• Discussion sur le pentagramme et le nombre d'or avec Lysandre

    DISCUSSION SUR LE PENTAGRAMME ET LE NOMBRE D'OR

    AVEC LYSANDRE

     

     

    La discussion débute par une remarque sur cette construction due à Yvo Jacquier, qui illustre l'article Vesica Piscis

     

     

     

     

    Le 15/02/2017 par Lysandre

     

    Intéressante, la construction avec le pentagramme. Si on l'interprète en géométrie projective, cette figure possède une signification bien précise, puisqu'elle équivaut à démontrer que l'on peut construire la polarité associée aux cinq sommets d'un pentagone quelconque. Démonstration belle comme du Bach, que je viens justement d'achever cette nuit...

     

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    Le 15/02 par Dylan G.

     

    Ah oui ? Bravo ! En tous cas, on sent que cette figure doit gagner beaucoup à être interprétée projectivement, car il y a là une densité vraiment suspecte de "droites concourantes" et de "points alignés".

    Je remarque que l'on a 10 points, comme dans la configuration de Desargues, et comme dans la tétractys. Sur ces dix points, 4 sont incidents au vesica piscis "intérieur", 4 autres au vesica "extérieur", les 2 derniers, les points AA', donnant l'axe de symétrie du même vesica. Au centre, on a le triangle d'or de Penrose avec la première étape de sa division : 1 obtus (en jaune, dans le dessin de Jacquier), 2 aigüs (en rose). Dans votre figure, il suffit, pour avoir ces trois pavés, de joindre C' à B', et B à E.

     

     

     

    Le 15/02 par Raymond B.

     

    Ah oui c'est bien intéressant.

    Vu comme ça le théorème de Desargues m'a évoqué l'ennéagramme, où le "point de fuite" des deux triangles jouerait le rôle de centre caché qui règle le déploiement des 6 points en araignée 1/7 = 0.142857 pendant que les 3 points alignés sont imagés par le triangle 3-6-9. 

     

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    Compte tenu de cette remarque, et par analogie avec Desargues, j'aurais eu tendance à voir, dans votre figure, deux lignes de 3 points concourir au point A (point rouge) pendant que les 2 épingles fichées dans les paumes de l'étoile, "s'alignent" au point A' en tant que formant un obtus "3-6-9". Les deux lignes forment un lambda avec le point A pour aiguille.

     

     

     

    Le 15/02 par Raymond B.

     

    Un peu dans le même "esprit", je voyais ceci chez Ouspensky le fidèle de Gurdjieff.

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    L'élément intéressant étant bien sûr la représentation avec 2 lignes parallèles. Parce que "projectivement" ça fait le joint entre les polygones et le point, ce dernier étant à l'infini (ce qui serait une manière élégante de concilier la mystique du Point avec celle... de son retrait). La ligne double pouvant à la limite être envisagée comme une figure fermée ; d'autre part, elle évoque ainsi "les eaux" ou protomatière des cosmogonies.

     

     

     

     

    Le 17/02 par Lysandre

     

    Mes démonstrations sont fondamentalement simples, elles consistent à "voir" projectivement la figure, par exemple, et tout s'éclaire de soi, sans recourir à de lourds appareillages algébriques. C'est magique, dans le bon sens du terme.

    La GP est en soi une discipline très facile, qui permet de fonder toute la géométrie à partir de rien (trois axiomes ! pour toutes les géométries, euclidienne, comme non-euclidiennes, et même la géométrie différentielle, finalement... enfin), et tout le monde en principe peut l'apprendre, c'est sa simplicité même qui est désarmante. Mais elle n'est plus enseignée nulle part ! les matheux même ne la comprennent plus, ou plus assez... vous n'avez pas idée.

    Bien sûr, il peut résulter de là des adaptations importantes pour les problèmes de pavages, etc. un pavage du plan projectif, c'est quelque chose de possible, et on en déduira forcément plusieurs pavages possibles du plan affin/euclidien, selon où l'on place la droite de l'infini, etc.

    Ce sont des perspectives magnifiques, mais on ne peut progresser là-dedans qu'à petits pas.

