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Cette page, qui comble une lacune de notre blog, n'a pas d'objet plus ambitieux que de proposer aux étudiants, chercheurs, ou simples amateurs, quelques documents et pistes de travail. Elle regroupe cinq études en anglais en relation directe ou indirecte avec la thématique pythagoricienne de la musique des sphères, non nécessairement coordonnées entre elles, émanant de musicologues de divers horizons.
Ces études, dont le choix pourra paraître arbitraire, ne sont pas le reflet d'un "consensus académique", ni d'une représentation uniforme de l'histoire des idées, mais, ce qui nous semble plus heureux, d'un état de la question.
Chaque article est précédé d'une brève présentation de l'auteur en français.
Nos chaleureux remerciements vont à Richard Crocker, Joscelyn Godwin et Leon Crickmore pour avoir très gentiment facilité la mise en ligne de leurs textes, ainsi que pour leurs généreuses réponses.
Les notes qui suivent fixent, en guise d'introduction, quelques repères historiques et critiques.
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Par l'expression "musique des sphères", on entend, habituellement, un ensemble de conceptions selon lesquelles "l'organisation musicale du son" et "l'organisation du ciel" renvoient à des réalités transcendantales et opérationnelles du même ordre, et constituent, par suite, des problèmes scientifiques de même nature.
a. La synthèse mésopotamienne
Une enquête sur les origines de la théorie musicale qui prendrait pour base la légende des initiations de Pythagore aurait peu de chance d'être productive, puisque, selon ce légendaire, Pythagore aurait voyagé dans tous les pays de haute culture, rencontré tous les sages de son temps et reçu à peu près toutes les initiations existantes à son époque. Toutefois, malgré cette difficulté de principe, l'enquête, depuis les travaux précurseurs de von Thimus, s'est principalement concentrée sur la mésopotamie et le patrimoine, de mieux en mieux documenté, des mathématiciens de Babylone. Selon une école dont le représentant le mieux connu est Ernest McClain, la même pensée qui, entre les civilisations de Sumer et de Babylone, a élaboré le système sexagésimal, était aussi en possession des principes mathématiques de la théorie musicale; et sur cette double base mathématique, aurait édifié une doctrine intégrale, absorbant la théologie et les fonctions traditionnelles des dieux sur la base d'analogies mathématiques, et posant les fondements d'une nouvelle science traditionnelle, la musicosmologie, ou musique des sphères, qui aurait ensuite rayonné en Inde et en Chine, notamment.
Comme chacun sait, les questions d'origine et de primauté sont dictées par la logique de l'enquête historique, à laquelle la pensée traditionaliste dénie par principe toute autorité en matière doctrinale. Cette réserve est particulièrement justifiée pour l'évaluation des savoirs anciens, où les démarches historiques et philologiques s'avèrent, très habituellement, impuissantes à produire quoi que ce soit d'autres que leurs propres préjugés "époquaux". Que l'on songe par exemple au ridicule auquel se sont exposés les sanskritistes, ou les spécialistes de la littérature arthurienne, lorsqu'ils leur fallut, en éclaireurs, se prononcer sur la signification profonde des textes qu'ils traduisaient, ou éditaient, face aux ésotérologues ou aux métaphysiciens qui pouvaient détenir quelque lumière sur ces sujets. La démarche historique, contrairement aux désirs aberrants de l'école hypercritique, n'est jamais auto-suffisante en matière doctrinale, mais doit, pour avoir quelque poids, s'appuyer sur une compréhension intuitive et directe des enseignements auxquels elle est confrontée (intelligence qu'aucune méthode, si prudente soit-elle, ne saurait lui fournir) : ce qui est assurément le cas du courant d'enquête musicologique dans lequel s'inscrit McClain.
b. L'école pythagoricienne
Il existe aujourd'hui un large courant de chercheurs d'accord pour contester la valeur historique des récits relatifs à l'invention, par Pythagore ou son école, de la théorie musicale.
Ces récits sont, de fait, affaiblis par leur diversité même. Les uns décrivent une expérience sur des marteaux de différents poids, les autres, sur des disques de différentes épaisseurs, d'autres sur des cordes de longueurs différentes, d'autres enfin sur des vases remplis de différentes quantités d'eau. Mais c'est peut-être ici le lieu d'inverser le proverbe selon lequel "le sage montre la lune, et l'idiot regarde le doigt". Car il évident que l'important ici n'est pas la lune (la théorie musicale) mais précisément les différents doigts qui la désignent; l'important est la manière dont les équations de la musique sont exhibées, exemplifiées par des situations physiques et des protocoles d'expérience reproductibles. Bref, l'important dans ces légendes n'est pas l'invention historique de la théorie musicale, mais, sur la base de cette dernière, celle - autrement plus significative en l'occurrence - de la physique théorique, et avec elle, celle de l'ensemble des conceptions qu'on a coutume d'identifier sous le nom de "science", et d'associer historiquement à l'essor de la pensée grecque.
c. La révolution copernicienne
Il est d'usage d'appeler ainsi le petit déplacement, la pichenette consistant à remettre "l'église au centre du village", le soleil au centre du système des planètes, bien qu'il ne s'agît, en pythagorisme, que de la divulgation d'un "secret de polichinelle".
Dans son étude sur Kepler et Kircher, Godwin nous montre que la révolution scientifique s'est effectuée, par deux chemins différents, sous l'égide du Timée de Platon. D'une part, par le biais de la théorie des solides réguliers, dans laquelle Copernic voyait un modèle pour la construction du système des planètes (idée qui fut reprise à son compte par Kepler); d'autre part, par l'idéologie scientifique de l'harmonie des sphères, à laquelle Copernic n'adhérait pas, mais qui fut remise en jeu par Kepler.
