pp 19-26

    Harold Scott MacDonald Coxeter : Self-dual configurations and regular graphs, Bulletin of the American Mathematical Society, n°56. 1950, pp 434-435

    Burkard Polster : A Geometrical Picture Book, Springer, 1998.

     

     

     


  •  

     

    LA NEF

     

     

     

    A la mémoire

     d'André CHARPENTIER

     disparu pendant que

     nous rédigions ces pages

     qui lui doivent tant

     



     

    Sommaire :

     

    Prologue

    PARTIE I : REMARQUES MATHEMATIQUES SUR LA NEF

    chapitre 1 : La hiérogamie

    chapitre 2 : La relation d'octave

    chapitre 3 : Dans le cercle

    chapitre 4 : Les nombres 99 et 9 au cœur du principe d'équilibre de la nef

    PARTIE II : LA NEF DANS LES TRADITIONS PYTHAGORICIENNE ET EGYPTIENNE

    chapitre 5 : Le nombre de Platon

    chapitre 6 : La chambre du roi

    Epilogue

     

     

     



     

    PROLOGUE 

     

     

     

    0.TRIANGLE AURIGENE ET TRIANGLE ISIAQUE : UNE HIEROGAMIE MATHEMATIQUE

     

     

     

    LA NEF - partie I

     

    Loin d'être des inconnus, les deux triangles rectangles dont il sera question dans cette étude ont fait l'objet d'une littérature aussi riche qu'ancienne, forte de multiples occurrences dans les traditions proprement pythagoriciennes ; à ceci près qu'ils ont, le plus souvent, été envisagés de manière séparée, sans que la nécessité de les considérer ensemble, comme formant un ensemble géométrique bien caractérisé, ait été explicitée.

     

    A. Le carré long (rectangle de 1x2), que sa diagonale décompose en un couple de triangles aurigènes jumeaux, est l'un des symboles majeurs de ce qu'il est convenu d'appeler la tradition pythagoricienne maçonnique. Au sein de la tradition templière, la peinture murale de Montsaunès atteste que ce même carré long était déjà identifié comme générateur du rectangle de Fibonacci, dont les côtés évoluent en fonction de la suite du même nom ; en précisant que la peinture de Montsaunès précède d'une soixantaine d'années la parution du Liber abbacci de Leonardo Fibonacci. De ces deux perspectives médiévales, la première, la templière, est plus spécialement d'ordre géométrique, tandis que la seconde, celle de Leonardo Fibonacci, est d'avantage d'ordre arithmétique ; mais l'une comme l'autre pouvaient se recommander d'autorités traditionnelles plus anciennes, comme la table des médiétés de Nicomaque de Gérase, dont la dixième médiété définit le principe général des suites auto-additives, dont relève la suite de Fibonacci.

     

    B. Le triangle isiaque de côtés (3, 4, 5) se recommande, quant à lui, d'un procès historique de première importance qui est celui de l'antiquité du théorème dit « de Pythagore », connu en toute certitude, autant des mathématiciens égyptiens que des babyloniens. La science moderne, sensible à ce problème historique qu'elle perçoit comme celui de ses origines, reconnaît habituellement à Pythagore le mérite d'avoir produit, ou bien une première généralisation, ou bien une première démonstration de ce théorème, qui l'aurait installé dans la lumière sécurisante et universelle de la science grecque.

     

    De fait, énoncer que le triplet (3, 4, 5) est le premier des triplets pythagoriciens, relève d'une pensée scientifique plus développée, abstraite, que celle dont témoignent les traditions plus anciennes, égyptiennes ou babyloniennes, relatives à l'arpentage d'un terrain, au moyen de « la corde à 13 noeuds ».

    Il n'y a pas lieu de tomber dans le pessimisme des historiens modernes, selon qui le savoir mathématique serait la conséquence du développement conjoint de « la société » et de « l'économie », en vertu de quoi nous devrions la découverte du théorème de Pythagore à des problèmes juridiques de mitoyenneté entre de gros propriétaires terriens, babyloniens et égyptiens. Car, de ce côté antique, nos connaissances nous permettent de supposer que la doctrine de la corde à 13 nœuds relevait, au minimum, d'une science des fondations de villes.

    La notion d'arpentage d'un terrain, et de mesure de la terre, n'était en effet, dans le monde ancien, pas du tout chose pratique et frivole, mais dérivait de ce qu'il est convenu d'appeler une architecture sacrée, régissant les rites de fondations de villes, de sanctuaires, de temples, de maisons, en fonction de l'idée d'une relation entre l'homme et l'univers.

    Reste que cette tradition ancienne insiste sur le triangle (3, 4, 5) comme ancrage, à la fois commencement et fin, mesure première et dernière de cette relation de l'homme au monde.

    Tandis que la formulation moderne, « pythagoricienne », insiste sur le fait que : « Ceci n'est qu'un début ». Ceci n'est que le départ d'une suite, d'une spirale, intéressante et remarquable en tous les points de son développement.

    Au cours de cette étude, nous verrons qu'il existe des explications naturelles à cet état de séparation entre les problèmes A. et B. , comme aussi au fait que, dans la tradition A soit plutôt favorisé le rectangle de 1x2, pouvant être envisagé indifféremment comme formé de 2 carrés atomiques de 1x1, ou de deux triangles aurigènes de (1, 2, rac5) ; tandis que dans la tradition B, la focalisation se fait sur le triangle.

    Reste que la démarche de notre étude, au rebours de cet état de choses, sera de montrer qu'il existe une relation mathématique profonde, qualifiée ici de hiérogamie mathématique, entre le triangle aurigène et le triangle isiaque.

     

    La première partie de cette étude consistera en une suite de 27 remarques mathématiques, dans lesquelles nous examinerons toutes les modalités de ce mariage, et au fil desquelles nous verrons se préciser la fonction respective de chacun des triangles, dans cette hiérogamie. Nous verrons que le triangle aurigène assume le rôle de principe animateur, et la fonction du centre, tandis que le triangle isiaque endosse le rôle de principe récepteur, et la fonction du champ.

     

    Le concept de hiérogamie suppose qu'un couple de dieux ou de symboles quelconque est fécond, en ce sens que leur union produit un troisième, plus riche, plus fort et plus « complet » que le couple « parental » dont il est issu

    Dans la seconde partie de cette étude, nous nous mettrons en quête de l'idéologie, à la fois mathématique et cosmologique, à laquelle ces deux principes étaient associées dans certaines traditions de l'antiquité ; et notre attention se portera, de façon toute particulière, sur les traditions pythagoricienne et égyptienne. En filigrane, le lecteur sera invité à prendre au sérieux le principe d'une enquête sur « la formation égyptienne de Pythagore ». Les vies mythiques de Pythagore lui prêtent d'avoir séjourné 20 ans en Egypte, auprès des prêtres de Memphis et Diospolis ; une critique moins enthousiaste admet qu'il ait pu recueillir, au cours de ses pérégrinations, un savoir mathématique égyptien ; et la situation exceptionnelle de Plutarque permet de se rendre compte que, plus de six siècles après Pythagore, la comparaison des mathématiques pythagoriciennes et égyptiennes était encore considérée comme une démarche naturelle.

    Au terme de cette enquête, les caractères mathématiques associés dans la première partie à chacun des triangles pourront être ressaisis sous la forme de fonctions universelles, qu'on qualifiera respectivement de « fonction endocosmologique » et « fonction exocosmologique ».

     

     

    *

     

    Nous sommes loin de la prétention d'avoir fait, sur la nef, les remarques les plus intéressantes ; d'autant qu'il peut y avoir dans cet exercice quelque caractère de nouveauté ; et nous ne nous dissimulons pas le côté un peu rébarbatif que peuvent avoir de tels exposés mathématiques, pour qui n'est pas passionné de choses pythagoriciennes. C'est la raison pour laquelle nous avons ménagé au lecteur deux entrées séparées, pour l'enquête mathématique et l'enquête traditionnelle, en nous efforçant que chacune puisse se lire de façon indépendante. Le lecteur peu friand de mathématiques pourra se contenter de survoler la première partie, ou de lire les énoncés en capitales qui en résument le contenu.

     

     

     



     

     

    PARTIE I : REMARQUES MATHEMATIQUES SUR LA NEF

     

     

     

     

    CHAPITRE 1 : LA HIEROGAMIE

     

     

     

    1. LA NEF SE DECOMPOSE EN UNE CARENE ET UNE VOILURE.

     

    La nef est une structure qui réunit le triangle isiaque (3,4,5), prototype de l'ensemble des triplets pythagoriciens, solutions entières du théorème de Pythagore, avec le triangle (1, 2, racine 5), générateur du nombre d'or.

    La partie extérieure de la structure, en forme de U, est appelée carène. C'est une tétractys, mais elle est composée de 10 segments, au lieu de dix points.

    LA NEF - partie I

    Nous voyons en effet que, du point de vue arithmétique, rien ne nous interdit de remplacer les 10 segments qui parcourent cette carène par 10 disques – analogues à ceux de la tétractys - dont les diamètres seraient identiques à ces segments. Cette représentation, toutefois, ne serait pas complètement satisfaisante pour l'esprit, puisque certains disques seraient amenés à se chevaucher, alors que les segments ne montrent aucune espèce de recouvrement.

    En outre, si nous nous arrêtions là, notre tétractys ne serait pas terminée, au sens mathématique puisque, si les séparations entre les nombres 1 et 2, d'une part, et 3 et 4, d'autre part, sont bien marquées par la forme même de la structure, (précisément, aux endroits-mêmes où des disques se chevauchent) la division entre les nombres 2 et 3, elle, n'est pas encore précisée. Pour pallier ce manque, la carène est donc dotée d'une structure en V appelée voilure.

     

     

    LA NEF - partie I

     

     

     

     

     

     

    2. LA CARENE PEUT ETRE VUE COMME UN PROCESSUS DE CROISSANCE TETRACTYQUE, SE DEVELOPPANT DE GAUCHE A DROITE ENTRE DEUX BORNES.

     

    LA NEF - partie I

    Dans cette représentation, les axes verticaux soutenant les nombres 1 et 4 correspondent à des états de plénitude ; tandis que l'axe horizontal correspond lui, davantage même qu'à la notion d'état, aux idées de d'opération et de médiation entre deux états.

    Si on associe les nombres 1 à 4 aux objets monadiques qui leur correspondent – point, segment, disque, boule - ces distinctions s'explicitent très bien. Le point et la boule correspondent bien en effet à deux états analogues de plénitude, le premier, à la plénitude infinie ou puissancielle, et la seconde, à une plénitude partiellement reconstituée, relativement en tous cas à ces formes intermédiaires que sont le segment et le disque.

     

    LA NEF - partie I

    Comme il est naturel, le passage du nombre 1 au nombre 2, qui correspond à une perte de plénitude, s'effectue par une descente, tandis que le passage de 3 à 4, qui correspond au recouvrement de la plénitude, s'effectue par une remontée.

    Dans son ouvrage La grande Triade, qui peut être lu comme une vaste méditation pythagoricienne sur le losange associé à la vesica piscis, René Guénon assigne, de la même manière, les nombres 1 et 4 à l'axe vertical, et les nombres 2 et 3 à l'axe horizontal.

     

    LA NEF - partie I

    Dans cette conception, on admet que les positions 1 et 4, soumises au principe de verticalité, correspondent aux bornes d'un processus ; tandis que les positions 2 et 3 correspondent à l'accomplissement, à la réalisation concrète de ce même processus.

    Dans cette structure, les segments de valeur 1, 2, 3, 4, qui composent la carène, sont l'image de la complétude de la décade et de la tétractys ; tandis que les nombres racine 5 et 5 qui viennent les couronner symbolisent, à la fois la « quinte essence », et le passage de la puissance à l'acte.



     

    3. LA CARENE PEUT ETRE PARAMETREE PAR UN LOGOGRAMME RESULTANT DE LA DIFFUSION DE POINTS DANS UN QUADRILLAGE ORTHOGONAL.

     

     

    LA NEF - partie I

     

    La diffusion de points « activateurs » dans un quadrillage orthogonal régulier et vièrge est un paradigme suffisant pour représenter l'ensemble complet des triplets pythagoriciens, puisqu'il permet de paramétrer les cathètes de ces triangles, dont les hypoténuses sont dépendantes. Toutefois, la famille impliquée par ce paradigme est plus large que celle des triplets, puisqu'elle accueille aussi des triangles tels que le triangle aurigène.

    Pour nous, cette représentation a l'avantage de faire converger deux thèmes pythagoriciens caractéristiques : celui du point arithmo-géométrique symbolisant l'unité-position, ou la monade, et qui peut valablement être représenté par un petit disque, comme dans la tétractys, et celui du triangle rectangle et du théorème de Pythagore.

    Dans notre cas, ces points pourront être les centres des petits carrés adjacents aux segments-unités qui composent les cathètes, mais il pourront tout aussi valablement être des disques envahissant maximalement la surface de ces mêmes carrés – sans que l'on ait à craindre, cette fois, un chevauchement entre ces disques

    Dans cette conception, la « substance » des triangles rectangles pourra donc être représentée par quelque chose qui leur est en somme extérieur : à savoir les petits carrés adjacents aux segments-unités, et les grands carrés adjacents aux côtés des triangles, les relations entre ces petits et grands carrés étant réglées, comme on sait, par la loi du gnomon.

    Pour nous, cette représentation présente un double avantage ; elle permet, d'une part, de reconduire les triangles rectangles à un principe monadologique semblable à celui des petits disques de la tétractys ; d'autre part, de soumettre tout triangle rectangle à un principe de carénage qui associe à ses cathètes, non seulement les grands et les petits carrés qui leur sont adjacents, mais aussi les cubes que l'on peut définir à partir de ces carrés ; les uns comme les autres se soumettant à la norme du gnomon.

     

     

     

     

    4. LA NEF EST LE LIEU D'UNE TRIPLE RELATION MIROIR.

     

     

    Le concept de hiérogamie implique qu'un couple de principes est fécond, du fait que son union produit quelque chose de plus que la simple addition de ses parties. Un tel couple est fécond parce qu'il forme un tout, une nouvelle unité dans laquelle ces parties se dissolvent, perdent leur autonomie antérieure. Pour que cette opération se produise, il faut qu'il existe entre les deux membres du couple certaines relations de réflexivité, qui font que chacun est un miroir pour l'autre, ou que chacun présente à l'autre une image de l'unité supérieure dont ils procèdent.

    Notre concept de hiérogamie mathématique enveloppe, on l'aura compris, plus de réquisitions qu'une simple relation de symétrie ; et la présence d'une symétrie, même comprise au sens universel de commensurabilité, entre deux divisions d'une structure, ne suffira donc pas à parler de hiérogamie.

    Une hiérogamie est bien plutôt un dispositif dans lequel tombent, de façon organique et profuse, un ensemble bien lié de symétries qui traversent la structure en tous sens.

    S'agissant d'une figure plane, il existe quatre modalités principales suivent lesquelles des divisions d'une structure quelconque peuvent se marier, et qui sont :

    1. Le haut avec le bas

    2. Le dedans avec le dehors

    3. La droite avec la gauche

    4. La partie avec le tout

     

    Ces dimensions de la hiérogamie pourraient être illustrés par des exemples nombreux de symboles, empruntées à maintes traditions ésotériques.