     

     

     

    Le 17/02 par Lysandre

     

    Comme vous me paraissez capable de comprendre ces choses, que j'étudie avec émerveillement, je ne vois pas pourquoi je ne vous ferais pas profiter d'un petit exercice auquel je me suis livré sur deux figures intimement liées : je vous poste donc, ci-dessous, les deux, à savoir le diagramme de Petersen, que je me suis amusé à colorer avant de nommer ses points par des lettres, et la configuration de Pappus, dont j'ai nommé les points et droites de façon qu'ils correspondent au diagramme : en rouge, les points, en bleu les droites, et une boule rouge reliée à une boule bleue signifie : ce point appartient à cette droite. On obtient ainsi la configuration désirée, comme vous vous en apercevrez si vous essayez par vous-même, et de la façon dont je l'ai dessinée, on voit bien à quoi elle correspond : si la configuration "marche" ("holds" comme ils disent en anglais), alors deux perspectivités de mêmes centre et axe commutent, et donc le corps (des coordonnées, qui sous-tend le plan), est commutatif.

    C'est la clef de toute la géométrie plane commutative, la "bonne" géométrie, bien ordonnée, que nous connaissons... elle tient toute entier dans le diagramme de P, figure bien plus symétrique et élégante que la configuration elle-même... mais il faut aimer ce qui est simple, et pouvoir apprécier l'esthétique des maths.

    J'affirme de plus, ce qui est original, que le point au centre a une signification : si on le colore en une troisième couleur, vert par exemple, il correspond au plan lui-même, et signifie alors que si trois droites non concourantes/trois points non alignés, appartiennent à un même plan, alors toute la configuration est plane.

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    Le 17/02 par Dylan G.

     

    Grand merci, Lysandre. Nous apprécions beaucoup cette gnose. En plus de la beauté de ces figures, l'exercice qui consiste à passer du diagramme à la configuration, et inversement, est particulièrement plaisant pour l'esprit.

    Je remarque simplement, au passage, que si on introduit un "chrisme" au centre du graphe associé au solide de Dürer, on retrouve votre graphe de Petersen-Pappus. Autrement dit : Dürer + chrisme = Petersen.

     

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    Le 18/02 par Raymond B.

     

    Y'a quand même une question que je me pose, peut être pas sans rapport avec la remarque sur le point vert... 

    Lysandre parle de la "géométrie plane commutative" comme étant la "bonne géométrie" que nous connaissons. Cette adéquation tient probablement plus pour lui à la notion de commutativité. Cependant, je me demande si "bonne géométrie" n'implique pas également planéité. L'idée, rapidement, serait que la géométrie solide "concrétise" ou développe (disons "une fois pour toute") la pellicule des figures 2D ; tandis qu'inversement, les figures planes sont des "abstractions" ou projections des volumes (mathématiquement : la projection est "surjective" ?), avec un statut quelque peu idéal et matriciel. Si la GP avait bien ce statut d'incontournable, alors dans le cadre de "l'espace naturel" RxRxR on se placerait naturellement dans un plan projectif, n'est ce pas ?

    De manière un peu plus claire : l'opération de projection d'un volume sur une surface (comme notre rétine) est "surjective" c'est à dire que plusieurs corps peuvent "s'abstraire" d'un même "patron" plan. On pourrait alors dire que la figure plane est surdéterminée, et que c'est une forme d'interprétation ("réduction du paquet d'ondes") qui donne corps au volume. Pour parler comme Lacan, préserver cette équivocité serait alors nécessaire pour que la géométrie reste un lieu de dialogue avec l'inconscient, qui ignore le langage univoque de la logique aristotélicienne. La géométrie solide, sans être inutile à titre d'illustration ou de choix interprétatif particulier, ne possèderait pas les mêmes vertus "initiatiques" ou universelles que la géométrie plane. Hypothèses, bien entendu.

     

     

     

    Le 18/02 par Lysandre

     

    En n'oubliant pas, tout de même, qu'on peut faire de la géométrie projective en 3D, en 4D ou plus... il y a de la GP en toutes sortes de dimensions. Simplement, on commence par l'étude du plan parce qu'elle est plus "simple", tout en recelant la possibilité de géométries plus bizarres, "non-arguésiennes", donc nécessairement planes, mais les "plans" en questions sont en fait des structures très "exotiques"...
    Par ailleurs, quand on étudie la géométrie dans l'espace (GP en 3D), il est naturel de se référer constamment à l'étude du plan, comme dans le plan on se réfère à l'étude de la droite... ainsi, quand j'étudie une quadrique en 3D, je vais le faire par le biais de ses sections planes : je vais la "découper en tranches" planes, étudier ces tranches, puis la réassembler en quelque sorte... et c'est comme ça que j'aurai une vision d'ensemble de la forme.