Godwin relate que la doctrine de l'harmonie des sphères constituait, pour plusieurs savants de cette époque, un article de foi, reçu avec piété par les intellectuels de la renaissance dans le "paquet" des traditions pythagoriciennes et platoniciennes, dont se réclamait le jeune mouvement de la science. Concernant les raisons profondes de cette foi, il rappelle quelques explications traditionnelles, dont certaines sont physiques (de si grands corps se déplaçant à travers le ciel doivent produire des sons, comme le font les corps mûs sur terre); et d'autres de nature plus esthétique, selon lesquelles le Créateur, dans sa perfection, n'a pu créer le monde que selon une harmonie préétablie.
Traditionnellement, deux méthodes existaient pour cette harmonisation du ciel. Dans la première, c'est l'alignement des astres (à partir de la terre) qui était rapporté à l'échelle de la gamme diatonique. Dans la seconde, ce sont les mouvements de ces mêmes astres qui correspondent aux ratios de la musique.
Fort de cette "croyance", ou guidé par cette "inspiration", Kepler aurait dépensé des efforts désespérés pour tenter de faire coïncider les tons de la gamme avec les mensurations du ciel... qui jamais ne purent correspondre de façon satisfaisante... jusqu'à ce que le mouvement de la raison ait pu rendre son verdict final : le ciel n'avait décidément aucun accordement.
Toutes les interprétations classiques de cette idéologie présupposent qu'elle s'appuie sur l'idée d'une correspondance ou d'une analogie formelle entre les réalités musicales, et les réalités cosmologiques. Mais il existe une autre voie d'approche de la question, qui présuppose, au contraire, dans cette idéologie, l'intuition d'une relation a priori entre les réalités concernées. Or tout porte à croire que chez les anciens, la théorie musicale constituait un véritable paradigme scientifique de la construction d'objets. Les sons musicaux étant considérés comme les objets les plus généraux, ou les plus universels, ils servaient de modèle pour la définition de toute réalité constructible, de tout monde possible.
On notera en outre que, selon ce mode d'approche, la théorie musicale et la théorie des solides réguliers n'apparaissent pas comme des outils intellectuels exclusifs, ni même fondamentalement différents l'un de l'autre, mais se présentent plutôt comme deux aspects d'une seule et même réalité, d'un seul et même problème, qui est celui de la construction d'objets. (Sur ce point, voir notre article : l'invention de la théorie musicale).
Si une même inspiration, une même intuition fondamentale a présidé aux découvertes de Copernic, Kepler et Newton, le meilleur nom qu'on puisse donner à cette inspiration n'est certainement pas celui d'analogie ou de correspondance, mais celui d'invariance. Contrairement à un préjugé tenace, le pythagorisme n'est pas la "recherche" optimiste d'une correspondance a posteriori entre des réalités différentes (entre des séries d'objets), mais l'intuition fondamentale d'une invariance dans leurs conditions de possibilité, dans la loi de construction a priori de ces objets.
Et si l'on admet que le paradigme de la musique des sphères est celui, absolument universel, de la constructibilité des réalités physiques, alors, on doit en conclure que l'horizon de cette théorie (malgré toutes les apparences) n'est pas spécifiquement d'ordre cosmologique, (puisque les astres ne sont que des réalités physiques parmi d'autres), mais regarde, bien plutôt, du côté de la physique fondamentale, dont la cosmologie découle, seulement, comme une application particulière. Cette opinion défendue par quelques uns, dont Stephen Phillips, semble aujourd'hui faire quelques émules. Comment ne pas reconnaître, dès la caractérisation des particules par leurs ratios de spin et de charge électrique, la remise en action, à l'échelle microcosmique, des deux catégories fondamentales du lambda de Platon, gouvernées par ces mêmes logoï - rapports entre "petits entiers" - auxquels les pythagoriciens ont toujours prêté une extension physique universelle, sans limite d'agraindissement...
d. L'involution de la science moderne et le moment opportun de Pythagore
L'influence, à chaque commencement historique de la science, de la doctrine de la musique des sphères, pourrait, à la longue, faire que l'on se demande s'il n'existerait pas un lien entre ces deux choses, voire, si la seconde, la science, ne serait pas une conséquence immédiate de la première, ou plus radicalement encore, le développement de l'un de ses aspects.
Ceci pourrait expliquer la relation particulière qu'entretiennent aujourd'hui encore la science moderne et la pensée pythagoricienne, qui paraissent exercer, l'une à l'égard de l'autre, la fonction de miroir. Alors que le mouvement de la première la détermine régulièrement, pour rester fidèle à son idéal de "bonne connaissance", à reformuler entièrement ses principes sur de nouvelles bases théoriques, la seconde demeure attachée à des principes immuables, dont elle n'éprouve pas le besoin de s'écarter; mais ce faisant, elle est tributaire de ce radicalisme; elle n'est maîtresse ni de son devenir, ni même de son mouvement, mais ne peut se développer que de manière accidentelle et spontanée, par des contacts sporadiques avec la science moderne.
Au fur et à mesure que la science moderne se développe, croît et murit dans ses réalisations, sa doctrine connaît un mouvement inverse, qui est un mouvement d'involution. Ses concepts se purifient et s'avèrent de plus en plus en adéquation avec les principes universels qui ont présidé à sa naissance : ceux même de la musicosmologie.