    Nous allons voir que la structure de la nef est concernée par l'ensemble de ces relations, à cette nuance près que les dimensions 1 et 2 se présentent en elle de façon indiscernable, dans une situation relevant du choix.

     

    • La carène se mire dans la voilure.

      En tant qu'elle est posée sur la carène, la voilure peut être vue comme une structure supérieure, relativement à cette base inférieure ; en tant que ses points sont en moyenne plus proches du centre de la structure, elle peut être vue comme une structure intérieure, relativement à la carène plus extérieure. Et il est possible de combiner ces rapports dans des bi-relations telles que : intérieur-haut (la voilure) et extérieur-bas (la carène) qui communiquent les relations topologiques réciproques de ces deux éléments, relativement au centre géométrique de la structure. 

    • La gauche se mire dans la droite – ou le triangle aurigène se mire dans le triangle isiaque, et réciproquement

    • Le tout de la Nef se mire dans chacune des parties qui le composent – on peut donc reconstruire l'ensemble de la nef à partir d'un seul des triangles.

     

    C'est à l'examen de ces trois formes de réflexivité que seront consacrées nos prochaines remarques.

     

     



     

    5. LES VALEURS DE LA CARENE SE REFLETENT DANS CELLES DE LA VOILURE

     

     

    On relève, d'abord, cette singularité numérique, que la somme des chiffres de la voilure est égale à celle des chiffres de la carène 5+5 = 1+2+3+4 = 10

     

    Autrement dit, « l'extérieur se mire dans l 'intérieur », ou « le bas dans le haut »

     

    Mais la particularité de cette égalité entre sommes numérales est qu'elle se greffe sur une égalité géométrique entre sommes vectorielles. En effet, si on considère tous les segments associés à ces nombres comme des vecteurs, alors, en vertu de la relation de Challes, la somme des vecteurs a+b+c+d est bien égale à la somme des vecteurs e+f, puisque les points de départ et d'arrivée sont identiques.

     

     

    LA NEF - partie I

     


    La carène est constituée des cathètes des triangles, la voilure des hypoténuses. Notre remarque « la carène se reflète dans la voilure » peut donc se comprendre comme la mise au singulier d'une expression au pluriel qui serait « les cathètes se reflètent dans les hypoténuses », proposition qui, sous cette forme, fera évidemment penser au théorème de Pythagore.

    S'agissant de triangles rectangles, la présence du théorème de Pythagore n'a rien de surprenant ; toutefois, nous verrons dans cette étude que la nef est une structure au sein de laquelle s'expriment des propriétés dérivées de la relation de Pythagore, d'un type particulier, qu'on pourra qualifier de magiques, ou de numérologiques.

    La nef est, en outre, une situation dans laquelle une carène formée de dix segments est mise en rapport avec deux autres, qui représentent quant à eux deux modalités du nombre 5 – l'une microcosmique, la racine, l'autre macrocosmique, l'entier. Nous aurons, en son lieu, l'occasion de constater qu'il existe une parenté mathématique substantielle entre le système des hypoténuses de la Nef, et le symbolisme du nombre 515, dans lequel la décade 10 occupe la place de pivot ou de moyen terme entre le macrocosme 500 et le microcosme 5.

     

     

     

     

     

    6. LA VOILURE DE LA NEF EST UNE DUALITE AU SEIN DE LAQUELLE LA RACINE 5 SE MIRE DANS L'ENTIER 5.

     

     

     

    LA NEF - partie I

    On voit que, dans la nef,  la zone intermédiaire entre les nombres 1 et 4, considérés comme bornes d'un processus, est toute entière gouvernée par le nombre 5.

    Tandis que la base horizontale inférieure de longueur 2+3 peut être envisagée comme exprimant ce processus lui-même, en cours de réalisation, les deux branches de la structure en V jouent l'une pour l'autre le rôle de miroir, où, à gauche, le nombre 5 se présente à l'état de puissanciation, tandis qu'à droite, il s'affirme à l'état d'entier réalisé, mais aussi en tant que retour, ou reproduction de la valeur de la base.

    La médiation entre les nombres 1 et 4, considérés comme bornes de la création, se présente donc ici de diverses manières comme une quinte essence, venant coiffer, ou couronner, les essences premières portées par la tétractys.

     

     

     

     

     

    7. LA NEF EST PORTEUSE DE DIX SEGMENTS OU RAYONS, QUI SONT LES COUPLES FORMES PAR LES CINQ PREMIERS NOMBRES ET LEURS RACINES

     

     

    Les grandeurs racine 5 et 5, qui forment la voilure de la nef, ne forment pas seulement un couple d'individus mathématiques se regardant l'un l'autre, car chacun d'eux se présente comme l'aboutissement, la conclusion d'un processus de construction complet, impliquant la récapitulation de ses étapes précédentes.

    En effet, la nef est coextensive à la définition de 10 segments, correspondant à 10 grandeurs ordonnées, au sein d'une relation de dualité généralisée, où le triangle aurigène est porteur des racines des 5 premiers nombres, dont les valeurs entières sont portées, quant à elles, par le triangle isiaque.

     

     LA NEF - partie I

     

    Remarquons une différence. Alors que le triangle isiaque contient les 5 grandeurs en son sein, pour le triangle aurigène, on doit passer par la médiation du carré long et de sa vesica piscis associée pour développer la racine de 3.

    Les trois cercles nécessaires à la construction ont le même diamètre : 2

    On peut remarquer que les dix grandeurs se regroupent tétractyquement, selon certains ensembles naturels :

     

    racine 3                                  grand axe de la vesica piscis

    1, 2                                        le cercle unité

    3, 4, 5                                    le triangle isiaque

    rac1, rac2, rac4, rac5            « fibrent » le triangle aurigène

     

    Alors que le triangle isiaque porte en lui le principe d'un escalier de 5 marches en progression arithmétique, le triangle aurigène, quant à lui, porte en lui les grandeurs qui correspondent aux 5 premières hypoténuses de la spirale de Théodore ; et l'on remarquera que ce seuil de 5 coïncide avec la première clôture gnomonique de ladite spirale, correspondant au quatrième triangle. Ce micro ensemble théodorien est donc, relativement à la spirale habituelle, dans la même relation qu'un carré gnomonique de rang 2, à l'égard d'un carré gnomonique de rang 4 ; et le statut de bord que possède, dans ce micro système, la racine de 5, répond exactement à celui de la racine 17, pour la spirale classique.

     

    LA NEF - partie I

     

    Mais il faut encore noter que ces deux limites, les racines 5 et 17, entretiennent une relation encore plus évidente. En effet, si l'on compare les aires des deux triangles que ces grandeurs délimitent, le quatrième et le seizième donc, dans l'ordre de la spirale, on s'aperçoit que ces triangles sont dans le rapport d'octave ½

     

     

    LA NEF - partie I

     

     

     

     

    8. CETTE DUALITE A POUR CONSEQUENCE QUE CHACUN DES TRIANGLES EST PORTEUR, A LUI SEUL, DE L'ENSEMBLE DE LA STRUCTURE DE LA CARENE

     

     

    Pour le triangle isiaque, on voit qu'il suffit de faire translater vers la gauche du registre les deux grandeurs associées au développement du cercle inscrit, pour reconstituer l'ensemble de la carène. On complète cette carène en n'utilisant que des éléments de la structure interne du triangle isiaque.

     

    LA NEF - partie I

     

    Du côté du triangle aurigène, la façon la plus simple d'exprimer la décadicité de ce triangle est de développer ses carrés adjacents de valeurs respectives 1, 4 et 5

    On s'aperçoit alors qu'on peut produire ces carrés en reconditionnant simplement les dix petits carrés adjacents à la carène.

     

    LA NEF - partie I

     

    Et réciproquement, les blocs a, b et c, formant les côtés de la carène, peuvent être obtenus en reconditionnant les carrés a', b', c', qui bordent les côtés du triangle aurigène. Autrement dit : la partie, le triangle aurigène, contient le tout, la carène de la nef, en mode puissanciel.

    Le fait de modifier "l'écriture" du triangle aurigène (1,2, racine 5), en exprimant tout en racines, (racine 1, racine 4, racine 5) permet de montrer que les trois côtés du triangle aurigène sont simplement les racines des trois côtés qui forment la carène.

    Les cathètes du triangle aurigène pourront donc, avantageusement, être paramétrées de deux manières différentes : un paramétrage interne sous forme de racines carrées, et un paramètrage externe sous la forme de l'entier, qui marque son appartenance comme partie, à la structure entière de la nef.

    On a vu dans la précédente remarque que le triangle aurigène était en relation d'octave avec le triangle Théodore 16 pour l'aire ; nous allons voir, dans la prochaine, qu'il est en relation d'octave avec le triangle isiaque pour l'angle, - situation d'intersection que l'on pourra caractériser comme une situation de nouage labdaïque.

     

                                          Aurigène..........................................................Unisson

     

                   (relation d'aire)              (relation d'angle)

     

    Théodore 16                                                   Isiaque ….......................Octave

     

     

     

     

     

    CHAPITRE II : LA RELATION D'OCTAVE


     

     

    9. ON DEMONTRE, PAR LA TRIGONOMETRIE CLASSIQUE, QUE LES ANGLES DE LA VOILURE SONT EN RELATION D'OCTAVE

     

     

    Pour que les angles de la voilure soient en relation d'octave, il faut, par hypothèse, que :

     

    arctan(4/3) = 2 fois arctan(½)

     

    Pour l'angle du triangle isiaque, on a les valeurs :

    36.87261353367°

    53.1340159914°

    Qui correspondent respectivement à arctan(3/4) et arctan(4/3)

    Ces deux valeurs se proportionnent suivant la formule :

     

     

    LA NEF - partie I

     

     

    où π/2 = 90°

     

    La même formule s'applique au calcul de l'angle du triangle aurigène, pour lequel on a les valeurs :

    arctan(1/2) = 26.5670079957°

    arctan (2/1) = 63.43962152937°

    La relation d'octave entre les angles des deux triangles peut être prouvée au moyen de la formule :

     

    LA NEF - partie I

     

    On utilise la seconde formule, différentielle, en entrant nos formules selon le schéma de la nef.

     

    1 — 4

    2 — 3

     

    arctan (1/2) — arctan (4/3) = arctan ( (1/2 - 4/3) ÷ 10/6 )  = arctan (-1/2) = - arctan (1/2)

    d'où 2.arctan (1/2) = arctan (4/3)

     

    *

     

    Quand on cherche à voir in abstracto comment cette formule différentielle pourrait aboutir à cette octave, on cherche en fait à ce que : 

    (x + y) / (1 - x.y) = - x

    ce qui mène à une équation quadratique en X :

    y.X² - 2.X - y = 0

    La solution donne X = [ 1 + √(1+y²) ] / y

    Une première condition pour que cela se simplifie est que 1+y² soit un carré fractionnaire parfait.

    Ce qui est le cas avec y = 4/3

    Car alors 1+16/9 = 25/9 = (5/3)²

     

    Si y = p/q

    alors 1+y² = ( q² + p² ) / q² 

    Il faut donc que le numérateur et le dénominateur de y soient liés suivant le lien sacré : que q² + p² soit un carré parfait

     

     

     

     

     

    10. LA RELATION D'OCTAVE COMMANDE UN TRIPLET PYTHAGORICIEN

     

     

    Notre cas y = 4/3 correspond en fait au triplet isiaque.

    Jusque là nous avons raisonné en conditions nécessaires. Si on trouve un triplet pythagoricien, on doit aboutir à un X fractionnaire, qui est effectivement suffisant. Il se trouve que pour le triangle isiaque, cet X fractionnaire se simplifie bien :

    X = (8/3) / (4/3) = 2

    Essayons à présent avec le triplet (5, 12, 13)

    On a donc y = 12/5 et 1+y² = (13/5)²

    donc X = [ 1 + √(1+y²) ] / y = 18/12 = 3/2

    Si le triplet est (A, B, C)

    on aura X = (A+C) / B

    par exemple avec (3, 4, 5) : X = (3+5)/4 = 2

    Avec (5, 12, 13) : X = (5 + 13) / 12 = 3/2

    Pour récapituler : le triplet (A, B, C) génère le couple { y = B/A , x = (A+C) / B } en relation arctan-octavique.

     

     

     

     

    11. A CHAQUE TRIPLET PYTHAGORICIEN PREMIER EST ASSOCIE UN LOGOS PREMIER

     

     

    Voici la liste des 16 triplets primitifs dont tous les termes sont inférieurs à 100. Si on applique la moyenne A + C / B, on trouve :

     

    (3, 4, 5) —— 2:1

    (5, 12, 13) —— 3:2

    (8, 15, 17) —— 5:3

    (7, 24, 25) —— 4:3

    (20, 21, 29) —— 7:3

    (9, 40, 41) —— 5:4

    (12, 35, 37) —— 7:5

    (28, 45, 53) —— 9:5

     (11, 60, 61) —— 6:5

    (16, 63, 65) —— 9:7

    (33, 56, 65) —— 7:4

    (48, 55, 73) —— 11:5

    (13, 84, 85) —— 7:6

    (36, 77, 85) —— 11:7

    (39, 80, 89) —— 8:5

    (65, 72, 97) —— 9:4

     

    Si on poursuit un peu plus loin, pour voir les 16 autres et aller jusqu'à 200 :

     

    (20, 99, 101) —— 11:9

    (60, 91, 109) —— 13:7

    (15, 112, 113) —— 8:7

    (44, 117, 125) —— 13:9

    (88, 105, 137) —— 15:7

    (17, 144, 145) —— 9:8

    (24, 143, 145) —— 13:11

    (51, 140, 149) —— 10:7

    (85, 132, 157) —— 11:6

    (119, 120, 169) —— 12:5

    (52, 165, 173) —— 15:11

    (19, 180, 181) —— 10:9

    (57, 176, 185) —— 11:8

    (104, 153, 185) —— 17:9

    (95, 168, 193) —— 12:7

    (28, 195, 197) —— 15:13

     

    On remarque deux rapports ultra-décadiques dans le premier groupe, et deux rapports intra-décadiques dans le second groupe, en particulier le triplet (17, 144, 145) qui donne le ton 9:8

    Cette organisation générale, qui met en regard des triplets pythagoriciens, un logos, une fraction qui est leur moyenne, possède une analogie évidente avec la structure des médiétés.

    Réciproquement, il est remarquable que seul le triplet-racine (3, 4, 5) donne un rapport B/A relativement simple = 4/3. Pour tous les autres triplets, ce rapport est déjà outre-décadique.

    On peut trouver étonnant que le sous-ensemble pythagoricien des triplets premiers puisse suffire à produire une base, propre à générer tous les logoï. A priori, la condition rectangulaire ne pourrait-elle "laisser des trous"?

    On remarque en outre que :

    (B+C) / A génère des entiers

    tandis que

    (A+B) / C est une fraction irréductible

     

     

     

     

    12. LA RELATION D'OCTAVE DANS LES ANGLES DE LA VOILURE SE DEMONTRE AUSSI PAR LA TRIGONOMETRIE RATIONNELLE

     

     

    La trigonométrie rationnelle fournit un moyen de prouver le loi d'octave dans la nef, sans utiliser ces arctan qui peut déranger par son caractère excessivement abstrait.