    On peut certes penser aussi aux "niveaux du langage" comme à des "plans de coupe"... l'opération de "couper par un plan" est fondamentale en GP de l'espace, et on peut sans doute y voir une analogie avec d'autres disciplines.
    En maniant toutefois les termes et les analogies avec prudence...

     

     

     

    Le 18/02 par Dylan G.

     

    La linguistique guillaumienne (héritière de Gustave Guillaume) définit toutes les structures profondes du langage au moyen de coupes transversales successives, effectuées le long d'un processus spatio-temporel, une sorte de psychomécanisme, ou de "geste" linguistique fondamental, qui lui reste toujours le même.

     

    Emoustillé par ces histoires de pentagramme, je viens de relire avec bonheur la belle étude que Charpentier a consacrée au Vesica piscis (l'oeuf du monde, à lire ici). Dans la partie mathématique (pages 19-26), il évoque en particulier les constructions de Dürer avec le pentagramme, avec des considérations très intéressantes, puisqu'il associe cette construction avec les idées de vibration, de pulsation, de flamboiement, d'une part ; et corrélativement, avec des considérations "rétiniennes" (l'oeil qui voit tout), idées qui me semblent résonner avec tes propos, Raymond.

    En supposant une dualité entre "flamme" et "rétine", entre "production" et "réception" de la lumière.

    ...

    Tes remarques sur la planéité m'ont fait penser à une autre chose encore, dont personne ne parle jamais, mais qui m'a toujours plongé dans une profonde perplexité.

    Sur le plan cosmologique, les groupements significatifs ne sont pas des sphères, mais des disques : des plans. L'écliptique est un plan, la voie lactée est un plan. Et en suivant ce chemin, on constate qu'à chaque fois, l'opération qui consiste à reconduire un objet (lui donner ses coordonnées) dans le groupe "monadique" supérieur auquel il appartient revient à le ramener sur un plan. Le processus étant "itératif" dans le sens du macrocosme, que se passe-t-il si on suppose que la dernière opération (celle reconduisant les parties au tout) est identique à toutes celles qui l'ont précédé? Il se passe que l'univers aurait essentiellement la structure d'un plan, duquel déborderaient au mieux quelque cloques monadiques originelles, matrices de toutes les monades inférieures. Et en poussant le vice un peu plus loin, on peut se demander si la procédure "d'exhaustion" qui conduit à faire disparaître "l'illusion" de la profondeur dans le sens du macrocosme, ne produirait pas un résultat semblable en sens inverse, dans une enquête sur les microcosmes, contraignant ces cloques mêmes à se résorber sur leur "équateur", et l'univers entier à se révéler n'être qu'une crêpe intégrale, dans laquelle rien n'aurait jamais connu la troisième dimension...

     

     

     

    Le 20/02 par Raymond B.

     

    "Soufflante" ta remarque sur la crêpe cosmique.

    Ces réflexions sur le plan m'ont fait penser à un autre problème, qui concerne lui l'organisation de la science.

    Parallèlement à l'entreprise scientifique de réduction, justifiée jusqu'à un certain point, chaque échelle possède un "plan de consistance" propre, avec un vocabulaire opératoire taillé sur mesure. Ce qui rend la biologie en partie rebelle à la chimie, elle même en excès sur la physique, etc...

    Voilà la préface d'un cours de thermodynamique, que je rends en résumé, et qui pose des mots sur ce "changement d'échelle" créateur, qui serait peut être analogue à un "interdit de l'inceste" épistémologique, un partage des eaux entre conscient et inconscient, ou entre niveaux de réalité à la Nicolescu.

     

    " Les concepts de chaleur, énergie interne, entropie, sens privilégié d’évolution, apparaissent à chaque fois que pour un système mécanique, l’on fait une division entre deux niveaux d’échelle, et un partage de notre connaissance (et de notre ignorance) entre ces deux niveaux. Le passage d’une échelle à l’autre ne peut en général faire l’économie d’hypothèses de nature statistiques supplémentaires par rapport à l’axiomatique du niveau mécanique de départ.