Cependant, la pensée pythagoricienne ne reste pas inerte. Même si elle détient, avec le gnomon, le criterium de la connaissance parfaite, elle a connu, au cours du dernier siècle, un très important développement, parallèle, ou réciproque, au mouvement d'involution de la science moderne.
L'ampleur de ce développement a même pu convaincre certains que, jamais, auparavant, les conditions historiques n'avaient pu être réunies pour une compréhension pleine et non-aliénée de la doctrine de Pythagore.
Le pythagorisme peut donc apparaître à ceux-là comme une pensée neuve, au sens précisé par Leroi-Gourhan où, est nouveau ce qui vient d'être créé, et neuf ce qui n'a encore jamais servi.
février 2016
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L'auteur. Richard L. Crocker. Musicologue américain né en 1927, auteur de nombreux ouvrages et articles sur les musiques médiévale et ancienne. Après avoir enseigné l'histoire de la musique pendant près de 40 ans aux universités de Yale, puis de Berkeley, il entreprit, à sa retraite, d'enregistrer l'intégralité du plus ancien répertoire de chants grégoriens, d'après une nouvelle interprétation de la notation. Ces enregistrements sont disponibles sur son site personnel, où un extraordinaire voyage musical est promis au visiteur.
Site personnel : Richard L. Crocker - A Gregorian Archive
Même si elle ne concerne qu'une partie de notre sujet, puisque les implications cosmologiques de la théorie musicale n'y sont pas développées, cet étude fournit une excellente introduction à celui-ci, du point de vue particulier qui est celui de notre blog. Par un parti pris de méthode, Crocker décide en effet de limiter l'enquête sur la mathématique pythagoricienne aux éléments qui pouvaient être connus aux environs de 400 av JC, soit à l'époque où étaient encore actifs les derniers représentants d'un courant pythagoricien antérieur à Platon, tels que Philolaos et Archytas. Même s'il n'ignore rien des débats sur l'origine mésopotamienne de la théorie musicale, il estime alors que celle-ci ne peut faire l'objet que de reconstitution spéculative, et ne peut s'appuyer sur une certitude historique suffisante. Depuis cet article, Crocker a toutefois abordé la question mésopotamienne. "Mesopotamian Tonal Systems." Iraq 59 (1997). Et une dernière mise au point est attendue dans un mémoire à paraître prochainement sur son site personnel : Tuning the Diatonic System, qui reprendra l'ensemble de ses idées sur la théorie musicale.
Crocker nous confie n'avoir pas d'intérêt personnel pour le thème de la musique des sphères, qu'il considère comme une fantaisie littéraire; son intérêt se limitant aux applications théoriques de l'arithmétique pythagoricienne à la musique. Son étude se propose de "décrire quelques unes des opérations de base de l'arithmétique pythagoricienne, et montrer le rapport qu'elles entretiennent avec la théorie musicale." Si elle nous intéresse de manière directe, c'est précisément par la hardiesse avec laquelle elle admet l'existence d'une mathématique pythagoricienne, c'est à dire d'un ensemble de concepts unis par des liens organiques, et constituant un outil intellectuel original; point de vue qui reste aujourd'hui loin d'être une évidence, et que son auteur a constamment maintenu depuis. Crocker reprend, dans l'état où il les trouve, les éléments classiques du dossier de l'arithmo-géométrie pythagoricienne; mais, du fait qu'il présuppose entre eux une continuité et une cohérence continue, ces éléments se présentent dans un ordre logique beaucoup plus serré qu'il n'est habituel. La discussion commence par un examen très pertinent du statut du point pythagoricien, symbolisant l'unité arithmétique. On enchaîne par la théorie des nombres figurés (triangles, rectangles et carré), le gnomon, la réduction des accords musicaux à des rapports d'entiers; tandis que la seconde partie évoque la grande tétractys, les proportions géométriques double et triple, le lambda de Platon, ou encore la démonstration par Archytas de la non-rationalité des rapports épimoriques de la forme (n+1)/n, signalée sur ce blog par P. Brémaud.
Cet article a paru pour la première fois, en deux parties, dans le Journal of Aesthetics and Art Criticism. n°22. 1963/64. 1ère partie - p. 189-198; 2ème partie - p. 325-335.
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L'auteur. Ernest G. McClain (1918-2014). Musicien et musicologue américain, spécialiste des traditions musicales anciennes. Les travaux de McClain qui, en s'élargissant par des cercles successifs, ont revêtu les allures d'un "procès historique global", se déploient, conjointement, sur un double axe recherche : 1. La reconstitution, en partie spéculative, du savoir musical mésopotamien, et de sa connexion supposée, aussi bien avec la théologie qu'avec le développement de la mathématique et de la science en formation, entre les civilisations de Sumer et de Babylone. 2. La survivance de cette "doctrine musicale" au sein des écrits sacrés de diverses civilisations, en particulier le Rg Veda, la Bible et le Coran.
The myth of Invariance présente une première tentative de synthèse, axée sur la tradition védique. Mais c'est avec son Pythagorean Plato que sa démonstration acquiert un caractère véritablement décisif, au point d'impressionner les critiques d'ordinaire les plus rétifs à ce genre de démarche. Il y défend, en particulier, l'idée de prime abord assez stupéfiante selon laquelle le problème des constitutions politiques serait, chez Platon, systématiquement associé à un problème d'accordement musical. Ainsi, les constitutions d'Atlantis, Athènes, Callipolis et Magnésie correspondraient à quatre systèmes d'accord distincts.