     

    La trigonométrie rationnelle est une reformulation de la trigonométrie classique et de ses fonctions transcendantes sinus et cosinus. Plutôt que les distances et les angles, cette géométrie utilise la quadrance et le spread. La connexion avec les concepts de la trigonométrie classique se fait par les relations :

     

    • La quadrance = distance au carré

    • Le spread = sin(angle) au carré.

     

    Le spread entre deux faces des solides réguliers est un nombre rationnel, et leur inverse est musical :

    • 1 = unisson

    • 9/8 = ton

    • 9/4 = 9/8 = ton

    • 5/4 = tierce

     

    LA NEF - partie I

     

     Indépendamment de leur équivalence avec les concepts de la trigonométrie classique, les concepts de la trigonométrie rationnelle possèdent des applications naturelles qui leur sont propres, et semble-t-il, de portée plus puissante. Notamment, le spread mesure l'écartement entre deux droites, depuis le rapport parallèle (0) jusqu'au rapport perpendiculaire (1), indépendamment du "quadrant" choisi.

    LA NEF - partie I

     

    Dans le cas qui nous intéresse, le spread correspondant à 30° = 1/4, 45° = 1/2, 60° = 3/4.

    On voit donc que dans cette perspective quadratique, 30° + 30° = 60° mais 1/4 + 1/4 = 1/2

    Dans cette approche, on devine que le théorème de Pythagore devient encore plus simple.

     

    LA NEF - partie I

    La définition ci-dessus permet de dire que, pour le triangle aurigène : s = 1/5.

    Et pour le triangle isiaque, s = 16/25.

    Une formule de base dit que r = 4s(1-s).

     

    LA NEF - partie I

     

    Appliqué à la nef :

    4s(1-s) = 4.1/5.4/5 = 16/25

    Ce qui prouve que l'angle du triangle isiaque est double de l'angle du triangle aurigène.

     

     

     

     

     

    13. LA STRUCTURE DE LA NEF MET EN EVIDENCE UN RAPPORT DE GEMELLITE ENTRE LE RAPPORT D'OCTAVE ET LE NOMBRE D'OR.

     

     

     

    La formule (A+B)/C par laquelle on génère les logoï associés aux triplets pythagoriciens, si on l'applique au triangle aurigène, engendre le nombre d'or. On peut donc dire que le logos phi se présente comme un cousin des logoi naturels générés par les triplets, au sein d'un famille plus large.

     

     

    LA NEF - partie I

    (a+c)/b = 2/1

    (a'+c')/b' = Φ

     

    Quant aux logoi générés par les triplets, ils se signalent, avant tout, par leur caractère de primarité ; on peut donc les voir comme des parents des nombres premiers, avec les caractéristiques que cela suppose, comme l'impossibilité de récurrence d'un logos dans la suite générée par nos triplets, et donc un principe de création continue.

    La nef est donc une structure qui fait correspondre au logos 2/1 du triangle isiaque, le logos phi du triangle aurigène ; logoï qu'elle nous présente dans un rapport de gémellité.

     

     



     

    14. LES AIRES DES TRIANGLES DE LA NEF SONT EN RELATION « SOLAIRE » 1/6

     

     

    L'aire du triangle aurigène est égale à 1 ; c'est à dire qu'elle est égale au petit carré insécable de surface 1 qui est l'unité atomique du système. L'aire du triangle isiaque étant égale 6, la surface totale de la nef vaut 7.

    Cette relation pourra faire penser à la structure des pavages hexagonaux, dans lesquels un élément (un hexagone, ou un cercle) est entouré de six autres ; en considération de quoi le triangle aurigène pourra nous apparaître une nouvelle fois comme "intérieur", par rapport à un triangle isiaque "extérieur".

    Les deux triangles (qui comme on le sait, sont des demi-rectangles) ont la propriété que leur aire respective peut « à nouveau » être formulée sous la forme d'un rectangle.

     

    On a vu que l'aire du triangle aurigène était égale à celle d'un carré atomique de côtés 1x1 (un carré étant un cas particulier de rectangle). Tandis que l'aire du triangle isiaque est égale, quant à elle à celle d'un rectangle de 2x3 = 6 ; autrement dit, elle se compose de 6 petits carrés du type qu'on vient de définir.

     

    LA NEF - partie I

    Mais de la même manière que les aires des triangles de la nef peuvent être « converties » en des aires équivalentes de quadrilatères, on voit qu'elles pourraient l'être au moyen de disques atomiques de diamètre 1 remplissant les petits carrés dont ces quadrilatères se composent, dont les rapports mutuels de quantité et de surface seront toujours proportionnels à ceux de ces carrés.

    Le rapport des aires des triangles de la nef, correspondra alors au rapport d'un disque à une constellation de 6 disques disposés autour de lui de la manière suivante :

     

    LA NEF - partie I

    Les deux système d'équivalence sont d'une égale légitimité arithmétique ; toutefois, le système fondé sur des cellules discoïdales fait apparaître un rapport de complémentarité plus parfait entre les aires des triangles : puisque celles-ci correspondent alors, respectivement, au cœur et à la couronne d'un système cellulaire hexagonal.

     





     

    CHAPITRE III : DANS LE CERLE

     




     

    15. SI L'ON CONSIDERE, NON PLUS LES TRIANGLES DE LA NEF, MAIS LES RECTANGLES FORMES DE DEUX TRIANGLES JUMEAUX, LA RELATION SOLAIRE 1/6 S'EXPRIME PAR UN SYSTEME DE PAVAGE PROGRESSIF DU PLAN, OU LE CARRE LONG EST L'ELEMENT ATOMIQUE DONT EST CONSTITUE LE RECTANGLE ISIAQUE.

     

    Le mariage se poursuit à la deuxième génération, où l'on considère, non plus des triangles, mais des rectangles, les rectangles 1x2 et 3x4, générés par nos triangles primitifs.  

     

    LA NEF - partie I

    On observe en effet une relation très simple entre ces rectangles : on peut construire un rectangle isiaque à partir d'un "coeur" aurigène, par un pavage en spirale continu. Le rectangle isiaque correspond à la première "clôture", au premier tour de spirale.  On peut penser ici au symbole du G maçonnique.

     

    LA NEF - partie I

    Le rectangle abcd formé de 6 rectangles aurigènes, est isiaque. Le ratio 1/6 qui s'exprimait en extériorité dans la nef triangulaire, se présente ici comme un rapport endomorphique, dans lequel l'un des termes est une partie de l'autre.

    La spirale se prolonge à l'infini. De ce fait, les hypoténuses racine 5 et 5, correspondant aux deux premiers rectangles, apparaissent comme les 2 premiers termes d'une série infinie, dont les suivants sont racine 61 et racine 113, suite formée, suivant le théorème de Pythagore, par les racines des sommes des carrés des paires d'entiers consécutifs (impair, pair).

     

    LA NEF - partie I

     

    Le passage du triangle au rectangle, par duplirotation, ou son dédoublement en en couple de jumeaux, est intrinsèquement lié au fait d'inscrire le triangle dans un cercle, puisque, mathématiquement, l'opération revient à interpréter l'hypoténuse du triangle comme le diamètre d'un cercle - comme nous le verrons plus en détail dans la prochaine remarque, avec Lima De Freitas. La suite des hypoténuses générées par la progression du pavage en spirale, peut donc également être vue comme une suite de cercles concentriques, générés depuis le premier, de diamètre racine 5.

     

    LA NEF - partie I

     

    Si l'on considère les deux premiers rectangles comme formant un ensemble fermé, on remarque que le carré long se manifeste sous la forme d'un complexe de fonctions « initier, centrer, paramétrer » ; tandis que le rectangle isiaque se présente sous la forme d'un complexe « développer, cadrer, périmétrer ».

    On pourrait estimer qu'il y a « retour » de la forme rectangulaire dès l'étape 3 du pavage ; néanmoins le trajet accompli n'a encore que la forme d'un U ; et c'est seulement à l'étape 6 qu'est perceptible une clôture ayant la valeur d'un recommencement logique, d'un tour complet de spirale correspondant à « l'obtention d'un niveau supérieur ».

    Du point de vue de l'évolution du rectangle, le point de départ est l'octave (carré long de 1x2); tandis que la limite vers laquelle tend la suite est l'unisson (carré de rapport 1x1). Ce qui pourrait constituer une explication simple de l'appellation paradoxale "carré long".

    Si l'on regarde l'évolution de la surface du rectangle, mesurée en carrés longs, on trouve la suite : 1, 6, 15, 28....   soit la série des nombres hexagonaux, qui sont les nombres triangulaires de raison impaire.

    On peut se demander si l'hypoténuse racine 25 du triangle isiaque est la seule à valeur entière (5), ou s'il en existe d'autres, plus loin dans la série. Parmi les 16 premiers triplets pythagoriciens (a, b, c), il n'en existe aucun dans lequel a soit impair, et b égal à a+1, conditions requises pour qu'un triplet s'intègre dans la série. Plus loin, on rencontre le triplet (119, 120, 169) qui remplit les conditions requises, et dont on peut estimer qu'il constitue le second membre d'une famille.

    Famille réduite ! Sur cette page la section 3.2 The Two Legs are Consecutive. donne cette liste :

    3, 4, 5     20, 21, 29     119, 120, 169     696, 697, 985

    Mais surtout la manière de les générer. Et, pour commencer, le plus petit côté doit appartenir à cette suite : http://oeis.org/A001652

    0, 3, 20, 119, 696, 4059, 23660, 137903, 803760, etc...

    Si maintenant on ajoute la condition "plus petit côté impair", on aboutit à :

    Z = 3, 119, 4059, 137903, etc...

    Le triplet est donc de la forme : (z, z+1, y)

    avec y obéissant à la condition de Pythagore.

    Remarquons que le rapport entre membres de la fratrie se concentre dans l'intervalle (33, …, 34). En dehors du premier 119/3 qui est un peu « excentré », 4059/119, 137903/4059, et le suivant rentrent dans cette fourchette.

     

     

     

     

     

    16. UNE REMARQUE DE LIMA DE FREITAS SUR LE TRIANGLE ISIAQUE ET LE 515 RENVOIE PAR DEDUCTION AU TRIANGLE AURIGENE ; LES DEUX TRIANGLES ETANT, SOUS LE RAPPORT DU DEVELOPPEMENT DES CARRES ADJACENTS, DANS LA RELATION D'UN NOMBRE A SON CARRE

     

     

    Dans son étude sur le symbolisme du nombre 515, Lima de Freitas remarque que le cercle circonscrit au triangle isiaque permet exactement que se développe un second triangle isiaque, jumeau du premier - propriété commune à tous les triangles rectangles.

     

    LA NEF - partie I

     

    « Cette duplication, observe-t-il, entraîne la superposition des hypoténuses », ce qui convainc notre auteur de les additionner numérologiquement : 5+5 = 10 = 1+0 = 1

    De Freitas observe ensuite que si nous procédons à « la mise au carré des côtés 3 et 4 des triangles inscrits, nous obtenons le nombre 25 de chaque côté de l'hypoténuse commune. » Or : « l'extraction de la racine carrée de ces nombres 25, 1, 25 fournit 5, 1, 5, autrement dit, le chiffre de l'envoyé de Dieu. »

    Pour notre part, nous pensons qu'il est géométriquement plus juste d'interpréter la mise en rapport des deux hypoténuse, non pas comme un processus « additif », mais comme un rapport fractionnel ; ce qui du reste, ne change rien au résultat puisque 5/5 = 1

    L'intérêt de cette manière de voir est que, si l'on applique maintenant le raisonnement de De Freitas, non plus au triangle isiaque, mais au triangle aurigène, on obtient en lieu et place des valeurs 25, 1, 25, les valeurs 5, 1, 5 elles mêmes ; ce qui est bien naturel, puisque, du point de vue du développement des carrés adjacents, le triangle aurigène est précisément au triangle isiaque dans la relation d'un nombre à son carré.

    Pour être plus complète, cette remarque aurait dû évoquer, dans les pas de Lima De Freitas, le symbolisme du nombre 55, dixième nombre triangulaire et valeur secrète de la tétractys ; mais du fait de l'ampleur du sujet, nous ne pouvons qu'en renvoyer l'examen à une autre occasion.

     

     

     

    17. LA HIEROGAMIE DES TRIANGLES S'ILLUSTRE, DE DIVERSES MANIERES, PAR LES MODALITES DE LEUR INSCRIPTION COMBINEE DANS LE CERCLE

     

     

    Le triangle isiaque admet un cercle inscrit, dont le rayon et le diamètre correspondent aux cathètes de son compagnon naturel : le triangle aurigène.

     

    LA NEF - partie I

     

    Une construction due à Jain 108 accouple le triangle isiaque au triangle aurigène, mais cette fois dans le cercle circonscrit. Que ce soit par le « dedans » ou le « dehors », par le cercle inscrit ou le cercle circonscrit, le triangle isiaque rencontre « immédiatement » son compagnon aurigène, auquel il est structurellement lié.

     

    LA NEF - partie I

     

    En vision aérienne, les points d'incidence du triangle isiaque avec le cercle induisent une partition de ce dernier, que l'on peut exprimer de manière approximative par le rapport 2/3

    En effet, l'angle AÔC mesure environ 73°, c'est-à-dire environ 40/41% de 180°, soit une répartition 40/60 — c'est à dire 2/5 et 3/5, ratios dont résulte cette division quasi-décadique du cercle.

     

    LA NEF - partie I

     

    En développant le dessin de Jain 108, on peut aussi envisager une construction qui combine les 2 constructions, avec les cercles inscrit et circonscrit :

     

    LA NEF - partie I

     

    Pour reprendre les choses en vue aérienne, cette construction revient à « tétractyser » le cercle ; et, par ce biais, à le raccorder au « schéma » de la nef, en tant que construction qui distingue au sein de la tétrade deux groupes 1-4 & 2-3. Le petit bitonio bleu indique le report au compas de la longueur 2, pour construire le 4, ce qui aboutit à faire apparaître le 1, en noir, à la suite de ce dernier.

     

    LA NEF - partie I

     

    En dernier lieu, il est possible d'ajuster ensemble le carré long et le rectangle isiaque dans un même cercle, de manière à ce qu'ils possèdent une diagonale en commun, qui dans notre dessin est la diagonale rouge.

     

    LA NEF - partie I

    La diagonale rouge vaut en effet rac5 en tant qu'elle appartient au carré long (en bleu), et 5 en tant qu'elle appartient au rectangle isiaque (en vert). C'est la voilure de la nef qui se trouve fusionnée ici en un seul objet, qui est le diamètre générateur du cercle. Pour exprimer cette conjonction nous distinguons les deux rectangles par deux normes différentes : romaine pour les valeurs du rectangle isiaque (III, IV, V) et arabe pour celles du carré long (1, 2, rac5).

    On remarquera à présent que le fait de « plonger » le carré long dans un rectangle isiaque a pour effet d'engendrer 3 nouveaux types de triangles aurigènes, différents du triangle primitif ODX dessiné en bleu. Ce sont, en ordre croissant :

    Un petit triangle MNX, dont le grand côté de l'angle droit est ajusté au petit côté d'un moyen triangle MDX, lui même ajusté, par son grand côté, au petit côté d'un grand triangle ODM.

    Ces trois triangles sont donc en proportion d'octave continue.