    Au niveau de ce que l’on appelle mécanique, on manipule des points matériels, des forces, de l’énergie, etc... On envisage ensuite des ensembles constitués d’un grand nombre de ces points et l’on souhaite traiter ces ensembles en utilisant les mêmes concepts qu’au premier niveau. On appelle thermodynamique cette théorie de deuxième niveau.

    C’est dire que selon nous, la thermodynamique est avant tout la science du changement d’échelle, et non seulement la science des transformations de l’énergie. La mécanique rationnelle montre déjà des transformations d’énergie (...) Quand une réaction chimique dégage de la chaleur il s’agit du même phénomène, un peu plus caché, où une énergie potentielle électromagnétique est en partie transformée en énergie cinétique d’agitation des molécules du système (...) Cette distinction d’échelle permet d’établir toutes les notions originales à la thermodynamique par rapport à la mécanique et éclaire aussi les questions relatives au temps et à son irréversibilité, au hasard, etc..."



     

     

    Le 20/02 par Lysandre

     

    Merveilleuse, votre trouvaille sur le solide de Dürer! 

    Vérification faite, le solide de Dürer et la configuration de Pappus ont effectivement le même graphe. Cela veut dire que le solide de Dürer lui-même peut être vu comme un graphe de Pappus en trois dimensions ; et pour retrouver les 3 lignes manquantes (chrisme), il suffit de joindre les milieux des arêtes opposées des deux faces triangulaires que comporte le solide.

    Discussion sur le pentagramme et le nombre d'or avec Lysandre

     

     

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    Le graphe correspond au solide vu en projection. On distingue bien les deux faces triangulaires et les six faces pentagonales.

    J'y vois tout de suite diverses interprétations possibles... S'il existe une configuration non planaire qui correspond au même graphe, évidemment, il doit y avoir un lien entre le solide et la configuration, du coup... je note qu'on a dans ce solide des pentagones inscrits à une même quadrique (qu'on l'appelle "sphère" ou autrement, peu importe), donc inscrits aussi aux coniques selon lesquelles leurs plans coupent la sphère... et vous savez qu'un pentagone détermine entièrement sa conique inscrite, donc il y a là quelque chose...

    NB. Si, comme je le pense, il y a bien une signification au point central de Petersen - le plan - alors cela porte le nombre des sommets du  graphe à 19... nombre qui n'est pas indifférent, eu égard à certaines considérations ésotériques...



     

    Le 21/02 par Dylan G.

    Je remarque que votre 19 semble induire une récurrence de forme : 1+6xn entre

    A. Plan de Fano. 1+6x1

    B. Plan à 13 points. 1+6x2

    et donc

    C. Pappus. 1+6x3

    Comme si les principales configurations auto-duales de la GP s'enchâssaient l'une sur l'autre, sur fond de nombre hexagonal centré. « Desargues » faisant exception à cet égard.






    Le 21/02 par Lysandre

     

    Oui, bien sûr, j'avais déjà relié cela à la série des nombres hexagonaux centrés. Cela me paraît la base de tout, du point de vue des développements herméneutiques possibles en tout cas.

     

     

     

    Le 22/02 par Dylan G.

     

    J'ai comme l'impression que les deux sujets qui vous occupent en ce moment : le pentagone, et la configuration de Petersen-Pappus, sont intimement liés l'un à l'autre. Et ceci me ramène au polyèdre de Dürer, dans sa fameuse version "dorée" construite à partir d'un angle de 72°, sur lequel j'ai glané une petite documentation complémentaire, sur le site que Yvo Jacquier a consacré à ce solide (à visiter ici).

    Admis que le polyèdre de Dürer pouvait être vu comme un graphe de Pappus en 3 D, je trouve intéressant que le pentagramme étoilé apparaissent dans cette formulation tridimensionnelle, et décliné harmoniquement sur 3 degrés. Les deux réalités, pentagramme et polyèdre de Dürer, sont intimement entrelacées dans leur structure... au point que ce caillou de Dürer vous a comme un petit air de pierre philosophale.