Par sa tentative, McClain a largement contribué à faire éclater le "plafond de verre" entre un prétendu enseignement ésotérique de Platon, à base pythagoricienne, qui serait resté exclusivement oral et couvert par le secret, et l'enseignement, supposé "exotérique" dont témoignerait les dialogues, et d'où toute trace du premier serait absente ou imperceptible. "C'est impressionnant, nous écrivit à chaud J-L. Périllié de son Pythagorean Plato. Il me semble qu'il s'agit d'un pythagoricien isolé qui a reconstitué d'une manière très fouillée, par ses études personnelles, les arcanes du pythagorisme de Platon. Car je vois qu'il les reconstitue sans se soucier de la communauté internationale des spécialistes du domaine, en ne faisant pas le départ entre ce qui est notoirement admis et ce qui reste en discussion."
En dépit de son parcours indépendant des filières académiques, les travaux de McClain inspirent aujourd'hui de nombreux chercheurs à travers le monde.
L'article suivant présente un tableau général de la question mésopotamienne.
Site personnel d'Ernest G. McClain
Cet article a paru pour la première fois dans la revue The World and I, Février 1994 (pp.371-391).© Copyright 1994. Tous droits réservés. Source : http://www.new-universe.com/pythagoras/mcclain.html
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L'auteur. Leon Crickmore est un musicologue, chercheur interdisciplinaire et archéomusicologue anglais né en 1932. Au terme d'une carrière dans l'enseignement, il est doyen de la faculté des Arts de l'école Polytechnique de Londres Nord-Est.
L'oeuvre musicologique de Leon Crickmore recouvre de nombreux domaines de l'histoire, de la littérature, de la théorie, ou de la philosophie de la musique.
Les lecteurs désireux d'approfondir les rapports de cette étude avec l'ensemble du travail du Crickmore pourront consulter, en particulier, son article : Mythologie Harmonique, 9 notes de recherche interdisciplinaire (Arane vol I. 2009 - à lire ici), qui balaie, dans une perspective très complète, l'ensemble des problèmes théoriques, historiographiques et méthodologiques recouverts par la thématique traditionnelle de l'harmonie des sphères, en commençant par celui de la définition même du champ de la recherche.
A l'instar de plusieurs auteurs de notre collection, Leon Crickmore se réclame de la recherche interdisciplinaire. Un tel positionnement n'est pas sans enseignement sur le sujet même qui nous occupe; dans la mesure où la musique des sphères est, elle-même, un corps de doctrine dans lequel se présentent comme "confondues", ou "indistinguées", des spéculations qui, dans l'organisation moderne de la science, comme de la recherche, ressortissent de disciplines séparées. L'interdisciplinarité peut donc apparaître comme la seule voie possible, en vue de faire apparaître, à travers la diversité des accès intellectuels, ce qui constitue leur trame commune et leur fondement invariant.
Pour quiconque a un peu médité sur les questions pythagoriciennes, l'archéomusicologie (représentée en particulier par Leon Crickmore et Richard Dumbrill) apparaît comme un domaine d'"instabilité quantique" dans lequel l'émergence d'une pièce du passé peut encore, dans une certaine mesure, modifier la marche du présent, tant la chaîne des conséquences historiques et philosophiques associées au problème des origines de la musique, est lourde d'incidence pour la compréhension de ce que nous sommes.
Dans cette étude inédite, Crickmore examine quelques exemples de tablettes cunéiformes permettant de conclure, de façon quasi certaine, que la doctrine de l'harmonie des sphères associée habituellement aux spéculations philosophiques de Pythagore et de Platon, était bien connue des babyloniens, en tout cas sous la forme d'une correspondance entre cordes de l'heptacorde, planètes et jours de la semaine.
Cette correspondance fut ensuite reprise par les traditions musicologiques hellénique et chrétienne, où le paradigme des "jours de la semaine" coïncide en outre avec celui des "jours de la création". De ce point de vue il peut être intéressant de croiser l'enquête de Crickmore, menée "en amont", avec celle menée "en aval" par J. Chailley et J. Viret à partir des fonds grec et chrétien. (Le symbolisme de la gamme, La revue Musicale, 1988).
Site personnel : Leon Crickmore sur Academia. Edu
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L'auteur. Joscelyn Godwin. Compositeur, musicologue et essayiste anglais, né en 1945, Joscelyn Godwin enseigne la musicologie à l'université Colgate de New York. Auteur de nombreuses études sur la tradition ésotérique de l'Occident, et en particulier sur ses rapports avec la musique.
Son ouvrage Les harmonies du ciel et de la Terre (Dervy, 2003, pour l'édition française), qui connaît un grand retentissement, est une exploration de la dimension spirituelle de la musique, à travers un chemin de traditions et de littératures qui se développe, sans réelle rupture, de l'antiquité à la modernité. Joscelyn Godwin a aussi publié une vaste anthologie sur la tradition musicale pythagoricienne à travers l'histoire (Harmony of the Spheres. A Sourcebook of the Pythagorean tradition in Music. Inner Traditions International, 1993). Cet ouvrage, qui fait aujourd'hui référence, élargit considérablement la vision que l'on pouvait avoir de cette tradition, en incluant de nombreux auteurs peu connus, ou peu remarqués. Ce faisant, il contribue à révéler un certain "refoulé" de l'histoire intellectuelle de l'Occident, qui est celui de la permanence historique de la tradition pythagoricienne.