    On pourrait penser ici aux tabliers maçonniques, qui ressemblent à une enveloppe pliée, et qui représentent, nous semble-t-il, le grade de maître. Le signe du compagnon serait un triangle qui vient occuper un angle de l’enveloppe en la « diagonalisant ». Autrement dit, le compagnon raccorde « par les côtés » et le maître « par l’hypoténuse ».

     

    *

     

    Notons enfin que cette dernière figure est structurée par un chrisme.

    Au centre du dessin, en effet, se croisent chrismatiquement 3 diagonales de couleurs différentes, dont deux appartiennent en propre à chacun des rectangles, tandis que la troisième, la rouge, leur est commune.

    La ligne verticale possède la valeur de racine , de méridienne qui génère — via les deux triangles bleus jumeaux — la croix, ou carré oblong de saint André : les V

    Cette méridienne entre les V se lit par ailleurs « V √ V »

    La double nature du V semble impliquer la capacité de conversion de cette croix.

    Après la procession, le "bleu du ciel" s'évanouit, et il ne peut être retrouvé que par une sorte de mémoire.

    La mémoire que ce V est aussi √5 — régénérant la racine verticale en ascension.

     

     

     

     

     

    CHAPITRE IV :

     

    LES NOMBRES 99 ET 9 AU COEUR DU PRINCIPE D'EQUILIBRE DE LA NEF

     



     

     

     

    18. AUX NOMBRES 9 ET 11 SONT ASSOCIEES DES FONCTIONS LINGUISTIQUES QUI SONT RESPECTIVEMENT LA FONCTION ANAGRAMME ET LA FONCTION PALINDROME

     

     

    Les multiples des nombres 9 et 11, que l'on pourra regarder comme leurs descendants, sont associés à deux fonctions bien caractéristiques, en particulier parce qu'elles sont aussi des fonctions de langue.

    Au nombre 9 est associée la fonction qui veut que tout anagramme d'un multiple de 9, est aussi un multiple de 9. Les descendants du nombre 9 sont donc assujettis à une relation de cousinage étroit, qui veut qu'en mélangeant les chiffres dont ils se composent, on obtient toujours un cousin, c'est à dire un nombre qui est aussi un multiple de 9.

    Tout multiple de 9 appartient donc à un groupe familial étroit, formé de l'ensemble de ses anagrammes, mais aussi à l'ensemble universel des multiples de 9, dont il porte « la marque », le nom de famille pourrait-on dire. En effet, si on fait la somme des chiffres dont se compose un multiple de neuf, puis la somme des chiffres de cette somme, jusqu'à exhaustion du processus : on retombe immuablement sur le nombre 9. Cette fonction peut être associée à l'idée de conservation ; en ce sens que tous les descendants du nombre 9 sont « reconductibles » et en quelque sorte « solubles » dans la matrice dont ils sont issus.

    Au nombre 11 est associée une fonction palindrome, dont chacun connaît le principe d'application linguistique, mais qui, en mathématique, est susceptible de plusieurs définitions, comportant différents degrés de généralité.

    a) Selon une première définition, un nombre palindrome est un nombre qui est invariant lorsqu'on intervertit son premier chiffre avec le dernier, le deuxième avec l'avant dernier, et ainsi de suite, et s'il y a lieu, celui du milieu avec lui-même. Selon cette définition, les nombres 1 à 9 sont tous palindromes, et le premier nombre non palindrome est le nombre 10.

    b) Un palindrome généralisé est un nombre qui est palindrome selon la définition a) lorsqu'on l'a amputé de ses zéros terminaux. Selon cette définition, les nombres 10 et 110, par exemple, sont palindromes, et le premier nombre non-palindrome dans la suite des entiers est le nombre 12 – ce qui peut sembler naturel, si l'on remarque que ce nombre exprime formellement la dyade ou la différence pure.

    c) Enfin, on peut donner de la fonction palindrome une définition plus restrictive, selon laquelle, d'une part, ne sont pas reconnus comme palindromes les palindromes généralisés, d'autre part, ne sont reconnus comme palindromes que les nombres dans lesquels « un mouvement d'interversion a réellement eu lieu », ce qui exclut les nombres singletons de 1 à 9, pour lesquels ce mouvement est nul, voire inexistant. Selon cette définition restrictive, le premier nombre réellement palindrome est le nombre 11, et ses premiers successeurs ne sont autres que ses multiples, les nombres 22, 33, …, 99. C'est à cette définition restrictive que nous aurons recours dans les remarques suivantes.

    Nous pouvons d'ores et déjà relever une première différence entre les deux fonctions.

    La fonction anagramme, la fonction du 9, opère au sein d'une famille de nombre, qu'elle assujettit à un principe de communauté et d'unité, tandis que la fonction palindrome opère au sein d'un nombre particulier. Les deux fonctions peuvent être vues comme des principes de liaison, mais alors que la fonction anagramme concerne la liaison d'un nombre avec une famille, la fonction palindrome est une liaison qui s'opère au sein d'un nombre particulier, entre des parties de lui-même.

     

     

     

     

    19. LES DEUX FONCTIONS SONT DIALECTIQUEMENT LIEES

     

     

    Nous allons voir, à présent, qu'en dépit de cette différence, les deux fonctions sont intimement liées l'une à l'autre.

    Commençons par nous doter d'une définition de la fonction anagramme. Un anagramme est un nombre que l'on a obtenu en mélangeant les éléments d'un autre nombre. Ainsi se trouve pointée cette « relation à l'autre » qui caractérise la fonction.

    Il nous saute immédiatement aux yeux qu'un nombre palindrome, dans lequel on peut intervertir la moitié des éléments avec l'autre, n'est rien d'autre qu'un cas saturé de la fonction anagramme qui est « le mélange a effet nul ». La fonction palindrome peut donc, sous ce regard, être vue comme une sorte de « degré zéro » de la fonction anagramme.

    Mais voici maintenant autre chose.

    Si l'on prend un nombre quelconque de la famille des multiples de 9 (possédant autant d'anagrammes que de solutions de mélange entre ses éléments) et qu'on le soumet à une opération de duplirotation positionnelle, on engendre un nombre palindrome, qui, dans l'ensemble universel des multiples de 9, correspond à un groupe de cousins « deux fois plus gros » que ceux de la famille à laquelle appartenait le nombre de départ. De cette manière, par exemple, à partir du nombre 432, on engendre, par duplirotation, le nombre 432234, multiple de 9, et qui peut lui même être vu comme le représentant d'une nouvelle famille de nombres anagrammes les uns des autres, plus « spacieuse » que la première, et comprenant tous les mélanges possibles entre les éléments de ce nombre à six places, tels que : 223344, 443322, 234234, 432432, etc, etc.

    Ce principe de développement qui, à partir d'un multiple quelconque de 9, permet, par duplirotation, la création d'une famille anagrammatique plus spacieuse, est bien évidemment indéfini, puisqu'à partir du nombre 432234, on peut à nouveau engendrer, par duplirotation, le nombre 432234432234 qui pourra, à son tour, être vu comme le représentant d'une nouvelle famille anagrammatique.

    Notons que cette fonction de dédoublement n'est pas une fonction au sens vague dont nous avons fait usage jusqu'ici, suffisant pour caractériser une opération linguistique, mais une fonction mathématique au sens strict, puisqu'elle associe biunivoquement, à tout élément d'un ensemble de départ, un et un seul élément d'un ensemble d'arrivée. C'est à cette fonction que nous aurons recours tout-à-l'heure, dans l'analyse des pentagrammes pythagoriciens.

    Récapitulons. D'une part, un palindrome n'est qu'un anagramme à effet nul. D'autre part, le principe de duplirotation qui régit la structure interne d'un nombre palindrome, est, pour la famille des multiples de 9, un principe de déploiement et d'élargissement, qui permet, à partir de tout multiple de 9, de générer des familles de plus en plus spacieuses de multiples de ce même nombre.

    Les deux fonctions entretiennent donc une relation bien particulière, en vertu de laquelle, la fonction palindrome représente, pour la fonction anagramme, à la fois un principe de mouvement à effet nul, et un principe de développement indéfini.

     

     

     

    20. LE NOMBRE 99, « LE PREMIER ET LE DERNIER », EST L'AXE DE BASCULE DES DEUX FONCTIONS



    Le lecteur qui nous a bien suivi jusqu'ici remarquera que le nombre 99 est à la fois :

     

    • Le premier multiple de 9 qui soit palindrome au sens restrictif énoncé dans la définition c)

    • Le dernier membre d'une famille très étroite de multiples de 11, dont tous les membres depuis le premier sont des palindromes stricts, au sens de la définition c)

     

    En effet, au delà du nombre 99, la famille continue des multiples de 11 qui sont des palindromes stricts s'interrompt, puisque le successeur de 99, le nombre 110, n'est pas un palindrome strict, mais un palindrome généralisé.

    Le nombre 99 est donc le premier multiple de 9 qui soit palindrome, et le nombre qui clôture une famille fermée de nombres successifs, qui sont à la fois multiples de 11 et palindromes stricts.

    Ce statut de « premier et dernier » confère au nombre 99 un rôle évident de pivot, ou de bascule, qui fait coïncider la fin d'un processus, avec le départ d'un autre.

    Notons (pour nous en souvenir dans la seconde partie de cette étude), que ce statut bivalent du nombre 99, qui le caractérise comme « premier et dernier », peut être rapproché d'un autre complexe d'idées qui est celui de l'entrée et de la sortie. En effet, le nombre 99 peut être vu, pour la famille des multiples de 9, comme le point d'entrée ou de « rencontre » de cette famille avec la famille des nombres palindromes (au sens strict) ; tandis que, pour la famille des multiples de 11, ce nombre marque la « sortie » d'un ensemble bien lié, et sans trou, qui rassemble «  les successeurs immédiats du nombre 11 qui sont comme lui des palindromes stricts ».

     

     

     

    21. UN ECRIT GNOSTIQUE, L'EVANGILE DE VERITE, APPORTE UN ECLAIRAGE COMPLEMENTAIRE SUR LA FONCTION DE BASCULE DU NOMBRE 99, QUI MET EN JEU SON STATUT DE PREDECESSEUR DU NOMBRE CENT

     

    Cet extrait d'un écrit de la bibliothèque de Nag Hammadi développe une comparaison entre le nombre 99 et le jour du Sabbat, qui est le dernier jour de la semaine, et à ce titre, celui de « la bascule ». Son symbolisme s'appuie sur un ancien système de compte sur les doigts, dans lequel, jusqu'au nombre 99, on conservait les nombres dans la main gauche, et à partir de cent, le total était reporté dans la main droite.

     

    «C'est bien lui le berger qui laissa derrière les quatre-vingt-dix-neuf brebis qui ne s'étaient pas égarées et vint chercher celle qui s'était égarée. Il fut plein de joie, lorsqu'il la trouva. Car 99 est un nombre qui est compris dans la main gauche. En revanche, une fois que l'on a trouvé le « un », le nombre entier est transféré à droite. De même, c'est ce qui est privé du « un », c'est à dire la main droite toute entière, qui attire ce qui manque, et le prend du côté gauche pour le faire passer à droite, et ainsi le nombre devient cent. Tel est le symbole de ce qui se trouve sous la prononciation de ces nombres. Tel est le Père : même pendant le sabbat, la brebis qu'il a trouvée tombée dans le fossé, il peine pour elle. Il garde en vie la brebis, une fois qu'il l'a rencontrée dans le fossé

    Veillez à comprendre spirituellement – vous les fils de la compréhension spirituelle - ce qu'est le sabbat ; c'est le jour où il ne convient pas que le salut soit inactif. »

     

    Nous aurons à nous souvenir de cette dernière phrase dans la seconde partie de cette étude.

    Nous voyons que la doctrine de l'Evangile de vérité attribue au nombre 99 une fonction de pivot ou de bascule qui, toutefois, ne sollicite aucune des propriétés mathématiques que nous lui avons associées précédemment, mais seulement son statut ordinal de prédécesseur du nombre cent, qui fait de lui un nombre qui en « appelle », ou en attire un autre, sur la base d'un manque, d'une incomplétude intrinsèque.

    Nous verrons dans la prochaine remarque que la tradition pythagoricienne a effectué une synthèse harmonieuse entre les deux aspects du nombre 99 que nous venons de développer séparément.

     

    Il n'est pas besoin d'être expert en théologie pour saisir que ce passage est une exégèse sophistiquée de l'axiome évangélique « les derniers seront les premiers », qui associe ce précepte, d'une part, à la doctrine du sabat, d'autre part, à une forme de symbolisme arithmétique, inspiré du comput digital. Selon Aliboron. cet évangile développe une véritable théologie du Nom, fondée sur l'axiome : Le Nom du Père est le Fils. « Le caractère improférable du Nom, décliné à l’envi dans cette doctrine gnostique, souligne la nature cachée de Dieu. Car par l’épithète d’AMEN (le Fidèle, le Véritable) qui lui est attribué dans l’Apocalypse, le Christ, selon les spéculations sur la valeur numérique des lettres grecques, s’apparente au nombre 99 (A+M+H+N = 1+40+8+50 = 99) ; il peut donc être « enfermé » dans les cinq doigts de la main gauche. Pentagramme qui le met en relation avec Sirius, et lui confère un statut de médiateur de vérité : voie d’accès obligée vers le 100eme nom, celui du « Caché », Amon. « Car nul ne vient au Père que par moi » affirme Jésus (Jean, 14,6). » (Aliboron)

     

     

     

    22. LA TRADITION PYTHAGORICIENNE SYNTHETISE TOUTES LES IDEES FORMULEES DANS LES REMARQUES PRECEDENTES PAR UNE STRUCTURE PENTAGRAMMATIQUE

     

     

    Un pentagramme connu dans la tradition pythagoricienne, et notamment utilisé par André Charpentier, organise l'ensemble des multiples de 9 inférieurs à cent, dont le dernier élément, le nombre 99 - qui marque, comme on sait, la « rencontre » de cette famille avec celle des palindromes - joue le rôle de centre de symétrie général de la structure.

     

    LA NEF - partie I

    En effet, dans cette structure, chaque nombre est associé, ici par un segment vert, à un nombre polaire, avec lequel il forme un palindrome, et qui, additionné à lui, produit le total de 99. Le nombre du centre, n'ayant pas de correspond polaire, demeure naturellement invariant.

    Le nombre 11 n'est présent dans cette figure, comme il est naturel, que de manière structurale : il quantifie les barreaux de l'escalier ordinal qui va de 9 à 99, barreaux qui sont les 11 points de la structure.

    Il n'est pas difficile de voir que la logique de ce pentagramme se répercute à des niveaux arithmétiques supérieurs. En effet, aux valeurs de ce premier pentagramme, on peut appliquer la fonction de duplirotation qui permet d'engendrer « une famille plus spacieuse » de multiples de 9.

    Le nombre 99 – on ne l'aura pas oublié – est le premier membre d'une classe de nombres qui sont à la fois multiples de 9 et de 11, et qui réunissent donc les propriétés des fonctions anagramme et palindrome.