    Le dossier d'images que j'ai réuni comprend. Figure 1 : Le solide - un rhomboèdre, qui est un cube étiré sur l'une de ses diagonales - dont il faut partir pour obtenir le polyèdre de Dürer par troncature de deux petits tétraèdres aux sommets. La face du rhomboèdre est un losange d'angles 72° et 108°, qui peut être regardé comme une variante du losange "vesica piscis", d'angles 60° et 120°; par où on saisit une certaine continuité dans les idées de Dürer.  Figures 2, 3 et 4 : trois représentations de la structure du même rhomboèdre, dans lesquelles apparaissent 3 différents pentagrammes étoilés, dont les segments de référence ont respectivement pour valeur : Phi, 1, et 1/Phi : ces trois mesures déterminant un maillage continu. Je suppose que ces trois valeurs correspondent à trois échelles successives du triangle d'or de Penrose, mais il est intéressant que ce que l'on connaissait comme un problème de "pavage" se présente ici plutôt comme un problème de "maillage". Et je pense qu'il doit être plus intéressant encore d'envisager cela avec vos méthodes projectives, en terme de coniques, etc.

     

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    PS : Du coup, le "point vert" est le barycentre du solide de Dürer?

     

     

     

    Le 22/02 par Lysandre

     

    100% d'accord avec vous; je n'ai rien à ajouter... sinon qu'il est fort possible qu'une partie au moins du travail ait été fait, mais se trouve actuellement dans des ouvrages inaccessibles, anciens, épuisés, conservés dans de lointaines bibliothèques... parfois on gagne du temps à refaire les choses par soi-même, au lieu de chercher des ouvrages de référence à peu près introuvables, et il en existe tant... c'est une donnée avec laquelle j'ai appris à faire. Mais d'un autre côté, je m'aperçois que même dans les ouvrages de référence, les choses ne sont pas toujours aussi bien "faites" que quand je les fais ; de très bons auteurs présentent parfois des démonstrations boiteuses, selon les critères actuels ou ceux qu'on m'a appris... même chez mon maître, l'immense Buekenhout, j'ai réussi à trouver une démonstration qui ne me satisfait pas, et j'en ai imaginé une plus "projective" si l'on veut, encore que rien ne dit qu'il n'y avait pas pensé lui-même, mais il avait peut-être ses raisons qui m'échappent...

     

    Le "nombre d'or" est un rapport. Mon intention est bien de le "traiter" un jour en termes de birapport, etc. Toujours reconduire le rapport au birapport, comme à ce qui l'engendre, voilà ma règle. C'est vers là que je me dirige, mais je me suis rendu compte qu'il y avait bien des étapes à franchir. Au moins, je commence à voir parfaitement ce que la classe des pentagones dits "réguliers" a de "spécial" au point de vue projectif (cinq rotations identiques, cela n'est pas donné a priori), c'est un bon début, je pense. Lentement mais sûrement...

     

    NB rapport/birapport, la façon "simple" de voir le "rapport" c'est de se dire : deux points A, B sur une droite, un 3e point C quelconque peut toujours être vu comme le "milieu" de AB, selon la position d'un 4e point, conjugué harmonique de C par rapport à AB. Si ce 4e est le "point à l'infini", alors C est le "milieu" de AB. La notion de milieu, de médiane, etc. est donc ainsi ramenée à celle de conjugué harmonique, qui est fondamentale. On voit comment le nombre 4 est producteur d'harmonie.

    Pour faire court, "conjugué harmonique" se traduit par "birapport = -1"

     

     

     

    Le 24/02 par Dylan G.

     

    Au sujet de la configuration de Desargues, je me suis fait une remarque un peu du même genre que celle qui consiste à "voir" dans le solide de Dürer un graphe de Pappus. Dans les deux cas, il s'agit d'interpréter une configuration planaire de la GP en fonction d'une formulation tridimensionnelle particulière.

    On part de cette magnifique représentation du théorème de Desargues construite sur un tétraèdre, due semble-t-il à Burkard Polster, dans laquelle 4 points correspondent aux sommets du tétraèdre, et les 6 autres aux arêtes du même tétraèdre, tenues "par les milieux". On constate que ces 6 points correspondent aux sommets d'un octaèdre inscrit dans le tétraèdre.