Site personnel : The Eudaimonia of Joscelyn Godwin
Cet article a paru pour la première fois en italien sous le titre : “Kepler e Kircher sull'Armonia delle Sfere” in Alessandro Grossato, ed., Forme e correnti dell'esoterismo occidentale (Venice: Fondazione Giorgio Cini, 2008): 145-164.
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L'auteur. Graham Pont. Essayiste et chercheur interdisciplinaire australien. Auteur de nombreuses études sur l'histoire de l'art (architecture, musique), en relation avec la tradition ésotérique. Spécialiste, en particulier, de la gastronomie et de l'histoire du vin. Il revendique, en outre, une longue familiarité avec la philosophie pythagoricienne.
"L'une des ironies de la pensée du XXe siècle est que, alors même que Pythagore s'est vu détrôner de son statut de père de la science et de la philosophie occidentales, aussi bien que d'"inventeur" des mathématiques et de la théorie musicale, les études et spéculations pythagoriciennes semblent connaître un regain de vitalité." Cette introduction, non dépourvue de malice, donne le ton de l'article. Sous couvert de nous intéresser aux "prédécesseurs de Pythagore", Graham Pont nous entraîne dans une excursion érudite au sein de littératures non-conventionnelles du XXe siècle, en quête de la reviviscence d'un esprit pythagoricien, ou d'idées pythagoriciennes.
Un tel exercice a évidemment ses limites, qui sont celles que peut comporter une "profession de foi" pythagoricienne qui ne s'appuie, au départ, sur un contenu strictement doctrinal. Nombre de ces auteurs pourront, de ce fait, nous apparaître beaucoup moins pythagoriciens qu'ils se l'imaginent. En réalité, il est presque impossible à la mentalité moderne, formée à l'école du "doute méthodique", et de la "relativité des points de vue", de se représenter les exigences que peut comporter un véritable enseignement doctrinal, en terme de consistance et de non-contradiction; sauf à s'être déjà familiarisé avec un enseignement du même ordre, par le biais de la métaphysique indienne, ou par un autre biais.
Parmi les symptômes de ce nouvel esprit pythagoricien, Graham Pont distingue "une nouvelle conception de la science", dans laquelle "les paradigmes mécanistes et réductionistes" cèdent la place à des visions du monde plus "holistes" et "organiques". La biosphère de Teilhard de Chardin et l'hypothèse Gaïa sont tour à tour convoquées pour illustrer ce nouveau paradigme émergeant, dans lequel Graham Pont reconnaît "la plus ancienne conception scientifique du monde", l'analogie du microcosme et du macrocosme, qui, loin d'être une invention de Pythagore, est une notion commune à beaucoup de cultures de la haute antiquité. Graham Pont reprend logiquement ensuite, en les élargissant à l'occasion, les interrogations de McClain concernant l'antiquité de la doctrine de la musique des sphères.
Comme l'a dit un poète, "il y a plusieurs demeures dans la maison de mon père", et nul ne détient, en la matière, la lumière infuse. Ou encore : il entre dans la vocation des abeilles que nous sommes de travailler en différents points d'une même ruche. Un tableau de la reviviscence du pythagorisme aurait eu pour nous un aspect bien différent, a priori plus conventionnel. Nous aurions commencé, par exemple, par l'oeuvre de D'arcy Thompson, qui présente une philosophie de la nature concurrente, mais non contradictoire, de celle de Darwin (avec laquelle elle entretient un rapport dialectique continu), dans lequel le paradigme de la "survivabilité des formes vivantes" est remplacé par celui de la "constructibilité des formes de la nature", paradigme qui, s'il n'est pas exclusif du premier, présente l'avantage de ne pas séparer le "monde vivant" du grand ordre de la nature cosmique. Nous aurions poursuivi par quelques mathématiciens marqués par l'influence de D'arcy. Hermann Weyl, dans ses réflexions sur la symétrie. Alan Turing et ses recherches "logico-informatiques" sur la chimie des formes. De là, nous eussions pu revenir à Boole et aux fondements de la logique moderne, ou bien, au choix, tenter une incursion du côté de la physique quantique...
En dehors de la voie doctrinale - nécessairement mathématique et scientifique - il existait peut-être une autre voie permettant de juger de l'authenticité d'une foi pythagoricienne, peut-être plus appropriée aux conditions de l'existence moderne, qui est celle, morale, de la Vie pythagoricienne. On sait que le titre donné à plusieurs anciens ouvrages sur Pythagore porte, en grec, une ambivalence de sens, puisqu'il peut signifier aussi bien "biographie de Pythagore" que "style de vie pythagoricien", ambivalence que le vieux français conserve dans l'expression : "Vie pythagorique." - Car en effet, si personne ne peut douter de la foi pythagoricienne de Simone Weil ou de celle de Schwaller de Lubicz, c'est d'abord parce que cette "vocation" s'est montrée dans toutes les actions de leur vie, de manière aussi transparente que dans celle d'Apollonios de Tyane.