    Notre second pentagramme s'intéresse à cette famille, dont le nombre 99 est le premier représentant, et recense tous les nombres de cette famille inférieurs à 10 000 qui sont des palindromes stricts. Il y en a à nouveau 11, et ils s'organisent autour d'un centre qui est, cette fois, le nombre 9999

    Il n'existe que 11 nombres inférieurs à 10 000 qui soient à la fois multiples de 9 et de 11, et palindromes stricts

    1. 99 x 1 = 99

    2. 99 x 19 = 1881

    3. 99 x 28 = 2772

    4. 99 x 37 = 3663

    5. 99 x 46 = 4554

    6. 99 x 55 = 5445............................. milieu de la série

    7. 99 x 64 = 6336

    8. 99 x 73 = 7227

    9. 99 x 82 = 8118

    10. 99 x 91 = 9009

    11. 99 x 101 = 9999

     

    LA NEF - partie I

    Nous voyons que les pentagrammes pythagoriciens synthétisent l'ensemble des idées développées dans les remarques précédentes. D'une part, ils développent le rapport dialectique intime qui rattache les nombres anagrammes aux nombres palindromes, d'autre part, chaque pentagramme se place sous le signe d'un seuil, d'un plafond théorique, qui est, pour le premier, le nombre 100, et pour le second, le nombre 10 000

    Le lecteur attentif aura remarqué une singularité dans ce second pentagramme : le 99 ne semble pas répondre polairement à 9009, puisque leur addition ne donne pas 9999. En réalité, la logique de ce pentagramme s'applique un système à 4 termes, où les palindromes sont construits par duplirotation de leur moitié, de sorte que le nombre 99 occupe ici en réalité, non pas les deux dernières places de la formule à 4 termes, mais les deux places du milieu. Une fois compris ceci, on s'aperçoit qu'il n'y a pas d'anomalie dans le pentagramme, simplement, le 99 vient remplacer les deux zéros qui sont au milieu du nombre 9009, pour former régulièrement le nombre 9999. De sorte que le 99 initial doit être conçu comme précédé et suivi d'un zéro « positionnel », et par là même adopter la valeur arithmétique du nombre 990 - alors même que ce nombre, n'étant pas un palindrome strict, n'a pas sa place dans la logique restrictive du pentagramme.

    0990

    9009

    Les chiffres des deux formules s'additionnent verticalement pour former le nombre 9999

     

    Du fait de se situer sous le « plafond de verre » des nombres 100 et 10 000, respectivement, les deux pentagrammes se cantonnent dans une « main gauche », dans un statut d'incomplétude et de manque qui « appelle » ou « attire » un état plus complet, symbolisé par ce plafond.

     

    Une fois ces présentations faites avec les propriétés du nombre 99, le lecteur va enfin découvrir en quoi elles concernent la nef !

     

     

     

    23.EN AFFECTANT LE TRIANGLE AURIGENE D'UN FACTEUR 33, ANDRE CHARPENTIER A SOUMIS LES COTES DE CE TRIANGLE A UN PRINCIPE DE COMMENSURABILITE GENERALE SOUS L'EGIDE DU NOMBRE 99, ET MIS EN LUMIERE UNE PROPRIETE NUMEROLOGIQUE DE LA RELATION DE PYTHAGORE, ENTRE LES CATHETES ET L'HYPOTENUSE DU TRIANGLE.

     

     

    Les travaux d'André Charpentier ont montré l'importance du triangle aurigène (1, 2, rac5) pour une compréhension pleinement pythagoricienne de la doctrine du nombre d'or.

    Charpentier affecte les côtés du triangle aurigène d'un facteur 33 et obtient la figure suivante.

     

    LA NEF - partie I

     

    Comme il se doit, les valeurs des côtés du triangle prennent place dans une expression qui définit le nombre d'or :

    Φ = ( 5445 + 33) / 66

    On remarque que la forme palindrome du nombre 33 se répercute, non seulement sur la cathète voisine, mais aussi sur l'hypoténuse, pourtant irrationnelle.

    La valeur de cette hypoténuse n'est pas une inconnue pour nous, puisque nous l'avons rencontrée dans le second pentagramme pythagoricien, où le nombre 5445 occupe, dans la série des palindromes multiples de 9 et de 11 inférieurs à 10 000, le sixième rang, c'est-à-dire la position du milieu.

    Le théorème de Pythagore exprime une relation entre les cathètes et l'hypoténuse du triangle rectangle qui, en toute justesse, ne concerne que le développement carré de ces grandeurs : le carré de l'hypoténuse est égal à la somme des carrés des cathètes. Mais il est possible de se placer, par imagination, sur un plan hypothétique plus général, selon lequel le développement carré ne serait qu'un aspect de la relation entre ces objets. Autrement dit, il pourrait exister d'autres situations mathématiques dans lesquelles « les cathètes se reflètent dans l'hypoténuse », qui ne concerne pas spécifiquement le développement carré de ces grandeurs, mais d'autres propriétés de ces grandeurs.

    C'est précisément une propriété de ce genre que met en lumière l'équation de Charpentier.

    On observe en effet que

    33 + 66 = 99

    tandis que

    54 + 45 = 99

    Autrement dit : la somme des valeurs des cathètes est égale à la somme des parties du palindrome de l'hypoténuse.

    Au lieu que le théorème classique est un théorème de "développement" (construction de carrés sur les côtés du triangle rectangle) celui-ci est un théorème de "résorption" ou d'involution.

    L'équation de Charpentier met en jeu 3 différentes propriétés des nombres.

    A. La propriété "palindrome" propre aux nombres 33, 66, 5445

    B. Les propriétés additives des multiples de 9

    C. La propriété synthétique qui, dans le cas du nombre 5445, réunit les propriétés A et B

    En actionnant ces propriétés naturelles du nombre, Charpentier ne fait que répondre à l'appel de la symétrie. Le nombre 99 occupe, dans l'équation de Charpentier, la fonction qu'occupe le nombre 5 dans le « développement carré » du triangle aurigène, et la relation classique de Pythagore où les carrés des cathètes (1+4) se reflètent dans le carré de l'hypoténuse (5)

    Le nombre 99 étant multiple de 33, il est possible , naturellement, de transformer l'équation de charpentier sur le nombre d'or en une formule qui fasse « ressortir » partout le nombre 99.

    Φ = (√(99 × 55) + (99 ÷ 3)) ÷ ((99 ÷ 3) × 2)

    Le nombre 99 joue alors, pour les côtés du triangle aurigène, le rôle de commune mesure, de principe de commensurabilité – et donc un rôle essentiellement analogue à celui joué par le petit segment de valeur 1 qui parcourt les côtés du triangle isiaque.

     

    Une célèbre équation de Ramanujan met en jeu le nombre 99 dans la définition du nombre π. Tout ce que nous pouvons en dire est qu'elle fait intervenir des nombres qui, en mathématique pythagoricienne, correspondent à des individualités géométriques, comme, au numérateur, le carré de 99 (9801 = 992), et au dénominateur, le nombre 396 (= 4 x 99). Mais nous ignorons, en toute bonne foi, s'il y a un sens à l'engager dans une comparaison avec l'équation de Charpentier sur le nombre Φ.

    LA NEF - partie I

     

     

    On pourra également relever, comme une curiosité, l'angle que forment entre elles les hypoténuses racine 5 et 5, lorsque le triangle aurigène pénètre dans le triangle isiaque : 100,299°

     

    LA NEF - partie I

     

     

     

    24. LA FORMULE DE CHARPENTIER SE DECLINE EN DIVERSES VARIANTES PALINDROMIQUES, ET SE RESOUT TETRACTYQUEMENT

     

     

    Détaillons les propriétés de l'équation de Charpentier :

     

    Côtés du triangle                      Carrés adjacents aux côtés              Division des carrés par 99  

    33                                                  1089                                                       1089/99   =   11  

    66                                                  4356                                                       4356/99   =   44    

    racine 5445                                   5445                                                        5445/99   =   55

     

    On peut déjà en déduire une première transformation de l'équation, dans laquelle l'unité commune aux trois côtés n'est plus le nombre 99, mais le nombre 11, principe des nombres palindromes :

    Φ = ((√55) + (√11)) / (√44)

    Et on observe cette propriété des carrés adjacents, bien que seul le troisième soit palindrome.

    1089              10+89             = 99

    4356              43+56             = 99

    5445              54+45             = 99

    Propriété qui se présente sous la forme d'un complexe naturel.

    Si nous reprenons l'équation :

    Φ = ((√11) + (√55)) / (√44)

    Celle-ci peut à son tour être transformée en quelques étapes, jusqu'à retrouver la forme tétractyque

     


    Φ =     √(11)  + √(11+11+11+11+11)  

                     √(11+11+11+11)

     

    Φ =       (11) + √((11+11) + (11+11+11))
                     √(11+11+11+11)

     

    Φ =       (1) + √((1+1) + (1+1+1))
                     √(1+1+1+1)

     

     Φ = ( √1 )+ √(2+3 ) 

                      √4

     

    Pour le plaisir des pythagoriciens, il est possible de clore ce processus de simplification par un dessin, dans lequel les parties de la tétractys sont associées aux côtés du triangle aurigène qui leur correspondent. On remarquera que le sommet de la tétractys et la 4ème ligne correspondent aux côtés de l'angle droit, et la partie médiane à l'hypoténuse, ce qui est ajusté à la fonction médiante, "moyennante" que Charpentier prête à l'hypoténuse.

     

    LA NEF - partie I

     

    Le rapport doré peut alors apparaître comme une modalité du rapport cosmologique 3/2, du rapport de quinte qui, dans la tétractys, met en relation les 3 premiers étages avec le quatrième, mais aussi, les points de l'hexagone avec ceux du trépied ; rapport que l'on retrouve dans les nombres principes des jambes du Lambda, comme dans la construction d'un pentagone à partir de la division d'un cercle selon ce même ratio 3/2. Il n'y a véritablement dans ces structures qu'un seul et même logos pythagoricien.

     



     

    25. LA SCENE PRIMTIVE DU TRIANGLE ISIAQUE EST EQUILIBREE PAR LE NOMBRE 9

     

     

    Le triangle 3,4,5 possède, dans la série des triplets, le statut de principe qui est celui du nombre 1 dans la série des entiers. Pour les anciens, ce triangle semble avoir représenté quelque chose comme la « scène primitive » du théorème de Pythagore ; et la mathématique moderne a confirmé ce préjugé, en remarquant que ce triangle était doté de propriétés uniques, ne réapparaissant dans un aucun des triplets de la suite.

    En premier lieu, le triangle isiaque est un exemple d'application restrictive du théorème de Pythagore, qui conduit à définir une classe d'objets. Cette classe, nomenclaturée par les triplets, est celle des carrés entiers qui sont la somme de deux carrés entiers.

    Mais de la même manière qu'on peut, sur les côtés d'un triangle, développer des carrés, on peut aussi développer des cubes. Or, si l'on développe les cubes adjacents aux côtés du triangle isiaque, on s'aperçoit que la somme de ces cubes est égale à un autre cube, qui n'est autre leur successeur dans la série des cubes.

     

    LA NEF - partie I

     

    33 + 43 + 53 = 63

    En résumé : sous le rapport du développement carré, le triangle isiaque se rapporte à la série des « carrés qui sont la somme de 2 carrés » - série dont le triplet isiaque est le premier représentant ; tandis que, sous le rapport du développement cubique, le triangle isiaque se rapporte à la série des « cubes qui sont la somme la somme de 3 cubes » - série dont le quadruplet isiaque est à nouveau le premier représentant.

    Remarquons que la quantité d'objets impliqués dans chaque équation est proportionnelle à la dimension dans laquelle l'opération s'effectue. On additionne 2 carrés en dimension 2, mais 3 cubes en dimension 3

    Au sein de la série des cubes qui sont la somme de trois cubes, le quadruplet isiaque possède une propriété unique, que ne peut posséder aucun autre des quadruplets premiers de la suite : ses éléments sont en médiété arithmétique. En effet, il est aisé de démontrer que, si, dans la suite des cubes qui sont la somme de trois cubes, un quadruplet est en médiété arithmétique, alors, ce quadruplet est un k-multiple du quadruplet isiaque.

    Cette propriété unique a pour conséquence que le quadruplet isiaque possède un « nombre d'équilibre », que l'on obtient en faisant l'addition de ses extrêmes, et celle des termes du milieu :

    3+6 = 9

    4+5 = 9

    Nous pouvons vérifier géométriquement cette situation d'équilibre en empilant le petit cube sur le gros, et le deuxième sur le troisième, les deux tours étant équilibrées par une toise de hauteur 9

     

    LA NEF - partie I

    Si la proportion arithmétique est donc un privilège unique du quadruplet isiaque et de ses k-multiples, il est néanmoins possible d'abstraire, de cette proportion arithmétique, des propriétés de symétrie moins fortes que pourraient, par hypothèse, posséder d'autres quadruplets que le quadruplet isiaque.

    Ainsi, on peut appeler, par exemple, « quadruplets équilibrés » les quadruplets dans lesquels, sans qu'ils soient forcément en proportion arithmétique, on a la relation a+d = b+c

    Dans le même esprit, on pourra appeler « quadruplets doublement équilibrés » une famille plus étroite de quadruplets qui (toujours sans être nécessairement en proportion arithmétique), présenteraient non seulement la relation :

    a+d = b+c

    mais en outre la relation :

    b-a = d-c

    Nous donnons ci-dessous une liste des cent premiers cubes qui sont la somme de trois cubes. Notre quadruplet isiaque est le premier. Une fois supprimés ceux qui ne sont pas premiers (ce que nous avons fait en les surlignant en couleurs), il en reste un peu moins de la moitié. On sera peut-être surpris de remarquer que d'assez nombreuses formules de décomposition coexistent, parfois, pour un même nombre.

     

    LA NEF - partie I


    On remarque dans cette liste, qu'en dehors du quadruplet isiaque, aucun autre quadruplet premier n'appartient ni à la classe des quadruplets « équilibrés », ni par conséquent encore moins, à celle des quadruplets « doublement équilibrés », - bien que ces conditions de symétrie soient moins fortes que celles imposées par la proportion arithmétique.

    En effet, les seules formules qui appartiennent à ces deux classes sont les formules barrées en rouge qui correspondent aux k-multiples du quadruplet isiaque, et ne sont donc pas des quadruplets premiers.

    Ces remarques pourraient être traduites par un proverbe du genre : loin de l'origine, point d'harmonie !

    Au sujet de ces formules surlignées en rouge, qui sont les k-multiples du système isiaque, on pourra remarquer, à présent, qu'en empilant un système k=1 (notre système isiaque) sur un système k=10, on obtient, comme il se doit, une tour de la même hauteur que le système k=11, les deux tours étant équilibrées par une toise de hauteur 99

     

    LA NEF - partie I

    Quant à ce système k=11, de hauteur 99, (qui, rappelons-le, n'est rien d'autre que le développement arithmétique d'ordre 11 de la scène primitive du triangle isiaque), il ne sera pas sans nous rappeler, sans doute, les manipulations palindromiques d'André Charpentier sur le triangle aurigène, puisque les faces des cubes de sa première tour (d'arêtes 33 et 66), ne sont pas différentes des carrés des cathètes du triangle aurigène de Charpentier, donnant lieu à sa première équation du nombre d'or

    Φ = ( 5445 + 33) / 66

     

    LA NEF - partie I

    Tandis que les valeurs de la seconde tour (44, 55) nous sont pas inconnues non plus, puisqu'elles apparaissent, sous la forme de racines carrées, dans une autre définition du nombre d'or, dérivée de la précédente.