     


    Discussion sur le pentagramme et le nombre d'or avec Lysandre

     

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    Toutes ces relations se retrouvent dans un tétraèdre gnomonique de rang 2, composé d'un octaèdre (ci-dessus en blanc, au centre) et de 4 tétraèdres (ici trois gris et un rouge). L'octaèdre possède bien sûr 8 faces triangulaires, dont 4 sont cachées dans la structure du solide, et 4 visibles à la surface, qui correspondent aux quatre cercles de la configuration de Desargues.

    Sous ce regard, on peut m'accorder que le tétraèdre gnomonique de rang 2  est une configuration de Desargues en 3D?

    Je trouve que cette représentation tétraédrique de la configuration de Desargues est aussi la plus pertinente pour coordonner Desargues avec la tétractys. En effet les 4 "points-sommets" du tétraèdre peuvent être assimilés au "trépied" de la tétractys; tandis que les 6 autres points, les points-arêtes, ont un rôle de médiation qui permet, au moins symboliquement, de les associer aux six points de l'hexagone.





    Le 25/02 par Lysandre

     

    C'est "à peu près" ça, sauf que dans la configuration de Desargues en 3D, si 45 est le centre de la perspective, les points 15, 35, 26 respectivement les images des points 14, 34, 24, alors les trois derniers points sont, par exemple, le point x, intersection des droites 15.35 et 14.34.

    Le point 13, donné sur l'image, est le conjugué harmonique de x par rapport à 14 et 34. La donnée de l'un permet de retrouver l'autre. C'est comme si on avait combiné une perspective de Desargues avec une réflexion dans le plan 14, 34, 24, pour remettre tous les points "à l'intérieur" du tétragramme.

    Sinon, l'octaèdre existerait de toute façon, mais il aurait une forme moins "régulière"...

    Cette figure contient donc toute l'"information" nécessaire pour retrouver la configuration de Desargues, mais ce n'est pas exactement ce qu'elle est ; (à moins encore qu'on ne considère les cercles 15, 35, 13 etc. comme des "droites", alors bien sûr...). On a voulu y mettre autre chose en plus, cf. Petersen - Pappus.

    Il faudrait que je trouve le temps d'analyser davantage cette figure.

     

     

     

    Le 25/02 par Dylan G.

     

    Vous écrivez : "... à moins qu'on ne considère les cercles 15, 35, 13 etc. comme des "droites", alors bien sûr..."

    Pour moi, c'était une évidence, sans quoi ce que je vous écrivais n'a pas de sens. La configuration doit impérativement compter 10 points et 10 droites, sans quoi le tétraèdre n'aurait pas de pertinence.

    Le but de ma remarque n'était pas de faire de la géométrie, mais d'établir une correspondance idéelle, entre Desargues et les points de la tétractys, - ce que permet à mon sens cette formulation tétraédrique (via le tétraèdre gnomonique de rang 2).

    Mais je pense que mes explications manquaient de clarté et ça ira sans doute plus facilement avec 3 petits dessins.

     

    Discussion sur le pentagramme et le nombre d'or avec Lysandre

    Figure 2. Dans la tétractys, je nomme "points majeurs" les points ABCD reliés par un trépied, correspondant aux arètes d'un grand tétraèdre vu de haut, et "points mineurs" les points u, v, w, x, y, z  qui parcourent l'hexagone "tournant" sur le même centre que le trépied. Et je constate que rien n'interdit de considérer cet hexagone comme un octaèdre, doté de 4 faces sombres (les droites-cercles de la configuration de Desargues = faces visibles de l'octaèdre, dans notre tétraèdre gnomonique), et de 4 faces claires (les faces cachées de l'octaèdre), que l'on visualise mieux en les nommant. Faces sombres : (uvz), (vwx), (xyz), (uwy). Faces claires :  (uvw), (wxy), (yzu), (vxz). Une fois notre octaèdre défini, on supprime le trépied reliant les points ABCD et on considère ces points comme flottant sur une sphère circonscrite à l'octaèdre. On comprend que ces 4 points doivent être les sommets de 4 petits tétraèdres dont les bases sont les faces "blanches", les faces "négatives" de l'octaèdre. Pour le point A la solution est évidente. Figure 3 : le point A  est le sommet d'un petit tétraèdre dont la base est le triangle clair (zvx). Mais on saisit que la solution est essentiellement  la même pour les trois autres points. En l'occurrence : le point B est le sommet d'un "tétraèdre" dont la base est le triangle clair (uvw), le point C, le sommet d'un tétraèdre dont la base est le triangle clair (wxy) et le point D, le sommet d'un tétraèdre dont la base est le triangle clair (yzu).