Cet article a paru pour la première fois dans le Nexus Network Journal, vol. 6 no. 1 (Printemps 2004). Source : http://www.tropinature.com ©Julián Monge-Nájera
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CHRONOLOGIE DES SEPT RISHIS
par Bibhu Dev Misra
La doctrine des cycles historiques nous dit que nous vivons actuellement le Kali Yuga, âge sombre de la vertu et de l’intelligence. Selon l’épopée indienne du Mahabharata, seul un quart de la vertu demeure, jusqu’à tendre vers zéro à la fin du Kali Yuga. Les hommes sont dominés par la cruauté, la maladie, la peur et les catastrophes naturelles. Le Kali Yuga (Fer) était précédé par trois autres Yugas : Satya ou Krita Yuga (Or), Treta Yuga (Argent) et Dwapara Yuga (Bronze). Dans le Mahabharata, Hanuman donne cette description au prince Bhima : «Le Krita Yuga fut ainsi nommé car il n’y avait alors qu’une seule religion et tous les hommes étaient saints : ils n’avaient aucun besoin d’accomplir des cérémonies religieuses. Les hommes n’achetaient ni ne vendaient, il n’y avait ni riche ni pauvre et aucun besoin de travailler, parce que tout ce dont les hommes avaient besoin était obtenu par le pouvoir de la volonté (...) L’âme universelle était de couleur blanche. Durant le Treta Yuga ont commencé les sacrifices et l’âme du monde est devenue rouge, la vertu a diminué d’un quart (...) Durant le Dwapara Yuga l’âme du monde a pris la couleur jaune, et la religion était à moitié perdue. Le Veda fut divisée en quatre parties, et bien que certains eurent la connaissance des quatre Vedas, d’autres n’en connaissaient que trois ou un. L’esprit diminua, la vérité déclina et arrivèrent le désir, les maladies et les calamités.» Nous vivons actuellement l’âge sombre du Kali Yuga, duquel la vertu et la bonté sont quasiment absentes. Mais quand a commencé le Kali Yuga, et quand finira-t-il ? Malgré les descriptions élaborées de ses caractéristiques, ses bornes restent entourées de mystère. Généralement, on le fait débuter en 3102 BC, trente-cinq ans après la fin de la grande bataille du Mahabharata. Ce qui est remarquablement proche du début du grand cycle du calendrier Long Compte des Mayas en 3114 BC. Il faut noter que dans ces deux cas, ces dates de départ furent calculées rétrospectivement. Les Mayas ont recalculé leurs anciens calendriers entre 400 BC et 50 CE au centre cérémoniel de Izapa au Mexique. En Inde, un réexamen considérable eut lieu aux environs de 500 de notre ère. L’astronome renommé Aryabhatta identifia la date de commencement du Kali Yuga à 3102 BC. Pourquoi ce besoin soudain, de la part de deux anciennes civilisations, de recalculer des dates qui étaient à la base même de leur systèmes calendaires ? Comment de tels marqueurs temporels ont-ils pu être échapper à la mémoire collective ? Nous reviendrons sur ces questions plus tard. On croit généralement que Aryabhatta a calculé la date de début du Kali Yuga à partir des informations contenues dans le traité d’astronomie Surya Siddhanta, selon lequel les 5 planètes visibles à l’oeil nu étaient alignées sur le 0° du Bélier (étoile zêta des Poissons) au début du Kali Yuga. Il serait ainsi arrivé à la date du 17/18 Février de l’an 3102 BC. Néanmoins, les simulations modernes effectuées par Richard Thompson montrent qu’à cette date, les 5 planètes balayaient un angle d’environ 42° sur plus de 3 signes zodiacaux. Nous sommes très loin d’une conjonction. Aryabhatta a-t-il fait des erreurs de calcul ? Pas vraiment. En fait le Surya Siddhanta ne spécifie pas qu’un tel alignement ait eu lieu au début du Kali Yuga. Au contraire, il énonce clairement que cette conjonction à 0° du Bélier eut lieu à la fin de l’Âge d’Or. Malheureusement, cette simple affirmation a été déformée par les commentateurs désireux de supporter la date de 3102 BC, et ensuite prise pour un fait. Cette date vient véritablement de nulle part. Avant 500 de notre ère, elle n’était mentionnée dans aucun texte sanskrit. D’où Aryabhatta la tient-il ? Apparemment il ne l’a pas calculée lui-même. Il y fait référence une seule fois dans son texte Aryabhatiya en mentionnant qu’il l’a composé en l’an 3600 du Kali Yuga, alors qu’il avait 23 ans. Puisque ce texte date de 499 CE, on peut retrouver la date de début du Kali Yuga. Mais en elle-même, cette phrase ne révèle aucune information astronomique. Il est possible que Aryabhatta tienne cette date d’une autre source, dont la validité est rendue suspecte par sa nébulosité. Mais l’enquête pour retrouver cette date est semée d’embûches, puisque, ainsi que le fait remarquer Sri Yukteswar, beaucoup de textes sanskrits multiplient artificiellement la période de 12.000 ans par 360, pour constituer une période démesurée de 4.320.000 années qui compteraient pour une «année divine». Mais des textes comme le Mahabharata et les Lois de Manu conservent la valeur originelle de 12.000 ans. Bien d’autres cultures - Chaldéens, Zoroastriens, Grecs - croyaient également à un cycle des Âges de 12.000 ans. Yukteswar précise dans son livre La Sainte Science (1894) qu’un cycle des Yugas complet dure 24.000 ans, composé d’un cycle ascendant et d’un cycle descendant. Ce concept de montée et de descente ne sort pas simplement de l’imagination de Yukteswar. Cette idée prévaut encore parmi les Jaïns indiens, une des sectes les plus anciennes du pays. Il est possible que Yukteswar ait été influencé par le système jaïn, ou par des traditions orales qui ne sont pas passées dans le corpus écrit. L’idée d’ascension et descension était aussi prévalent dans les mythes grecs. Le poète Hésiode, dans Les Travaux et les Jours, donne une description des Âges où il insère un cinquième âge, l’Âge des Héros, entre le Bronze