    Φ = ((√55) + (√11)) / (√44)

    Prenons le temps de récapituler le chemin accompli sous l'égide du nombre 99.

    En soumettant, d'une part, le triangle aurigène à un principe de développement involutif, et d'autre part, le triangle isiaque à un principe de développement gnomonique et croissanciel, le nombre 99, et la fonction palindrome, conduisent la logique de ces deux triangles à se rejoindre.

    Du côté aurigène, le nombre 99 apparaît comme un quantum d'involution du rapport des côtés du triangle, permettant qu'apparaisse un rapport entre « la somme des cathètes » et « les parties du nombre » de l'hypoténuse ; tandis que, du côté isiaque, les nombres 33 et 66 (mais aussi 44 et 55) qui gouvernent le rapport doré, apparaissent comme l'horizon du développement gnomonique du triangle (système k=11)

    La logique des deux systèmes se rejoint donc à leur horizon respectif, d'involution réflexive pour le premier, de développement gnomonique pour le second.

     



     

    26. LE NOMBRE 216 QUI, DANS LA TRADITION PYTHAGORICIENNE, CORRESPOND A L'INTERSECTION ENTRE LE PRINCIPE DE L'AME DU MONDE, ET CELUI DES INCARNATIONS DIVINES ET HUMAINES, EST AUSSI UN OPERATEUR DOTE DE DIVERSES FONCTIONS HORLOGERES

     

     

    Relativement au développement gnomonique tridimensionnel du triangle isiaque 3-4-5, le nombre 216 (=6x6x6) joue le rôle de principe englobant, ou enveloppant.

    Par sa fonction géométrique, comme par sa forme hexagonale, ce nombre exprime la cyclicité, la complétude, le retour du Même.

    Ce nombre est bien connu de la tradition ésotérique pythagoricienne, puisqu'il correspond au cycle des réincarnations de Pythagore, ou du moins au demi-cycle.

    La situation exceptionnelle de ce nombre s'explique par le fait qu'il est l'intersection de deux processus, d'une égale importance, et qui ont tous deux laissé des empreintes dans l'oeuvre de Platon, le premier dans le Timée, le second dans La République, comme on le verra dans la seconde partie de cette étude ; - situation que l'on peut représenter à l'aide d'un Lambda.

     

                                216 (33+43+53)

                108                            50 (32 + 42 + 52)

    54                                                     12 (3 + 4 + 5)

     

    Jambe gauche, le nombre 216 prolonge la série des nombres vitaux impliqués dans l'harmonie musicale et dans la construction de l'âme du monde ; jambe droite, il correspond au développement complet du triangle isiaque, du segment à la surface, et de la surface au volume.

    La jambe gauche correspond au principe de l'animation, de l'harmonie vibratoire et de la durée du monde. La jambe droite, au principe de la condition spatio-temporelle de l'être incarné, au sens du développement complet, pour une individualité quelconque, qu'elle soit divine, humaine, ou même, comme Pythagore, quelque chose d'intermédiaire, d'un nombre limité de possibilités, défini par les « constituants » ou les prémisses qui la fondent.

    De cette manière, il semble envelopper à la fois le principe de la vie du monde, et celui des êtres qui naissent en son sein, soumis à une même condition spatio-temporelle.

    Du point de vue astronomique, le nombre 216 est souvent impliqué – comme on aura l'occasion d'y revenir aussi - dans le cycle de la précession des équinoxes, qui joue un rôle central dans de nombreux calendriers traditionnels, babyloniens, indiens ou chinois, et intervient souvent dans le calcul de la « grande année ».

    Mais, relativement à un tel cycle, le nombre 216, associé à la manifestation de l'âme et de la vie incarnée, relève d'une dimension en quelque sorte « transcendante ».

    En effet, le nombres de la jambe droite ne doivent pas être compris comme assujettis à ceux de la jambe gauche, comme le serait la condition d'un être « contenu », relativement à celle d'un être « contenant ». Car en effet, le monde lui-même peut être conçu comme une réalité soumise à la condition « incarnatoire » ; et donc la relation entre les deux branches doit bien plutôt être comprise comme une relation de sujétion mutuelle.

    En tant que nombre de Pythagore, multiple de 6 et de 12, et donc, nombre cyclique ou circulaire, le nombre 216 a un aspect nettement « solaire ».

    Néanmoins, c'est bien le nombre 9 qui joue le rôle le plus important dans l'exégèse symbolique de ce nombre, puisqu'il est déterminant de part et d'autre de la procession figurée par notre lambda.

    Jambe gauche, le nombre 216 correspond au développement d'une famille « octavique », comprise de bout en bout dans l'ensemble des multiples de 9 ; jambe droite, on se rappelle que le nombre 9 est le principe d'équilibre qui régit, non seulement le développement du triangle isiaque, mais aussi celui du triangle aurigène, dans lequel les mêmes nombres se déploient, avec des fonctionnalités différentes.

    Enfin, la division de 216 par 9 donne 24, ce qui suggère la possibilité d'une projection analogique, endomorphique, entre la « l'année incarnatoire » (ou plutôt son semestre) régissant les vies de Pythagore, et le cycle de la journée terrestre.

     

    La séquence qui suit offre un raccourci du chemin accompli dans ce chapitre 4 ; elle méritera que l'on s'en souvienne lorsque nous aurons, dans la conclusion de cette étude, à traiter de la grande tétractys 36

     

    13 + 23 + 33 =   6 x   6 =     36

     23 + 33 + 43 = 11 x   9 =     99

     33 + 43 + 53 = 12 x 18 =   216

     

    Cet ensemble d'équation peut être rapproché de deux autres, plus familières peut-être, du fait qu'elles se rapportent à des divisions habituelles du temps

     

    3x4x5 = 60/1 = seconde/minute = minute/heure

    3x4x5x6 = 360/1 = jour/année (par une approximation certes grossière, mais traditionnelle)

     

    Ces rapports arithmétiques ont eu pour conséquence particulière que, dans diverses traditions, le nombre 216 peut – rétrospectivement - être investi d'une fonction purement horlogère. Quelques exemples :

    Il y a 216 x 5 halakim hébraïques dans une heure.

    Il y a 216 x 50 muhurtas indiens dans une année de 360 jours

    Des équivalences du même acabit pourraient enrichir cette recension traditionnelle, telles que :

    Il y a 216 neuvièmes d'heures dans une journée.

    On notera que, dans ces exemples, le nombre 216 se rapporte aux divisions habituelles du temps par la médiation des nombres 5 et 9

    Mais on peut encore remarquer, comme le fait d'Arcy Thompson, qu'il y a

    216 x 240 000 minutes dans un siècle - où le 240 000 fait écho, à nouveau, à la division en 24 des heures d'une journée.

     

    Du côté du 99, Charpentier se réfère à plusieurs reprises, sans citer ses sources, à une tradition selon laquelle l'année pythagoricienne compterait 99 mois

    Il s'agit là probablement, cette fois, d'un calendrier luni-solaire. Avec une lunaison de 29,5 jours et une année de 365,25 jours, on a 12 lunaisons = 354 jours, et 1 année = 12 lunaisons + 1 reste de 11,25 jours En regroupant 8 années solaires, on monte à 96 lunaisons + 1 reste de 88,75 jours, reste qui est très proche de 3 lunaisons. Autrement dit 8 années = 99 lunes ; mais on ne fait finalement que retrouver ainsi le cycle dit octaétérique du calendrier attique, dans lequel les 99 mois lunaires se répartissent dans une "grande année" terri-solaire de forme « octogonale ».

     

     

     

    27. L'HERMETISME ET LA CABALE ONT EXPLOITE LES PROPRIETES MAGIQUES ET GUEMATRIQUES DU NOMBRE 216, DE CONCERT AVEC SES PROPRIETES MATHEMATIQUES

     

     

    Pour commencer, plaçons sous les yeux du lecteur ce dessin qui décompose les cubes de la cité isiaque en éléments tels que plaques, bâtonnets, ou petits cubes atomiques, de manière que chaque cube puisse être considéré comme le noyau du cube de rang supérieur, au moyen d'un complément en forme de « coin ».

     

    LA NEF - partie I

     

    Sur le plan mathématique, on a cette relation entre la somme des cubes et le carré des nombres triangulaires :

    LA NEF - partie I

    On peut imaginer que l'exposant 3 s'inscrit dans une suite :

    • 3^0

    • 3^1 , 4^1

    • 3^2 + 4^2 = 5^2

    • 3^3 + 4^3 + 5^3 = 6^3

    Cette présentation fait émerger les relations « carré » et « cube » aux rangs même où, dans la tétractys, émergent les dimensions 2 et 3

    Evidemment, le processus ne « produit pas d'équation » avant le troisième rang. Ce qu'on peut éventuellement gloser en disant que l'équilibre ne peut surgir avant le troisième pas. Le second pas discrimine, ce n'est qu'ensuite qu'émerge la balance.

    Le fait que ce déploiement commence avec le nombre 3 peut se comprendre en terme de cosmogenèse ; si celle-ci commence avec le sacrifice de la hiérarchie des Trônes — qui est la 3ème hiérarchie correspondant à la sphère de Saturne (comme son indice de carré magique), alors l'équation cubique correspond au développement proprement terrestre du globe, initié par la création des Elohim solaires (6ème hiérarchie).

     

    Sur un plan plus kabbalistique, on peut noter que la cinquième sephira Geburah vaut 216 ; et précisément, un kabbaliste chrétien (Knorr von Rosenroth) avait créé un nouveau carré magique de 6 — associé donc à la sephira suivante — de constante magique 216, au lieu du traditionnel 111.

    Outre le "recentrage" chrétien sur le 666, il y a comme une passerelle (intentionnelle) entre le 5 et le 6, qui pourrait évoquer le « noyau quinaire » du cube de 6, et dont on pourrait dire, qu'elle évoque aussi le "concept commun de puissance" entre les Vigueurs martiennes (5) et la Force solaire (6).

    L'équation 1^3 + 2^3 + 3^3 + 4^3 + 5^3 = (1 + ... + 5)^2

    devient : (1 + 2)^2 + 216 = 15^2

    ou encore 216 = 15^2 — 3^2

    Autrement dit, 216 est la différence entre deux carrés, DONC une somme de gnomons, et précisément de 12 nombres impairs consécutifs.

    216 = 7 + 9 + 11 + 13 + 15 + 17 + 19 + 21 + 23 + 25 + 27 + 29

    Une autre manière duodécimale d'interpréter le 216 est simplement :

    216 = (3^2) x 3 + (4^2) x 4 + (5^2) x 5

    C'est à dire une somme de 12 carrés.

    Qui se recombinent d'ailleurs en

    216 = (7+9+11) + (13+15+17+19) + (21+23+25+27+29)

    La présence du 12 est intéressante, puisque c'est à la fois 3+4+5, et en lien avec la dimension 3 via Barazzetti.

    Au passage, les nombres médians 17 et 19, nombres premiers jumeaux, sont tels que 107 + 109 = 216 avec 107 et 109 nombres premiers jumeaux.

     

    Symboliquement, on a 12 équerres qui "s'appuient" sur le carré de Saturne.

    Ou peut être mieux, en couplant les équerres en rectangle, on a 6 rectangles gigognes — de périmètre 216 = 16 + 24 + 32 + 40 + 48 + 56 — enserrant le carré de Saturne. 

    De quoi aller jusqu'à la Terre.

     

    Le 216 apparaît donc comme le reste d'un "évidage" de 1 rectangle sur 7 rectangles (car le carré de Saturne n'est jamais que UN rectangle pointé).

    En définitive, on est là dans le domaine des "nombres octogonaux centrés" :  1, 9, 25, 49, 81, 121, 169, 225.

     

    LA NEF - partie I

    Où 225 est bien le 7ème du genre, sans compter le 1 qui n'est pas vraiment rectangulaire.

    Par ce retranchement désormais recentré en dénoyautage, on rejoint l'idée radicale de "troncature", dans la mesure où son étymon a donné le grec sarx = la chair, la pulpe. Avec ses sous-entendus "terrestres" (Et le verbe s'est fait chair : Καὶ ὁ λόγος σὰρξ ἐγένετο).

    Plus encore, on pourrait comprendre cette descente du Christ en polarité du tsimtsoum : le Père se contracte en un point, laissant un espace vide alentour ; mais le Fils remplit cet espace vide, en s'élançant, en quittant "son Trône". 

     216 serait la signature de ce remplissage. Par sa fonction rédemptrice, tikkunique, il se voit "proportionné" au 666.

    Dans la liste des quadruplets,on trouve un « multiple double » du nôtre : 6, 8, 10, 12 — dont la constante vaut 1728, soit 2^3 fois 216

    Le suivant, de constante 5832 est à la confluence de notre quadruplet (multiple de 3) et du suivant (multiple de deux de la suite 1, 6, 8, 9)

    Ce quadruplet 1, 6, 8, 9, est, du reste, remarquable en ce qu'il est le seul à faire intervenir le cube de 1

     

    *

     

    On a vu qu'une équerre volumique se recombinait en « gros cube » + un « coin »

    Ce gros cube est géométriquement de la forme : 3 fois un nombre oblong.

    Soit l’équation x^3 = 3y(y+1)

    Dans notre cas : 3 fois (8 x 9) = 216 = 6^3

    Mais sur un plan symbolique, on peut quand même relever que 6 est le premier oblong « vrai » au sens où 2 et 3 sont des « nombres » au sens fort. A ce titre, il est le double du premier nombre triangulaire « vrai » = 3.

    Il y a un jeu « hiérogamique » d’écriture.

    3 fois (2^3 . 3^2) = (2.3)^3

     

     

    En hébreu, la lumière = AWR

     aleph = 1, waw = 6, reish = 200

     qu'on peut lire, dans une guématrie décimale, 162

     valeur approchée de phi.

     *

     

     

     

     

     Du point de vue cosmologique, le triangle aurigène représente la fonction du centre, et le principe animateur, ou activateur qui permet à l'Un d'engendrer le Multiple sans sortir de soi-même, par un simple contact interne, une électrisation, tandis que le triangle isiaque, gouverné par le logos d'octave , représente le champ, le plan récepteur de cette action électrisante : le principe passif de la manifestation universelle, qui n'est autre que sa condition, sa constitution spatio-temporelle. 

    Ces deux principes pourraient, au premier abord, être assimilés aux principes masculin et féminin que l'on a déjà vus, chez maints commentateurs, associés au jambes du lambda de Platon ; mais il convient de considérer qu'on est ici au cœur d'une hiérogamie, dans laquelle le féminin et le masculin entrent en composition, dans une harmonie qui les enroule autour de l'Un, dont ils procèdent.

    En tant qu'ils se rapportent, pour le premier, au rapport doré, et pour le second au rapport d'octave, nos triangles apparaissent aussi comme les symboles des deux coups de couteau originaires de la création, de la même manière que, dans la vesica piscis, le premier cercle est contraint de s'en adjoindre un second; et donc la création d'émerger depuis deux foyers. Ce qui rejoint aussi les intuitions de Charpentier sur le rayon céleste 99.

     

    Nos études futures nous permettrons d'associer à ces principes, de façon plus assurée, des fonctions à la fois plus précises et plus universelles, relevant de la cosmologie.