    Bien sûr, cette tétractys n'est pas "représentable" en 2 dimensions (ou alors de manière paradoxale) cependant j'estime qu'elle "existe" sur un plan purement idéel. On peut donc coordonner de la sorte les points de la tétractys avec ceux de la configuration de Desargues (Figure 4). Si l'on ajuste le point A au point 45, les 3 autres points majeurs BCD s'ajustent, par exemple, aux points 24, 34 et 14, et les 6 points mineurs, sommets de l'ocatèdre, s'ajustent en conséquence selon la règle : une face sombre de l'octaèdre correspond à une droite-cercle de la configuration de Desargues.



      

    Le 25/02 par Lysandre



    merci pour ces passionnantes réflexions.

     

    J'avais en effet compris que "votre" interprétation du tétraèdre-Desargues supposait de considérer les cercles sur chaque face comme des "droites", mais je remarque juste que cela revient à considérer chaque face comme un plan de Fano ; lequel n'est pas généralisable en trois dimensions, mais comme diagramme 3D de la configuration de Desargues, cela fonctionne tout de même, avec en plus le fait qu'on peut considérer les points 15, 12, 23 comme conjugués harmoniques des points de fuite, de sorte que le théorème s'énonce simplement en disant que les conjugués harmoniques de ces points sont alignés.

    C'est une représentation intéressante, à laquelle je n'aurais certes pas pensé, mais qui vaut d'y réfléchir. Je vous l'accorde volontiers.

    Oui, on pourrait même se demander si, ayant quatre coniques tangentes deux à deux, comme cela, sur les faces d'un tétraèdre, le fait d'exiger l'alignement des conjugués harmoniques équivaut à Desargues... il y a un rapport entre Desargues et les coniques/polarités à la base : supposer un plan arguésien équivaut à peu près à supposer l'existence de polarités/coniques, ce n'est pas trivial à voir mais c'est clair. On peut donc creuser la réflexion longtemps avec cette figure. Je vais sans doute un jour ou l'autre l'inclure dans mon travail, mais si je disposais des articles de Polster et de Coxeter - auxquels se réfère la planche avec les sommets du tétraèdre numérotés - cela m'aiderait.

    Sinon, j'avance avec les pentagones, plus vite que je ne craignais. Ayant extrait les conditions de symétrie - et il est assez beau de voir que tout pentagone ayant deux axes/centres de réflexion en a forcément 5 et est donc "régulier" par rapport à "sa" conique - je m'essaie maintenant à donner des coordonnées à tous les points/droites de la figure, A, B, C, D, E, A', B', C'... etc. Après, ce sera un jeu d'enfant de calculer tous les birapports possibles et imaginables.

    J'ai remarqué, au passage, que, dire qu'un point (X, Y) d'une droite a pour coordonnée X/Y (coordonnée affine) le nombre d'or, équivaut à dire que l'involution (X, Y) --> (X + Y, X - Y) (cette application définit bien une involution de la droite, facile à vérifier) laisse invariante, pour ce point, la "forme quadratique" XY. En effet, cette assertion équivaut à l'équation (X + Y)(X - Y) = XY, ou X^2 - Y^2 - XY = 0, où l'on reconnaît facilement l'équation du nombre d'or.

    Je devrais donc, à un moment, pouvoir exprimer cela en termes d'une involution qui commute avec une forme quadratique, pour un certain ensemble de points.

     

    NB. Mes parents ont l'habitude de mettre des pommes en vrac dans un seau d'eau, pour les laver. Elles se mettent alors à flotter, et adoptent spontanément une disposition très parlante : une au centre, et six autres autour, tangentes deux à deux... le diamètre du seau équivalant juste à trois pommes à peu près. Je m'émerveille à chaque fois de constater à quel point la division hexagonale du "cycle" est naturelle, et le fait qu'on la retrouve partout... Dans mes développements sur la question, le passage où j'explique Petersen et Pappus, les dix-neuf points (et le rapport avec la racine de 361 etc.), je cite cette "expérience", pour bien faire comprendre au lecteur l'absence (ou quasi ?) d'arbitraire dans tout cela... En tout cas, ça me réjouit toujours de voir ces pommes flotter comme ça, alors que personne ne l'a fait exprès : elles "connaissent" spontanément l'empilement maximal de leur plan !