et le Fer. Dans le Cosmos d’Hésiode, Jenny Strauss Clay écrit : «Méditant le mythe du Politique de Platon, Vernant affirmait que le cadre temporel du mythe d’Hésiode n’est pas linéaire mais cyclique ; après l’âge du fer, qui se divise en deux, le cycle des races recommence avec un âge d’or, ou, plus probablement, la séquence s’inverse. Vernant lui-même offre une solution en remarquant qu’il y a en fait deux types d’existence humaine associées au Fer» Ainsi, les deux parties de l’âge de Fer pour Jean-Pierre Vernant correspondent aux phases descendante et ascendante du Kali Yuga de Yukteswar. On peut conjecturer, dans ce contexte, que l’âge des Héros, qui suit immédiatement le Bronze dans la recension de Hésiode, correspond au Kali Yuga descendant. Cela nous amène à la question des durées relatives des âges et des périodes transition (aube et crépuscule). Les valeurs suivantes sont données par les textes sanskrits :
Satya Yuga (Golden Age) : 4000 years + 400 years dawn + 400 years twilight = 4800
Treta Yuga (Silver Age): 3000 years + 300 years dawn + 300 years twilight = 3600
Dwapara Yuga (Bronze Age): 2000 years + 200 years dawn + 200 years twilight = 2400
Kali Yuga (Iron Age): 1000 years + 100 years dawn + 100 years twilight = 1200
Puisque de nombreuses erreurs ont entâché la doctrine des cycles, comme le font remarquer Yukteswar et Tilak, nous devons également interroger la pertinence de ces durées. Bien que la doctrine des cycles soit mentionnée dans les mythes d’une trentaine de cultures, telles que les a décrites Giorgio de Santillana dans son Hamlet’s Mill (1969), on trouve très peu d’information relative aux durées des âges. C’est assez surprenant. Pratiquement tous les mythes racontent que la vertu décroît après l’âge d’Or. Certains mythes mentionnent que la vertu décroît d’un quart à chaque âge. Mais la durée des âges en eux-mêmes semble abordée de manière insuffisante. Si la durée de chaque Yuga diminuait, ce point important n’aurait-il pas été mentionné ? Les récits peu nombreux qui spécifient ces durées, parlent de durées égales. Par exemple, les Zoroastriens croient que le monde dure 12.000 ans divisé en 4 âges de 3000 ans. Une source mexicaine connu comme le Codex Rios, énonce des durées de 4008, 4010, 4801 et 5042 ans respectivement, pour un total de 17.861 ans. Ainsi, les durées des 4 Yugas des textes sanskrits (càd : 4800, 3600, 2400 et 1200 ans) dévient de la norme. C’est une progression arithmétique, très rare dans les cycles naturels. Cette séquence apparemment non naturelle pose la question de son altération délibérée afin de donner l’impression que la durée de chaque Yuga diminuerait de pair avec la vertu. Les ratios 4:3:2:1 donnent l’impression superficielle que la durée est réduite d’un quart d’un Yuga à l’autre. Bien sûr ce n’est pas le cas. Mais voilà le fait le plus parlant : deux des astronomes les plus fameux de l’Inde antique, Aryabhatta et Paulisa, croyaient que les cycles des Yugas avaient des durées égales ! (...) Cependant leur opinion a été éclipsée par le point de vue contradictoire de Brahmagupta qui raillait les astronomes qui ne soutenaient pas ses propres idées. La doctrine originelle des Yugas semble avoir été très simple : un cycle des Yugas de 12.000 ans, chaque Yuga durant 3000 ans. Ce cycle est encodé dans le «Calendrier Saptarsi» qui a été utilisé en Inde pendant des milliers d’années. Amplement utilisé au cours de la période Maurya au 4ème siècle BC, il est toujours en usage dans certaines régions de l’Inde. Le terme Saptarsi fait référence aux Sept Rishis ou Sept Sages qui représentent les sept étoiles de la Grande Ourse. On les considère comme des éveillés qui apparaissent au début de chaque Yuga pour propager les lois civilisatrices. Le calendrier Saptarsi possède un cycle de 2.700 ans. Il est dit que la constellation de la Grande Ourse reste 100 ans dans chacun des 27 nakshatras (astérismes ou mansions lunaires). Si le cycle de 2.700 ans représente la durée d’un Yuga, alors les 300 ans restants (1/10ème) correspondent à la période de transition. La durée totale d’un cycle des Yugas, en exceptant les périodes de transition, vaut 2700 x 4 = 10.800 ans, soit la durée de la Grande Année d’Héraclite ! Les historiens sont d’accord pour dire que le calendrier Saptarsi utilisé durant la période Maurya commençait en 6676 BC. (...) Un calendrier Saptarsi plus tardif, toujours utilisé en Inde, a débuté selon toute vraisemblance en 3076 BC lorsque la Grande Ourse était dans le nakshatra Magha que mentionne le Brihat-Samhita. Mais, comme l’explique Dr. Subhash Kak, «le nouveau comput qui remonte à 3076 BC a été commencé plus tard afin de le caler sur le début du Kali Yuga». Alors, quand le calendrier pour le Kali Yuga a-t-il vraiment commencé ? Dans le livre Traditions of the Seven Rsis, Dr. Mitchiner indique que le calendrier Saptarsi pour le Kali Yuga (Laukika Abda du Kashmir) commença quand la Grande Ourse était dans Rohini. Ce qui était le cas en 3676 BC. C’est là que ça devient intéressant. Un cycle des Sept Rishis a commencé en 6676 BC et un autre a commencé exactement 3000 ans plus tard en 3676 BC. Mais le cycle dure 2700 ans. Une période de 300 ans a été ajoutée à la fin du cycle, ce qui montre bien que l’hypothèse des 2700 + 300 ans était bien la base originelle de la doctrine des cycles. On peut également en conclure que le calendrier initié en 6676 BC comptait le temps à partir du Yuga Dwapara descendant. On arrive ainsi à la table suivante :
La seconde partie de l’article met en lien les périodes intermédiaires avec des indices archéologiques et historiques de catastrophes naturelles et d’effondrement de civilisation. Pour résumer :