     

     

     


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    LA NEF IIb - La chambre du roi

     

     

    LA NEF - Partie II

     

     

     

     

    La volonté de transmettre

     

    Aux yeux de l'observateur moderne, la pyramide de Khéops est sans doute l'exemple le plus impressionnant de la volonté de transmettre des civilisations anciennes, cette volonté s'attachant avec la même au force au contenant - un édifice conçu pour franchir des millénaires – qu'au contenu -un ensemble d'idées géométriques rendues bien lisibles par les mesures et les proportions « rondes » et « explicites » de l'édifice.

    Dans la logique de cette volonté, la première exigence était une condition de la seconde : pour que les idées géométriques puissent se conserver sans altération, il fallait que la structure de l'édifice le permette. La première chose à remarquer est que l'entreprise égyptienne est à cet égard un succès total, puisque, s'il existe d'innombrables débats touchant la « fonction » ou la signification même de la pyramide, en revanche, les dimensions en coudées égyptiennes de la pyramide et de la chambre du roi (pour nous limiter à ces deux données essentielles) font l'objet d'un accord unanime des égyptologues, académiques ou non.

    Malgré cette réussite de principe de l'entreprise égyptienne, convenons que les pyramides laissent subsister à peu près entières, dans la compréhension des modernes, les deux énigmes initiales du « comment » et du « quoi ».

    La première de ces énigmes concerne le niveau extraordinaire, mais mal connu, d'expertise technique, et de génie mécanique, requis pour la construction de tels édifices.

    La seconde concerne la signification profonde de cette idéologie géométrique, dont les proportions de la pyramide se veulent explicitement les supports.

    C'est évidemment à cette seconde énigme que se dédiera notre étude.

     

     

     

    Le paradigme de Khéops

     

     

    Comme le pied, la coudée est un étalon de mesure naturel, dont chacun dispose dans son corps.

    Il existe, dans le monde égyptien, des définitions variables de la coudée, qui en vertu de la nature ne s'éloignent jamais grandement du demi-mètre. Les musées conservent quelques exemples d'une « coudée royale » mesurant approximativement 52 centimètres.

    La pyramide de Khéops peut être qualifiée de témoin « paradigmatique », en ce que la mesure empirique de son tout aussi bien que celle de ses parties donne un résultat « aussi satisfaisant que possible » si l'on suppose que ses concepteurs ont utilisé une coudée royale de 52, 36 centimètres, précisément.

    Sur ce postulat, on obtient pour la pyramide et la chambre du roi les mesures en coudées égyptiennes qui sont les suivantes :

     

    Hauteur/Côté pyramide = 280/440 coudées royales de 52, 36 cm

    Plancher chambre du roi = 10x20 coudées royales de 52,36 cm

     

    Au sein de ce postulat le macrocosme (la pyramide) et le microcosme (la chambre du roi), se confirment et se soutiennent l'un l'autre de façon très convaincante. La chambre du roi est un volume de pierre en état de conservation parfait, dont les surfaces intérieures ont une précision comparable à celle qu'on pourrait aujourd'hui obtenir, avec l'aide d'un rayon laser ; de ce fait, même si les mesures empiriques du macrocosme – de la pyramide – ont pu être rendues précaires par l'érosion, cela n'a pas suffi à ce qu'un doute puisse survenir sur ce rapport 280/440, qui, en soi, s'impose comme un ratio porteur de « logos », comme une idée mathématique, grosse d'applications tant géométriques qu'arithmétiques.

    L'acceptation de ce paradigme (qui, rappelons-le, fait l'objet à ce jour d'un consensus universel), est la seule « condition de foi » à laquelle soit soumise la prétention de faire dire quelque chose à l'architecture de la pyramide de Khéops. Car cette condition, en rapportant les grandeurs mesurables de la pyramide à des nombres, et donc à des unités, suffit pour « réduire », ou reconduire, le plan de la pyramide à une construction géométrique, avec toute l'exactitude conceptuelle que cela suppose.

    Une fois délimité le consensus savant sur lequel s'appuie et auquel s'accorde notre étude, nous toucherons un mot, pour nous en débarrasser, des idées auxquelles elle ne s'accorde pas.

     

     

     

    Une coïncidence malheureuse

     

    Le rapport de la coudée royale égyptienne (ayant servi à l'architecte de Khéops) à notre mètre est de 0,5236

    Ce nombre se rapporte, par une parfaite coïncidence, à la valeur arithmétique du rapport doré, et cela par le biais du triangle aurigène, puisque, si l'on additionne les côtés de ce triangle on obtient un nombre irrationnel qui est :

     

    1+2+ 2,23606797 5,23606797

     

    Dans une seconde phase d'étonnement, on peut remarquer que ce nombre de 0,5236 qui est le dixième du périmètre du triangle aurigène, se trouve, à l'égard de π, dans le rapport approximatif assez acceptable de 1/6 puisque

    0,5236 x 6 = 3,1416

    On aboutit à cette équation, qui est la juxtaposition de 2 coïncidences :

    coudée/mètre = (1+2+rac5)/10

    = (3 + Φ + 1/Φ)/10

    = π/6

    Equation dans laquelle le rapport de la coudée au mètre semble renvoyer de façon singulièrement chanceuse, aux nombres Φ et π.

    Il convient de distinguer les deux parties dont se compose cette « constatation ». La seconde partie, qui revient à établir un rapport proportionnel entre Φ et π, rapport approximatif, et médié par le triangle aurigène, peut être considérée comme intéressante sur le plan des idées mathématiques, dans la mesure où ces nombres remarquables peuvent apparaître comme les opérateurs profonds d'une sorte de dialectique de la nature.

    Dialectique, où le nombre π serait l'opérateur de ce qui est courbe, et le rapport doré, en tant rapport des rapports, ou rapport absolu, l'opérateur suprême de ce qui est droit. On peut en effet qualifier le rapport doré de « rapport le plus simple à soi-même » qui puisse s'exprimer dans la division d'un segment de droite.

    On peut donc dire que le rapport de la coudée au mètre conduit par hasard à la considération d'un autre rapport, celui du nombre π au nombre Φ, qui peut sembler porteur d'une certaine consistance, d'un certain intérêt philosophique, d'ailleurs attesté et repérable dans la tradition pythagoricienne (comme nous le montrerons dans une autre étude).

    Cette seconde partie de l'équation peut se simplifier par exemple par la formule approximative :

     

    3 + Φ + 1/Φπ x 6/10

     

    En revanche, il convient de demeurer lucide sur la valeur de la « saisie initiale » sur laquelle s'appuie notre coïncidence , à savoir le rapport coudée/mètre, qui n'est, en soi, porteur de rien de plus que de l'idée totalement arbitraire de comparer ces deux étalons, séparés historiquement par des millénaires. Même si le rapport du mètre à la coudée avait été, (pour prendre une hypothèse encore plus frappante), directement égal au rapport π/Φ, et cela jusqu'à 15 chiffres après la virgule, il ne serait résulté, pour la compréhension des idées égyptiennes, rigoureusement rien d'intéressant d'une telle coincidence.

    A la précision près, - mais la précision ne change rien à l'affaire - une telle coïncidence ne contiendrait aucune idée plus intéressante que, par exemple, la constatation que 10 francs = 1,6 euros, qui est une valeur proche du nombre d'or.

    Dans le cas qui nous intéresse, tout ce qui est résulté d'une telle coïncidence, c'est l'occasion, pour beaucoup de gens, de s'en étonner, et ensuite, celle de supposer qu'il y avait derrière cette coïncidence un complot historique, dont la teneur est à peu près celle-ci : le mètre moderne est le plagiat inavoué d'un étalon de mesure universel qui aurait été connu de toutes les civilisations anciennes, étalon fondé sur une connaissance tantôt astronomique, (le méridien terrestre), tantôt micro-physique, (le diamètre de la goutte d'eau), mais toujours de style « moderne » : hypothèses aux allures légèrement paranoïaques, dont le tort principal aura été de détourner les esprits de réfléchir aux données mathématiques extraordinairement précises, et consensuelles, dont la pyramide est porteuse par ailleurs.

    Au final, on aura abouti à ce décevant prodige, qu'un procès historique caractérisé par sa clarté, par la réussite de la volonté de transmission, se présente maintenant pour beaucoup sous les dehors de « l'opacité », et de l'occultation historique.

    Il est donc grand temps de revenir à nos moutons.

     

     

     

    Anatomie de la chambre du roi

     

     

    LA NEF - Partie II

    L'aire du plancher, comme celle du plafond, est un carré long de 10 x 20 coudées.

     Tout le monde s'accorde pour penser que la hauteur de la chambre, approximativement égale à 11,172 coudées, est choisie pour que la diagonale (ab) du petit mur vertical soit égale à 15 coudées.

      On remarque que le triangle (abc) est un triangle isiaque de côtés (15, 20, 25), tandis que le triangle (bcd) est un triangle aurigène de côtés (10, 20, racine50). Les deux triangles, vert et orange, sont les éléments d'une nef, mais cette nef diffère de la nef classique, du fait que les valeurs des côtés du triangle isiaque ont été multipliées par 5, tandis que celles du triangle aurigène ont été multipliées par 10.

      Du fait de ces opérations, la proportion entre les aires des triangles se trouve modifiée. Dans la nef classique, le rapport entre les aires des triangles aurigène/isiaque est de 1/6, tandis que, dans la chambre du roi, la proportion est de 2/3. Ces nefs appartiennent à différents types, qu'on pourra qualifier, pour le premier, de nef « solaire », et pour le second, de nef « de quinte ». Cette typologie n'est pas arbitraire, car si l'on examine, pour une nef quelconque, quels peuvent être les rapports d'aires entiers possibles, par exemple, au sein des 10 nombres de la décade, on s'aperçoit que seuls les rapports : 1/6, 6/1, 2/3 et 3/2 sont possibles. Autrement dit, en plus des deux exemples que nous connaissons déjà, seuls sont autorisés les rapports inverses de ces cas.

     

     

     

    Prototype premier de la chambre du roi

     

    La nef classique est un objet géométrique premier, d'une part, parce que le triplet isiaque 3-4-5 est le premier des triplets pythagoriciens, d'autre part, parce que les nombres 1 et 2 sont les plus petits entiers au moyen desquels on puisse construire un triangle aurigène.

      La nef égyptienne ne possède pas cette qualité de primarité, car il existe une solution de nef plus simple que celle de la chambre du roi, mathématiquement homologue, et qu'on appellera ici son prototype premier.

     

    LA NEF - Partie II

    Dans ce prototype premier, les valeurs du triangle isiaques sont les valeurs premières (3, 4, 5), tandis que les valeurs du triangle aurigène sont doubles des valeurs classiques (2, 4, racine20). Ce prototype peut être qualifiée de nef de quinte première, du seul fait de la primarité du triplet (3, 4, 5). En effet, pour qu'un rapport de quinte soit possible entre un triangle aurigène et un triangle isiaque « quelconques », il faut d'abord qu'un triangle isiaque soit possible ; il n'existe donc pas de nef de quinte plus petite que ce prototype.

      On comprend bien que, si l'architecte de la pyramide n'a pas adopté pour patron ce prototype premier, c'est parce que les dimensions de la chambre, en coudées égyptiennes, auraient été bien trop exigües, et plutôt appropriées à la confection d'un coffre.

      Dans la suite de ce chapitre, nous aurons alternativement à nous référer soit à la nef originale de Khéops, soit à son protoptype premier, qu'il est donc important de bien distinguer.

     

     

     

    Une propriété spéciale de la nef de quinte

     

      La nef de quinte possède une propriété unique, qui explique, très probablement, que l'architecte de Khéops l'ait choisie pour patron. Dans cette nef, en effet, le périmètre du triangle isiaque est égal à celui du carré long, formé de deux aurigènes jumeaux.

      Dans la chambre du roi, le périmètre du triangle isiaque, comme celui du carré long, est égal à 60 coudées.

      Tandis que, dans le prototype premier, les périmètres du triangle et du carré long valent 12.

      Nous avons déjà observé que, dans la tradition, le carré long et le triangle isiaque étaient identifiées l'un comme l'autre comme des figures matricielles de la géométrie sacrée, alors même que le triangle aurigène, lui-même, demeurait relativement inconnu. Et nous avons émis l'idée que ce manque de notoriété, ou de visibilité dans la tradition, pouvait se fonder aussi sur des raisons mathématiques.

      Dans la nef égyptienne, l'idéologie qui tend à mettre en exergue, à côté du triangle isiaque, le carré long formé de deux aurigènes jumeaux, trouve, précisément, la justification mathématique la plus immédiate, puisque la parenté des deux figures-symboles : le carré long et le triangle isiaque se traduit par une relation d'identité arithmétique : l'isopérimétrie.

      Et cette relation recèle encore quelque chose de plus profond.

      En effet, la relation d'isopérimétrie entre les deux figures a pour effet de les soumettre à un principe d'homologie, sinon d'identité ; par là, elle peut être comprise comme une relation de généricité, où l'une des figures est engendrée à partir d'une duplication (accompagnée d'une déformation) de l'autre.

     

    LA NEF - Partie II

    rapport d'aire des triangles

    2         /        3

     

      Ainsi, on peut imaginer que le carré long se soit formé à partir d'une duplirotation du triangle isiaque, mouvement qui aurait entraîné une déformation continue de la figure. Si l'on sait que, dans le contexte égyptien, l'usage de la corde à 13 nœuds était le b-a ba de la science de l'arpentage, on comprend que l'idée d'une telle transformation ait été naturelle à l'architecte de Khéops. Plus profondément encore, il est permis de voir dans cette transformation l'expression d'une « fonction isiaque », archétype d'une fonction d'arpentage sacré, caractéristique d'une famille de déesses architectes et bâtisseuses, telles que Mélusine.

      Dans la nef royale égyptienne, le rapport des aires des triangles est de 2/3 ; mais il est à noter que la quinte inverse, dans laquelle le triangle aurigène est plus gros que le triangle isiaque, possède des propriétés non moins intéressantes.

     En particulier, si l'on ajuste cette nef de quinte inverse au facteur 33 du triangle de Charpentier, on observe les propriétés suivantes.

     

    LA NEF - Partie II

    rapport d'aire des triangles

    3   /   2

     

      On se retrouve face à une nef de base 99, dont les segments entiers : 33, 44, 55, 66 ne sont autres que les valeurs du système k=11 de la cité isiaque, que nous avons rencontrées dans la première partie de cette étude.

     On observe d'abord ce rapport de commensurabilité généralisé entre les segments de la nef :

     

     3a = b+c = d+e =f2/e = 99

     

    Mais on observe également une proportionnalité entre l'hypoténuse du triangle aurigène, égale à racine de (363 x 15) et les aires des triangles de la nef, respectivement égales à 363 x 3 et 363 x 2

     

     

     

    Reprise de l'anatomie de la chambre : les trois rectangles et leurs prismes associés

     

    Pour cette partie de l'exposé, nous utiliserons le prototype premier de la chambre du roi, qui se recommande par sa simplicité, et donc par sa généralité supérieure ; en sachant que, chaque fois que le lecteur voudra savoir à quels nombres correspondent, dans la chambre de Khéops, les valeurs du prototype premier, il lui suffira de multiplier ces valeurs par 5.

      Nous avons vu que la diagonale du petit mur vertical était le premier terme d'un triplet pythagoricien qui, dans la chambre de Khéops, est le triplet (15,20,25), et, dans notre prototype premier, le triplet (3, 4, 5).