    Sur ce, je retourne à mes pentagones.





    Le 25/02 par Lysandre

     

    Chers amis, eh bien! victoire, je crois que c'est le mot...

    Sur la figure que je vous poste, vous pouvez voir comment le nombre d'or "apparaît" naturellement sur un pentagone ayant deux axes/centres de réflexion :

     

    Discussion sur le pentagramme et le nombre d'or avec Lysandre

    commençons par construire le quadrilatère complet O, I, I', I'' ; pour que le pentagone ait au moins un axe de réflexion (KM, avec pour centre J), nous prendrons le 5e point A sur KM. AI' coupera alors OI en D. Pour que le pentagone ait un 2e axe de réflexion, disons I''D (avec pour centre N), il faut que l'on ait (N L A O) = - 1.

    Dans le repère (O, J, K, I), il en résulte (après quelques calculs très simples que je vous passe) que A aura pour coordonnées (X, Y, 1) avec X/Y = (3 - √5)/2. On en déduit alors, par quelques calculs supplémentaires, que le birapport (N B C A) vaut (1 + √5)/2 en valeur absolue, et si l'on suppose que la droite de l'infini passe par N, alors ce birapport se réduit au rapport AB/BC.

    Vous voyez, c'est aussi simple que ça... deux axes de symétrie, et on a le nombre d'or, comme birapport de quatre points bien choisis.

    Pas besoin de considérations métriques ni rien... nous avons officiellement "réintégré" le dit nombre d'or dans la GP. Ces petites choses illuminent ma journée.

     

    NB. Une précision quand même (rappel au cas où) : le birapport de quatre points P1, P2, P3, P4, bien sûr, se calcule sur la base de leurs coordonnées homogènes selon la formule :

    (P1 P2 P3 P4) = (X3Y1 - X1Y3)(X4Y2 - X2Y4)/(X3Y2 - X2Y3)(X4Y1 - X1Y4)

    on peut aussi utiliser les coordonnées X, Z ou Y, Z à la place de X, Y, du moment qu'aucun des facteurs ne s'annule, car un birapport n'est pas censé valoir 0 ou l'infini (si les quatre points sont distincts). C'est plus élégant écrit à l'aide de déterminants, mais ça va plus vite comme ça... important quand même, car il ne faudrait surtout pas essayer, dans ce contexte, de calculer le birapport comme un rapport de rapports de "longueurs de segments" ou distances entre points, comme dans le plan euclidien... c'est évident quand on a l'habitude, mais il faut penser aux autres aussi...

     



    Le 26/02 par Dylan G.



    Bravo Lysandre, pour ce résultat, comme pour sa présentation très pédagogique! Même si vous le jugez simple, il me paraît d'utilité publique, particulièrement dans les affaires pythagoriciennes.

    La boucle est bouclée, d'une certaine façon. Je trouve que cela mérite une petite coupe de champagne.




     

    Le 26/02 par Raymond B.

     

    Merci, ça fait du bien en effet !

     

     

     

    Le 26/02 par Lysandre

     

    Eh bien, à votre santé ! J'espère que c'est un bon millésime :).







    DECOUVRIR LA GEOMETRIE PROJECTIVE AVEC LYSANDRE :



    BERESHIT

    OU LES PASSIONNANTES AVENTURES

    DU PLAN PROJECTIF ARGUESIEN

     

     

    POUR APPROFONDIR LE THEME DE LA DISCUSSION :

     

    PENTAGONE ET GEOMETRIE PROJECTIVE

    PAR LYSANDRE

     

     

     

     

    Ressources documentaires et crédits images :

    Yvo Jacquier : Etude géométrique du polyèdre de Dürer dans sa gravure Melencolia, chap. 2

    André Charpentier : L'oeuf du monde, pp 19-26

    Harold Scott MacDonald Coxeter : Self-dual configurations and regular graphs, Bulletin of the American Mathematical Society, n°56. 1950, pp 434-435

    Burkard Polster : A Geometrical Picture Book, Springer, 1998.