9976 BC - 9676 BC : fin du dernier âge glaciaire, déluge global, impact éventuel de comète
6976 BC - 6676 BC : catastrophe de la Mer Noire, tremblements de terre et déluges
3976 BC - 3676 BC : «5.9 kiloyear event» de 3900 BC, aridité au Sahara, déluge en Asie
976 BC - 676 BC : catastrophes environnementales, âges sombres grecs
2025 CE - 2325 CE : ...
(Adapté de l’article en ligne “The End of the Kali Yuga in 2025 : Unraveling the Mysteries of the Yuga Cycle”)
GLOSES
par Rémy Bayoud
Astronomiquement, le passage de la Grande Ourse dans les différentes maisons lunaires, et à intervalles réguliers, semble impossible. Il pourrait s’agit d’un moyen symbolique de diviser en siècles la période “pleine” d’un Yuga, valant les 9/10 des 3000 ans. D’autre part, on peut éventuellement imaginer que l’Âge d’Or n’est pas interrompu (entre ses phases ascendante et descendante), ce qui amènerait à 7 le nombre de temps intermédiaires pour la totalité du Grand Cycle.
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A mon sens l'intérêt n'est pas tellement lié au pronostic (pas la peine de faire appel aux maths pour voir venir l'orage) mais au rétablissement d'une théorie cohérente, même s'il peut y avoir des erreurs. Les deux points litigieux étant celui du facteur multiplicatif déjà bien dénoncé, même par Guénon ; l'autre celui de la progression arithmétique, toujours accepté parce qu'il caresse (une vision) du pythagorisme, mais pourtant relativement bizarre (je ne dis pas impossible) et émanant d'une source unique. En soi les intérêts historiques ne me paraissent pas moins valables sur un cycle long, que dans celui du calendrier tropique, et d'autre part ils servent surtout ici de "pierre de touche".
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En tout cas l'analogie avec le calendrier donne quelque poids à un canevas de 40 + 5 jours que j'avais imaginé pour coller aux 8 grandes fêtes de l'année selon Walter. En prenant 12.000 ans pour le semestre, on peut considérer la correspondance (approximative) 2700 ans = 40 jours, 300 ans = 5 jours. En suivant cette piste ça donnerait :
Phase ascendante :
- Hiver = début Fer... fin du Fer 40 jours + tard, et 5 jours intermédiaires = 2 février- Imbolc = début Bronze... 40 + 5 = 21 mars
- Printemps = début Argent... 40 + 5 = 2 mai- Beltaine = début Or... 40 + 5 = 21 juin
Phase descendante :
- Eté = début Or... 40 + 5 = 2 août- Lugnasad = début Argent... 40 + 5 = 21 septembre
- Automne = début Bronze... 40 + 5 = 2 novembre- Samain = début Fer... 40 + 5 = 21 décembre
Si l'on suit la chronologie proposée dans l'article, on se situerait analogiquement dans les derniers jours de janvier.
Assez hallucinant, le début de "l'ère commune" correspondrait alors au 1 janvier.
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Faisons plus simple, sans les Yugas, et constatons simplement que le pôle céleste pointe actuellement vers le bord de la Galaxie, ce qui correspond en fait à la "quadrature cosmique" entre la ligne des équinoxes (mobile) et la voie lactée (invariante).
C'est la définition d'un "solstice d'hiver" par rapport au centre galactique. Ce qui permet aussitôt de définir des saisons galactiques (saisons au sens naturel des celtes ou chinois, c'est à dire centrés sur les solstices-équinoxes). Evidemment il s'agit d'un modèle géométrique qui ne peut coller parfaitement à la réalité ; de la même manière, les saisons sur Terre ne sont pas de durée égale en raison de l'excentricité de l'orbite. Au passage, ce modèle n'est pas plus symétrique que les journées ou les années terrestres ! La dissymétrie sous-jacente vient par exemple des configurations différentes des planètes d'un grand cycle à l'autre. Spirale plutôt que cercle.
En restant sur ce modèle empirique, on perd en revanche la notion de "pralaya" entre les saisons ; à moins que cette notion puisse être transposée naturellement à partir du calendrier annuel, mais ces "jours intermédiaires" que j'avais supposés ne me semblent pas très présents dans notre tradition, à ma connaissance.
Maintenant, reste la question des effets qualitatifs de telles saisons, ce que je ne pourrais trancher sur un plan strictement empirique. Il faudrait faire appel à des courants cosmiques analogues aux influx solaires, à mon avis tout à fait réels, mais dont la cartographie me semble mal précisée.Remarque : ce modèle ne correspond pas à la chronologie proposée plus haut. A moins de redéfinir la notion de saison, etc...Eventuellement chercher du côté des 4 Etoiles Royales, aux influx desquelles la Terre pourrait se "disposer" au cours des phases du cycle...