    LA NEF - Partie II

    Notre chambre est donc divisée diagonalement, du sol au plafond, par un rectangle isiaque de côtés 3x 4 : le rectangle orange ABCD, qui divise la chambre en deux prismes triangulaires, les prismes ABCDIJ et ABCDLK

      Nous savons que le sol et le plafond de la chambre sont des carrés longs de côtés 2x4. Mais en raisonnant par analogie avec le rectangle isiaque, il nous est loisible de choisir, pour objet de référence de ce carré long, le rectangle vert EFGH qui divise la chambre en deux prismes rectangulaires égaux : les prismes EFGHABJI et EFGHLKCD

     Une remarque s'impose alors : il existe une troisième manière de diviser la chambre en deux prismes jumeaux, au moyen d'un plan rectangulaire. Ce moyen nous est fourni par le rectangle bleu IBKD de côtés (rac20 x rac5), qui divise la chambre en deux prismes, IBKDJC, et IBKDAL

     

     

    Trois remarques

     

    A.

      A la différence des deux précédents, ce rectangle a la propriété de paramétrer la hauteur de la chambre. Il apporte donc un éclaircissement mathématique immédiat à la hauteur approximative de 11,172 coudées égyptiennes que les égyptologues relèvent empiriquement dans la chambre du roi.

      En effet 11,172 / 5 = 2,2344

     à comparer avec :

     rac5 = 2,2360...

      A l'échelle de la chambre, le désaccord entre les deux valeurs est de l'ordre du millimètre. Il est donc raisonnable de supposer que la hauteur théorique de la chambre du roi, qui est en l'occurrence la valeur réelle qu'avait dans l'esprit l'architecte de Khéops, n'est pas 11,172 mais plus probablement 11,1803398875... = racine125

      Comme les valeurs du plancher aurigène et du plan diagonal isiaque, la hauteur de la chambre est une valeur simple qui, dans notre prototype premier, est la valeur racine 5, et dans la chambre de Khéops, la valeur racine 125.

     La valeur racine 5, comme on sait, peut être comprise comme un avatar de Φ ; c'est en tous cas de cette manière que Mattila Ghyka la traite dans son étude magistrale sur le nombre d'or.

     

     

    B.

      Le rectangle bleu est un carré long puisque rac5/rac20 = ½

      La chambre du roi n'est pas l'harmonisation de deux rectangles, mais de trois, dont l'un est isiaque, tandis que les deux autres sont des carrés longs. Et il y a mieux, puisque les aires de ces trois rectangles s'harmonisent en une proportion continue :

      rectangle vert : 8

     rectangle bleu : 10

     rectangle orange : 12

     

      Dans la pyramide de Khéops, les aires des trois rectangles sont respectivement de 200, 250 et 300 coudées carrées. Pour passer du prototype à la chambre des égyptologues, il faut multiplier les valeurs par 5 x 5 = 25

      Soit :

      8 x 25 = 200 

    10 x 25 = 250

     12 x 25 = 300

     

    C.

      Nous rencontrons ici une redondance de l'idéologie qui, dans la tradition, tend à mettre en correspondance, à un objet isiaque, deux objets aurigènes.

      Et, au sein de cette trinité, la fonction de la hauteur de la chambre, et du rectangle bleu, (paramétrés par un avatar du nombre d'or) nous apparaît plus nettement aussi, comme une fonction d'intermédiation entre les principes hiérogamiques de la nef, représentés par les rectangles vert et orange, en rapport de quinte.

      Cette trinité de rectangles présente un air de famille avec le diagramme de Barazzetti, qui définit une réalité volumique en fonction de trois plans de coupe rectangulaires. Avec ces différences toutefois : que le diagramme de Barazzetti est fondé sur l'homologie des plans, là où notre triade articule une différence ; qu'il développe « principiellement » le principe d'orthogonalité, alors que ce principe est moins fondamental dans notre triade.

     

     

     

    Du microcosme au macrocosme : la remarque de Grimault

     

    Pour cette partie de l'exposé, nous quitterons temporairement le prototype premier de la chambre du roi, pour revenir au domaine des valeurs classiques de la pyramide, en coudées égyptiennes, - cela, dans le souci exclusif de ne pas rendre plus difficile la tâche du lecteur qui voudrait se reporter aux travaux de Grimault - en rappelant audit lecteur que, chaque fois qu'il voudra connaître la valeur des choses dans le prototype, il n'aura qu'à diviser les nombres par 5.

      Jacques Grimault remarque que, dans la chambre du roi :

     

    LA NEF - Partie II

     

    rectangle (isiaque) ABCD  = 70 coudées = 1/4 de la hauteur de la pyramide (280)

      rectangle  ABFE = 55 coudées =  1/4 de la demi-base de la pyramide (220)

      Il nous reste à comprendre la signification de cette correspondance.

      En premier lieu, le macrocosme, la pyramide, est caractérisée par un ratio, qui est celui de la hauteur sur le côté – ou le demi-côté – de la base carrée de la pyramide, soit :

     280/440

     ou

     280/220

      mais ces valeurs ayant essentiellement fonction de ratios, il est évident qu'elles gagnent en intellectivité à être simplifiées, et sur cette base on admet que le ratio générateur d'une pyramide est le ratio 14/22 pour le rapport de la hauteur au côté de la base carrée, et 14/11 pour le rapport de la hauteur au demi côté de cette même base.

      Le ratio 14/11 (pour choisir l'expression la plus simple des deux) se présente donc à nous sous les apparences imposantes de ratio générateur de la pyramide de Khéops.

      Grimault remarque que le rapport 280/220 de la pyramide est formé des valeurs quadruples de celles du périmètre du rectangle isiaque de la chambre du roi (70), et du périmètre du rectangle qui est la moitié de ce rectangle isiaque (55). En divisant ces dernières valeurs par 5, on obtient celles du prototype premier

      70/5 = 14

     55/5 = 11

      En simplifiant le rapport 280/220 en 14/11, nous avons fait la même opération mathématique que celle qui consiste à convertir les valeur de la chambre du roi en celles du protoptype premier. Il n'est donc pas surprenant que nous retrouvions dans ce rapport 14/11, générateur de la pyramide, des valeurs qui sont, respectivement, celle du périmètre du rectangle isiaque, et celle du périmètre de sa moitié.

     

    LA NEF - Partie II

      On voit que, dans l'application de Grimault, la transposition du microcosme au macrocosme se fait uniquement par le biais du rectangle isiaque, du rectangle orange de la chambre du roi, les carrés longs vert et bleu ne jouant aucun rôle. Il convient donc de reconnaître à ce rectangle un caractère hégémonique sur la pyramide, qui s'explique suffisamment par le fait de sa primarité : à la différence du rectangle isiaque, les carrés longs bleu et vert ne sont ni l'un ni l'autre premiers, mais correspondent à des ajustements optimaux du « principe » du carré long aux valeurs premières du rectangle isiaque. Ce caractère hégémonique est donc conforme à la nature des choses.

      Nous en savons d'avantage, toutefois, sur la signification du ratio 11/14 qui commande à la fois les proportions de la pyramide, et celles de la chambre du roi. En effet, dans la géométrie du rectangle isiaque, ce ratio correspond au rapport du périmètre du rectangle à celui de sa moitié, concept auquel on peut attribuer toute la valeur d'un symbole marital où le polygone 11 serait l'Eve, le féminin, la moitié détachée du côté de l'Adam 14. Sous ce regard, le ratio 11/14 paraît donc lui-même chargé d'une signification hiérogamique.

     

     

    Palindromes et doctrine « templière » du Temple

     

    Les nombres 440 et 220 qui mesurent, respectivement, le côté et le demi-côté de la base carrée de la pyramide, sont des palindromes généralisés. Rappelons qu'un palindrome généralisé est un nombre qui est palindrome lorsqu'on l'ampute de ses zéros terminaux. Cette propriété est coextensive au fait qu'ils sont, l'un comme l'autre, des multiples du palindrome 11.

      Pour l'architecte égyptien, la « fonction palindrome », la fonction du 11, est donc celle qui est naturellement conforme à la dimension horizontale de la pyramide - le côté de sa base -, tandis que la « fonction 14 », la fonction « adamique », est celle qui est conforme à la dimension verticale de la pyramide - sa hauteur.

      Or, nous pouvons trouver un équivalent très exact de ces conceptions dans le dessin de la Jérusalem Céleste de l'église templière de Montsaunès.

    LA NEF - Partie II

     

    Sur ce dessin, on remarque en effet que la hauteur du temple de la Jérusalem Céleste est indiquée par deux frises latérales de petits carrés, alternativement noir et blanc : 14 petits carrés.

     Aucune indication n'est donnée sur la dimension horizontale si l'on ne regarde que l'intérieur du dessin de la Jérusalem, mais en prêtant attention au dessin qui le surmonte, on s'aperçoit que cette grandeur est clairement indiquée : la longueur horizontale du rectangle de la Jérusalem correspond précisément aux onze douzièmes de celle du dessin du chrisme, qui le surplombe. Cette longueur horizontale est donc bien délimitée par 11 petits carrés – sans insister sur le fait que la totalité du dessin est gouvernée horizontalement par la symétrie du palindrome.

      Il nous reste à constater que l'architecte de Khéops et le peintre de Montsaunès, partageaient les mêmes conceptions sur les proportions idéales d'un temple. Mais aussi, que ces conceptions sont étonnamment en accord avec l'idéologie développée par Plutarque au sujet du triangle isiaque, idéologie qui attribue à Osiris la dimension verticale : - à cet égard la norme 14 commune à la pyramide et au temple de Montsaunès fera immanquablement penser aux 14 morceaux d'Osiris-lune - ; et à Isis, la dimension horizontale, qui est une dimension de déroulement et de développement, que sa nature propre assimile très naturellement à la fonction palindromique que nous rencontrons, aussi bien dans les valeurs horizontales de Montsaunès (11) que dans celles de la pyramide Khéops. (220)

     

     

    microcosme/macrocosme : le rapport de l'être à sa moitié

     

    Nous avons admis le principe que, dans la pyramide de Khéops, c'est le rectangle isiaque qui est le conducteur, ou l'hegemon, de la relation du microcosme-chambre au macrocosme-pyramide. Mais cette constatation ne nous empêche pas de nous demander à quoi peut ressembler « la relation du polygone à sa moitié » lorsqu'on l'applique, non plus au rectangle isiaque, mais au carré long.

      Et l'on observe ceci :

     

    LA NEF - Partie II

     

    Appliqué au carré long, le schème qui associe le périmètre du rectangle à celui de sa moitié correspond au ratio 5/6 qui, dans la tradition, symbolise, précisément, le rapport du microcosme au macrocosme.

      Par généralisation, les deux ratios, 5/6 et 11/14 peuvent être compris comme des opérateurs symboliques de la plus haute généralité, exprimant l'un comme l'autre, sous des modalités différentes, le rapport du microcosme au macrocosme, ou celui de l' Adam primordial à sa moitié.

     

     

     

     

    EPILOGUE : LA GRANDE TETRACTYS

     

     

    Au terme de notre enquête égyptienne, nous avons observé que le ratio 11/14 qui fait le lien entre le microcosme-chambre et le macrocosme pyramide, correspondait, dans le rectangle isiaque, à la formule périmétrique d'hémi-partition de cette figure ; l'équivalent de ce ratio pour le carré long étant le rapport 5/6.

      Ces ratios ont assurément, relativement aux rectangles, un caractère profondément formel, en ce qu'ils "font dire" à ces figure quelque chose d'intime et précis concernant leur constitution interne ; et nous avons pensé pouvoir identifier dans ces ratios deux syzygies, deux couples primordiaux, dont le premier (5/6) représenterait le principe incitateur, ou animateur de la manifestation universelle, et le second (11/14), son principe récepteur, ou mondain.

     A présent, nous allons voir que ces deux ratios peuvent être considérés comme une redistribution de la grande tétractys 36, dont les deux jambes, quant à elles, sont constituées des pôles Impair et Pair.

     

     

    GRANDE TETRACTYS                                                ENDOCOSME-EXOCOSME

     

     

      IMPAIRS                                 PAIRS

     

          1                                                     2                                                                         Eve     5

    (endocosme)

         3                                                 4                                                                           Adam  6 

     

      5 ......liaison endocosmique .....6                                                                        Eve       11

    (exocosme)

     7                                                      8                                                                        Adam 14

     

      (16)                 Totaux                     (20)

     

     

     Le total des impairs (16)  correspond à celui des Eve (5+11)

     Le total des pairs (20) correspond à celui des Adam (6+14)

     

    LA NEF - Partie II 

    Au sein de la grande tétractys, les valeurs du 3ème rang (5 et 6) forment l'endocosme aurigène, tandis que les valeurs des rangs 1, 2 et 4, sont des triplets qui additionnés, produisent l'exocosme isiaque (1+3+7) = 11 et (2+4+8) = 14                   

      La division catégorielle Impair-Pair de la grande tétractys se redistribue en principe "endocosmologique" (5-6) d'une part, et principe "exocosmologique" (11-14) d'autre part ; l'intéressant étant qu'en physique pythagoricienne, cette redistribution correspond exactement au concept timéen de mélange – ici mélange de Pair et d'Impair.

      On a vu dans la première partie de cette étude que ce rapport endo-exo s'illustrait de façon simple en terme de pavage, la spirale rythmant le chemin qui va de "l'état" (5/6) - le carré long central originaire, à l'état 11/14 - son "encadrement" isiaque.

    Mais on pourrait également penser à une relation gnomonique, où comme il se doit, Isis "accueille" la graine aurigène.

     

     

    LA NEF - Partie II

     

    Et, dans cette logique, il paraît évidemment intéressant de considérer le produit croisé de ces rapports :

    (6/5) / (14/11) = 66/70 = 33/35

      Etonnamment, nos deux rectangles apparaissent ici comme deux jumeaux impairs, fort proches l'un de l'autre.

      Le rapport de ces ratios (6/5) et (14/11) se simplifie en 33/35, qui fait apparaître nos rectangles comme un couple gémellaire.  Ces mêmes ratios se résolvent exhaustivement (additivement) dans la tétractys 36

      Mais ce produit croisé 33/35 peut également faire apparaître le nombre 34, cher à Albrecht Dürer comme "membrane" ou interface de la nef, ce qui semble bien intéressant. On peut qualifier le 34 de gnomon de la structure nefique 33/35, en prenant le terme gnomon au sens "le plus nu" de vide séparateur.

     

      Et l'on se retrouve face à cette vision :

     

      Carré long                Nombre médiateur            Rectangle Isiaque            Nombre exhausteur

     

      33                                        34                                       35                                        36

     

      Situation dans laquelle on pourrait voir une résurgence de la formule des générations humaine et divine :

      3-4-5                   6

     

    Le nombre 36 étant, comme chacun sait, le 8ème nombre triangulaire, à l'octave de la tétractys, cette fonction d'exhaustion aurait en outre pour effet colatéral de caractériser les valeurs des deux rectangles, 33 et 35, comme relatives, respectivement, à 3 et 2. Lorsque le triangle est rempli jusqu'au rang 3, on a 33, jusqu'au rang 2, on a 35.

     

    LA NEF - Partie II

     

     

    (17 mars – 25 avril 2020)